Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 5 mai 2020 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Nous accueillons aujourd'hui Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports, pour une audition organisée en visio-conférence. Le secteur du sport est, avec ceux de la culture et de l'éducation, un des plus touchés par la crise sanitaire. Les stades et les salles de sport ont été fermés dès la mi-mars. Les athlètes ont été privés d'entraînement. Les contrôles antidopage sont, par ailleurs, beaucoup plus difficiles à mettre en oeuvre dans ces conditions, avec les inquiétudes que cela peut créer.

Plusieurs événements qui devaient se dérouler ce printemps ou cet été ont été reportés - je pense au tournoi de Roland-Garros, au Tour de France cycliste, à l'Euro 2020 et aux jeux Olympiques de Tokyo. Si les championnats amateurs ont été rapidement écourtés, il a fallu attendre la semaine dernière pour que, à l'initiative du Gouvernement, les championnats professionnels soient à leur tour définitivement interrompus pour la saison en cours. Cette situation n'est pas sans poser des questions d'insécurité juridique, qui ont amené le Gouvernement à préparer des projets de loi d'habilitation à légiférer par ordonnances. Vous aurez l'occasion, j'imagine, de nous en dire un mot.

Vous nous présenterez aussi l'action de votre ministère dans les différents moments de cette crise : la phase d'urgence, la phase de déconfinement qui devrait intervenir partiellement la semaine prochaine, puis le plan de soutien ou de relance à destination des acteurs, dont chacun d'entre nous est convaincu de la nécessité. Nous sommes très impatients de vous entendre. Nous sommes aussi très intéressés par le sport dans les territoires. Les élus locaux et les sénateurs sont très mobilisés sur ces sujets.

À l'issue de cette présentation, je donnerai la parole à notre rapporteur chargé des crédits du sport, notre collègue Jean-Jacques Lozach, auquel vous pourrez répondre en détail, puis aux orateurs désignés par chaque groupe politique. Je précise que cette audition est ouverte à la presse et qu'elle fera l'objet d'un compte rendu publié sur le site du Sénat.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu, ministre des sports

Je vous remercie de m'avoir conviée à cet échange, après plus de deux mois de crise et au lendemain de l'intervention du Premier ministre au Sénat. Je souhaite pouvoir aborder avec vous l'ensemble des actions du ministère des sports pour faire face au Covid-19, concrètement et en toute transparence. Je vous demande un regard tout à la fois critique et bienveillant. J'ai besoin de vos observations, de vos remarques, de vos questions et de vos propositions.

Pour que les mesures de précaution sanitaire indispensables à la réussite de ce déconfinement entrent dans le quotidien des Français, elles doivent être acceptées. Pour être acceptées, elles doivent être comprises. Pour être comprises, elles doivent être entendues. Nous devons les diffuser et les expliquer, et nous comptons sur vous pour cela. Il nous appartient aussi - et c'est tout l'intérêt de notre échange - de les préciser, de les affiner et de les rendre intelligibles. Chaque ministre y travaille dans son domaine.

Notre société tout entière doit faire bloc. Nous devons être solides et inventifs, sûrs de nos valeurs et de nos priorités. En tant qu'élus de la Nation, passionnés par le sport, vous avez un rôle important à jouer pour aider le sport à relever le plus grand challenge qu'il ait jamais eu à relever.

Ce défi, depuis le début de la crise, l'ensemble des acteurs du mouvement sportif en a pris la pleine mesure. Je tiens à souligner l'esprit de solidarité et de responsabilité qui l'a constamment guidé. Cela s'est traduit par l'affirmation forte et claire de la prééminence des principes de sécurité sanitaire sur la continuité de la pratique sportive. Un esprit d'unité et une véritable volonté de collaboration ont régné autour des réflexions et dispositifs mis en place par le ministère comme par les autres acteurs. Pourtant, ce n'était pas une évidence, car, à l'image de l'ensemble de la société, l'écosystème sportif est cruellement touché par la crise. Les conséquences sont désastreuses pour sa viabilité économique et les emplois qui en dépendent. Chaque club et association, chaque fédération, chaque sportif professionnel, chaque entreprise privée en a souffert et en souffre encore. Certains sont en péril.

Les agents de mon ministère ont été exemplaires, qu'il s'agisse des agents de la direction des sports, de nos services déconcentrés ou de nos établissements. Leur engagement, leur disponibilité et leur vision de l'intérêt général ont constitué des atouts capitaux dans la gestion de cette crise.

Alors que les conditions du confinement sont désormais posées, il est impératif de conserver cet état d'esprit. L'enjeu est de partager toutes les informations disponibles, tout particulièrement auprès de notre réseau de petites associations sportives. De ce point de vue, je veux insister sur le rôle central des collectivités territoriales, proches de ces petites associations qui maillent notre pays. Représentants des collectivités, vous jouez aussi un rôle essentiel. Je compte sur vous et suis prête, avec mes équipes, à continuer à échanger avec vous. Nous pourrions d'ailleurs envisager ensemble de nouvelles modalités pour le faciliter.

Pour gérer la crise, nous avons choisi une méthode collaborative. Dès le 25 février dernier, une cellule de crise quotidienne s'est réunie avec toutes les têtes de réseaux de la gouvernance du sport en France : le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), le Comité paralympique et sportif français (CPSF), le Comité d'organisation des jeux Olympiques (COJO), l'Association nationale des directeurs techniques nationaux (AsDTN), la direction interministérielle aux grands événements sportifs (Diges), le ministère de l'Europe et des affaires étrangères via l'ambassadrice pour le sport, l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep), la direction des sports, l'Agence nationale du sport (ANS) et les représentants des collectivités territoriales. Dans le même temps, le directeur des sports a engagé un plan strict de continuité de l'activité du ministère et entretenu un dialogue social étroit avec les représentants de ses agents.

Ce système de dialogue permanent nous a permis de réagir ensemble au gré des informations disponibles chaque jour et d'éviter les interventions cacophoniques ou contradictoires. La qualité de cette collaboration se fonde sur une confiance mutuelle, construite, depuis plus d'un an, au travers de l'ANS, avec les représentants de l'Association des maires de France (AMF), de l'Assemblée des départements de France (ADF), de Régions de France ou de France Urbaine. Nous pourrons évoquer, d'ailleurs à l'occasion de nos débats, à quel stade d'avancement en est la déclinaison territoriale de l'ANS.

Cette méthode collaborative a contribué à un pilotage transparent et partagé de toutes les problématiques qui ont émergé successivement. Elle a aussi permis de dégager très tôt trois principes directeurs : la primauté stricte des enjeux sanitaires sur les enjeux de continuité sportive ; le respect de la doctrine édictée par le ministère des solidarités et de la santé, sans chercher à développer une analyse sanitaire propre au ministère des sports ; et, enfin, la volonté de ne pas se substituer aux autorités préfectorales et locales, qui sont au plus près des réalités des territoires.

Dans un souci de brièveté, je n'évoquerai pas toutes les questions qui se posent à nous, comme les effets du report des jeux de Tokyo et ses éventuelles conséquences sur Paris 2024, ou encore les réformes qui étaient en gestation avant la crise, et qui sont au repos aujourd'hui : je pense notamment à la réforme de l'organisation territoriale de l'État ou aux cadres techniques sportifs. Nous y reviendrons, je pense, dans nos échanges.

J'aborderai rapidement la question de la gestion de la crise en phase de confinement, puis en phase de déconfinement, dans laquelle nous sommes, et enfin la préparation de l'après.

Grâce à la cellule de crise, nous avons pu répondre d'une même voix aux interrogations de toutes les fédérations, de centaines d'organisateurs d'événements sportifs et de dizaines de milliers de clubs.

Nous avons travaillé sport par sport, pratique par pratique, événement par événement. Nous avons aussi avancé sur de nombreuses autres dimensions. J'en détaillerai trois : l'accompagnement économique, la mise en place de dispositifs solidaires et la proposition d'offres aux Français pour faire du sport chez soi.

Les pertes du mouvement sportif sont estimées à ce stade à une vingtaine de milliards d'euros, mais ce chiffre est sans doute au-dessous de la réalité. J'ai veillé à ce que tout l'écosystème sportif bénéficie des dispositifs de soutien gouvernemental appliqués au monde économique : chômage partiel, exonérations et report de charges, prêts garantis par l'État par exemple. D'autres dispositifs de soutien sont encore en cours de réflexion.

Nous menons également un travail spécifique concernant la reprise et le soutien au sport professionnel, qui ne reprendra pas, au moins, avant août prochain. Je m'emploie beaucoup aussi à ce que les positions des diffuseurs de télévision et des ligues professionnelles se rapprochent. On note des progrès, car les positions étaient assez lointaines.

Nous avons aussi avancé sur le thème « sport et solidarité ». Nous avons mobilisé l'ensemble des ressources humaines de l'écosystème du sport, dès la mi-mars, pour des missions de solidarité, comme l'aide alimentaire par exemple. Il s'agit de nos 170 000 éducateurs sportifs et, sur la base du volontariat, des agents du ministère. Je tiens aussi à souligner la mobilisation de nombre de nos fédérations à nos côtés, comme la Fédération française de sauvetage et de secourisme, la Fédération française de tennis ou la Fédération française de football, qui ont mis certaines de leurs installations à disposition des sans-abri, ou des clubs comme l'Olympique de Marseille ou le Paris Saint-Germain. De même, l'Insep ou les centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS) ont mis à disposition leurs locaux pour soutenir l'activité de nos hôpitaux.

J'en viens à la promotion du sport à la maison. Cette période de confinement et de télétravail a démontré plus que jamais l'importance de l'activité sportive dans l'équilibre personnel de nos concitoyens, pour leur bien-être comme pour leur santé. Elle pose plus encore la question de la place accordée au sport dans notre société. Nous avons soutenu et promu de nombreuses offres de start-up qui proposaient gratuitement des contenus visant à aider à faire du sport à la maison. Le ministère a également créé sa propre plateforme bougezchezvous.fr. Toutes ces initiatives ont été et sont toujours, je crois, très utiles pour mieux vivre cette période difficile de confinement.

Avec Jean-Michel Blanquer, Gabriel Attal et le ministère de l'éducation nationale, nous sommes aussi en train d'envisager les voies et moyens qui permettraient aux écoles de bénéficier du tissu associatif sportif et des clubs pour la reprise progressive de l'école dans les prochains temps, dans le cadre d'un nouveau dispositif appelé « Sport, santé, culture, civisme » (2S2C). Les solutions devraient être trouvées très localement, mais cela semble à notre portée et à celle des collectivités.

Nous allons rentrer dans une phase nouvelle de la gestion de la crise : une première phase de déconfinement. La pratique sportive va reprendre à compter du 11 mai, progressivement, pour limiter les risques de contamination. J'ai proposé au Premier ministre une doctrine de reprise par étapes, qui autorise d'abord uniquement la reprise des activités individuelles extérieures. Ces activités devront respecter des critères de distanciation adaptés à chaque discipline : dix mètres d'écart entre les personnes pour un footing ou le vélo, un espace de quatre mètres carrés par personne et dans un périmètre de 100 kilomètres autour de chez soi. Jusqu'au 2 juin minimum, les rassemblements autorisés seront limités à dix personnes. La reprise des activités en espace intérieur et des sports collectifs ne sera envisagée que dans une seconde phase, selon l'évolution de la pandémie.

Le ministère des sports est en train d'établir une liste précise des activités autorisées, pour que chacun puisse savoir s'il peut pratiquer son sport favori et dans quelles conditions. Plusieurs guides pratiques sont en cours de préparation avec tous nos partenaires et devraient pouvoir être publiés dans les tout prochains jours. Il s'agira de guides précis, établis sport par sport, avec les fédérations, les ligues ou les clubs professionnels, ou par typologie d'équipements, en lien avec l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes), et l'Association nationale des directeurs et intervenants d'installations et des services des sports (Andiiss). Il y aura aussi un guide à destination de nos sportifs de haut niveau, qui a été préparé avec la cellule haute performance, et un guide sanitaire et médical. Nous publierons aussi des précisions concernant la reprise du sport à l'école. Chacun de ces guides sera validé par les autorités sanitaires.

De manière générale, autoriser à nouveau la pratique des sports à contacts ou collectifs ne semble pas aujourd'hui compatible avec la doctrine sanitaire. Les compétitions sportives, y compris professionnelles, même à huis clos, resteront interdites, au moins jusqu'au mois d'août. Les manifestations sportives rassemblant plus 5 000 personnes sur un même lieu ne seront pas possibles non plus jusqu'à fin août ou début septembre 2020.

J'échange actuellement avec mes homologues européens pour améliorer notre coordination. Chaque pays a été touché de manière différente, impliquant des réponses adaptées, mais je crois beaucoup dans les vertus de ces échanges. Ils sont essentiels pour garantir la meilleure reprise pour tous de nos championnats nationaux et européens.

Nous sommes conscients des conséquences économiques lourdes générées par le caractère progressif du déconfinement. Cela paraît néanmoins indispensable pour qu'il soit efficace et pour éviter tout risque de reprise massive des contaminations.

En fonction de l'évolution concrète de la pandémie, il conviendra de revoir ces modalités, d'ici à la fin mai. D'ores et déjà, plusieurs pistes commencent à être envisagées. Je veux rappeler toutefois que les interdictions que j'ai évoquées jusqu'à août prochain sont, pour nous, des objectifs réalisables si la situation sanitaire s'améliore conformément à nos attentes. Il nous faut donc avoir l'humilité et l'honnêteté de dire que ce calendrier pourrait être repoussé, mais certainement pas avancé. Je serai évidemment pleinement à l'écoute de vos différentes interventions et de vos retours de terrain sur ces sujets.

Nous devons aussi nous projeter sur « l'après », d'envisager les pistes qui nous permettront de soutenir l'ensemble du mouvement sportif gravement touché dans la période. Le risque, que nous devrons collectivement surmonter, est celui de l'affaiblissement des associations sportives, de leur structure financière et de leurs emplois. Le risque est aussi celui de la baisse de l'engagement sportif à la reprise, des bénévoles comme des pratiquants.

Nous devons donc penser déjà à un plan de relance global et coordonné avec l'ensemble des acteurs, notamment les collectivités territoriales. Nous avons déjà engagé ce travail avec tous nos partenaires, en identifiant plusieurs thématiques stratégiques : le soutien à la pratique ; le soutien aux fédérations et aux clubs ; les déclinaisons territoriales et l'emploi ; la place des services de l'État, des établissements, de l'ANS, de la formation et du sport de haut niveau ; enfin, le soutien économique aux acteurs et au sport professionnel, grâce à la mobilisation de Bpifrance, de France Sport Expertise, ou de Business France.

Je souhaite vous associer au mieux à toutes nos réflexions autour de ce plan de relance, qui devra aussi faire l'objet d'aménagements législatifs et réglementaires. Après la première loi d'urgence du 23 mars 2020, de nombreuses ordonnances adoptées ont concerné le sport, sur les plans administratif, social ou financier. C'était indispensable pour aider nos associations et nos agents économiques. Une seconde loi d'urgence devrait permettre de sécuriser les décisions des fédérations et des ligues professionnelles face aux risques de contentieux en ce qui concerne l'arrêt de leurs compétitions 2019-2020, sans pour autant interdire d'éventuels recours. Enfin, un décret « sport » est également en préparation pour prendre en compte les évolutions réglementaires liées à la crise et au report des jeux de Tokyo de 2020 à 2021. Il concernera en particulier la possibilité pour les fédérations de décaler jusqu'au 30 avril 2021 le renouvellement de leurs instances dirigeantes.

Au-delà de ces évolutions, nous devons déjà nous projeter un peu plus loin pour penser au sport d'après la crise et approfondir nos réflexions sur la place qu'il devrait occuper dans notre société. Là, encore, j'aurai besoin de vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je vous remercie d'avoir rappelé que le sport regroupe à la fois le monde professionnel et la pratique amateur. Il s'ancre dans des territoires et les collectivités territoriales jouent un rôle important. Vous avez aussi souligné que le sport constitue un secteur économique, avec des enjeux financiers non négligeables, et l'interruption du versement des droits télévisés risque de le fragiliser.

Je vous prie de bien vouloir m'excuser, mais je dois vous quitter avant le terme de l'audition : je dois intervenir en séance, dans le cadre du débat sur la prolongation de l'état d'urgence. Je cède donc la présidence à M. Leleux.

- Présidence de M. Jean-Pierre Leleux, vice-président - 

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Merci, madame la ministre. Vous avez détaillé l'action de votre ministère et du Gouvernement. Le sport est fortement frappé par la crise. Les clubs et les associations sont victimes d'un effet ciseau, entre la baisse de leurs recettes et le maintien de leurs charges fixes. Dès lors, pourriez-vous nous en dire plus sur les priorités du plan de relance que vous envisagez et sur ses modalités de financement ?

Vous avez dressé le bilan de la loi instituant l'Agence nationale du sport, dont notre collègue Claude Kern était le rapporteur, mais beaucoup de décrets d'application ne sont pas encore parus, qui auraient facilité la déclinaison territoriale de l'agence. Ces décrets seront-ils bientôt publiés ?

Le sport professionnel semble riche, en particulier le football et le rugby, mais, avec la crise, il apparaît un petit peu comme un colosse aux pieds d'argile. Patrick Wolff, le président de l'association des ligues de sport professionnel, nous indiquait ce matin que les clubs pourraient tenir financièrement jusqu'à la fin du mois d'août, mais craignait des difficultés par la suite. Ne faudrait-il pas repenser le modèle, très inflationniste, du sport professionnel, qui semble vivre un petit peu au-dessus de ses moyens ?

Enfin, le débat est-il définitivement clos sur le calendrier de reprise et la possibilité d'organiser des événements sportifs à huis clos en août - je pense notamment aux finales de la Coupe de France de football ou de la Coupe de la Ligue ?

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu, ministre

Je veux rappeler l'importance de l'ANS, qui a permis la mise en place d'une gouvernance partagée, en associant tous les acteurs et, notamment, les collectivités territoriales. Les décrets que vous évoquez sont presque finalisés.

Le plan de relance devra s'articuler avec les actions entreprises à tous les niveaux : local, départemental, régional et national, mais aussi privé, car le sport bénéficie de financements de sources très diverses. Le ministère a pleinement défendu la place du sport. Celui-ci relève, en France, de la compétence de l'État, à la différence de certains de nos voisins. C'est ce qui nous a conduits, en toute connaissance de cause, à annoncer la suspension des compétitions. L'État jouera son rôle et nous serons attentifs à la déclinaison territoriale du plan de relance. Il s'agit de soutenir l'emploi, d'aider les petites associations tout comme le monde du sport professionnel. Les clubs souffrent de la perte des recettes de billetterie et de l'interruption du versement des droits de retransmission audiovisuelle, car les diffuseurs n'ont pas joué le jeu, alors que leurs charges fixes demeurent. Ils sont donc pris en étau. Les mesures que nous avons prises, en faveur du chômage partiel ou avec les prêts garantis, constituent une aide précieuse, mais elles ne pourront pas durer toujours.

La Ligue de football professionnel proposait de reprendre les compétitions le 13 juin, pour finir la saison le 3 août. Comme le Premier ministre l'a indiqué lors de la présentation de la stratégie de sortie du confinement, les saisons des sports professionnels, notamment celles de football ou de rugby, sont terminées. Cette décision était inéluctable dès lors que l'on veut respecter les mesures de prévention sanitaire, fondées sur la distanciation sociale, les gestes barrières et la limitation des déplacements. Il reste une incertitude pour l'organisation d'événements sportifs en août, qui peut être envisageable, avec un nombre limité de personnes, si l'évolution de l'épidémie est positive et que nous n'avons pas à redescendre d'une marche dans le confinement. Toutefois, quoi qu'il arrive, les événements qui regroupent plus de 5 000 spectateurs ne pourront se tenir avant septembre. Une inconnue tient aussi aux possibilités d'entraînement, car, avant de reprendre la compétition, les sportifs doivent pouvoir s'entraîner ensemble ; or, dans les conditions sanitaires actuelles, cela n'est pas possible. Cela vaut aussi pour les sports de contact.

Dans les sports individuels, en revanche, il sera possible de reprendre l'entraînement. C'était une mesure très attendue.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Les fédérations et les clubs amateurs craignent de voir le nombre de licenciés chuter l'année prochaine, de l'ordre de 5 à 10 %. Comment les soutenir ?

Le monde du sport de haut niveau est préoccupé par la baisse du nombre de contrôles antidopage. Quelles mesures allez-vous prendre pour rétablir ces contrôles ?

Vous avez évoqué l'association entre les collectivités territoriales et l'Éducation nationale à travers le dispositif 2S2C. Le Premier ministre a annoncé des aides aux collectivités territoriales. Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet ? De même, pourriez-vous nous donner des précisions sur le calendrier de réouverture des piscines, car les collectivités sont en train de recruter les maîtres-nageurs ?

Une ordonnance, en préparation, prévoit d'autoriser les clubs ou les organisateurs d'événements sportifs qui ont été annulés à proposer aux titulaires de billets ou d'abonnements des avoirs, au lieu de remboursements. Pourquoi ne pas instaurer plutôt un crédit d'impôt ? Cela soulagerait la trésorerie des clubs. Les recettes des clubs professionnels reposent essentiellement sur la billetterie, plus que sur les droits de retransmission audiovisuelle. Ils craignent une baisse du nombre de spectateurs à la rentrée. Là encore, quelles mesures envisagez-vous pour les soutenir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Je me permets de vous reposer la question de Jean-Pierre Leleux sur les décrets concernant le fonctionnement territorial de l'ANS, car vous n'y avez pas répondu : quand paraîtront-ils ? Allez-vous tenir compte de nos propositions ?

Vous avez rappelé l'importance économique du sport et le nombre d'emplois directs ou indirects induits. Les clubs rencontrent des difficultés financières à cause de la crise. Certes, le Gouvernement a mis en place des aides, mais celles-ci ne suffiront pas à compenser les pertes de recettes. Ne conviendrait-il pas d'envisager d'autres solutions, comme une baisse de la TVA, une baisse des charges ou un relèvement du plafond de la réduction d'impôt au titre des dépenses de mécénat dans le sport ou de sponsoring ?

Vous avez dit que le débat sur la date de la reprise était clos. Mais avant de pouvoir reprendre, les sportifs ont besoin de plusieurs semaines d'entraînement. Autant le confinement pouvait être brutal, autant la reprise de la compétition ne pourra être que progressive. L'Union des associations européennes de football (UEFA) envisage une reprise de la Ligue des champions en août. Le Paris Saint-Germain et l'Olympique Lyonnais, qui sont encore en course, risquent d'être pénalisés, alors que les clubs espagnols, italiens ou allemands auront déjà repris l'entraînement. De même, comment envisagez-vous la reprise pour les sports en salle, comme le basketball, le handball, ou le volleyball ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

J'aurai une critique et une question. Une critique, tout d'abord : pendant le confinement, le sport n'a pas eu la part qu'il méritait. On a privilégié la restriction. Il aurait certainement été possible de maintenir la pratique d'activités sportives individuelles, avec des conditions, mais la limitation de la pratique sportive à un rayon maximal d'un kilomètre autour du domicile était pour le moins ridicule et difficile à faire respecter !

Une proposition, ensuite. Pendant des années, les petits clubs et le monde amateur ont pu bénéficier d'emplois aidés. Mais la ministre du travail a eu la bonne idée de les supprimer... Le nouveau dispositif n'est pas adapté. Or on compte beaucoup sur le monde associatif lorsqu'il y a une crise. Aujourd'hui, les besoins sont énormes. Ne pourrait-on pas rétablir ces emplois aidés pour les collectivités territoriales et les associations sportives ?

Certains clubs professionnels et certaines fédérations disposent de moyens considérables grâce aux droits de retransmission audiovisuelle et mènent grand train, mais ne soutiennent guère le monde amateur. Comment comptez-vous aider ce dernier ?

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu, ministre

En ce qui concerne les associations, nous travaillons à un plan de relance, qui ne sera pas uniquement ministériel, mais qui sera réalisé en lien avec toutes les fédérations. Celles-ci ont tout à fait conscience que la situation des clubs amateurs est difficile. Monsieur Magner, je ne partage pas votre point de vue, car beaucoup de Français ont découvert le sport à l'occasion de cette crise. Le sport figurait d'ailleurs parmi les cinq exceptions de sortie autorisées - ce n'était pas le cas en Espagne ou en Italie. Le Premier ministre a insisté à plusieurs reprises sur l'importance de pratiquer un sport pour la santé. Cette reconnaissance du rôle du sport en termes de santé publique constitue un bon signal. L'enjeu aujourd'hui est de ramener le public vers les associations sportives, en surmontant la peur de la maladie. Nous devons travailler à une campagne nationale de communication en ce sens auprès du public, tout en déployant évidemment des aides pour soutenir les emplois ou contribuer aux frais de fonctionnement.

Une ordonnance est en préparation qui s'inspire du tourisme et autorise les organisateurs d'événements sportifs à proposer aux détenteurs de billets un avoir, au lieu d'un remboursement, afin de soulager leur trésorerie. Nous n'avons pas voulu aller jusqu'au cas des associations, laissant le soin aux fédérations de gérer la situation avec leurs licenciés. Je note avec intérêt votre proposition de crédit d'impôt et nous y réfléchirons avec attention. Les clubs dépendent aussi des financements privés. Or, ceux-ci risquent de diminuer avec la baisse des dépenses de publicité et de communication. C'est pourquoi nous sommes en train d'étudier avec Bercy des manières d'inciter les entreprises à maintenir leurs investissements dans le sport.

En ce qui concerne les équipements sportifs et les piscines, nous travaillons avec l'Andiiss et l'Andes à un plan de réouverture dès que les conditions sanitaires le permettront. Je sais très bien que la préparation physique ne suffit pas et que les nageurs de haut niveau ont besoin d'aller à la piscine pour s'entraîner et pouvoir exercer leur métier, au même titre que les autres professions, mais la réouverture des équipements dépendra de l'évolution de l'épidémie.

Le sport à l'école est important. C'est aussi une opportunité pour les associations de reprendre contact avec les jeunes et les familles. Son développement est au coeur du plan 2S2C sur lequel nous travaillons avec Jean-Michel Blanquer et Gabriel Attal. Nous comptons, d'ailleurs, sur vous aussi pour inciter les collectivités territoriales à rejoindre cette initiative. Nous avons même envisagé avec le mouvement sportif et les associations d'avancer la rentrée sportive, en prévoyant des vacances sportives dès le mois de juillet. Les enfants pourraient ainsi être accueillis dans des stages sportifs à la journée, parallèlement aux activités des centres de loisirs proposées par les collectivités territoriales. De même, les clubs et les associations sportives pourraient proposer des activités lors des colonies de vacances. D'habitude, les clubs s'arrêtent en juillet et en août. Il me semble que, cette année, leur activité devrait plutôt se prolonger. Profitons de l'initiative 2S2C pour nous mobiliser pour accueillir les enfants, avec un nombre d'adultes suffisant pour les encadrer et garantir le respect des normes sanitaires, afin que chacun puisse participer ou envoyer ses enfants en toute confiance.

Les fédérations de sports collectifs ont mis un terme aux saisons en cours. Les compétitions reprendront en septembre, si tout va bien. Certaines fédérations, comme la Fédération française de tennis, la Fédération française de football ou la Fédération française de cyclisme ont créé des fonds de solidarité en faveur du monde amateur. Nous appuyons ces initiatives. De même, l'ANS a maintenu toutes ses subventions et en facilite les modalités d'accès. Nous ne voulons pas non plus supprimer les aides aux organisateurs d'événements sportifs, même si ceux-ci ont dû être annulés.

En ce qui concerne les contrôles antidopage, nous avons rencontré des difficultés, car les personnels de l'Agence française de lutte contre le dopage ont été mobilisés pour faire face à la crise sanitaire. De plus, comme les compétitions ont été supprimées à cause du confinement, le nombre de contrôles a baissé mécaniquement, mais ceux-ci n'ont pas cessé et les sportifs doivent toujours transmettre leur localisation à l'agence. Nous poursuivons aussi notre effort de prévention. Nous avons ainsi préparé un guide spécifique pour le sport de haut niveau, qui explique clairement que le dopage est dangereux pour la santé.

Enfin, les décrets que vous évoquez devraient paraître avant l'été. Nous espérons pouvoir organiser des conférences régionales du sport à la rentrée, avec comme thématique prioritaire le plan de relance dans le sport.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

Madame la ministre, je vous parle depuis la Guyane. Les outre-mer ont beaucoup apporté au sport français, j'ai en particulier une pensée, que vous partagerez sans doute, pour Malia Metella, première vice-championne olympique de natation issue de l'outre-mer, ainsi que pour son frère Mehdy. Je suis moi-même adepte de sport amateur et je considère que le mouvement sportif est le premier parti de France !

Les associations sportives ont-elles bien bénéficié des dispositifs prévus au même titre que les entreprises en difficulté ? Beaucoup d'actions bénévoles ont été menées dans les clubs, comment s'assurer que ceux-ci ont bien été informés, afin qu'ils ne passent pas à côté des aides financières et organisationnelles auxquelles ils pourraient prétendre pour relancer leur activité dans les semaines qui viennent ? Le sport est en effet un facteur important de socialisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Jouve

Je partage les préoccupations de mes collègues quant au soutien aux clubs sportifs amateurs, à la baisse des subventions et à la disparition des emplois aidés.

S'agissant de la réouverture de certains équipements sportifs, l'équitation ou le golf se pratiquent dans un cadre spatial peu contraint permettant le respect de la distanciation sociale. La réouverture des parcours de golf et des centres équestres pourrait-elle être envisagée dès le 11 mai, afin de permettre à ces clubs de respirer financièrement ? La même question pourrait être posée à propos de la navigation de plaisance, des sports nautiques et d'autres activités encore.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Madame la ministre, vous nous invitez à porter sur votre action un regard critique et bienveillant, je commencerai par la critique. Les propos que vous avez tenus le 22 avril, selon lesquels, par les temps qui courent, « le sport n'est pas prioritaire », étaient d'une grande maladresse, en particulier au vu de la diminution apparente de la surface de votre ministère. Vous avez, certes, rectifié le tir le 24 avril, mais le mal était fait. Pourtant, il n'y a pas de meilleur moment pour promouvoir le sport-santé, un axe important, auquel le Sénat est particulièrement attaché. L'occasion est inespérée : j'ai personnellement vu des gens qui ne couraient jamais s'y mettre. Pourquoi ne vous exprimez-vous pas plus à ce sujet ?

J'ai une pensée, en ce 5 mai, pour mes amis corses : ce jour-là, en 1992, des amateurs de football sont morts en assistant à un match. Pourquoi ne soutenez-vous pas plus Mme Nathalie Boy de la Tour, dans sa tentative de remettre un peu d'humanité dans ce sport populaire ? Les taux d'imposition du football professionnel ne sont pas à la hauteur de ce que celui-ci rapporte ; pourquoi ne vous entend-on pas militer pour plus de raison et de solidarité, en particulier au vu de ce que nous allons vivre après le Covid-19 ?

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu, ministre

La phrase que vous citez a été reprise par L'Équipe sans être remise en contexte ; répondant à une question sur Eurosport, j'ai dit que la santé primait la reprise des compétitions : la priorité, c'est la vie et la santé des athlètes et de nos concitoyens. Je l'assume particulièrement en ce 5 mai !

On connaît les vertus du sport spectacle professionnel, qui représente la quintessence du sport populaire et son rôle dans le quotidien des Français. Ce secteur dispose d'énormément de moyens. J'ai dit il y a deux jours, provoquant la colère de certains présidents de clubs, qu'il n'était pas normal que l'on ne soit pas plus précautionneux en matière d'investissement. Voyez : en un mois de crise, cet écosystème est à genoux. Ce n'est pas possible. Il faut remettre ce fonctionnement en question. Je discute avec Mme Nathalie Boy de la Tour tous les deux jours, les décisions prises le sont en concertation avec elle et avec les instances du football amateur comme professionnel.

Ce n'est pas facile : dans cette période où les médias sont à la recherche de sujets, ils ne parlent malheureusement que du spectacle et pas du sport-santé ou du sport-inclusion. Le contexte a permis au ministère des sports de sortir des tiroirs des éléments sur ces sujets, mais nous dépendons de l'espace médiatique pour le faire savoir ; or, même pendant cette période, c'est le sport professionnel qui intéresse les médias spécialisés, plutôt que des sujets comme la santé ou l'écologie, alors que les compétitions ne peuvent avoir lieu. C'est incroyable ! Il y a pourtant beaucoup d'autres thèmes à traiter. Nous y travaillons donc, même si nous ne parvenons pas toujours à en parler.

En outre, le déconfinement scolaire est prioritaire et je suis heureuse que le sport vienne, dans ce domaine, en soutien à l'éducation nationale. Je sais qu'Olivier Véran est convaincu par le thème du sport-santé, et nous l'évoquerons avec lui dès qu'il pourra souffler. Comme nous l'avions annoncé avec Agnès Buzyn, nous venons de lancer la deuxième vague de labellisation des maisons sport-santé. Notre engagement à terme est d'en ouvrir 500 - il est tenu - et nous mettons ainsi en réseau des acteurs qui feront du sport un véritable outil de santé publique pour aider les gens, physiquement comme mentalement.

Monsieur le sénateur Karam, je vous le confirme, je me suis battue pour que les associations soient nommément inscrites dans la loi, et c'est bien le cas. Il existe 380 000 associations sportives en France, je ne suis pas en mesure d'adresser un mail à chacune d'entre elles, nous misons sur la communication publique via les fédérations pour faire passer le message, et nous comptons également sur vous, parlementaires. Les associations ont accès au Fonds de solidarité, elles peuvent bénéficier du chômage partiel, de prêts garantis par l'État, et les travailleurs indépendants, les auto-entrepreneurs, peuvent être compensés des non-rentrées d'argent, voire du manque de chiffre d'affaires.

La reprise va être possible pour ces associations et les clubs sportifs, y compris pour ceux qui proposent des sports de contact. Il s'agira alors de proposer d'autres activités, conformes aux règles sanitaires, à leurs adhérents. Nous avons besoin que le monde associatif parvienne à restaurer du lien social, par groupes de plus en plus grands.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Laugier

Qu'en est-il du renouvellement des instances fédérales, repoussé en fin d'année ? Ne serait-il pas préférable de le programmer après les jeux Olympiques, soit vers l'automne 2021 ?

Pourriez-vous préciser l'aide au sport amateur et aux collectivités locales ? La période a donné lieu à des dépenses imprévues et à un manque de recettes, les budgets sont donc limités. En outre, le sport amateur repose également sur l'aide des entreprises locales, lesquelles vont également faire face à des problèmes financiers. Comment envisagez-vous la reprise dans ces conditions ?

Au vu de la cacophonie qui a accompagné la décision de mettre fin aux championnats, notamment de football, ne faudrait-il pas revoir la structure des instances ? Entre fédérations et ligues, il y en a peut-être une de trop.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Le dispositif 2S2C accompagne la reprise de l'école et le ministre, M. Blanquer, ainsi que les autorités académiques fondent beaucoup d'espoir dessus pour accueillir les enfants en petits groupes. Cependant, à chaque fois qu'il est évoqué, c'est pour solliciter l'aide des collectivités territoriales dans sa mise en oeuvre. Pouvez-vous préciser quels moyens votre ministère, en particulier, serait en mesure de déployer, en lien, par exemple, avec les clubs sportifs, lesquels pourraient ainsi relancer leur activité ?

En outre, j'espère trouver en vous une alliée pour obtenir la réouverture des plages. Je suis élue de Normandie, nous disposons de très grandes plages, avec des marées, il faudrait les rouvrir à la pratique sportive, car c'est possible sans créer d'attroupements, notamment à marée basse. Nous pouvons laisser cela à l'appréciation des maires, qui sauront en décider. Ce serait de bon sens : les parcs et les jardins publics seront ouverts, il serait incompréhensible que les plages ne le soient pas, d'autant plus que, dans ce cas, la limite de 100 kilomètres désavantagerait les habitants du littoral en excluant de larges territoires de la pratique sportive.

Enfin, tout le monde réfléchit au monde d'après, certains de mes collègues ont souhaité un plus grand ruissellement des ressources du sport professionnel vers le sport amateur. La pratique sportive s'est développée durant cette période de confinement, mais souvent derrière un écran, et cela pourrait donner lieu à des comportements nouveaux. À l'avenir, comment permettre aux clubs amateurs de prendre leur part de ces nouvelles activités ? Ne pourrait-on pas envisager de créer une plateforme publique proposant des activités en ligne en s'appuyant sur la richesse du tissu associatif de nos territoires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Boulay-Espéronnier

Les salles de sport et de fitness ont fait preuve de beaucoup de créativité et d'adaptabilité pour fonctionner à distance au profit de leurs 6 millions d'adhérents, mais plusieurs patrons d'enseignes du secteur accusent les banques de traîner les pieds pour leur accorder des suppléments de trésorerie, alors même que les salariés ont bénéficié du chômage partiel et que les coachs sportifs indépendants ont été aidés par l'État. Pourriez-vous influer pour les aider ?

Je suis une élue parisienne et je vis à proximité du stade Roland-Garros. Ce tournoi permet à la Fédération française de tennis de financer les 8 000 clubs français. Vous avez annoncé que celui-ci ne pourrait se tenir fin septembre que s'il était possible d'autoriser alors la présence de public. Envisagez-vous de lui permettre de se dérouler à huis clos, le cas échéant, afin de limiter les dégâts ? Il est important qu'il se tienne coûte que coûte en raison de l'impact social et économique de ce sport, auquel je suis moi-même particulièrement attachée.

Enfin, l'organisation des jeux Olympiques de 2024 semble menacée, puisque l'on évoque un surcoût de plus de 3 milliards de dollars en raison du report d'un an des jeux de Tokyo.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Je reviens sur la question concernant la reprise des activités équestres, qui est restée sans réponse : comme d'autres secteurs, les poneys-clubs et les centres équestres ne peuvent recevoir de public en vertu du décret du 23 mars. Malgré les annonces autorisant les groupes de dix personnes en extérieur, ces structures demeurent dans l'expectative. Or, outre les activités équestres de plein air, les manèges revêtent des caractéristiques qui rendent possible le respect des règles sanitaires. À moins d'une semaine de l'échéance, pourriez-vous faire une annonce à ce sujet ?

S'agissant des salles de sport, elles connaissent une application très inégale des règles d'encadrement et des obligations d'hygiène et de sécurité. Les salles low cost, en particulier, fonctionnent sous statut simple de loueur d'espace et s'affranchissent des règles de sécurité. C'est alarmant, d'autant que la réouverture prochaine ne tient pas compte de ces différenciations réglementaires. Ne faudrait-il pas rehausser à long terme les obligations d'hygiène et de sécurité pour l'ensemble des salles et organiser une réouverture différenciée selon le nombre d'adhérents par mètre carré ?

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu, ministre

Monsieur le sénateur Laugier, le Premier ministre a annoncé la reprise individuelle du sport, amateur comme professionnel, parce que c'était simple : il suffisait d'aller au-delà de la règle du « un kilomètre » et d'élargir la limite de rassemblement à dix personnes. Il reste maintenant à prendre en compte les spécificités de chaque discipline. C'est un travail complexe que nous menons avec les représentants des différents sports : les 114 fédérations ont chacune été chargées, par avance, d'élaborer un guide spécifique. Elles étaient un peu perdues, car elles ne pouvaient pas se projeter sur une date, mais nous leur avons demandé d'y travailler.

Les sports avec animaux relèvent conjointement de mon ministère et du ministère de l'agriculture, qui a soutenu la filière de l'équitation, par exemple, pour tout ce qui concerne la nécessité de nourrir les animaux. Nous travaillons sur leur reprise. S'agissant des pratiques dans les grands espaces : montagnes, mer, lacs, plans d'eau, forêts, la question relève d'un arbitrage interministériel, car, dans les zones rouges, ces espaces resteront fermés, ou seront refermés. Selon le code couleur, il restera possible, pour les préfets, d'aller au-delà ou en deçà des préconisations. Nous étudions, par exemple, la possibilité de mettre en place des plages dynamiques, comme les parlementaires nous l'ont proposé, qui ne soient que des lieux de passage et non des endroits où déposer sa serviette, car il faut se battre contre le relâchement. Nous ne retrouverons pas le bien-vivre ensemble tout de suite.

Nous sommes toutefois conscients que les sportifs de haut niveau doivent pratiquer en mer, de même, les nageurs ont besoin, à défaut de piscines, d'avoir accès à des lacs, à des plans d'eau en plein air, voire à la mer.

La troisième étape sera l'ouverture des équipements au grand public, lorsque cela sera possible. Nous y travaillons, les sportifs, les associations et les fédérations de marche, d'équitation ou d'escalade, qui ont l'habitude des grands espaces, ont besoin d'être rassurés et nous sommes en contact avec eux. Je comprends leur impatience, mais cela ne revêt aucun caractère d'urgence, contrairement au déconfinement scolaire. Il s'agit de sortir progressivement du confinement afin d'éviter l'afflux de populations. Je vous rappelle que le sport est à la jonction entre plaisir, loisir, passion, et métier.

Concernant les salles de sport et de fitness, elles sont considérées comme les autres établissements recevant du public (ERP) et sont contrôlées. Malgré le caractère privé plus qu'associatif de ces structures, les agents de mon ministère ont vocation à opérer ces contrôles et ces salles ne pourront rouvrir qu'en respectant les règles que le secteur aura lui-même édictées. Comme les hôtels et les restaurants, ces établissements auront besoin d'un accompagnement plus important de l'État : ils sont inclus dans le plan de continuation économique jusqu'à la fin du mois de juin, qui prévoit un report de charges, voire une annulation des charges fiscales et patronales, dans des proportions qui vont au-delà de ce qui est prévu pour d'autres secteurs. Nous suivons cette situation de très près.

Vous m'interrogez sur Roland-Garros et sur les grands événements, comme les jeux Olympiques. Notez que les mesures qui s'imposeront pour l'organisation de ces derniers avaient déjà été prévues avant la crise, car nous avions conçu un projet inclusif, écologique et économique puisque 5 % seulement des équipements devront être construits. Il y aura sans doute des dépassements de coûts, mais la situation est contrôlée activement de manière collaborative par l'État et les collectivités territoriales concernées et les ajustements éventuellement nécessaires seront décidés conjointement. Le report des jeux de Tokyo et l'incertitude sur les compétitions à l'avenir sont inquiétants, nous faisons ce que nous pouvons pour rassurer les acteurs concernés.

À mon sens, Roland-Garros n'a de sens que si le public peut y assister. Si ce n'était pas possible, il faudrait au moins que les joueurs puissent s'entraîner, se rencontrer et voyager. Tous les scénarios sont à l'étude, mais ce sont les organisateurs qui ont proposé des reports tant que la tenue du tournoi en configuration classique n'était pas envisageable.

S'agissant du Tour de France, l'Union cycliste internationale (UCI) a annoncé un calendrier prévoyant des compétitions préparatoires en août. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que les compétitions puissent reprendre, avec pour priorité la sécurité des sportifs et en anticipant la reprise des entraînements en amont.

La date des élections fédérales a fait l'objet d'un consensus général de toutes les fédérations et du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et a été fixée au 30 avril de l'année prochaine. Nous pensions aussi que l'on nous proposerait de les tenir après les jeux Olympiques, mais nous avons apprécié cette décision commune comme un geste démocratique marquant l'attachement au respect des mandats et aux modalités d'élection. Les élections au CNOSF auront ainsi lieu au mois de juin ; l'ANS devra donc jouer pleinement son rôle pour assurer la continuité technique et sportive, dans la mesure où la gouvernance sera susceptible de changer quelques mois avant les jeux Olympiques, afin de garantir la stabilité des préparations comme des critères de sélection.

Je n'ai pas l'intention de m'immiscer dans la gouvernance des instances sportives, qui relève d'une réflexion commune à mener entre le sport professionnel, les clubs, la Fédération et la Ligue. Le lien est très fort entre le sport et l'État, je le réaffirme, ainsi qu'entre les ligues professionnelles et les fédérations. Ce sont ces dernières qui signent un contrat de subdélégation avec les ligues, lesquelles ne sont donc pas des entités privées et indépendantes : il existe bien un lien entre le sport professionnel et le monde amateur avec des modalités de redistribution financière et d'équité, dont on peut discuter. Le contexte est en effet propice à réfléchir à tout cela, et j'aurais préféré que les quelques mois de confinement permettent aux acteurs de se poser les bonnes questions plutôt que de se demander quel jour il fallait arrêter le championnat.

Enfin, en ce qui concerne le protocole 2S2C, nous avons mobilisé l'ANS pour réorienter des moyens vers l'éducation nationale ; les fédérations sont très intéressées, car elles recherchent depuis longtemps ce lien avec l'éducation nationale, et le mouvement sportif est très heureux d'y être associé. Les modalités de cette mobilisation feront l'objet de discussions avec les collectivités territoriales.

La téléconférence est close à 18 h 40.