Commission d'enquête Compensation des atteintes à la biodiversité

Réunion du 8 février 2017 à 14h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • SRADDET
  • a65
  • aquitaine
  • biodiversité
  • nouvelle-aquitaine

La réunion

Source

La réunion est ouverte à 14 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Mes chers collègues, nous poursuivons aujourd'hui les auditions de notre commission d'enquête sur les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d'infrastructures.

Notre commission travaille sur les conditions de définition, de mise en oeuvre et d'évaluation des mesures de compensation de quatre projets spécifiques : l'autoroute A65, la LGV Tours-Bordeaux, l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, ainsi que la réserve d'actifs naturels de Cossure en plaine de la Crau.

Notre première audition de l'après-midi est consacrée aux deux projets de l'A65 et de la LGV Tours-Bordeaux puisque nous recevons un représentant du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, M. Renaud Lagrave, vice-président chargé des infrastructures, des transports et de la mobilité. Il remplace M. Alain Rousset, président du conseil régional, qui nous avait été annoncé dans un premier temps.

À travers ces deux cas spécifiques de l'A65 et de la LGV, je rappelle que nous cherchons à appréhender les enjeux plus généraux de l'efficacité et surtout de l'effectivité du système de mesures compensatoires français.

La commission d'enquête a souhaité que notre réunion d'aujourd'hui soit ouverte au public et à la presse. Elle fait l'objet d'une captation vidéo, et est retransmise en direct sur le site internet du Sénat. Un compte rendu en sera publié.

Monsieur, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, je vais vous demander de prêter serment.

Je rappelle que tout faux témoignage devant la commission d'enquête et toute subornation de témoin serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Renaud Lagrave prête serment.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

À la suite de vos propos introductifs, mon collègue Ronan Dantec, rapporteur de la commission d'enquête, vous posera un certain nombre de questions. Puis les membres de la commission d'enquête vous solliciteront à leur tour.

Pouvez-vous nous indiquer à titre liminaire les liens d'intérêts que vous pourriez avoir avec les autres projets concernés par notre commission d'enquête ?

Debut de section - Permalien
Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

Je ne possède pas de lien d'intérêt avec les projets évoqués.

Je vous prie de bien vouloir excuser Monsieur le président Alain Rousset qui m'a demandé de bien vouloir représenter l'exécutif de notre collectivité en tant que vice-président de la région Nouvelle-Aquitaine en charge des infrastructures. Au titre de mon mandat de conseiller régional je suis par ailleurs président du Parc naturel régional des Landes de Gascogne et président du groupement d'intérêt public (GIP) Littoral aquitain. Je suis également conseiller municipal de Mont-de-Marsan et vice-président du Conservatoire du littoral.

À travers les réponses aux questions transmises, je vais tenter de présenter le point de vue de la région de Nouvelle-Aquitaine sur les deux dossiers de l'autoroute A65 et la LGV Tours-Bordeaux. Ils sont, en effet, déterminants pour la structuration de l'ancienne région Aquitaine et, a fortiori, de la nouvelle région. Il apparait néanmoins que la plupart des travaux que nous avons menés récemment ne prend en compte que l'ancien périmètre de la région et que les exemples que je fournirai dans mes réponses la concerneront donc principalement.

Nous sommes attachés à ces deux infrastructures. Les deux projets ont d'ailleurs été défendus par le président Alain Rousset, mais également par tous les exécutifs de la région Aquitaine depuis 1998. J'ai, à titre personnel, la chance d'emprunter quasi-quotidiennement l'A65 pour me rendre à Bordeaux depuis Mont-de-Marsan. Je suppose que le travail de cette commission d'enquête a pour objet, au travers des infrastructures qu'elle étudie, de se projeter dans l'avenir. Cela tombe bien car nous avons des propositions à formuler. Nous pensons, en effet, qu'un certain nombre d'outils qui ont été mis en place en Aquitaine seront peut-être utiles ailleurs s'ils sont transposés dans tout vecteur propre à faire avancer ces questions.

Vous souhaitez tout d'abord savoir si les collectivités territoriales ont, dans leur ensemble, une bonne connaissance de ce qu'est le principe de la compensation des atteintes à la biodiversité, notamment depuis la loi du 8 août dernier pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ?

Une grande majorité de collectivités a, avant toute chose, compris qu'une concertation devait être préalable à la compensation. Ce principe a guidé notre action depuis plus de vingt ans. Nous avons en permanence gardé en tête l'idée d'obtenir l'infrastructure, certes, mais avons aussi cherché à nous projeter dans l'avenir. Les collectivités se sont emparées des outils créés par le législateur, comme les trames vertes et bleues depuis 1998 ou l'ensemble des schémas mis en oeuvre à l'échelle de la région depuis 2007, qu'il s'agisse par exemple des schémas énergie ou des schémas éoliens. Je fais ici également référence aux nouvelles compétences qui nous ont été confiées par la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) de 2014 ou, plus récemment, par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

Nous avons, depuis lors, tenté d'assumer le rôle de chef de file de la région en matière de biodiversité, tel qu'il est désormais prévu par la loi. Les investissements en lien avec ce statut sont aujourd'hui palpables dans les comptes administratifs des régions, notamment ceux de Nouvelle-Aquitaine pour laquelle cela représente 650 millions d'euros par an. Il convient d'ajouter à cela la gestion des fonds européens dont beaucoup sont en lien avec la biodiversité.

L'Aquitaine n'a pas attendu ces lois pour mettre en oeuvre un certain nombre de projets. L'exécutif de notre région mène, depuis quelques années, une politique particulièrement volontariste en matière de transition énergétique, de transition écologique et de maintien du patrimoine naturel au travers d'outils qui peuvent être au service de la compensation. Ces outils résultent notamment d'une prise de conscience de certains élus. La région Aquitaine a bénéficié du seul rapport d'échelle régionale portant sur le changement climatique porté par Hervé Le Treut dans le cadre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

Notre région compte également cinq parcs naturels régionaux, deux sont en création, ainsi que deux parcs naturels marins, qui sont aujourd'hui des territoires d'expérimentation. Je considère que la question du littoral est centrale. Comme indiqué précédemment, je suis d'ailleurs président du GIP Littoral aquitain, organisme unique en France qui, quarante ans après la mission interministérielle pour l'aménagement de la côte aquitaine (MIACA), participe activement à l'aménagement, à la protection et à la gestion des risques liés à l'accroissement démographique, avec l'ensemble des acteurs concernés. Notre région est en effet une des premières en matière d'attractivité démographique, notamment sur son littoral. Voici encore la preuve que les réflexions que nous menons autour des infrastructures que nous jugeons nécessaires se font dans une logique d'anticipation qui prend aussi en compte les enjeux de biodiversité. En ce sens, nous avons annoncé la semaine dernière la création d'un « GIEC biodiversité » en Nouvelle-Aquitaine, qui réunit un certain nombre de scientifiques.

La prise en compte des sujets de la biodiversité et de l'environnement est donc acquise dans notre région. Le parc naturel régional des Landes de Gascogne me donne l'occasion de travailler avec des élus de petites communes qui n'ont pas forcément le même niveau de connaissance en la matière que les élus des autres échelons de collectivités. Cela montre qu'un large travail de pédagogie reste encore à mener. Il a été entrepris avec l'ensemble des outils que sont le GIP, les parcs et l'Agence française pour la biodiversité.

Votre deuxième question porte sur les rapports entretenus par notre région avec l'administration déconcentrée de l'État au sujet des mesures d'évitement, de réduction et de compensation mises en oeuvre sur notre territoire, notamment en ce qui concerne l'autoroute A65 et la ligne grande vitesse entre Tours et Bordeaux.

La région a davantage été un spectateur qu'acteur en ce qui concerne le projet de l'A65. L'investissement nécessaire était d'origine privée et nous avons seulement été ponctuellement invités à participer à un certain nombre de comités de pilotage sans toutefois être directement concernés.

La situation est différente pour la LGV Tours-Bordeaux. Parmi les cinquante-quatre collectivités qui ont concouru au financement de cette ligne, la région Aquitaine a contribué à hauteur de 330 millions d'euros. Nous avons veillé, au sein des comités de pilotage, dont le dernier en date s'est tenu récemment, à ce que les engagements pris par le concessionnaire soient tenus. Il me semble, à ce titre, que les choses sont faites ou en voie de l'être.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine a donc été très peu associé sur le projet de l'A65 ? Maire de Mont-de-Marsan, je suppose qu'il s'agit d'un dossier que vous connaissez bien.

Debut de section - Permalien
Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

Bien que de Mont-de-Marsan, je ne siégeais pas dans les comités de pilotage de l'A65 ! Je ne suis, en outre, élu que depuis 2010 et cela ne fait qu'une année que je suis en charge du suivi des infrastructures. Je peux en revanche vous indiquer qu'en ce qui concerne les comités de pilotage de l'A65, nous étions invités à participer à un certain nombre de réunions techniques. Notre implication n'était donc en rien comparable à ce qu'elle a été pour la LGV.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Cette question est motivée par le fait qu'il semblerait qu'une aire de l'autoroute A65 ait pris place à Captieux sur un site accueillant un papillon endémique protégé. Il semble donc que la pression des élus locaux pour disposer de cette aire de services ait été prise en compte au détriment de la protection de la biodiversité. Comment la région s'est-elle positionnée sur ce point précis ?

Debut de section - Permalien
Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

Je ne connais pas ce point précis du dossier. Si des positions ont été prises, je peux, sans mettre en doute votre constat, vous indiquer que l'aire de Captieux a une utilité réellement avérée. Je sais que des cas similaires se sont présentés sur d'autres territoires, comme à Bostens, près de Mont-de-Marsan. Des mesures ont été prises et des études nous montrent aujourd'hui que des espèces sont finalement revenues après six années d'existence de l'A65.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Malgré l'utilité de cette aire, son existence induit des coûts de compensation beaucoup plus importants que si elle avait été déplacée de quelques kilomètres.

Debut de section - Permalien
Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

Son emplacement actuel revêt un caractère véritablement stratégique. Les élus locaux vous le diraient. Y sont liés des enjeux d'emplois, d'infrastructures et de transport. Cette aire est, par exemple, tournée vers Toulouse.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

L'emplacement de cette aire fait néanmoins débat et montre que les enjeux de biodiversité ne passent pas en premier dans les priorités attachées au projet. Pourrez-vous nous indiquer ultérieurement si la région soutenait la solution de l'emplacement actuel ou si elle était plutôt favorable à une alternative ?

Debut de section - Permalien
Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

Oui, je retrouverai la position de la région à ce sujet. J'en viens à votre troisième question : « Quelles spécificités de traitement administratif touchent les projets à cheval sur plusieurs régions ? ».

Je précise, à ce titre, qu'aucune difficulté particulière n'a été rencontrée en ce qui concerne les dossiers évoqués, même si les régions que regroupe aujourd'hui la Nouvelle-Aquitaine n'avaient in fine pas le même point de vue sur ces deux infrastructures. L'État a véritablement joué son rôle à travers les préfets coordonnateurs. Des dossiers plus récents dans le cadre de contrats de plan État-Région nous montrent que les préfets coordonnateurs sont indispensables à la coopération interrégionale, même avec les très grandes régions actuelles. La question est différente quand cinquante-quatre collectivités sont liées à un même projet d'infrastructure. Il serait, à l'avenir, nécessaire de ne plus avoir recours à ce type de montage ingouvernable et ingérable comme on le voit encore aujourd'hui.

Vous souhaitez ensuite savoir si d'après moi les différentes mesures de compensation prises en Nouvelle-Aquitaine sont étudiées au cas par cas ou répondent, au contraire, à une stratégie globale qui les rend cohérentes à l'échelle de la région et si des schémas de cohérence ad hoc devraient-ils être mis en place.

Comme indiqué en introduction, les anciennes régions Aquitaine et Poitou-Charentes avaient travaillé sur un certain nombre de schémas dont des schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE). Nous avons aujourd'hui la nécessité de lancer le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) qui va regrouper les anciens et les nouveaux schémas régionaux. Nous souhaitons faire de ce nouveau schéma un moyen d'anticipation aux côtés des territoires visés par les infrastructures de demain. Ce SRADDET va néanmoins s'appuyer sur certains outils déjà existants comme les chartes de de nos parcs naturels, ou le plan de développement durable du littoral aquitain qui a été adopté il y a 7 ans. Nous allons également nous appuyer sur certains de nos territoires qui possèdent des schémas de cohérence territoriale (SCoT) ou des chartes lorsqu'ils sont organisés en pays. Nous possédons, en outre, beaucoup de territoires de mobilité qui vont nous permettre de travailler sur un certain nombre de volets puisque certains d'entre eux ont été labélisés « territoire à énergie positive pour la croissance verte » (TEPCV) ou par l'intermédiaire d'agendas 21. Si les deux années dont nous disposons paraissent courtes, il faudra néanmoins parvenir à intégrer ces données dans le SRADDET.

Une « DATAR » régionale a été créée en Nouvelle-Aquitaine pour apporter un appui à certains territoires en manque d'ingénierie dans certains domaines, notamment ceux que nous évoquons aujourd'hui.

Je pense que le SRADDET est un outil qui va nous permettre de travailler avec les territoires, avec les élus, avec le monde associatif ainsi que l'ensemble des acteurs qui souhaitent façonner notre nouvelle région. Cette région connait une démographie particulièrement dynamique depuis un certain nombre d'années. Cet accroissement de population équivaut à la création d'une nouvelle ville de 10 000 habitants par an. On observe une forte littoralisation de ces habitants sur la façade Atlantique. Une grande partie de ces nouveaux habitants vient travailler dans notre région et seule une partie plus faible y vient prendre sa retraite.

Le SRADDET sera également mis à contribution pour l'anticipation des risques littoraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Nous aimerions comprendre comment il serait possible de lier les éventuels besoins de compensation et le SRADDET ou la trame verte et bleue. Est-ce que vos travaux sur le SRADDET vous ont amené à identifier des enjeux locaux spécifiques liés à la compensation ? Disposez-vous d'une méthode ou d'exemples précis ?

Debut de section - Permalien
Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

Le sujet qui apparaît à travers celui du SRADDET ou de nos débats actuels est celui du foncier. Qu'il s'agisse de foncier destiné à l'agriculture, au logement, ou aux activités économiques. Nous bâtissons une stratégie à ce sujet. Dans l'hypothèse où nous devrions construire deux nouveaux lycées pour répondre à une demande locale, il faudra prévoir du foncier pour leur construction mais également pour la compensation qui sera rendue nécessaire.

Je suis favorable à ce que la ligne Tours-Bordeaux soit prolongée jusqu'à la frontière espagnole afin de constituer un véritable axe Atlantique d'échelle européenne. Sa construction entrainera la mise en oeuvre de mesures de compensation. Il s'agit d'une évidence.

Le SRADDET doit prendre en compte l'ensemble des paramètres pour dire ce que l'on construit et où on le construit au regard des enjeux démographiques déjà évoqués et des infrastructures de transport, d'éducation ou des lieux culturels qui seront nécessaires demain. À Luxey, dans les Landes, des pins ont été plantés pour compenser la construction d'une salle culturelle.

Au lendemain de la tempête Klaus, le président Alain Rousset s'est engagé à ce que les dégâts causés à la forêt des Landes donnent lieu à ce qu'elle soit replantée à l'identique, coupant court aux aspirations de certains qui auraient souhaité changer la destination de ces surfaces.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Un surcout de 10 à 15% pour des infrastructures jugées nécessaires vous semble-t-il raisonnable afin de financer les mesures en faveur de la biodiversité ? Les projets qui nous intéressent en Nouvelle-Aquitaine semblent faire état de sommes bien moindres.

Debut de section - Permalien
Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

À partir du moment où existe la volonté de réaliser des infrastructures, il faut évidemment compenser. Nous menons des politiques volontaristes et ne reculons pas lorsqu'il est nécessaire de mettre en oeuvre les mesures de compensation induites par les infrastructures que nous souhaitons. Dans les domaines que nous maîtrisons, nous avons toujours fait ainsi, quel que soit le dossier. Aquitaine Carbone créée il y a plusieurs années et qui vise, entre autres, la reforestation, est encore une preuve de ce volontarisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Le législateur a aujourd'hui rendu obligatoire l'absence de perte nette de biodiversité ainsi que l'obligation de résultat sur les mesures de compensation. Les coûts supportés par un concessionnaire pour répondre à ces obligations vont in fine être supportés par l'État et les collectivités locales du fait de l'impact à la baisse que le concessionnaire subira sur son taux de retour sur investissement. Êtes-vous donc prêt à accepter de supporter un surcoût de 50 à 100 millions d'euros pour une infrastructure importante, dans le contexte actuel de raréfaction des deniers publics ? Allez-vous compenser a minima par mesure d'économie voire chercher à éviter la réalisation de certains projets ? L'obligation est relativement nouvelle et les sommes en jeu loin d'être négligeables. La ligne ferroviaire actuelle pour aller à Mont-de-Marsan n'est-elle pas, par exemple, suffisante ?

Debut de section - Permalien
Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

La question du prix des infrastructures est plus large que celle des seuls coûts affectés aux mesures environnementales. Une étude d'opportunité qui prendrait en compte le coût d'une infrastructure comme critère majeur disqualifierait assurément l'ensemble des projets qui lui seraient soumis ! Si on avait commencé par analyser le prix de la LGV Tours-Bordeaux, elle n'existerait pas au 2 juillet prochain ! L'utilité de l'infrastructure et non son coût doit être regardée en premier lieu. Je considère, à ce titre, que l'A65 a une utilité structurante pour notre région.

En ce qui concerne le financement de projets d'infrastructures, la région Nouvelle-Aquitaine avait répondu favorablement à la création de l'écotaxe. Nous sommes, en outre, favorables à l'expérimentation d'une vignette « transport ». Il me semble difficile de proposer plus.

Nous avons signé pour 750 millions d'euros de travaux dans le cadre des contrats de plan État-région pour le ferroviaire en Nouvelle-Aquitaine. Cette somme est de 2,5 milliards d'euros en ce qui concerne le dernier mandat au conseil régional de l'ancienne région Aquitaine. La ligne Tours-Bordeaux représente 330 millions d'euros d'investissement de notre région. Lorsque des opérateurs viennent nous voir pour nous annoncer la fermeture de lignes faute de moyens, la question du financement des infrastructures ferroviaires et routières se pose de manière concrète. Certains choisissent de substituer des bus à ces lignes. Nous refusons de le faire et nous battons pour trouver des financements à destination des infrastructures ferroviaires car nous considérons qu'elles sont plus respectueuses de l'environnement. Nos lignes existantes ont parfois plus de cent ans sans que des travaux de fond ne soient intervenus depuis leur ouverture.

Nous reconnaissons cependant ne pas avoir les moyens que notre politique nécessite et réclamons des financements afin d'assurer notamment la jonction LGV vers l'Espagne. Ces financements nécessitent la création d'une écotaxe, mais également des financements européens pour lesquels un dossier à récemment été déposé à la Commission européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Vous répondez donc que vous êtes prêts à assumer sans trop de difficultés les surcoûts environnementaux attachés aux projets d'infrastructures malgré l'importance des sommes engagées ?

Debut de section - Permalien
Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

Nous l'avons déjà assumé lorsqu'il s'est agi de faire un certain nombre de travaux avec des collectivités locales. Le site des Neuf fontaines de Bostens que j'évoquais en est l'exemple. Hors contributions « 1% », la région et le département ont contribué à hauteur de quelques dizaines de milliers d'euros en ce sens. Il est important que l'évitement soit un préalable. Je souhaite d'ailleurs que le futur tracé du grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) au sud de Bordeaux évite un maximum de difficultés liées à la biodiversité.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Il est ressorti de nos auditions précédentes que des associations n'avaient pas les moyens nécessaires de suivre des comités de suivi réguliers. Pensez-vous que les associations locales sont en mesure d'effectuer un tel suivi ? En tant que chef de file en matière de biodiversité, la région pourrait-elle soutenir ces associations afin qu'elles jouent ce rôle ?

Debut de section - Permalien
Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

Il me semble que les agences régionales pour la biodiversité sont là pour cela. Nous en avons créé une en Aquitaine dans ce but. Elle est également présente pour épauler les élus locaux qui sont confrontés à l'ensemble de ces questions sans être forcément formés ou sensibilisés en amont, à l'échelle de leurs territoires et notamment en milieu rural. Ces connaissances sont importantes pour apprécier les arguments techniques formulés par les techniciens spécialistes. D'autres outils tels que notre GIP ou les parcs naturels régionaux, jouent aussi ce rôle.

Cette remarque me conduit à votre sixième question : « L'article 163-1 du code de l'environnement précise désormais que les opérateurs de compensation peuvent être des personnes publiques. Pensez-vous que l'exemple du département des Yvelines sera suivi par des régions qui souhaiteraient se doter d'un opérateur de compensation des atteintes à la biodiversité ? ».

Je pense que nous possédons un certain nombre d'outils qui nous permettent de mettre en oeuvre des mesures de compensation. Nous avons des projets de réserves naturelles dont les dossiers sont en cours de traitement. Il conviendra donc d'en tenir compte afin d'améliorer la gestion du foncier. Le mitage largement visible à l'échelle de notre massif forestier est une question également importante. Je citerai aussi la réalisation d'atlas de la biodiversité qui ont été réalisés dans notre région et qui nous semblent répondre à des enjeux majeurs.

Tous ces outils sont nécessaires pour assumer le rôle de chef de file de notre région en matière de biodiversité. Le SRADDET est une chance pour définir les objectifs de notre territoire, la manière de les atteindre ainsi que les moyens que nous sommes prêts à engager en conséquence, notamment pour compenser.

Il est important de ne pas attendre les infrastructures pour commencer à compenser. La maîtrise du foncier est aussi stratégique. Il pourrait être intéressant qu'un établissement public acquière du foncier au fur et à mesure des opportunités qui se présentent et le mette en réserve afin de le soustraire à d'autres destinations immédiates. Ces réserves à destination de la compensation pourraient être planifiées en fonction de paramètres permettant d'anticiper les infrastructures elles-mêmes, comme la démographie pour les lycées, par exemple. Je suis persuadé que cette anticipation est possible et il conviendrait de l'intégrer au SRADDET.

Je pense ici avoir répondu à la septième question qui était : « Pensez-vous que le développement des mesures de compensation permet utilement et concrètement à votre région de concilier ses besoins d'infrastructures avec la nécessité de préserver son environnement ? ».

Au sujet des infrastructures, je précise que nos infrastructures en littoral sont extrêmement vieillissantes puisque datant de la MIACA précédemment évoquée. Nous souhaitons aujourd'hui réimaginer nos stations en tenant compte de leur aménagement durable et de la biodiversité.

Enfin, la huitième question était la suivante : « Quelles sont d'après vous les limites du cadre juridique de la séquence « éviter, réduire, compenser » ? La loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages vous semble-t-elle l'avoir amélioré ? Avez-vous des propositions juridiques ou pratiques pour le faire encore évoluer ? ».

Notre réponse passe par le choix que nous avons fait d'une agence régionale de la biodiversité. Il faut aussi donner la possibilité aux services déconcentrés de l'État ou à la région d'expliquer ce qui ne se fait pas. Je veux ici évoquer l'absence de destruction de certaines constructions illégales sur notre littoral en bord de mer, par exemple. Si, dans le cas que je vise, le jugement n'a pas conduit à la démolition, je pense néanmoins que l'État aurait dû poursuivre la personne à l'origine de cette construction illégale. Nous avons besoin de garde-fous pour protéger l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Quelles sont les formes de votre collaboration avec l'État ?

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Dans le fil du travail effectué par les anciennes régions qui la composent, la Nouvelle-Aquitaine semble exemplaire dans son engagement ! Par les contacts que vous avez avec nos homologues au sein de l'Association des régions de France (ARF), pensez-vous que votre état d'esprit est partagé par d'autres régions ou est-ce encore une pensée en devenir ?

Debut de section - Permalien
Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

Si l'on met de côté les parcs naturels qui existent partout en France, je pense que nous sommes les seuls à avoir développé une telle batterie d'outils et que nos orientations ne sont pas forcément partagées. D'autres régions n'ont pas forcément choisi de promouvoir le ferroviaire ou de mettre en place une agence régionale de la biodiversité. Outre les outils déjà présentés, nous disposons également d'un observatoire de la côte aquitaine qui a une vingtaine d'années. Ils sont le reflet de choix assez uniques qui ont parfois été faits il y a un certain temps. Nous sommes, par exemple, une des premières régions de France en matière d'énergies renouvelables.

L'attractivité de notre région est en grande partie due à son espace. Il nous faut conserver cette spécificité. Cela passe par des réflexions sur le foncier et les infrastructures et les questions de développement qui sont au coeur de nos choix stratégiques.

En ce qui concerne nos relations avec l'État, nous souhaitons de sa part qu'il exerce sa fonction de contrôle mais comprenons que nous ne pouvons pas tout attendre de lui et qu'il faut se prendre en main. Il y a quelques années, des représentants d'un ministère étaient venus m'informer de la mise en place d'une directive d'aménagement sur le littoral aquitain alors que notre GIP Littoral existait depuis six ans et que l'État en était membre. Conscient que nos travaux sont perfectibles, je leur ai néanmoins indiqué que nous travaillons sur le terrain en tant qu'élus ou associations et qu'il convient d'écouter notre point de vue en conséquence. Nous entretenons donc de bonnes relations avec l'État, même si je pense qu'il doit être réarmé notamment sur les questions environnementales. Si cela n'était possible, nous accepterions de prendre le relais. Nous avons néanmoins besoin de structures de dialogue et de discussion en région. L'exemple du travail sur la relocalisation d'activités due à l'érosion du littoral mené par notre GIP en est un exemple. Si nous possédons des outils avec un observatoire ad hoc à même de faire des prévisions, nous constatons néanmoins le besoin d'un État-stratège. La compensation relève à peu près de la même logique puisqu'il nous faut participer mais surtout anticiper les questions qui y sont relatives et qui vont se poser dans l'avenir, notamment pour les infrastructures. Car nous avons une idée de la manière dont les choses vont se dérouler et nous disposons de schémas à cet effet. Je pense que ces enjeux peuvent avoir le SRADDET pour vecteur mais la création d'un outil spécifique est une question à approfondir.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Vous pensez donc que les projets d'infrastructure s'insèrent dans une région et que c'est donc à l'échelle de cette région, qu'il convient de penser leur compensation et non projet par projet ?

Debut de section - Permalien
Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

Il y aura plus d'attachement à ces questions de la part des élus locaux, quelle que soit leur collectivité et son échelle, si le problème est analysé sous l'angle de la proximité et que ces élus se retrouvent autour d'une table pour en discuter. Les gens seront volontaristes. Aquitaine carbone a vu des collectivités et des entreprises se mobiliser spontanément dans le sens de son action. L'anticipation est, elle aussi, nécessaire car elle permet de traiter plus efficacement les problèmes que lorsqu'on est contraint de réagir au dernier moment. Certaines infrastructures sont issues de projets qui mettent une dizaine d'années à aboutir. Cela laisse le temps d'être efficace. La mise en place d'un fonds régional à l'initiative des agences régionales de la biodiversité abondé par les collectivités pour des projets de faible ampleur comme une extension de zones économiques ou artisanales entrainerait, il me semble, une adhésion large de la part des petites communes ou intercommunalités. Une telle initiative ferait sortir ces sujets du monde des techniciens et rendrait les élus plus concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Comment abonder ce fonds ? Vous aurez du mal à donner un prix aux papillons ou à l'outarde canepetière. Pensez-vous à une taxe d'aménagement ?

Debut de section - Permalien
Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

C'est une possibilité. Cela pourrait également être une partie de la taxe carbone que j'évoquais.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Et la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ?

Debut de section - Permalien
Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

Pourquoi pas ? Même si je pense qu'il ne s'agit pas de la meilleure solution et que beaucoup d'autres moyens sont possibles. Des versements directs et volontaires depuis le budget d'une commune ou d'une autre collectivité, par exemple.

Debut de section - Permalien
Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

C'est une autre solution possible. Un parallèle pourrait être fait avec les cotisations sociales pour les personnes physiques. Les verser ne signifie pas forcément que l'on va bénéficier de la prestation qui en résulte.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Il ressort de nos auditions, notamment celle des représentants de l'État, que le coût environnemental d'un grand projet est de l'ordre de 10 à 15%. Avez-vous l'impression que si les fonds correspondants pour l'A65 ou la LGV Tours-Bordeaux avaient été mis à la disposition de votre agence régionale pour la biodiversité une utilisation plus efficace en aurait été faite en faveur de la biodiversité ?

Debut de section - Permalien
Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

Je pense que oui mais je n'ai pas les compétences pour répondre à cette question. La gestion de la compensation pourrait être mise en place à l'échelle de la région avec l'agence régionale pour la biodiversité comme un intermédiaire durable de compensation qui serait, par exemple, alimenté par une cotisation annuelle volontaire ou obligatoire des acteurs concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

L'État joue-t-il son rôle de contrôle ? Car le système ne peut fonctionner sans lui.

Debut de section - Permalien
Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

J'ai volontairement choisi quelques cas qui peuvent conduire à ce que la question se pose ! Un opérateur présent sur le parc naturel régional des Landes de Gascogne voulait, par exemple, doubler la surface de sa porcherie alors que ce n'était pas compatible avec la charte de ce parc. Un grand nombre d'élus locaux ont protesté mais l'extension a été autorisée sous certaines conditions, malgré notre avis.

Les schémas à la disposition des collectivités sont, il est vrai, tous vérifiés par l'État. Son contrôle s'opère donc, mais pas de manière homogène et pas toujours à bon escient. Je pense que les nouveaux moyens, notamment humains, donnés à l'État en région devraient lui permettre d'exercer un contrôle plus efficace sur l'ensemble des dossiers portés par les collectivités. À l'inverse, je ne suis pas persuadé que l'ensemble du personnel dédié au développement économique dans les services déconcentrés de l'État en région soit encore nécessaire après certains transferts de compétences. Des rééquilibrages pourraient donc être envisagés en faveur des thématiques environnementales.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

L'Agence française pour la biodiversité (AFB) va sans doute compenser en partie ce déséquilibre.

Debut de section - Permalien
Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

Certes, mais la région ne dispose pas du pouvoir de police.

Debut de section - Permalien
Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

C'est vrai, mais va-t-elle pouvoir compter sur des moyens humains suffisants sur le territoire ? Je constate, par exemple, que les gardes du littoral que je rencontre sont de moins en moins nombreux. Il en va de même pour la forêt.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Nous recevrons dans quelques jours les représentants de l'AFB et pourrons ainsi leur poser la question. Nous vous remercions.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.