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M. Philippe Bas, rapporteur. J’ajoute que le texte adopté par l’Assemblée nationale sur cette seule question comporte une latitude pour le législateur de demain, latitude qui ne laisse pas d’inquiéter les défenseurs des libertés publiques. En effet, au lieu de circonscrire strictement la possibilité pour le législateur du futur d’autoriser des déchéances de nationalité, il l’a étendue comme on n’aurait pas pu imaginer de le faire sans cette révision constitutionnelle. J’y insiste, cette dernière doit nous protéger pour l’avenir et protéger les générations futures, ce qui ne peut passer par des textes qui étendent à l’excès la possibilité pour le législateur de porter atteint à des principes fondamentaux. Je refuse que cette révision constitutionnelle soit la po...
...rises à l’occasion de tous les textes qui nous ont été soumis sur la lutte contre le terrorisme, j’ai souhaité – la commission des lois m’a suivi – qu’il soit fait référence à l’article 66 de la Constitution dans la mise en œuvre de l’état d’urgence. Nous ne pouvons pas déroger aussi à cet article au seul motif que nous élaborons un régime de pouvoirs exceptionnels. S’agissant de la déchéance de nationalité, nous respectons son régime actuel, à savoir la nécessité d’un décret en Conseil d’État pour la prononcer. Qui vous a fait reproche, monsieur le Premier ministre, d’avoir signé des décrets prononçant la déchéance après avis conforme du Conseil d’État ? Qui vous a dit que le Conseil d’État n’avait pas convenablement rempli son rôle en vérifiant que les conditions étaient réunies ? Pourquoi change...
Il est exact que nous n’avons pas inscrit les délits parmi les causes possibles de la déchéance de nationalité, mais je vais vous en donner l’explication, monsieur le Premier ministre. Elle est très simple. Dans la proposition de loi dont nous avons débattu, nous avons décidé que les infractions les plus graves en matière de terrorisme devaient être désormais qualifiées de crimes et donc être assorties de peines de prison beaucoup plus lourdes. Nous ne voulons pas que le législateur du futur s’arroge le ...
C’est la raison pour laquelle nous avons été tout à fait intransigeants sur ce point. Enfin, il nous semble indispensable que la déchéance de nationalité soit prononcée à l’issue d’une condamnation définitive. Tant que les voies de recours ne sont pas épuisées, il ne doit pas être question de prononcer la déchéance de nationalité. Monsieur le Premier ministre, le Sénat se prononcera en toute indépendance, comme vous l’avez vous-même souligné, mais nous n’avions pas besoin de votre autorisation pour cela…
...u plus vite au seul débat qui vaille : comment protéger les Français face aux menaces qui ont frappé notre pays en 2015 ? Comment agir dans le monde pour stopper l’engrenage des guerres qui nourrissent les logiques assassines ? Et stoppons cette machine à broyer nos principes de liberté, d’égalité et de fraternité que constituent la constitutionnalisation de l’état d’urgence et la déchéance de la nationalité ! Souvenons-nous des propos déjà prononcés par Marine Le Pen après les attaques perpétrées par Mohamed Merah : « Combien de Mohamed Merah dans les bateaux, les avions, qui chaque jour arrivent en France remplis d’immigrés ? » ; « Combien de Mohamed Merah parmi les enfants de ces immigrés non assimilés ? » Ici même, mon collègue et ami Jack Ralite lui répondait par ces mots : « La peur s’est ins...
...ttentats de Charlie Hebdo. Vous vous êtes ralliés à ce que vous assuriez refuser. La constitutionnalisation envisagée n’est pas la sécurisation juridique que vous prétendez. Elle consacre le recul des protections judiciaires de nos libertés, comme l’ont noté de nombreux magistrats et spécialistes de notre droit. De ce point de vue, l’évolution des dispositions prévues sur la déchéance de nationalité nous inquiète au plus haut point. Outre leur caractère évidemment totalement inefficace en matière de lutte contre le terrorisme, elles entachent gravement notre loi fondamentale. Alors que les dispositions légales relatives à la nationalité ne figurent pas dans la Constitution et relèvent toutes des articles 17 à 33 du code civil, qui précisent les différentes façons d’accéder à la nationalité ...
...la Nation », l’historien Patrick Weil a donné l’alerte à plusieurs reprises : « Étendre une sanction aussi grave à de simples délits, catégorie la plus vaste de notre droit pénal qui englobe notamment les délits d’opinion, c’est ouvrir la porte à ce qu’un jour, pour des raisons d’opinion politique, syndicale ou de divergence d’idées avec un pouvoir autoritaire, un Français puisse être déchu de sa nationalité. » Quant à la déchéance pour les seuls binationaux, elle est indigne. Elle n’est que le masque d’un discours xénophobe, maniant l’amalgame entre terroriste et musulman. N’oublions pas les paroles de Kateb Yacine : « À force de parler de Mohamed qui fut prophète, on oublie le Mohamed chômeur, le Mohamed sans logement, le Mohamed sans abri, le Mohamed sans travail…
Oui, nous avons bon espoir que cette révision constitutionnelle, qui n’apporte aucune protection ou solution aux habitants et visiteurs de notre pays, soit abandonnée sans délai, car elle n’est digne ni de la France ni de ses valeurs. Pour assurer la sécurité des Français et du monde, les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC pensent qu’il y a une autre alternative que la déchéance de nationalité ou la mise en place de l’état d’urgence dans la Constitution ; ils vous demandent, mes chers collègues, de mettre un terme sans délai à l’examen de ce texte probablement sans avenir.
… puisque nous inscrivons dans la Constitution l’état d’urgence, mais que nous ne changeons rien à son périmètre. Quant à la déchéance de nationalité, sujet auquel je tiens, elle existe déjà dans notre droit, mais elle est limitée aux seuls Français qui ont acquis pendant leur vie la nationalité française : il s’agit de l’étendre, extension qu’a soutenue la commission des lois. On aurait pu songer à l’étendre autrement, …
...ssaire d’inscrire l’état d’urgence dans notre Constitution, car, comme nous venons d’en faire l’expérience, nos lois nous ont permis de prendre sans difficulté les mesures indispensables face à la situation dramatique que nous venons de subir. Rien dans ce qui nous est proposé aujourd’hui ne renforcera nos capacités à combattre le terrorisme. Il est tout autant inutile d’inscrire la déchéance de nationalité dans notre Constitution, car chacun reconnaît que cette mesure, qui n’est nullement dissuasive, sera totalement inefficace. De plus, par-delà leur inutilité, ces deux modifications constitutionnelles sont également dangereuses pour notre République. L’inscription de l’état d’urgence laisse penser que notre État de droit serait un frein à notre combat contre le terrorisme, alors que, au contrair...
...osition qui a été exprimée tout à l’heure. Face à un danger grave, qu’est-on en droit d’attendre d’un gouvernement démocratique ? Eh bien, qu’il prenne des mesures efficaces pour faire cesser le péril en réduisant au strict minimum, dans le temps comme en intensité, les mesures réduisant les libertés publiques et privées. La constitutionnalisation de l’état d’urgence et celle de la déchéance de nationalité, telle qu’elle nous revient de l’Assemblée nationale, est-elle de ce type ? Ma réponse est clairement non ! Non, parce qu’elle n’ajoute aucune arme nouvelle significativement plus efficace à l’arsenal dont nous disposons déjà pour lutter contre le terrorisme. J’en viens à l’état d’urgence, qui a été proclamé, puis prorogé par deux fois. Le ministre de l’intérieur ici présent nous a expliqué à pl...
...ous vous en servez tous les jours : c’est la loi de 1955, modifiée en novembre dernier. Le Conseil constitutionnel a indiqué que les principales mesures mises en œuvre dans le cadre de l’état d’urgence – les perquisitions ou les assignations à résidence – n’étaient pas contraires à la Constitution. Nous avons donc un instrument législatif efficace. S’agissant de la perte ou de la déchéance de la nationalité, les articles 23-7 et 25 du code civil vous donnent les moyens d’agir. Vous nous avez rappelé, monsieur le Premier ministre, que vous-même et le ministre de l’intérieur aviez pris, à plusieurs reprises, des décrets après avis conforme du Conseil d’État pour prononcer des déchéances de nationalité. Nous avons donc là aussi les outils législatifs. Mes chers collègues, ne sommes-nous que des législ...
...notre réponse aux terroristes. Oui, on combat le terrorisme, mais avec les armes de la démocratie et pas n’importe comment. Tel est le sens profond, selon moi, de la révision constitutionnelle. Il s’agit non pas d’inscrire dans la Constitution la loi, ce qui n’aurait pas de sens, mais de déterminer nos valeurs, les règles dans le cadre desquelles on combattra le terrorisme. Pour ce qui est de la nationalité, la question paraît plus complexe, mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas, surtout si chacun va au bout de sa vérité. Quels problèmes sont posés par la déchéance ou la perte de nationalité ? J’emploie ces deux termes, car, dans un certain nombre d’arrêts, le Conseil d’État a indiqué que les deux notions revenaient au même.
On peut tout à fait ne pas en convenir, monsieur le garde des sceaux, dans la mesure où chacune est détaillée dans une section spécifique du code civil, sections que je connais assez bien. En fait, deux grands problèmes se posent : la relation entre les personnes et l’État, puis la relation entre l’État et les personnes. La nationalité se trouve au croisement du droit public et du droit privé, des questions personnelles et du rôle souverain de l’État. Pour ce qui concerne l’apatridie et sa prévention – c’est sur ce point que je fonderai mes positions –, nos textes ne comportent peut-être pas un principe général, mais il existe un usage républicain constant. Ainsi, aux termes de l’article 23-7 du code civil, une personne qui se...
Nous nous souvenons tous de cette phrase : « Français de toute condition, de toute classe et de tout parti, retenez bien une chose, vous n’avez sur cette terre qu’un ami sûr, c’est la France. » Voilà le sens de la nationalité ! C’est pourquoi on ne peut ôter la nationalité par une décision prise, après la condamnation, lors d’une audience supplémentaire d’une cour d’assises spéciale. Non, c’est bien le Premier ministre, par décret pris après avis conforme du Conseil d’État, qui doit prendre cette décision : il s’agit en effet d’une position forte et essentielle. Pas d’apatridie ! Hannah Arendt expliquait que l’apat...
...ence sociale et la violence économique sont là. Les puissants ont besoin de garder les mêmes pouvoirs. Faciliter la mise en œuvre de l’état d’urgence, voire rendre celui-ci permanent, répond à cette exigence. Nous légiférons non pas pour les semaines à venir, mais pour des décennies. Méditez ce point avant de voter l’article 1er. L’autre enjeu, c’est la constitutionnalisation de la déchéance de nationalité. Monsieur le Premier ministre, cette proposition, qui a pris au dépourvu tous les parlementaires réunis en Congrès le 16 novembre dernier, à commencer par vos propres amis, ainsi que vos propres ministres, a occupé le débat politique durant des semaines pour aboutir à une confusion totale qui préfigure, je l’espère, sa disparition pure et simple. L’annonce de François Hollande plaçait la nationa...
... ; c’est leur libre choix. Un amendement, soutenu par une trentaine de mes collègues, vise ainsi à supprimer cet article. Dans tous les groupes politiques, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, les positions ne sont pas unanimes, mais, sur de tels sujets, il faut tenter de se rassembler. Je le dis : je suis favorable au fait que des terroristes condamnés soient sanctionnés par une déchéance de nationalité. Nous sommes nombreux à soutenir la volonté du Président de la République : on peut acquérir une nationalité, mais aussi la perdre lorsque l’on se retourne contre sa Nation. Pour être adoptée, une réforme constitutionnelle appelle une majorité non partisane. Il faut obtenir les trois cinquièmes des votes du Parlement, c'est-à-dire, au Sénat, ceux du groupe socialiste et républicain, du groupe L...
...’efficacité et les garanties de la procédure pénale. Associé à l’article 2, l’article relatif à l’état d’urgence contribue à plomber un peu plus un climat social déjà délétère, loin de cette « unité nationale » qu’il est peut-être sage de souhaiter, facile de proclamer, mais beaucoup plus difficile de réaliser. Qui peut croire que l’article 2, qui constitutionnalise la menace d’une déchéance de nationalité, va nous protéger de terroristes qui n’ont que faire de leur nationalité et de leur passeport ? Dois-je rappeler le clivage qu’a créé cet article aussi bien à droite qu’à gauche ? Cet article a provoqué un tel clivage parce qu’il ne s’agit plus en l’espèce d’opinions partisanes. L’enjeu est d’une autre nature : il s’agit d’une atteinte aux valeurs cardinales de notre République. Il me semble qu...
Comme le résume très bien l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, en constitutionnalisant la déchéance de nationalité, « ce sont les fondements mêmes du pacte républicain qui se voient remis en cause, alors que, non sans paradoxe, cette remise en cause est l’un des objectifs poursuivis pas les auteurs d’actes de terrorisme ». Exécutif, législateurs, acteurs de la société civile, il nous incombe aujourd’hui, en mémoire des victimes, de ne pas céder à la facilité ni à un douteux confort intellectuel. L’inflation ...
... nécessaires ? L’inscription de l’état d’urgence dans la Constitution est-elle nécessaire ? La pratique nous fait la démonstration du contraire. Le Parlement, aujourd'hui, apprécie, dégage les moyens. Pour ma part, je ne voterai pas cette inscription, convaincu que cet ajout comporte plus d’inconvénients que d’avantages, et que la Constitution, dans la durée, a fait ses preuves. La déchéance de nationalité est déjà possible à l’heure actuelle. Je partage la volonté de la commission des lois de ne pas créer d’apatride, mais ce texte n’apporte rien de nouveau. Je ne le voterai donc pas. Est-il susceptible de freiner un tant soit peu le terrorisme ? Si le sujet n’était pas si grave, cela ferait sourire. Évidemment, cela ne servira à rien et, au contraire, cela nous éloigne des vrais sujets qui pourra...