Interventions sur "génocide"

44 interventions trouvées.

Photo de Ambroise DupontAmbroise Dupont :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cette proposition de loi, qui, nous en sommes témoins, suscite les passions, vise à punir de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui auront contesté l’existence du génocide arménien de 1915 reconnu par la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915, ainsi que nous l’a rappelé M. Hyest. Elle voudrait la compléter, comme nous l’a expliqué, avec passion, notre collègue Serge Lagauche. Au-delà de ces deux textes, j’entends bien les attentes de nos compatriotes d’origine arménienne et je comprends leur émotion à l’évocatio...

Photo de Ambroise DupontAmbroise Dupont :

...’hui. Cela reviendrait en effet à attiser les passions et risquerait d’affaiblir la position particulière de la France. En fin de compte, la proposition de loi desservirait la paix que les pays de la région ont légitimement le droit de connaître. Il serait plus utile, à mon sens, d’encourager les initiatives qui, en Turquie, tendent vers un examen dépassionné du passé pour reconnaître, enfin, le génocide arménien. Mieux vaut favoriser les courageuses initiatives arméno-turques qui sont destinées à permettre l’établissement de relations entre les deux États, dont nous savons qu’elles sont, pour le moment, difficiles. N’oublions pas enfin les difficultés actuelles de la République arménienne : son développement économique passe par son désenclavement et la réouverture de sa frontière avec la Turqu...

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, j’aurais toutes les raisons, intellectuelles, humaines et personnelles, de soutenir le texte de cette proposition de loi présentée par les défenseurs de la communauté arménienne et des descendants des Arméniens massacrés au cours du génocide de 1915, perpétré il y a un siècle de cela, en Orient. Les génocides nous font horreur, les crimes contre l’humanité sont la flétrissure de celle-ci et, depuis un siècle, si le génocide arménien a ouvert tragiquement la voie, celle-ci ne s’est pas refermée : pensons, à la lumière sinistre d’Auschwitz, aux génocides commis plus récemment en Afrique. Par conséquent, il m’est difficile d’expliquer...

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

...aux devoirs de l’historien, c’est-à-dire la bonne foi, l’étude approfondie des sources, la confrontation des documents, bref, la démarche d’un esprit libre et d’une science qui avance ! Ainsi ont jugé le tribunal, puis la cour d’appel, en condamnant ces révisionnistes, et cela était juste ! Par conséquent, si quiconque, sur le territoire de l’Hexagone, se livre à la contestation de la réalité du génocide arménien, les moyens de le faire punir existent, heureusement ! Mais la voie tracée par cette proposition de loi est erronée : non seulement elle blesse la Constitution, non seulement elle fait de nous des juges de l’histoire, ce que d’aucune manière nous ne souhaiterions ni ne pourrions être, mais en plus, elle va à l’encontre d’intérêts que je considère comme sacrés ! C’est pourquoi je ne suiv...

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest, rapporteur :

...et d’expression « ne présentait pas un caractère sérieux dans la mesure où l’incrimination critiquée se réfère à des textes régulièrement introduits en droit interne, définissant de façon claire et précise l’infraction […] dont la répression, dès lors, ne porte pas atteinte aux principes constitutionnels de liberté d’expression et d’opinion ». La situation est évidemment différente s’agissant du génocide arménien de 1915, perpétré bien antérieurement à l’adoption de la convention du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide et dont les auteurs n’ont jamais été jugés, ni par une juridiction internationale ni par une juridiction française. Je rappelle à cet instant que la France était partie prenante au traité de Sèvres, qui a reconnu le génocide arménien, même s’il n...

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest, rapporteur :

...autaire lors de l’élaboration de la décision-cadre du 28 novembre 2008 relative à la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal. L’article 1er de ce texte dispose que « chaque État membre prend les mesures nécessaires pour faire en sorte que […] soient punissables l’apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, tels que définis aux articles 6, 7 et 8 du statut de la Cour pénale internationale, visant un groupe de personnes ou un membre d’un tel groupe défini par référence à la race, la couleur, la religion, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique lorsque le comportement est exercé d’une manière qui risque d’inciter à la violence ou à la haine à l’ég...

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest, rapporteur :

Le Parlement sera prochainement saisi d’un projet de loi de transposition de cette décision-cadre. En l’espèce, aucun discours de nature comparable à celui de l’antisémitisme ne paraît viser aujourd’hui en France nos compatriotes d’origine arménienne : de ce fait, la création d’une incrimination spécifique de contestation de l’existence du génocide de 1915 paraît excéder les restrictions communément admises pour justifier une atteinte à la liberté d’expression. Au vu de l’ensemble de ces éléments et des risques de censure qu’encourrait la présente proposition de loi dans le cas où elle serait adoptée – je remercie M. Badinter d’avoir cité le doyen Vedel –, la commission des lois propose au Sénat de lui opposer l’exception d’irrecevabilité,...

Photo de Bernard PirasBernard Piras :

Or notre pays n’est pas isolé devant cette juste cause : plus de quinze parlements nationaux, le Parlement européen et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ont déjà reconnu l’existence du génocide arménien.

Photo de Bernard PirasBernard Piras :

Je suis néanmoins satisfait d’avoir pu lire que même les sénateurs le plus farouchement opposés à cette proposition de loi reconnaissent désormais l’existence du génocide arménien de 1915.

Photo de Bernard PirasBernard Piras :

...une dimension normative. Autrement dit, l’absence d’outils juridiques dans l’arsenal législatif français empêche le juge de sanctionner le non-respect des termes de cette loi, en vertu du principe de la légalité des incriminations et des peines. Le juge se trouve démuni, d’où le dépôt de la présente proposition de loi. Dès lors que nous estimons tous que les événements de 1915 constituent bien un génocide, aucune raison objective ne peut légitimer le refus de voter celle-ci. À ce jour, contrairement à ce qui a été soutenu en commission des lois au Sénat, notre arsenal juridique ne permet pas de sanctionner les négationnistes du génocide arménien.

Photo de Bernard PirasBernard Piras :

...Cour de cassation a formellement proscrit, par plusieurs arrêts successifs, notamment en 2005, le recours à l’article 1382 du code civil pour limiter la liberté d’expression. Plus encore, le 21 juin 1995, à l’occasion de l’affaire Lewis, le tribunal de grande instance de Paris a révélé ce vide juridique. Il a notamment affirmé que le législateur avait la possibilité de définir le négationnisme du génocide arménien comme une infraction pénale, mais qu’en l’état la juridiction judiciaire n’était pas en mesure de condamner de tels actes négationnistes. Je balaierai d’un revers de main l’argument de l’illégitimité des lois mémorielles. Ceux qui se retranchent derrière ce prétexte pour se taire sont en retard d’une guerre ! Ce débat est dépassé : il n’est pas demandé aujourd’hui au Sénat de qualifier ...

Photo de Bernard PirasBernard Piras :

...t une infraction dans notre pays. S’agissant de la loi Gayssot relative au négationnisme de la Shoah, les jugements prononcés à Nuremberg, aussi instructifs qu’ils aient pu être, n’ont en aucun cas été intégrés dans le bloc de constitutionnalité ; c’est indépendamment de ceux-ci que la loi Gayssot a été élaborée. En fait, il n’existe pas d’incertitude juridique à ce jour quant à la définition du génocide arménien, la loi du 29 janvier 2001 reconnaissant ce dernier et le terme « génocide » renvoyant à une définition de nature internationale et incontestée.

Photo de Bernard PirasBernard Piras :

De surcroît, il existe bien « des décisions de justice, revêtues de l’autorité de la chose jugée, des actes constituant le génocide arménien de 1915 et des personnes responsables de son déclenchement ». En 1919, des cours martiales turques ont jugé des auteurs du génocide et ont prononcé des condamnations à mort, parfois par contumace, parfois exécutées. On peut également évoquer la déclaration alliée du 24 mai 1915 annonçant le jugement des auteurs de « crimes contre l’humanité » à l’égard du peuple arménien, l’article 230...

Photo de Bernard PirasBernard Piras :

Soutenir l’inverse amènerait à conclure qu’il existe une hiérarchie entre les génocides, ce qui serait aussi contestable juridiquement que moralement. En réalité, seule la situation actuelle paraît marquer une rupture d’égalité, à laquelle la présente proposition de loi permettra de remédier. Sur cette question, la jurisprudence est suffisamment précise pour qu’il n’y ait pas d’incertitude sur la portée du terme : c’est ainsi que la loi Gayssot n’a pas empêché les universitaires d...

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest, rapporteur :

Je tiens tout d’abord à rappeler que si de nombreux pays, dont la France, ont reconnu le génocide arménien, généralement par le biais de résolutions, et non de lois, aucune législation ne pénalise la négation ou la contestation de celui-ci. Vous citez la décision d’un juge argentin… Il est vrai que l’Argentine est depuis toujours un modèle en matière de droit !

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto :

S’agissant des faits dramatiques survenus en 1915, la position de la République française est très claire : la loi de 2001 reconnaît l’existence du génocide arménien. La question est donc de savoir comment s’opposer à ceux qui la nient. Tout d’abord, je crois utile de rappeler que le droit ne peut pas tout et qu’il n’est pas une fin en soi. Il faut commencer par expliquer à nos concitoyens, notamment aux plus jeunes, la réalité de ce fait historique, afin qu’elle s’impose comme une évidence, aujourd’hui et dans l’avenir. Voter une loi ne serait donc...

Photo de Jacques BlancJacques Blanc :

... tiens tout d’abord à exprimer toute notre sympathie au président Hyest, qui, malgré des circonstances personnelles difficiles, a tenu à prendre part à ce débat. J’indique d’emblée qu’une très large majorité des membres du groupe UMP voteront la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité qu’il a présentée. Nous avons voté, en 2001, une proposition de loi tendant à la reconnaissance du génocide arménien de 1915. Nous avons procédé par voie législative : c’était alors la seule voie offerte à la représentation nationale pour exprimer sa compassion à l’égard de la communauté arménienne. La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 nous permettrait aujourd’hui de recourir pour cela à un instrument plus adapté : la résolution. La France a accueilli un grand nombre d’Arméniens, qui font h...

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Comment pourrions-nous remettre en cause le travail des historiens, comme certains de nos collègues nous reprochent de le faire, en créant une incrimination pénale pour réprimer la contestation d’un génocide qui a été clairement désigné comme tel par nombre d’entre eux, et non des moindres ? Tout d’abord, n’oublions pas que, dans une déclaration commune, la France, la Grande-Bretagne et la Russie ont pour la première fois, en mai 1915, qualifié de « crime contre l’humanité » les massacres d’Arménie et annoncé que leurs auteurs seraient jugés. Le terme « génocide » sera ensuite repris à Nuremberg. E...

Photo de Gérard CollombGérard Collomb :

Comme chacun l’aura vu, le groupe socialiste n’a pas une position unanime sur la présente proposition de loi. Je constate malgré tout que les esprits progressent, puisque celles et ceux qui se sont opposés à cette proposition de loi se sont tous référés à la reconnaissance du génocide arménien par le Parlement, voilà dix ans. Or, à l’époque, une telle unanimité n’était pas aussi évidente… Je ne doute pas que, dans l’avenir, les faits nous amèneront à prolonger notre réflexion. À mes yeux, le négationnisme n’est pas une opinion. Mes chers collègues, je le sais pour l’avoir trop vécu dans ma ville, au sein même de notre université, où, au nom de la liberté d’expression, au nom ...

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest, rapporteur :

Notre commission est invitée à examiner la proposition de loi tendant à réprimer la contestation de l'existence du génocide arménien de notre collègue Serge Lagauche et trente de ses collègues socialistes. Reprenant à l'identique les termes d'une proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale en octobre 2006, ce texte vise à punir d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende les personnes qui contestent publiquement l'existence du génocide arménien de 1915. Il tend ainsi à compléter la loi du 29 janvier...