Commission d'enquête mutations Haute fonction publique

Réunion du 5 juillet 2018 à 14h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La réunion est ouverte à 14 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Nous entendons maintenant M. Jean-Christophe Thiery, Président du directoire de Canal +.

Monsieur, la raison pour laquelle nous avons souhaité vous entendre est simple. Nous cherchons à savoir pourquoi des entreprises privées, en l'occurrence un grand groupe de Médias cherchent à recruter des hauts fonctionnaires.

Si l'on prend le groupe Canal + au moins deux de ses secrétaires généraux, MM. Feffer et Vallée que nous avons auditionné sont issus du Conseil d'État. Un autre membre du Conseil d'État, M. Spitz a été directeur et vous avez récemment recruté un inspecteur des finances pour la direction des affaires publique. Vous êtes vous-même issu de l'ENA.

Dites-nous pourquoi, alors qu'un groupe comme le vôtre peut recruter qui il veut, son choix se porte, même si ce n'est que pour une partie de vos cadres dirigeants, sur les fonctionnaires plus spécialement issus des grands corps.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Thiery, Président du directoire de Canal +

Je suis très heureux de pouvoir m'exprimer devant votre commission d'enquête. À la lecture des comptes rendus des personnes conditionnées, j'ai l'impression que vos travaux se focalisent principalement sur deux points : les grands corps - dont je ne fais pas partie, car je suis issu du corps préfectoral ; et les allers-retours entre le secteur public et le secteur privé. Pour ma part, c'est un aller simple que j'ai pris, sans velléité de retour.

Je suis diplômé de l'ENA, issu du concours interne. Auparavant, j'étais attaché d'administration centrale. Après quatre années de scolarité à l'ENA, j'ai passé deux ans en préfectoral, avec le préfet Bonnet, puis deux ans à Bercy en tant que chef de cabinet du directeur général de la comptabilité publique. J'ai rencontré Vincent Bolloré en 2001 qui m'a fait part de son désir de créer un pôle média dans son groupe. J'ai demandé à la commission de déontologie l'autorisation de partir en disponibilité.

Après 10 ans passés dans le secteur privé, l'administration m'a demandé si je souhaitais revenir. J'ai alors démissionné de l'administration.

Vous m'interrogez sur les raisons pour lesquelles j'ai été recruté par Vincent Bolloré ainsi que sur la présence de personnes ayant fait l'ENA dans le groupe Canal +. Je pense que ce dernier serait le mieux à même de vous répondre sur les motivations qui l'ont poussé à choisir un administrateur civil pour créer un tel pôle. Toutefois, j'imagine que pour un secteur aussi régulé que peut l'être celui de l'audiovisuel, dépendant des évolutions législatives, un profil de haut fonctionnaire a son utilité.

Cela fait aujourd'hui 17 ans que je travaille pour le groupe Bolloré, une dizaine d'années au sein de son groupe, et je suis depuis trois ans chez Canal +. J'ai été évalué sur ma capacité à faire démarrer une chaîne de télévision, à lancer des journaux, à participer au redressement de Canal +. Mes fonctions actuelles sont très loin de mes anciennes activités. Au cours de ces 17 années, je n'ai ainsi pas été jugé sur mes fonctions de fonctionnaire.

Je vous ferai la même réponse pour Canal + : cette chaîne fait partie d'un secteur très régulé, ce qui peut expliquer la présence d'anciens élèves de l'ENA que vous avez cités : MM. Marc-André Feffer, Frédéric Milon, ou Laurent Vallée. Quant à mon directeur de cabinet, c'est un peu plus particulier. Tous les ans, le groupe Bolloré accueille un stagiaire de l'ENA. J'ai eu beaucoup d'estime et d'amitié pour Christophe Witchitz. Quand il est venu me demander conseil sur la poursuite de sa carrière, je lui ai proposé de me rejoindre.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Lorsqu'un groupe comme Canal + embauche un fonctionnaire, c'est parce qu'il est compétent, mais aussi - je le pense - car il connaît l'État de l'intérieur, il a des relations avec l'État, en matière d'attribution des fréquences. Vous n'avez pas été recruté en raison de votre connaissance intrinsèque du secteur.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Thiery, Président du directoire de Canal +

Il est évident que cela a compté. Mais j'ai l'impression, après 17 ans, que cela n'est pas l'essentiel. Le sujet à l'époque était de voir comment lancer une nouvelle chaîne et être au rendez-vous au 31 mars 2005 - Direct 8 -, comment créer un journal du matin sans expérience de la presse - Direct matin devenu CNews matin. En 2012, Canal + avait un chiffre d'affaires en France de 500 millions d'euros, en 2016, le résultat a été divisé par 10 et le groupe est en passe de devenir déficitaire. En ce qui concerne mon recrutement et dans ce contexte, avoir des personnes qui ont de l'expérience, qui en connaissent d'autres ou les rouages administratifs, c'est utile.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Nous nous interrogeons sur l'appétence de certaines grandes entreprises pour les anciens élèves de l'ENA. Certaines raisons sont faciles à trouver : lorsqu'il s'agit d'un secteur régulé ou pour faire appel à des compétences particulières, en matière financière et de gestion, le savoir-faire de l'inspection générale des finances est appréciable. Mais, même dans ces cas, vous nous dites que vous êtes recruté pour faire autre chose que vos compétences initiales. Qu'a donc l'énarque de si particulier pour qu'on aille le recruter ?

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Thiery, Président du directoire de Canal +

C'est un atout. Le groupe Bolloré allait rentrer dans la révolution de la TNT. Il fallait aller voir le CSA, la commission des affaires culturelles des deux chambres du Parlement... Recruter un ancien fonctionnaire dans ces conditions fait sens.

Mais depuis trois ans, rencontrer le CSA, les parlementaires ou l'administration ne représente que 5 % de mon temps. Le reste de celui-ci est consacré à réinventer le modèle de Canal + dont le groupe perd chaque année entre 200 et 250 000 abonnés.

Les énarques à la tête des entreprises sont une minorité. Il faudrait regarder dans un top 100 ou top 200 des chefs d'entreprise en France, ceux ayant fait l'ENA, ou Polytechnique ou encore l'INSEAD.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Prenons le problème à l'envers. Qu'est-ce qui vous a poussé à quitter le service public ? Y a-t-il des motivations salariales, ne trouviez-vous pas dans la fonction publique ce que vous attendiez ? Est-ce autre chose ? Il y a du avoir un désamour de la fonction publique.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Thiery, Président du directoire de Canal +

J'ai toujours été habité par le bien collectif. Bien que cela puisse faire sourire, la France m'a toujours fait vibrer. Je suis intéressé par les questions d'intérêt général. Aussi, lors de mes études, je souhaitais rentrer dans la fonction publique.

Quatre années après l'ENA, après avoir fait ma mobilité, je me demandais à 30 ans où je souhaitais creuser mon sillon. J'ai décidé d'aller dans le privé pour deux raisons. Il s'agit tout d'abord de ma culture familiale, car ma famille travaille dans le secteur industriel. En outre, je voulais mieux gagner ma vie. Je ne me suis pas trompé sur ce point.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Thiery, Président du directoire de Canal +

Il serait le mieux à même de vous répondre. Ce que je peux vous dire c'est que nous avons réfléchi ensemble sur sa motivation. Lui comme moi ne sommes pas devenus par hasard fonctionnaires. Nous n'aurions pas pu faire n'importe quoi dans le secteur privé. Nous restons tournés vers la préservation des intérêts européens et français. C'est ce qui me fait vibrer dans mon activité professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je n'ai pas l'impression que le groupe Bolloré soit la même chose que le service public, ou encore que la télévision qu'il diffuse puisse être considéré comme de l'audiovisuel public, même si ce dernier n'est pas brillant. En outre, l'objectif de gestion est celui d'une entreprise, et c'est normal : équilibrer les comptes, gagner de l'argent.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Thiery, Président du directoire de Canal +

Je ne manque pas de lucidité au point d'oublier que je travaille pour un groupe dont le but est de gagner de l'argent qui est ensuite en partie affecté à ses actionnaires.

Peut-être que ces 17 dernières années, je n'ai pas travaillé à la direction générale des médias, mais dans mes dix premières années au sein du groupe Bolloré, on a créé des chaînes télévision, des journaux, a contribué au pluralisme et nous avons créé 500 emplois.

Actuellement, je m'évertue à sauver Canal +. Nous nous battons pour qu'il y ait au XXIe siècle un groupe français capable d'exercer sur la scène internationale, et pas qu'il y ait dans cinq ans, seulement des Netflix, Google ou Amazon qui soient capables de proposer des programmes. M6 est un groupe allemand, TF1 a une vocation nationale, ce n'est pas non plus la vocation de France Télévision. J'ai ainsi l'impression d'oeuvrer pour le bien collectif.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Vous nous avez indiqué ne pas avoir trouvé votre compte dans la fonction publique.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Thiery, Président du directoire de Canal +

J'ai adoré travailler dans la préfectorale. En revanche, j'ai moins apprécié mon passage à Bercy.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Aviez-vous l'impression de ne pas pouvoir faire carrière dans la préfectorale ?

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Thiery, Président du directoire de Canal +

Si, mais ce n'était pas le même choix de carrière.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Quelles sont les relations entre Canal + et le CSA ? Quand un projet nouveau émerge, un lobbying est exercé sur le CSA. Quel est votre rôle ?

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Thiery, Président du directoire de Canal +

Permettez-moi cette pointe d'humour, mais au vu des résultats, si c'était pour cela que nous les recrutions, il faudrait arrêter de confier aux énarques les relations avec le CSA. Les relations entre Canal + et cette autorité administrative indépendante ne sont pas sereines. Bolloré Média a essuyé des condamnations financières assez lourdes en ce qui concerne C8, avec Cyril Hanouna.

Le CSA est essentiel pour une chaîne de télévision. Certes, le président du groupe rencontre le CSA, mais aussi les patrons des chaînes qui n'ont aucun lien avec la fonction publique, pour expliquer leurs stratégies, leurs demandes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Quel est le but des relations entre le CSA et les groupes de télévision ?

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Thiery, Président du directoire de Canal +

C'est la convention signée entre eux, rien que la convention, mais toutes les conventions. Elle est composée de deux parties, la première est générale et commune à l'ensemble des chaînes. Elle porte sur la liberté de l'information, les relations avec les actionnaires, l'égalité entre les hommes et les femmes, la prise en compte du handicap,.... La deuxième partie comprend les engagements propres de la chaîne. Pour Canal +, cela concerne l'obligation de financer le cinéma, l'oeuvre audiovisuelle ; pour C8, il s'agit du nombre de programmes en direct que nous devons diffuser tous les soirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Je vous remercie pour vos propos. Comme membre de la commission de la culture depuis 10 ans, j'ai eu l'occasion d'auditionner le CSA pour évaluer ce qui se fait, ainsi que les chaînes de télévision. Il y a un contentieux fort avec un animateur, et je regrette la carte blanche donnée à Cyril Hanouna.

Vous avez été embauché par Vincent Bolloré en 2001. Cela s'est fait quelques années avant la création de C8. À l'époque, disposait-il déjà de parts de marché dans Vivendi ?

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Thiery, Président du directoire de Canal +

Non.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Son siège social se situe dans mon département. Lorsque j'ai entendu qu'il achetait des parts chez Vivendi, je me suis demandée ce qu'il allait en faire. En effet, il n'avait aucune connaissance en matière d'audiovisuel. Vous avez apporté des précisions sur la manière dont cela a été fait. Votre formation ne vous prédisposait pas à ces fonctions. Mais elle vous a permis de mettre en place ce dispositif.

Vincent Bolloré avait fait la même chose avec les batteries au lithium polymère. Il a créé son premier laboratoire en 1990. Il a continué à le financer pour qu'il soit opérationnel en 2010. Il l'a financé à perte. Je vois un parallèle avec votre embauche. Il sait utiliser les cerveaux bien formés.

Vous avez eu l'honnêteté de dire que l'argent était quelque chose que vous avez priorisé. J'ai cru comprendre que cependant vous n'avez pas perdu le fil rouge de l'intérêt général vous reliant à votre formation. Toutefois, n'est-ce pas contraire à cette volonté d'intérêt collectif, le fait de devoir ramener des dividendes aux actionnaires, et de l'argent dans les caisses de Canal + ? Comment concilier bien général et faire gagner de l'argent à son entreprise ?

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Thiery, Président du directoire de Canal +

J'espère avoir encore quelques belles années professionnelles devant moi. Je ne rougis pas des résultats que nous avons obtenus, dans l'intérêt de la France. Nous avons créé 500 emplois. Nous essayons de lutter contre l'hégémonie américaine. Si nous ne faisons rien, dans cinq ans, le cinéma français devra s'entendre avec Netflix et les GAFA pour obtenir des financements.

Je lutte tous les jours pour l'intérêt de la France. Je considère qu'il est important d'avoir un groupe - Vivendi - qui apporte chaque année de la musique, des films, des séries de culture européenne.

Vous avez évoqué l'investissement de Vincent Bolloré pour les batteries. Je fais la distinction entre travailler au sein d'un groupe familial et dans un fonds. Pour moi, il y a une grande différence avec le fait de travailler dans un groupe qui achète des entreprises dans le seul but de faire une plus-value, quitte à les revendre quelques années plus tard en faillite. J'ai la chance d'être dans un groupe qui gère les choses sur le long terme. Nous ne sommes pas dans les mains des banques, mais d'actionnaires familiaux où l'on peut s'intéresser dans les technologies d'avenir. Le groupe Bolloré a investi près de deux milliards d'euros avant de pouvoir produire des batteries opérationnelles. Il en est de même de son investissement en Afrique.

L'aventure de la TNT au début des années 2000 était un pari pour un groupe qui n'y connaissait rien dans ce secteur. Certes, l'État est permanent, immuable, mais l'activité des fonctionnaires peut être gênée par la politique, les élections. J'ai trouvé, dans le privé, une entreprise où on peut investir sur le long terme.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Cela fait 17 ans que vous travaillez dans le groupe Bolloré. Je viens d'une région maritime et j'ai été rapporteur de la loi sur les grands ports. Au départ, le groupe de Vincent Bolloré n'était absolument pas dans le journalisme.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Thiery, Président du directoire de Canal +

J'ai intégré le groupe pour cette raison.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Vous avez dit ne pas vous être épanoui à Bercy. Vous y êtes resté le temps nécessaire. Est-ce que ce passage a pu accélérer votre départ ?

Y a-t-il le même sentiment chez vos collègues de Bercy ? Nous avons l'impression que ce ministère est très fermé, nous n'arrivons pas à avoir d'informations. En outre, tout vient de Bercy. Dans le milieu maritime, si un port veut investir, il doit obtenir l'accord de Bercy.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Thiery, Président du directoire de Canal +

Ce passage à Bercy n'a pas accéléré mon départ, car mon corps d'origine est la préfectorale. Je n'ai pas une vision exhaustive de Bercy. Toutefois, j'ai trouvé que c'était une administration très autocentrée. Or, ce que j'aime ce sont les contacts avec l'extérieur. Bercy est une administration avec des gens remarquables, mais je n'y étais pas à mon aise.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Vous avez démissionné de la fonction publique. Que pensez-vous de la possibilité de pouvoir faire pendant 10 ans des allers-retours ? Nous avons beaucoup discuté de la légitimité de ces dispositions, de l'opportunité de les modifier.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Faut-il raccourcir ce délai ? Vous avez eu le courage de démissionner.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Thiery, Président du directoire de Canal +

Je tiens à préciser que je n'ai pas accélérer ma démission de la fonction publique. J'ai bénéficié d'une disponibilité de 10 ans. Je suis très reconnaissant à la fonction publique de m'avoir accordé ce droit. Je suis allé dans le secteur privé avec des doutes, et j'aurais été très content de pouvoir retourner dans la préfectorale en cas de problèmes.

Une disponibilité de dix ans me paraît excessive. Le corps préfectoral a agi sainement me concernant. Au bout de trois ans, j'ai été convoqué par le directeur général qui m'a dit qu'assez rapidement le corps ne compterait plus sur moi, et ne pourrait pas me confier quelque chose d'intéressant. J'ai trouvé cette démarche très bien.

La possibilité de disponibilité est importante, car je n'aime pas les cloisons. Il faut des possibilités d'aller du public vers le privé, et inversement, même si cela est plus difficile à mettre en place. Vous les faites par exemple une fois 3 ans, puis une fois 2 ans, mais pas pendant 10 ans. Qui y trouvera son compte ? Ce ne sera pas l'administration qui va au final récupérer quelqu'un qui a échoué.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Thiery, Président du directoire de Canal +

Oui, cette période pourrait être renouvelable. Mais une durée de 10 ans est abusive.

À la lecture des comptes rendus de vos précédentes auditions, vous abordez cette question à travers un prisme - que je comprends, mais qui n'est pas le mien - de méfiance. Je trouve formidable que les cloisons tombent.

Je n'ai rien vu sur le fait que le départ vers le privé permet une certaine régulation des carrières. L'État est incapable d'offrir un débouché à tous ses hauts fonctionnaires. Beaucoup de hauts fonctionnaires sont poussés vers le départ vers le privé. J'ai ainsi trois camarades qui ont été maltraités par l'administration, à qui on a enlevé leurs fonctions. L'un a mis un an avant de retrouver une fonction intéressante, les deux autres ont été poussés vers le secteur privé. Les départs ne sont pas uniquement le fait de fonctionnaires véreux qui veulent sans mettre plein les poches, mais aussi de personnes que l'on pousse vers la sortie.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

L'un des problèmes que nous rencontrons dans cette commission d'enquête est que tout cela est très obscur. Nous avons du mal à obtenir des informations. Le secrétaire général du Gouvernement que nous avons auditionné ce matin ne nous a rien dit. Nous avons ainsi le choix entre ce que nous disent les journaux, et des statistiques qui mélangent un peu tout. Est-ce que vous êtes parti parce que vous n'avez pas trouvé dans la fonction publique ce que vous cherchiez ? Si le départ dans le privé est une façon de réguler les carrières publiques, pourquoi recruter autant de personnes ? Pourquoi avoir des systèmes où une certaine catégorie de fonctionnaires, élite parmi l'élite, navigue constamment entre les sphères privées et publiques ? Quelles sont les pistes de modifications possibles ?

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Thiery, Président du directoire de Canal +

Malheureusement, je ne peux pas vous proposer de piste. Pour moi, avant de s'interroger sur un délai de 2, 3 ou 5 ans, il faut être conscient que toutes les disponibilités ne se valent pas. Aller créer une entreprise, c'est formidable ; il en est de même de travailler pour un groupe national qui essaye d'exporter la France. En revanche, aller travailler dans un fonds chinois, être en charge des relations publiques d'un GAFA et revenir trois ans après pose question. Je ne sais pas dans quelle mesure, on pourrait conditionner le départ vers le privé à des points précis.

En ce qui concerne les grands corps, la méritocratie française a de très bons côtés. Mais, on peut s'interroger sur le bon sens de sélectionner des élites à 23 ans, pour la vie et, lorsque l'on voit les défis que rencontre notre pays, les envoyer faire de l'audit ou au Palais royal. Pourquoi ne pourrait-on pas dire que les premiers de l'ENA iraient travailler là où l'État a indiqué vouloir y consacrer ses priorités ? C'est un gâchis de recruter des têtes bien faites, de les envoyer faire de l'audit pendant quatre ans, et de les voir ensuite partir.

La réunion est close à 15 heures.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

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