Interventions sur "restitution"

36 interventions trouvées.

Photo de Max BrissonMax Brisson :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’avoir une pensée amicale pour notre ancien collègue Alain Schmitz qui s’était impliqué, avec l’intelligence fine qu’on lui connaît, dans cette complexe question des restitutions. Permettez-moi également de saluer la qualité des apports et des travaux de Catherine Morin-Desailly, notre rapporteure depuis plusieurs années, qui s’est forgée sur ce sujet sensible, un point de vue que je partage pleinement. Avec raison, elle appelle depuis longtemps à fixer une méthode là où prévaut, jusqu’à ce jour, une approche trop strictement politique répondant aux seules exigences de...

Photo de Max BrissonMax Brisson :

...e crois primordial d’ancrer à nouveau le caractère inaliénable de nos collections comme principe fondateur de l’universalité de nos musées, sauf à ouvrir la porte à un engrenage dont on ne sait où il s’arrêtera. Après tout, le retrait de la collection Dodds, général africain de l’armée française, n’est-il pas déjà une damnatio memoriae ? Dernière cause de malaise, l’utilisation du terme « restitution » laisse germer l’idée qu’il s’agit d’un retour de biens possédés indûment et, par là même, que la France s’est rendue coupable par la possession de ces œuvres. Or ce sont des artistes français, épris d’art moderne et sensibles au génie humain, qui, voilà un peu plus d’un siècle – presque un siècle et demi –, érigèrent ces objets, jusque-là objets cultuels ou de la vie quotidienne, en œuvres d’ar...

Photo de Jean-Pierre DecoolJean-Pierre Decool :

... le Président de la République a annoncé voilà trois ans, lors de son discours à l’université de Ouagadougou, vouloir restituer de façon temporaire ou définitive les œuvres d’art africain des collections publiques françaises aux pays africains dont sont issues ces œuvres. Dans cette perspective, il a confié à deux chercheurs, Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, le soin de réaliser un rapport sur la restitution du patrimoine africain. Ce rapport se présente comme un plaidoyer en faveur d’une restitution massive, au nom de la repentance politique, du patrimoine africain présent dans les collections publiques françaises. Sont visées les œuvres acquises « en l’absence de consentement des populations locales », par « la violence ou la ruse ou dans des conditions iniques ». Le rapport prévoit également la r...

Photo de Thomas DossusThomas Dossus :

... les années 1850. Saisi en avril 1893 par les troupes du colonel Louis Archinard, cet objet représente, lui aussi, l’un des vestiges du pouvoir en place avant l’établissement de l’Afrique occidentale française. Ces deux objets sont donc des prises de guerre, des biens acquis dans la violence d’une époque de conquêtes coloniales qu’il nous faut aujourd’hui regarder avec lucidité. Les demandes de restitution du Bénin et du Sénégal sont donc tout à fait légitimes, et c’est en se fondant sur cette légitimité que le Gouvernement nous propose ce projet de loi. Celui-ci fait également écho à un engagement du Président de la République, pris le 28 novembre 2017 devant les étudiants de l’université de Ouagadougou, et qui a suscité de grands espoirs au sein de la jeunesse africaine. Affirmons-le ici sans d...

Photo de Abdallah HassaniAbdallah Hassani :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi prévoit le retour au Bénin, leur terre d’origine, de vingt-six objets du palais de Béhanzin conservés au musée du quai Branly et la restitution au Sénégal d’un sabre et de son fourreau attribués à El Hadj Omar Tall, chef toucouleur. Il fait suite à une demande expresse de ces deux États. Il ne met pas fin au caractère inaliénable de nos collections publiques. Il témoigne d’une exigence de vérité, d’un souhait commun d’apaiser des conflits de mémoire, d’une confiance en un partenariat équilibré. Il faut se réjouir de cette coopération ...

Photo de Sonia de La ProvôtéSonia de La Provôté :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous réunit ce jour vise à sortir des collections nationales vingt-sept biens culturels, afin d’ouvrir la voie à leur restitution à deux pays africains, le Bénin et le Sénégal. Il concerne, en son article 1er, le trésor de Béhanzin, vingt-six œuvres conservées au musée du quai Branly-Jacques Chirac et revendiquées par la République du Bénin depuis septembre 2016 et, en son article 2, le sabre, attribué à El Hadj Omar Tall, inscrit à l’inventaire des collections du musée de l’Armée, officiellement réclamé par le Sénégal dep...

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

...onjointement par vous-même, à la suite de votre prédécesseur, et par la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation – sur ce sujet, je suis néanmoins sans nouvelles de sa part… Les nombreux musées en dehors de Paris, dont nous n’avons pas parlé, sont en effet sous cette double tutelle. J’ai bien compris qu’un travail scientifique avait été accompli pour procéder à la restitution de ces objets et que vous comptiez le prolonger. D’ailleurs, pour avoir également eu des échanges avec des représentants du ministère des affaires étrangères, j’ai cru comprendre que, sur cette question, un travail interministériel se dessinait pour l’avenir. Mais, pour notre part, nous souhaitons une instance pérenne, qui survive aux gouvernements, aux changements de ministres, au renouvellemen...

Photo de Pierre OuzouliasPierre Ouzoulias :

...française – modèle Montmorency, 1820, fabriqué en Haute-Alsace –, il a été donné par un général français et repris par un général français ! Est-ce vraiment ce qu’aurait choisi le Sénégal ? Je n’en suis pas sûr. D’ailleurs, quand on reprend le rapport Sarr-Savoy, on s’aperçoit que la demande vient non de la République du Sénégal, mais de la famille d’Omar Tall. Or le même rapport précise que les restitutions doivent relever de relations d’État à État. Il s’agit d’une clause forte, qui, manifestement, n’a pas été respectée en l’occurrence. Un débat contradictoire et public, fondé sur des pièces, est donc bel et bien nécessaire, faute de quoi l’on en arrive à de telles décisions. Nous avons voté cet article à l’unanimité. Je ne le regrette pas. Mais on sent que l’on nous a un peu forcé la main : si l...

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

...ons sur ce point en débattant de l’intitulé du texte. Vous ajoutez qu’il faut juger au cas par cas. Mais, de notre côté, nous voulons une procédure encadrant l’action du prince. Avec ce texte d’exception, vous ouvrez un champ infini de précédents. Max Brisson l’a dit : le président du Bénin a déjà déclaré que cette démarche était insuffisante. Déjà, cinq ou six autres pays africains demandent la restitution d’au moins 13 000 objets. Où va-t-on s’arrêter ? L’an dernier, le Parlement belge a voté une résolution tendant à engager un dialogue avec la France au sujet des quelque 200 œuvres – sculptures et peintures, notamment de l’école de Rubens – saisies comme prises de guerre lors de la Révolution et de la période napoléonienne. Y a-t-il de bons et de mauvais tributs de guerre ? Nous voulons poser u...

Photo de Laurent LafonLaurent Lafon :

...rontation. D’un côté, il y a votre logique, celle de l’administration de la culture : une logique patrimoniale que nous partageons non seulement au sein de notre commission, mais, assez largement, au Sénat. De l’autre, il y a la logique diplomatique dont vous avez parlé : une logique qui parfois interfère et entre en opposition – qui joue, en tout cas, un jeu différent. Nous savons bien que ces restitutions, celles dont nous parlons comme les autres, antérieures ou à venir, donnent lieu, à un moment donné, à une confrontation au sein de l’État entre ces deux logiques. L’intérêt de ce conseil est précisément de participer à l’élaboration d’une décision interministérielle, qui équilibre les deux logiques et permette la prise en compte de chaque dimension. Nul n’ignore la dimension diplomatique de ce...

Photo de Max BrissonMax Brisson :

Nombre de sénateurs du groupe Les Républicains tiennent à modifier l’intitulé du projet de loi. Comme je l’ai souligné dans la discussion générale, la Haute Assemblée doit rappeler avec force le caractère inaliénable des collections nationales. C’est la raison pour laquelle les auteurs de l’amendement proposent de qualifier ce texte de projet de loi d’exception. Par ailleurs, le terme restitution continue de poser problème de notre point de vue. En effet, si le verbe latin restituere signifie « remettre à sa place, replacer, rendre », il n’en demeure pas moins que, en français, restituer désigne bien le fait de rendre une chose que l’on possède indûment – après le Gaffiot, je me réfère au Larousse –, ce qui véhicule incontestablement l’idée d’une faute à réparer. Voilà pourquoi no...

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Cet amendement vise à apporter une double modification à l’intitulé du projet de loi. D’une part, il est proposé de le qualifier de projet de loi d’exception. En l’absence de cadre général pour les restitutions, ce type de texte est, de toute façon, un texte d’exception : la règle applicable à nos collections reste l’inaliénabilité. C’est la raison pour laquelle nous sommes saisis de ce projet de loi. Au reste, grâce à la députée Constance Le Grip, les articles 1er et 2 prévoient déjà clairement que la sortie des biens revendiqués par le Bénin et le Sénégal est dérogatoire au principe d’inaliénabilité ...

Photo de Max BrissonMax Brisson :

Madame la rapporteure, je vous remercie d’avoir compris le sens de notre amendement, d’en avoir précisé l’esprit est d’avoir confirmé que le mot « restitution » comporte bien une charge morale. Je rappelle qu’un examen attentif de ce qui était légal dans le contexte de l’époque disqualifie ce terme, sauf à appréhender le passé selon non pas une démarche historique fondée, mais une stricte et exclusive vision mémorielle moralisatrice. Je consens à retirer la référence à l’exception. Quant au terme « retour », compris comme un retour des objets sur le...

Photo de Claudine LepageClaudine Lepage :

Je n’entrerai pas dans cette joute entre personnes très cultivées… Je remercie simplement Max Brisson d’avoir rectifié son amendement, parce que, dans sa rédaction initiale, nous n’aurions pas pu le voter. Ne serait-ce que parce que ce projet de loi, s’il est certes dérogatoire, n’est pas un texte d’exception. Notre collègue rejette le terme « restitution », qui, dans son esprit, s’accompagne d’une forme de repentance, ce qu’il refuse absolument. Je l’admets, mais il ne s’agit pas de nier l’histoire telle qu’elle s’est passée, seulement de reconnaître une juste part de responsabilité. Il convient non pas de regarder l’histoire d’hier avec les yeux d’aujourd’hui, mais de légiférer pour aujourd’hui et demain. Puisque le terme « retour » met tout le...

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme :

Je ne crois pas que ce débat soit accessoire, même nuitamment… Le terme « restitution » est lourd de sous-entendus : il emporte même la notion de spoliation, avec tout ce que cela véhicule en termes d’idéologie de la repentance. Dans la discussion générale, madame la ministre, vous avez pris des précautions infinies pour expliquer que ce texte n’est pas un acte de repentance. Précisément : cet amendement nous offre l’occasion, en parlant de transfert ou de retour – je ne sais pas...

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Je remercie l’ensemble des orateurs pour leur contribution à ce débat riche et complexe. Six mois après le vote à l’unanimité, ici même, du projet de loi de restitution des têtes maories, puis son adoption définitive par l’Assemblée nationale, une très belle cérémonie s’est tenue au musée du quai Branly, en présence du ministre de la culture de l’époque, Frédéric Mitterrand, et de l’ensemble des parties prenantes, pour solenniser ce geste extrêmement fort et symbolique de restitution des têtes maories à la Nouvelle-Zélande. Un an plus tard, mes chers collègues,...