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...embres de la commission des lois émanant de plusieurs groupes, vise à répondre à une carence de notre droit née de trois décisions juridictionnelles. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel ont en effet constaté que la loi française ne comportait pas de voie de recours juridictionnel permettant de mettre fin à des conditions de détention indignes en prison. L’objet de ce texte est de mettre en place une telle voie de recours. Au mois de janvier 2020, la Cour européenne des droits de l’homme, condamnant la France à indemniser trente-deux personnes incarcérées en métropole et outre-mer pour traitements inhumains et dégradants en application de l’article 3 de la Convention, a pour la première fois jugé que les requérants ne disposaient pas...
...ieur le président, monsieur le garde des sceaux, chers collègues, la proposition de loi déposée par notre collègue François-Noël Buffet marquera à n’en pas douter une étape importante dans la garantie des droits fondamentaux dans notre pays. Elle introduit dans notre code de procédure pénale une nouvelle voie de recours garantissant à chaque détenu la possibilité de faire constater des conditions indignes de détention afin qu’il y soit mis fin. Elle mettra notre législation en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel du 2 octobre dernier, qui nous a donné jusqu’au 1er mars 2021 pour créer cette nouvelle voie de recours. Le Sénat est depuis longtemps attentif au problème de la condition carcérale. Je ne remonterai pas jusqu’aux discours de notre illustre prédécesseur Victor Hugo, qu...
...contraire à ce que dit la Cour de cassation. Pour vous le démontrer, je vais simplement vous lire son arrêt du 25 novembre : « Encourt en conséquence la censure l’arrêt qui, en présence d’une description circonstanciée, s’arrête au fait qu’elle ne renverrait qu’aux conditions générales de détention dans l’établissement pénitentiaire en cause et qui exige de l’intéressé qu’il démontre le caractère indigne de ses conditions personnelles de détention. » Or ce sont justement ces conditions personnelles de détention que vous mettez dans le texte. Clairement, vous ne tirez aucune conséquence de la jurisprudence de la Cour de cassation ! Le quatrième point concerne les transferts. Le texte prévoit bien, je vous en donne acte, monsieur le garde des sceaux, un examen des conditions familiales, mais nous ...
...action rapide, dans le délai qu’il avait prescrit. C’est ce qui a conduit notre collègue François-Noël Buffet à prendre l’excellente initiative du dépôt de cette proposition de loi. Le texte insère dans le code de procédure pénale un nouvel article 803-8, qui prévoit dans quelles conditions et selon quelles modalités un détenu peut saisir le juge judiciaire, lorsqu’il estime subir des conditions indignes de détention, afin qu’il y soit mis fin. Il procède également à une mesure de coordination à l’article 144-1 du code de procédure pénale et complète le paragraphe III de l’article 707 du même code. Ce paragraphe III affirme le droit, pour toute personne condamnée incarcérée en exécution d’une peine privative de liberté, de bénéficier, chaque fois que cela est possible, d’un retour progressif à l...
...s de l’homme, laquelle a, le 30 janvier 2020, condamné notre pays à résorber l’inflation carcérale et à instituer un recours préventif et effectif, permettant aux personnes détenues de faire cesser ces atteintes graves à leurs droits fondamentaux. Dans un arrêt du 8 juillet 2020, la Cour de cassation, concernant un placement en détention provisoire, posait le principe selon lequel des conditions indignes de détention sont susceptibles de constituer un obstacle à la poursuite de cette détention. Cette solution, entre maintien en détention et libération sèche, ne pouvait pas être considérée comme satisfaisante. Aussi, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a, le 2 octobre dernier, décidé l’abrogation à la date du 1er mars 2021 du second alinéa de l’arti...
...tion. Aux délits sont associées des peines, parmi lesquelles la prison. Cependant, celle-ci ne peut pas avoir pour fonction d’humilier les détenus. Nous devons tous avoir à l’esprit que chacun a vocation à en sortir. Nous espérions que ce constat et cette condamnation, en 2013, permettent d’améliorer l’état de nos prisons. Tel n’a pas été le cas. Pis, en plus de subir des conditions de détention indignes et de souffrir des conséquences de la surpopulation carcérale, les détenus ne disposent d’aucun moyen de les faire cesser. En raison de cela, la France a été condamnée une première fois par la CEDH en mai 2015. C’est également pour ce motif qu’elle l’a été une nouvelle fois en 2020. Dans cette dernière décision, les juges européens ont rappelé trois objectifs à l’État français : supprimer le sur...
...t pas de répondre aux problèmes structurels causés par la surpopulation carcérale, lesquels nécessitaient des mesures de réorganisation du service public de la justice. Cette décision forte a eu pour conséquence un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui a estimé, le 8 juillet 2020, que le juge judiciaire avait l’obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif, sans que le législateur intervienne. Cette situation a été jugée insatisfaisante par le Conseil constitutionnel, qui a donc affirmé, en octobre dernier, qu’il incombait au législateur de garantir aux personnes placées en détention la possibilité de saisir le juge de conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine afin qu’il y ...
… mais on ne leur en donne pas les moyens. » Plutôt que de prendre des mesures qui ne feront qu’aggraver les conditions de détention, il est au contraire urgent, selon nous, de réfléchir globalement au système pénal que nous souhaitons pour notre pays. Les études sur le sujet sont unanimes : la seule manière de lutter contre la surpopulation carcérale, et donc contre les conditions de détention indignes, est d’engager un grand plan de décroissance carcérale. Cela irait à rebours des choix des gouvernements successifs, qui ont prôné une plus grande sévérité en matière de répression et une plus grande rapidité dans l’exécution des réponses pénales : alourdissement des peines et de la fermeté des sanctions prononcées par les juridictions, d’un côté ; extension du champ d’action de la procédure de...
... dizaine d’années. Elle fait peser au-dessus de nos têtes une permanente épée de Damoclès. La France avait déjà été condamnée pour la première fois à ce sujet en 2013. Il s’agissait alors de la maison d’arrêt Charles-III de Nancy. Pour autant, nos établissements pénitentiaires sont toujours surpeuplés et, bien souvent, les conditions de détention au sein des maisons d’arrêt sont considérées comme indignes. Il est question de vétusté, d’insalubrité, de trop grande promiscuité. C’est malheureusement souvent une réalité. En effet, alors que tout propriétaire privé doit légalement garantir à ses locataires une surface habitable d’au moins neuf mètres carrés, il n’est pas rare que l’État français fasse cohabiter plusieurs codétenus dans une cellule de huit mètres carrés, avec un ou plusieurs matelas ...
...ue nous examinons aujourd’hui intervient après l’arrêt de condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme à l’encontre de la France du 30 janvier 2020. La France a alors été condamnée à indemniser trente-deux personnes incarcérées dans un certain nombre d’établissements pénitentiaires de métropole et d’outre-mer. La Cour européenne des droits de l’homme a notamment relevé des conditions indignes de détention de ces prisonniers, considérant qu’elles étaient constitutives d’un mauvais traitement au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Pour cette instance juridictionnelle, le minimum requis pour assurer la dignité que l’on est en droit d’attendre n’est pas respecté en France : possibilité d’utiliser les toilettes de manière privée ; aération disponible ; a...
...certaines situations. Monsieur le garde des sceaux, permettez-moi de vous répondre en citant l’arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 2020, que j’ai évoqué brièvement précédemment : « Lorsque la description faite par le demandeur de ses conditions personnelles de détention est suffisamment crédible, précise et actuelle, de sorte qu’elle constitue un commencement de preuve de leur caractère indigne, il appartient à la chambre de l’instruction, dans le cas où le ministère public n’aurait pas préalablement fait vérifier ces allégations, de faire procéder à des vérifications complémentaires afin d’établir la réalité. « Encourt en conséquence la censure » – j’insiste sur ce point – « l’arrêt qui, en présence d’une description circonstanciée s’arrête au fait qu’elle ne renverrait qu’aux conditi...
...aises et de cafards, l’absence de chaise, la saleté repoussante des douches et le sous-dimensionnement de la cour de promenade, la chambre de l’instruction devait en apprécier le caractère précis, crédible et actuel, sans s’arrêter au fait que cette description ne renverrait qu’aux conditions générales de détention à la maison d’arrêt de Fresnes, ni exiger du demandeur qu’il démontre le caractère indigne de ses conditions personnelles de détention. » J’en conclus que les amendements n° 2 et 1, dont vous voyez bien que le second est l’amendement de repli du premier, sont strictement conformes à cet arrêt, en tendant à donner toute latitude aux personnes concernées de saisir le juge judiciaire, d’une manière qui ne saurait être exhaustive ou trop complexe, afin de faire valoir leurs droits. Franc...
Il en tient compte, de même qu’il a tenu compte de l’arrêt de la CEDH et de la décision du Conseil constitutionnel. Ces deux amendements visent à assouplir les critères de recevabilité des requêtes en prévoyant que le détenu pourrait présenter de simples indices de conditions de détention indignes. Pour ma part, je suis attaché à l’équilibre de la proposition de loi telle qu’elle a été dessinée, à l’origine, par son auteur et ses cosignataires, ainsi que par les amendements que nous avons adoptés au cours des travaux de notre commission. Nous voulons éviter que les JLD et les JAP soient submergés par des demandes, …
...e garde des sceaux, mais je connais quand même beaucoup de fonctionnaires de cette administration, je reçois chaque année les représentants de ses syndicats dans mon département et je vais visiter les établissements –, il ne nous apparaît pas réaliste de lui demander de statuer dans les trois jours et, dans ce délai, de trouver la bonne solution pour une personne qui se trouve dans des conditions indignes de détention. Nous proposons pour notre part un délai de dix jours : il n’est pas exorbitant, je crois même que c’est une mesure de bon sens. Je ne vois donc pas pourquoi vous n’accepteriez pas cet amendement.
Les conditions indignes de détention sont un sujet dont nous parlons à vrai dire très courtoisement ; nous avons raison de le faire ainsi. Néanmoins, c’est une réalité humaine insoutenable et, lorsque se produisent des faits de cet ordre, il n’est pas exorbitant de demander que les délais soient raccourcis. L’objet de cet amendement est justement de réduire le délai laissé par le juge à l’administration pénitentiaire p...
...ommission et la vôtre, monsieur Sueur. Vous défendez à travers votre proposition de loi et les amendements que vous avez déposés une logique selon laquelle le transfèrement n’est plus une option. Dans ce cas, je peux concevoir que l’on définisse un délai inférieur à dix jours. Pour le président Buffet, auteur de la présente proposition de loi, le délai pour mettre fin aux conditions de détention indignes est forcément compris entre dix jours et un mois, car l’administration pénitentiaire peut avoir besoin d’un temps plus long afin d’étudier différentes solutions et trouver un établissement pour le transfèrement. Nous ne pourrons pas tomber d’accord sur ce point, car vous renforcez les critères pour obtenir le transfèrement, ce qui le rend quasiment impossible – pardonnez-moi ce mot un peu bruta...
Je vois que M. Frassa s’en souvient très bien. Il est écrit dans le texte que le juge ne peut pas enjoindre à l’administration pénitentiaire de prendre des mesures déterminées pour mettre fin aux conditions indignes de détention. J’ai été un peu surpris de lire cela… Je me suis vu aussitôt rétorquer que, s’agissant de l’administration pénitentiaire, le juge judiciaire ne peut faire aucune injonction, prérogative du seul juge administratif. J’ai bien entendu cet argument. Vous pouvez me le répéter si cela vous fait plaisir, pour reprendre ce mot, il ne me convaincra pas. Le présent amendement tend à ouvrir...
...avez très bien que la libération d’un détenu est décidée par le juge et ne peut l’être que par lui, heureusement. Pour revenir à votre hypothèse, cela m’étonnerait donc qu’il décide la libération d’un détenu dangereux. Étant de droit commun, le transfèrement est toujours possible. Nous ne parlons que des décisions subséquentes au fait qu’un détenu engage une procédure pour conditions de détention indignes. J’en viens maintenant à l’amendement n° 9, qui vise à instaurer des mesures d’astreinte. Étant en désaccord avec un certain nombre d’aspects du présent texte – pas tous –, nous avons déposé une proposition de loi alternative dont le titre est le même mais comporte en plus l’adverbe « effectivement ». La mesure que nous proposons figure justement parmi celles qui peuvent rendre les choses effe...
...ement sauvegarde la vie privée et familiale du détenu et respecte son droit à la réinsertion, à la santé et à la défense. Le texte élaboré par la commission prend déjà en compte la dimension des liens familiaux, et la procédure proposée est respectueuse des droits de la défense. Concernant les aspects sanitaires et sociaux, il serait surprenant que le détenu qui souffre de conditions de détention indignes trouve de plus mauvaises conditions dans l’établissement où il serait transféré. L’avis est donc défavorable. Quant à l’amendement n° 11, il tend à proposer une notion d’« examen approfondi de la situation familiale et sociale » du détenu, qui est très vague. Quels seraient alors les critères appliqués par le juge ? Un détenu dont la situation sociale est très difficile ne pourrait-il bénéficie...
La question du transfèrement a déjà été beaucoup abordée. Ce sera certainement le terme le plus employé de ce débat… Je crains que le droit pour les personnes faisant l’objet de conditions de détention indignes de saisir le juge judiciaire pour un transfèrement ne se traduise par une espèce de mouvement perpétuel par lequel on ferait passer les détenus d’un établissement à l’autre. Vous avez dit que 800 à 900 détenus se retrouvaient à dormir sur des matelas posés par terre et humides, dans des conditions lamentables. Il y aura toujours ces 800 matelas en dépit des transfèrements. Des détenus seront c...