32 interventions trouvées.
Le Premier ministre est un magicien. Je le dis sincèrement : bravo, l’artiste ! Depuis quatre mois, il doit ni plus ni moins résoudre la quadrature du cercle : soit les binationaux sont concernés par la déchéance, et il perd une grande partie de sa majorité ; soit on crée des apatrides, et il perd une grande partie de l’opposition. Dans les deux cas, il n’arrive pas à réunir la majorité des trois cinquièmes au Congrès. Personne ne pensait qu’il pourrait s’en sortir et, pourtant, il a réussi. Comme toutes les grandes idées, la solution était en fait si simple qu’on se deman...
...es qu’ils se mettaient hors de notre communauté nationale. Une fois l’émotion passée, il apparaît assurément que la déchéance de la nationalité est tout simplement une fausse bonne idée. Fausse bonne idée, parce que nous avons tous conscience que cette mesure est inefficace : bien entendu, elle ne saurait être dissuasive. Comme l’a rappelé Mme Taubira, les terroristes « ne meurent ni Français ni binationaux, ils meurent en morceaux » ! En l’occurrence, seul un binational franco-belge, terroriste survivant de 2015, aurait pu faire l’objet d’une déchéance de nationalité. Fausse bonne idée aussi, parce que, si cette mesure ne peut être tout au plus qu’un symbole, c’est un symbole qui manque sa cible. En effet, comment notre Constitution peut-elle ainsi rompre la cohésion sociale en créant plusieurs ca...
...éance de la nationalité, qui – il faut tout de même le rappeler – était portée jusqu’à présent par la droite, conduite par M. Nicolas Sarkozy, et surtout par le Front national, a provoqué une fracture profonde dans l’opinion, non seulement à gauche, mais aussi dans l’ensemble des partis politiques. La confusion règne, car le Gouvernement, pour sauver son texte, a abandonné la référence aux seuls binationaux pour proposer une forme de « déchéance pour tous ». Ce semblant de recul n’a pas modifié le débat. Certains analystes considèrent que, si la déchéance concerne l’ensemble des nationaux dans la Constitution, la loi d’application pourra, elle, ne concerner que les binationaux. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point, monsieur le garde des sceaux, sachant que l’avant-projet dont nous disposons pour ...
...ial. Plus l’islam traditionnel, culturel, spirituel est mis en cause – la déchéance de nationalité a été vécue comme une mise en cause de cette nature pour les Français de confession musulmane –, plus les arguments des promoteurs du fondamentalisme prospèrent. Je remercie Jean-Pierre Sueur de s’être élevé ici contre les propos de Jean Louis Masson, grand professionnel de l’amalgame, pour qui les binationaux seraient une cinquième colonne.
Je voudrais expliquer pourquoi je ne voterai ni l’article 2 ni l’amendement de la commission des lois. Pour moi, la bonne solution, c’est la suppression de cet article. Au début n’étaient visés que les binationaux, stigmatisés par M. Masson. Puisqu’il n’est pas là, je ne vais pas développer. Sachez cependant que, parmi les Français de l’étranger, on compte entre 40 % et 60 % de binationaux. Or, c’est notre devoir de le dire, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, ils ont vécu cela comme une remise en cause de leur attachement à la République. Par la suite, ont été ajoutés les mononationaux. Ainsi, tout l...
...e et les Français, parce que nous sommes la République, parce que nous sommes porteurs des valeurs de liberté. Ensuite, parce que la France est une République une et indivisible. Ses citoyens naissent libres et égaux, au moins en droits. C’est pourquoi toute discrimination est inacceptable et toute stigmatisation insupportable. Si l’inscription de la déchéance de nationalité s’adresse aux seuls binationaux, alors elle est discrimination et stigmatisation ; si elle s’adresse à tous les citoyens, alors elle va créer des apatrides, en contradiction avec les accords internationaux. Dans les deux cas, elle est en opposition formelle avec les fondements mêmes de la République. Oui, monsieur le garde des sceaux, quelle que soit la façon dont on est ou dont on devient français, quand on est français, on n’...
...ncipe. Comme l’a dit le Conseil d’État, en indiquant qu’il fallait en passer par une modification de la Constitution si l’on voulait l’étendre, elle revient à retirer un élément constitutif du statut juridique de la personne. Elle conduit donc à une sorte de mise à mort civique de l’individu visé. Conscient du problème, le Gouvernement a souhaité dans un premier temps limiter cette déchéance aux binationaux, ne voulant pas créer d’apatrides. Cependant, les binationaux étaient déjà concernés, en tout cas ceux dont la nationalité avait été accordée par naturalisation ou par un autre mécanisme. Il s’agit donc d’élargir la déchéance aux binationaux de naissance, ce qui change totalement la donne. Pour ceux qui se sont vu attribuer la nationalité française, on peut considérer qu’un contrat a été passé e...
... sans jamais édicter elle-même des mesures punitives ou des sanctions qui l’altèrent. Par ailleurs, dans ce grand moment de confusion idéologique, justement sur l’identité, tout symbole qui accroît cette confusion est contre-productif et n’a de valeur symbolique que dans la manière dont il est investi par ceux qui doivent se rassembler autour. Force est de le constater, pour les cinq millions de binationaux, comme pour tous ceux qui savent que la question a été mise au cœur du débat par la droite et l’extrême droite depuis plusieurs années pour les stigmatiser, la déchéance s’est imposée comme le symbole d’une conception de l’identité qui s’oppose à l’égalité, ce qui n’a rien à voir avec les intentions symboliques républicaines voulues par le Président de la République et le Gouvernement. Il faut ac...
... ne pas souscrire à certaines propositions. Comme beaucoup l’ont dit, la déchéance de nationalité n’aura pas d’effets concrets sur ceux qui sont animés par une folie meurtrière. Je voterai donc les amendements de suppression de l’article 2, qui, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, aurait pour conséquence de rendre applicable la déchéance de nationalité non seulement aux binationaux, mais aussi à ceux qui n’ont qu’une seule nationalité, à condition de voter un texte ultérieur qui créerait de l’apatridie. Je ne souscrirai pas non plus à la rédaction de la commission des lois du Sénat, qui, derechef, supprime très clairement la possibilité d’apatridie, ce qui est différent de ce qui a été voté par l’Assemblée nationale. Autrement dit, je suis en désaccord avec ces deux formu...
Je me demande comment ce débat a pu être ressenti par les cinq millions de binationaux qui sont nos compatriotes. Telle est ma part de vérité.
...éance de nationalité dans notre loi fondamentale, pose, lui, plus de questions. Nous sommes nombreux, peut-être unanimes, à considérer que tout individu portant atteinte à notre pays et à ses citoyens, comme ce fut le cas en novembre dernier, s’exclut de la communauté nationale. Doit-on pour autant invoquer la déchéance de nationalité, au risque, soit d’inquiéter les millions de nos compatriotes binationaux, soit de créer des cas d’apatridie, pourtant interdits par la convention européenne sur la nationalité de 1997 ? Comme le faisait remarquer Patrick Weil lors de son audition par la commission des lois, il est primordial de ne toucher qu’avec prudence aux notions de nationalité et de citoyenneté.
...r, si la mesure est punitive, elle n’est en aucun cas préventive : le fait de déchoir ou de menacer de déchoir une personne de sa nationalité française aura-t-il un impact sur ses intentions terroristes ou sur son caractère belliqueux ? Je n’en suis pas certain. Par ailleurs, malgré les modifications rédactionnelles apportées par l’Assemblée nationale, cet article vise toujours, en pratique, les binationaux, qui vivent comme une stigmatisation cette idée qu’il pourrait y avoir dans notre Constitution deux catégories de Français. Adopter cette mesure, c’est considérer qu’une personne issue de l’immigration ayant une double nationalité peut être traitée différemment devant la loi. Pis, le présupposé d’une telle disposition est que les djihadistes radicalisés en France sont forcément issus de l’immigr...
...re ensemble » – et de principes communs : Liberté, Égalité, Fraternité ! Force est de constater que la déchéance de nationalité ne rassemble pas. Au contraire, elle divise, notamment l’ensemble des forces politiques de notre pays, car elle porte en elle, malgré les travaux de l’Assemblée nationale, l’opposition entre différentes catégories de Françaises et de Français, qu’ils soient nationaux ou binationaux. L’amendement de notre collègue Philippe Bas, président et rapporteur de la commission des lois du Sénat, s’il est adopté, ne laissera aucun doute sur ce point : cette mesure de déchéance de la nationalité stigmatisera, catégorisera et montrera du doigt ! Alors que le contexte devrait inciter, plus que jamais, à l’inclusion des citoyens et des citoyennes, à l’échange, à la promotion des cultures...
...choisi pour le faire, si tant est qu’il existe un bon moment. Cette proposition est symbolique, nous dit-on, et il n’y a rien de scandaleux à retirer à quelqu’un une nationalité qu’il refuse. Certes, sauf que la moindre des choses, pour une grande nation, c’est de ne pas se laver les mains de ses criminels, sauf que nous risquons de moins apprécier si d’autres pays se mettent à nous renvoyer les binationaux qu’ils auront déchu de leur nationalité.
...est un état. Dans une République forte, nous devons assumer la responsabilité de tous les Français, même de ceux qui commettent les crimes les plus horribles, en les sanctionnant le plus lourdement possible et en s’assurant de leur contrôle, nécessité d'ailleurs reconnue par notre président de la commission des lois dans une interview récente. La déchéance pour tous ou la déchéance réservée aux binationaux auront les mêmes effets : principalement, dans les faits, une fragilisation du droit du sol, ce dont pourront se réjouir certains mouvements qui prospèrent de manière malsaine dans notre pays. Je suis donc opposé à la constitutionnalisation de la déchéance de nationalité, et je proposerai, avec plusieurs membres du groupe UDI-UC, la suppression de l’article 2.
...vient dans le cadre d’une procédure de justice à l’issue de laquelle elle doit être prononcée et mise en œuvre par un juge. Lorsqu’il a été décidé d’utiliser la Constitution comme vecteur de la déchéance de nationalité, le Président de la République a commis une lourde erreur. Je veux ajouter que nous proposons évidemment la suppression de la constitutionnalisation, que la déchéance concerne les binationaux ou tous. C’est en effet le même sujet pour tous les Français. Faire une différence reviendrait à faire le lit d’idéologies et de conceptions de la nationalité désastreuses portées par l’extrême droite ou des forces de droite qui se rallient à de telles thèses. Nous entendons d’excellents arguments sur les travées de la droite contre l’apatridie, des arguments que nous partageons. Le refus de l’a...
...ays des droits de l’homme, constatant que tout le monde a compris que la déchéance ne servait à rien, raconte désormais à qui veut l’entendre que c’est un symbole. Mais le symbole de quoi ? Au début, c’était tout simplement le symbole de la division des Français en deux catégories : d’un côté, les Français de souche – car il faut bien appeler les arrière-pensées par leur nom – et, de l’autre, les binationaux, c'est-à-dire à 80 % des descendants d’immigrés musulmans. Les premiers ne pouvaient être déchus, les autres, oui ! Beau symbole de la part d’un Président qui n’avait cessé de marteler au Congrès du 16 novembre : « Unité, unité de la Nation, unité des Français ». Un mois plus tard, il propose un texte de division !
Votre majorité, monsieur le garde des sceaux, a arrêté votre bras, mais, en arrêtant votre bras, elle l’a même coupé ! Aujourd'hui, comme un bateau ivre qui navigue de Charybde en Scylla, vous n’arrivez plus à sortir du dilemme binationaux-apatrides. En 2010, le Premier ministre actuel s’adressait au Président de la République de l’époque, qui souhaitait révéler à lui les motifs pouvant donner lieu à la déchéance de la nationalité. Il lui disait ceci : « Vous avez dans la loi la possibilité de déchoir ceux qui s’attaquent à l’autorité de la Nation. Je crois qu’il faut en rester là. On entre dans un débat nauséabond et absurde où l...
... cette notion dans la Constitution si ce n’est pas nécessaire ? J’avoue que, s’il y avait eu un large consensus, j’aurais peut-être pu oublier l’argument juridique au bénéfice de la recherche du rassemblement et de l’unité nationale. Mais, on l’a vu, tel n’est pas le cas. Loin de rassembler, l’article 2 divise, à gauche comme à droite, et il est perçu comme une stigmatisation par nos concitoyens binationaux. De plus, nos débats depuis deux jours ont bien montré qu’il n’y aurait pas de compromis envisageable entre le texte de l’Assemblée nationale et la proposition de la majorité sénatoriale. Aussi en ai-je conclu que, si nous souhaitons aboutir sur l’article 1er, il faudra en passer par l’abandon de l’article 2, d’où l’amendement de suppression que je propose, en insistant sur la non-nécessité d’in...
...nos institutions. Gardons-nous de prendre le risque de pousser les jeunes dans les bras des recruteurs djihadistes ! Enfin, sur le plan opérationnel, si les autres pays font la même chose, va-t-on se repasser les djihadistes d’un pays à l’autre ? Cela n’a aucun sens ! Dangereuse, parce que cette disposition émet des signaux négatifs de suspicion, de division et de repli. Suspicion à l’égard de binationaux, qui, seuls, pourraient en fait être frappés de déchéance puisque la création d’apatrides n’est pas retenue. Ce texte consacre la séparation des Français en deux catégories : les détenteurs de plusieurs nationalités et les autres. Cette distinction irait à l’encontre même de l’esprit de la Constitution, qui prévoit une République indivisible assurant l’égalité de tous les citoyens devant la loi. ...