La réunion est ouverte à 10 h 30.
Cette mission d'information « éclair » que le président m'a confiée début avril est née du constat que la situation particulière des étudiants en santé méritait un traitement spécifique, hors du champ de la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante dont il est le rapporteur.
En effet, alors que tous les étudiants sont affectés par les conséquences pédagogiques, financières et sociales de la crise sanitaire, ceux inscrits en première année d'études de santé doivent aussi subir les très nombreux dysfonctionnements de la réforme de l'accès aux études de santé, dont l'année universitaire 2020-2021 est la première année de mise en oeuvre.
Compte tenu de l'urgence à répondre au désarroi et à la colère des étudiants et de leurs parents - nous avons tous été sollicités par les collectifs PASS/L.AS -, il était important que notre commission s'empare de ce sujet.
Au cours des 17 auditions que j'ai menées, j'ai tenu à échanger avec l'ensemble des parties prenantes - étudiants, parents, universitaires, professionnels de santé et ministères co-pilotes de la réforme - afin de me forger ma propre opinion. Mon rapport s'attache ainsi à dresser un état des lieux le plus exhaustif possible de la situation et à apporter des réponses pour la promotion actuelle et les suivantes.
Brièvement, en quoi consiste la réforme de l'accès aux études de santé prévue par la loi du 24 juillet 2019 ?
Depuis 2010, l'accès aux filières dites « MMOP » - pour médecine, maïeutique, odontologie et pharmacie - s'effectuait à partir de la première année commune à l'entrée dans les études de santé ou PACES. Cette année commune présentait certains avantages - lisibilité, équité de traitement, exigence d'excellence, tronc commun, faible coût -, mais elle était surtout décriée pour mener à l'échec un grand nombre d'étudiants qui, après une ou deux années de « bachotage », devaient « repartir de zéro » faute de se voir reconnaître les connaissances acquises.
La réforme de 2019, dont notre commission s'était saisie pour avis avec pour rapporteur Laurent Lafon, poursuit trois grands objectifs faisant largement consensus : la réussite des étudiants et la progression dans les études ; la diversification des profils des étudiants en santé - pour sortir du stéréotype du bachelier scientifique mention « très bien » issu d'un milieu social favorisé et originaire d'une grande ville -; une meilleure répartition territoriale de l'offre de formation en santé.
Le nouveau dispositif substitue à l'ancienne PACES deux nouvelles voies d'accès aux filières MMOP, le parcours spécifique « accès santé » dit « PASS » et la licence « accès santé » dite « L.AS ». Ces deux parcours permettent aux étudiants de valider des crédits universitaires et de poursuivre leur parcours d'études, même en cas de non-admission en MMOP. La nouvelle architecture est, il faut le souligner, particulièrement complexe à appréhender.
D'un constat unanime, la mise en oeuvre de la réforme se caractérise d'abord par de très nombreux manquements en termes de communication, observables à plusieurs niveaux :
- à l'égard des étudiants, à qui les objectifs de la réforme ont été mal présentés et ses modalités insuffisamment expliquées ;
- entre acteurs universitaires, qui ont peu, voire pas, dialogué, alors que la réforme ne concerne pas seulement les unités de formation et de recherche (UFR) de santé, mais l'ensemble des composantes disciplinaires au sein des universités ;
- à destination des professionnels de santé, qui n'ont pas été formellement consultés ni associés.
Ces défaillances sont à l'origine de mauvaises interprétations, d'idées fausses, d'incompréhensions, de choix d'orientation par défaut et, in fine, d'une très mauvaise acceptabilité de la réforme.
À ces erreurs de communication vient s'ajouter un manque inacceptable de transparence sur le nombre de places ouvertes en filières MMOP, sujet qui a cristallisé la colère des collectifs d'étudiants et de parents. Alors que les textes réglementaires prévoyaient une publication au plus tard le 31 mars 2020, plus d'un an plus tard, alors que les étudiants entamaient la deuxième session d'examens, toutes les universités n'avaient pas encore rendu public leur numerus apertus (qui a remplacé le numerus clausus).
Ce déficit de transparence concerne aussi les modalités d'évaluation qui, dans certaines universités, n'ont pas été communiquées à temps ou de manière suffisamment étayée. Les étudiants ont ainsi eu le sentiment d'être maintenus dans une incertitude permanente, de découvrir les règles au fil de l'eau.
Autre lacune en matière de transparence qui concerne cette fois-ci les futurs bacheliers 2021 : ceux-ci ont terminé de formuler leurs voeux sur Parcoursup, le 8 avril dernier, sans avoir nécessairement eu connaissance du nombre de places ouvertes dans chacun des parcours de formation permettant d'accéder aux filières MMOP.
Pour déterminer le nombre de places ouvertes en 2ème année de MMOP, le ministère de l'enseignement supérieur a procédé en deux temps :
- il a d'abord isolé le cas des doublants PACES pour lesquels le nombre de places a été sanctuarisé afin de leur assurer une équité de traitement par rapport aux doublants des années précédentes : c'est l'objet de l'arrêté du 25 janvier 2021 ;
- il a ensuite défini, avec chaque université, le nombre de places ouvertes aux étudiants de PASS et de L.AS, dans un double objectif d'augmentation du taux de réussite par rapport aux années précédentes et de création de places.
Alors que toutes les universités n'avaient pas encore publié le nombre de places ouvertes aux primants PASS/L.AS, le 30 mars dernier, la ministre a annoncé une augmentation, au niveau national, de 14,3 % du nombre de places, soit 2 000 supplémentaires, au seul bénéfice des étudiants de PASS et de L.AS.
Parallèlement à cette deuxième étape, ont été déterminés, dans le cadre de concertations régionales menées par les Agences régionales de santé (ARS), des objectifs régionaux de professionnels de santé à former sur cinq ans. Ces données ont été remontées à l'Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) qui a ensuite déterminé un objectif national de professionnels de santé à former sur cinq ans, représentant également une augmentation de l'ordre de 14 %.
Cette méthode de détermination des capacités d'accueil a été retoquée il y a 15 jours par le Conseil d'État, qui avait été saisi par des étudiants en PASS. La juridiction administrative a estimé, d'une part, que cette méthode ne laissait qu'un nombre de places résiduel aux étudiants en PASS, d'autre part, qu'elle était juridiquement fragile car ne reposant que sur les taux de réussite constatés par le passé. L'exécution de l'arrêté du 25 janvier dernier a donc été suspendue, ajoutant de la confusion à une situation déjà très chaotique.
Un nouvel arrêté a été publié par le ministère en fin de semaine dernière. Tenant compte des remarques du Conseil d'État, il précise les critères pris en compte pour déterminer le nombre de places réservées aux doublants PACES, au premier rang desquels les capacités d'accueil globales en deuxième année - ce qui n'était pas le cas dans le précédent arrêté.
Ces capacités d'accueil, listées en annexe de l'arrêté, appellent trois observations :
- il existe de grandes disparités d'une université à l'autre ;
- dans 10 universités, le nombre de places réservées aux doublants PACES est plus élevé que le nombre de places dédiées aux étudiants de PASS et de L.AS ;
- le pourcentage de places attribuées aux primants PASS/L.AS est très hétérogène, allant de 37 % à 72 % selon les universités.
Toutes les auditions que j'ai menées montrent également que la réforme a été insuffisamment préparée et pas assez pilotée.
Au niveau du ministère de l'enseignement supérieur tout d'abord, il y a clairement eu un manque d'anticipation : la dimension transdisciplinaire n'a pas été prise en compte à sa juste mesure ; l'année de transition, faisant coexister trois populations d'étudiants (doublants PACES, PASS et L.AS), n'a pas été bien préparée ; la gestion des flux d'étudiants, en particulier pour l'accès en L.AS 2, n'a pas été travaillée en amont.
À cela s'ajoute un déficit de pilotage national, relevé par les universités elles-mêmes. Le respect du principe de leur autonomie n'empêchait pas la mise en place d'un socle minimal d'harmonisation des pratiques afin de garantir l'équité de traitement des étudiants sur le territoire.
Au niveau des universités ensuite, le temps a indéniablement manqué pour appréhender la mécanique complexe de la réforme et se l'approprier. Le calendrier très contraint entre la publication des textes réglementaires (à l'automne 2019) et l'entrée en vigueur du nouveau système (rentrée 2020) ne permettait pas la mise en oeuvre de la réforme dans de bonnes conditions. Dès 2019, notre commission, par la voix de son rapporteur, avait émis de sérieux doutes sur la faisabilité d'une mise en oeuvre aussi rapide ; elle avait d'ailleurs adopté un amendement pour reporter d'un an l'entrée en vigueur de la réforme.
Cette impréparation générale explique les très nombreuses disparités constatées sur le terrain :
- entre universités - il y a autant de réformes que d'universités ! - : disparités dans les formules choisies, dans le contenu pédagogique des enseignements, dans les modalités d'évaluation ;
- entre étudiants d'universités différentes, mais aussi entre étudiants d'une même université.
Ce manque de cadrage national est aussi à l'origine de dysfonctionnements dont les étudiants sont les premières victimes :
- l'absence de choix, dans certaines universités, de la mineure disciplinaire en PASS ou de la L.AS, ce qui est contraire à l'esprit de la réforme ;
- la non-adaptation des programmes, nombre d'étudiants ayant dû mener « deux années en une » ; cette surcharge de travail va elle aussi à l'encontre des fondamentaux de la réforme ;
- des incertitudes sur la gestion des flux : à ce jour, ni le ministère, ni les universités ne sont en mesure de garantir un nombre suffisant de places en L.AS 2, alors qu'il s'agit d'une condition sine qua non pour la réussite du nouveau dispositif.
Face à la multiplication des difficultés et à une contestation grandissante de la part des étudiants et des parents, la réaction du ministère de l'enseignement supérieur a été trop tardive. Des initiatives allant dans le sens d'un cadrage plus serré ont été prises ces derniers mois - mise en place d'un comité national de pilotage, envoi d'un vade-mecum aux universités, installation de comités de suivi de la réforme dans les universités, nomination d'une chargée de mission spécifiquement dédiée à la réforme - mais le mal est déjà fait pour la promotion actuelle...
La mise en oeuvre de la réforme révèle aussi l'absence de programmation financière, alors que le nouveau dispositif est beaucoup plus coûteux que l'ancien. Notre commission avait relevé ce point dès 2019 et notre rapporteur pour l'enseignement supérieur avait réitéré nos inquiétudes lors des exercices budgétaires 2020 et 2021.
Deux enveloppes de 17 millions d'euros et de 19 millions d'euros ont été successivement budgétées en lois de finances pour 2020 et pour 2021, mais elles ne suffiront pas à répondre aux besoins de formation générés par l'ampleur de la réforme, en particulier en deuxième cycle, qu'il s'agisse des locaux, des matériels, des terrains de stages ou des personnels encadrants. Faute d'une véritable budgétisation de ces besoins, c'est la qualité de la formation qui risque in fine de se dégrader.
Au-delà de ces aspects liés à la mise en oeuvre de la réforme, j'ai une interrogation sur le fond même de son architecture. Les universités qui s'en sortent le mieux sont celles qui en étaient préfiguratrices - comme l'Université d'Angers ou l'Université de Paris - et celles qui ont choisi de ne pas ouvrir de PASS mais de ne mettre en place que des L.AS - c'est le cas des universités de Strasbourg, de Caen, de Créteil, de Poitiers et de l'Institut catholique de Lille.
Les textes réglementaires n'obligent en effet pas à la mise en place de la formule bicéphale PASS/L.AS, mais laissent la possibilité de créer plusieurs L.AS comme autant de formations permettant d'accéder aux filières MMOP. Cette option semble susciter beaucoup moins de contestations locales et offrir une bien meilleure compréhension de la réforme. Je m'interroge donc, pour l'avenir, sur la pertinence du maintien des PASS et sur la possibilité de basculer progressivement vers une organisation « tout L.AS ».
L'irruption de la crise sanitaire a évidemment été un facteur aggravant :
- pour les étudiants, qui ont eu le sentiment de subir une « double peine » ; le suivi des cours à distance n'a fait qu'amplifier les difficultés liées à la seule réforme ;
- pour les universités, qui ont logiquement donné la priorité à la gestion de la crise et qui n'ont donc pas été en mesure de mener les concertations nécessaires à sa préparation.
Compte tenu des risques que faisait peser ce contexte exceptionnel sur le bon déploiement d'une réforme déjà très complexe, le ministère aurait dû reporter son entrée en vigueur d'un an. Il est désormais un peu trop facile de s'abriter derrière la crise pour expliquer les dysfonctionnements constatés sur le terrain. Indépendamment de la crise, la réforme a été mal anticipée et trop vite appliquée.
Mon premier axe de recommandations concerne la promotion actuelle qui « paye les pots cassés » d'une mise en oeuvre défaillante de la réforme. Il n'existe malheureusement pas de « solution miracle » : en effet, toute mesure prise à son bénéfice risque d'avoir des conséquences sur la prochaine cohorte d'étudiants, ne faisant que reporter les difficultés sur l'année suivante...
Premièrement : pour tous les étudiants en PASS et L.AS, favoriser la validation de leur année universitaire conformément aux objectifs de progression et de réussite dans le parcours d'études :
- en adaptant les modalités de contrôle des connaissances du second semestre (suppression des notes éliminatoires) ;
- en rendant impérative l'organisation des examens de la seconde session (rattrapage) et en leur conférant un niveau de difficulté moindre que les examens de première session.
Deuxièmement : pour les étudiants en PASS, mettre en oeuvre différents niveaux de réponse en fonction de leurs résultats :
- leur réattribuer les places en MMOP non pourvues par les étudiants en L.AS (fongibilité des places) ;
- pour ceux qui ont validé leur année universitaire, mais qui n'ont pas été pris en MMOP, leur permettre soit, à titre exceptionnel, de redoubler en PASS, soit de poursuivre en L.AS 2 dans la discipline correspondant à la mineure suivie en PASS, tout en bénéficiant d'un accompagnement spécifique ;
- pour ceux qui n'ont pas validé leur année universitaire :
. mais qui ont validé leur « majeure santé » : leur permettre le redoublement en PASS ou la poursuite en L.AS 2 ;
. mais qui ont validé leur mineure disciplinaire : leur permettre de continuer en L.AS 2, en bénéficiant d'un accompagnement spécifique ;
- pour ceux qui n'ont rien validé à l'issue de la seconde session (rattrapage), leur garantir une affectation dans la licence de leur choix.
Troisièmement : pour les étudiants en L. AS, mettre en oeuvre différents niveaux de réponse en fonction de leurs résultats :
- pour ceux qui ont validé leur année, mais qui n'ont pas été pris en MMOP, leur garantir une place dans la L.AS 2 correspondant à leur L.AS 1 et un taux de réussite l'an prochain pour l'accès en MMOP au moins égal à celui des promotions précédentes ;
- pour ceux qui n'ont validé ni leur majeure disciplinaire, ni leur mineure « santé » à l'issue de la seconde session (rattrapage), leur garantir une affectation dans la licence de leur choix ;
- permettre aux étudiants de L.AS 1 qui le souhaitent de ne pas candidater en MMOP dès la fin de la première année, mais de « réserver » cette première chance pour l'année de L.AS 2 (« droit au remords »).
Quatrièmement : assurer un nombre de places suffisant en L.AS 2 et proposer une large offre de L.AS 2 :
- afin de garantir à la promotion d'étudiants PASS/L.AS actuelle l'effectivité de la seconde chance et le même taux de réussite que les promotions précédentes, leur assurer une place en L.AS 2 ;
- afin que ces étudiants puissent poursuivre dans la L.AS 2 correspondant à leur parcours d'études :
. ouvrir des L.AS 2 dans toutes les disciplines correspondant aux L.AS 1 et aux mineures dispensées en PASS ;
. dans le cas où cette condition ne serait pas assurée, leur proposer une place dans une L.AS 2 relevant du même domaine.
Mon deuxième axe de recommandations concerne les prochaines promotions, l'objectif étant d'éviter que les mêmes erreurs ne se reproduisent.
Premièrement : repenser l'information et l'accompagnement des lycéens et des étudiants :
- pour les lycéens : leur permettre de choisir entre PASS et L.AS en toute connaissance de cause, en fonction de leurs aptitudes et de leurs appétences :
. en formant les conseillers d'orientation et les professeurs principaux à la réforme (logique de progression et de réussite, intérêt de la L.AS en termes d'ouverture disciplinaire, modalités de la seconde chance...) ;
. en améliorant sur Parcoursup les descriptifs des mineures en PASS et des L.AS (contenu, modalités d'évaluation, débouchés...).
- pour les étudiants : leur donner les moyens de s'approprier le nouveau système :
. en les informant en amont des modalités de leur formation, de leur évaluation et de leur sélection ;
. en mettant en place des dispositifs d'accompagnement spécifiques à chaque profil d'étudiant ;
. en créant, dans les universités, une cellule administrative et pédagogique dédiée au suivi et à l'accompagnement des étudiants en santé.
Deuxièmement : mettre en place un pilotage national qui permette un cadrage plus serré des universités, dans le respect de leur autonomie :
- remédier aux trop grandes disparités entre universités :
. en élaborant un référentiel commun portant sur le contenu des programmes, les modalités d'évaluation et de sélection ;
. en demandant aux universités d'adapter impérativement, d'ici la prochaine rentrée, les programmes de PASS et de L.AS, en s'appuyant sur ce référentiel commun et en missionnant au besoin un ingénieur pédagogique.
- améliorer la communication au sein des universités :
. en assurant la mise en place, dans les meilleurs délais, d'un comité de suivi de la réforme associant l'ensemble des acteurs concernés ;
. en incitant au dialogue entre composantes universitaires.
- donner des orientations précises aux universités :
. en prévoyant un délai contraignant pour la publication du nombre de places en deuxième année ;
. en conditionnant l'ouverture des mineures en PASS à la garantie qu'elles pourront effectivement fonctionner ;
. en leur indiquant explicitement la possibilité qu'elles ont de ne mettre en place que des L.AS.
Troisièmement : financer la réforme à hauteur des besoins, ce qui suppose :
- d'assurer la transparence de l'allocation et de l'utilisation des moyens dédiés à la réforme ;
- de mieux répartir les moyens selon les besoins, en portant une attention particulière aux filières déjà en tension et aux L.AS 2 ;
- d'investir structurellement dans les UFR de santé pour permettre une adéquation entre les capacités d'accueil et les besoins de formation (personnels encadrants, locaux, matériels, terrains de stage...).
Quatrièmement : préparer la suite du déploiement de la réforme :
- en adaptant les 2ème et 3ème années du premier cycle à la diversité des profils issus des nouveaux parcours de 1ère année - ajustement des programmes, mise en place de dispositifs d'accompagnement spécifiques - ;
- en engageant la mise en oeuvre de la réforme du deuxième cycle - annoncer la date de son entrée en vigueur, informer en amont les étudiants des nouvelles modalités d'évaluation des connaissances et des compétences -.
Cinquièmement : accélérer la réflexion sur les enjeux de démographie médicale :
- en lançant un travail de fond sur les capacités de formation : définir cette notion, développer les dispositifs incitatifs à l'encadrement, réfléchir aux transformations pédagogiques, veiller aux besoins particuliers de la filière odontologie ;
- en approfondissant la question de la répartition territoriale : mettre en place un maillage territorial en terrains de stage et en personnels encadrants, promouvoir une approche infra-régionale du numerus apertus, renforcer les mesures incitatives à l'installation des professionnels de santé dans les territoires sous-dotés...).
Je vous remercie pour ce travail complet réalisé dans un délai aussi contraint. Je vais maintenant donner la parole aux collègues qui souhaitent s'exprimer.
Je tiens à remercier et à féliciter notre rapporteure pour l'ampleur de son travail. J'ai pu assister à un certain nombre d'auditions et ai constaté dans la diversité des témoignages apportés une convergence sur l'extrême confusion qui entoure cette réforme.
Vous connaissez mes réserves sur celle-ci. Je considère qu'il ne fallait pas confondre la diversité des profils des candidats avec une volonté de diversification de celui des lauréats. La PACES avait des qualités : la clarté, l'équité ou encore l'excellence. Il y avait certes des travers dans le mode de sélections, mais il me semblait néanmoins nécessaire de préserver l'unité de formation délivrée au sein des filières PACES.
Quant à la mise en oeuvre de cette réforme, je ne comprends pas cette précipitation alors que sa complexité était connue. Un certain nombre d'universités avait pris de l'avance. Il aurait fallu s'appuyer sur ces universités, la déployer progressivement dans des universités volontaires. On constate aujourd'hui une volonté très variable dans les équipes pour mettre en oeuvre cette réforme. Au final, celle-ci est chaotique et source d'incompréhension de la part des étudiants, et ceci dès leur inscription sur Parcoursup. Certains ne peuvent pas choisir la licence accompagnant la mineure « santé ». J'estime qu'il y a quelque chose de fondamentalement nocif dans cette réforme.
On constate également un déficit d'information. La communication est totalement absente par endroit.
Aussi, je valide l'ensemble des propositions faites. J'appelle toutefois à la vigilance sur les moyennes. En effet, les moyennes ne veulent rien dire dans le cadre d'un concours. On peut être reçu avec une très faible moyenne.
Tout comme mon collègue, je félicite notre rapporteure pour la rapidité et l'étendue du travail réalisé. Vous avez évoqué dans votre propos introductif que cette réforme devait apporter de la visibilité, de la simplicité et de l'égalité. Or, aucun de ces objectifs n'est au rendez-vous.
Il y a cinq ans, nous avions auditionné l'association des jeunes médecins. Ils nous avaient fait part de leur colère. Nous connaissons tous cette réalité : sur le terrain, on manque de médecins.
Aujourd'hui, l'université n'est pas capable d'identifier des potentiels et de leur donner leurs chances. Au-delà d'études de médecine qui sont particulièrement maltraitantes pour les étudiants, il y a aussi le gâchis d'une génération. Les élèves qui se destinent à des études de médecine sont souvent brillants dans les études secondaires et ne sont pas préparés à l'échec. Ces jeunes se retrouvent sans la possibilité de se redresser et passent plusieurs années en errance universitaire avec, hors période de pandémie, des départs à l'étranger. Ils n'arrivent pas à se projeter, car ils s'étaient forgé une vocation d'études de médecine. Cette réforme n'était pas préparée, ni suivie des moyens nécessaires. La pandémie a accentué les difficultés : je tiens à rappeler, qu'en raison du manque de places dans les amphithéâtres, les cours à distance y étaient déjà une réalité avant la pandémie.
L'inégalité est à tous les stades et à toutes les périodes. Je pense par exemple aux épreuves classantes nationales (ECN) blanches de cette année. J'ai interrogé la ministre de l'enseignement supérieur pour savoir si elles auraient lieu en présentiel ou à distance. Elle m'a indiqué que chaque université ferait comme elle le souhaitait. C'est profondément inégalitaire.
Les doutes du président et de notre rapporteure sont hélas confirmés : les objectifs de cette réforme ne sont pas atteints.
L'échec devrait être vu comme un moyen de rebondir. Or, en France, aujourd'hui, il est vécu comme un trou noir. Pour changer cela, il y a un effort à faire de la part des enseignants lors de l'orientation au lycée, pour préparer psychologiquement les élèves à l'éventualité d'un échec.
En ce qui concerne les stages en milieu rural, c'est certes potentiellement un moyen intéressant pour orienter les médecins vers ces territoires. Mais ces stages sont trop souvent perçus comme une contrainte, et non comme une découverte, par des jeunes envoyés dans des territoires à plus de 100 kilomètres de leurs lieux d'études, sans moyen de transport.
Le tableau que vous avez dressé est angoissant et effrayant pour toute la jeunesse. On peut s'interroger sur la mise en oeuvre de cette réforme qui coïncide avec la pandémie. Il y a un manque d'informations des lycéens et des étudiants en première année. Depuis deux ans, ni les portes ouvertes ni les séminaires d'information sur les études supérieures n'ont eu lieu dans des conditions optimales. Les étudiants s'y engagent parfois de façon nébuleuse. Ils sont alors confrontés à des échecs, mais surtout à de la déception. Il me semble indispensable que l'université s'adapte à la problématique de l'orientation et de la réorientation.
J'ai deux questions : une souplesse particulière est-elle prévue pour les étudiants de première année, pour cette année ?
On parle beaucoup du décrochage scolaire. Mais cela concerne aussi l'université. Que faire pour les étudiants, dont les étudiants en médecine, décrocheurs ?
Je me réjouis d'avoir pu participer à quelques-unes des auditions organisées par notre rapporteure. Comme beaucoup d'entre vous, j'ai été contacté par des étudiants me faisant part de leur désarroi. À l'université de Montpellier, un redoublant a 24 % de chances de passer en deuxième année, alors qu'en maïeutique, le taux de réussite ne sera que de 0,7 % car il y a seulement 7 places pour 1 200 étudiants.
Des parents commencent à envisager une formation à l'étranger pour leurs enfants, ce qui coûte cher. Cette réforme a été mal préparée, mal expliquée.
Au moment de la présentation de cette réforme, nous avions évoqué les difficultés liées au double pilotage ministériel de cette réforme. Ces difficultés apparaissent de manière encore plus importante dans la mise en oeuvre de celle-ci. Nous aurons certainement l'occasion de revenir sur ce point dans les mois à venir.
Cette réforme est certes complexe, mais ce n'est pas la première fois qu'une réforme d'une telle nature est mise en oeuvre. La principale difficulté réside dans les immenses différences de mise en oeuvre de celle-ci d'une université à l'autre. Cette réforme a été discutée pendant trois ans. Quelques universités ont commencé à y réfléchir de longue date, ainsi qu'à ses implications, et ont compris les objectifs de cette réforme. Mais ce n'est pas le cas de la majorité des universités. 95 % de celles-ci ont eu six mois pour comprendre la réforme, discuter des contenus, faire travailler ensemble les composantes, réfléchir aux licences qui seront ou non proposées. Il y a eu cette année beaucoup de questions et peu de réponses. La crise sanitaire y a également contribué. Ce rapport n'est pas un texte à charge contre cette réforme, mais il doit permettre de comprendre ses tenants et aboutissants.
En ce qui concerne la diversification du profil des lauréats, on constate une reproduction de certains stéréotypes en PASS. En revanche, la mise en place des filières L.AS - couplée à la réforme du baccalauréat - avec jusqu'à 10 à 12 licences différentes proposées permet d'avoir une plus grande diversité des profils des étudiants reçus. Cette nouvelle voie offre également la possibilité à des étudiants qui suivent, par exemple, une majeure en droit ou en psychologie d'avoir cours dans les antennes et non dans les bâtiments centraux de l'université. Ce dispositif permet donc à certains jeunes de pouvoir étudier plus près de chez eux - l'éloignement géographique étant parfois un frein. D'une manière générale, que ce soit en PASS ou en L. AS, il est vrai que l'on reste sur des profils d'excellents élèves.
Certes, la moyenne ne peut de manière absolue être une référence. Toutefois, lorsqu'un étudiant à 17 de moyenne sur la majeure santé, et compte tenu que celle-ci représente entre 70 à 100 % du programme de PASS, on peut penser que la maîtrise des matières est bonne. Or des étudiants dans cette situation risquent de ne pas être admis en deuxième année.
Vous évoquiez l'absence de lisibilité et d'égalité. Je partage votre avis. La mise en oeuvre de cette réforme est très chaotique - alors même que les objectifs poursuivis étaient les bons. Là où la réforme a été mise en place dans de bonnes conditions, on sent que les objectifs fixés peuvent être atteints. Cette réforme ne doit pas, en tant que telle, être récusée. Mais il ne faut pas ajouter du malheur aux malheurs de la promotion qui a commencé ses études en 2020. Il faut les accompagner. Il en est de même pour la promotion 2021, car tous les problèmes ne seront pas réglés à la rentrée. Cet accompagnement est d'autant plus nécessaire que la réussite des étudiants est au coeur des discours ministériels.
J'ai également recueilli de nombreux témoignages de jeunes dont les parents les ont inscrits à l'étranger. Je ne comprends pas l'explication de la limitation du nombre de places proposées par le fait qu'il y aurait trop d'étudiants par formateur. À l'étranger, la taille des promotions est plus importante. Et les études doivent être de bonne qualité, puisqu'ensuite ces étudiants peuvent exercer en France.
Je partage votre avis sur la nécessité de renforcer la communication et l'information sur cette réforme et ces nouvelles filières.
Enfin, la question des stages est un sujet important. Certaines universités ont mis en place un système intéressant : quinze jours de cours à l'université, puis quinze jours en stage dans un cabinet de médecin généraliste. Cette organisation évite de nombreux allers-retours entre le domicile, l'université et le lieu de stage. Mais cette organisation nécessite une agilité pour les formateurs. En effet, un enseignement pendant quinze jours consécutifs entraîne pour le formateur une moindre disponibilité en service hospitalier. Je constate toutefois que certains secteurs ont mis en place une telle organisation : il est donc possible de le faire.
En ce qui concerne la souplesse évoquée par Jacques Grosperrin, nous n'en voyons pas encore de preuve tangible. Je note cependant que si l'objectif affiché est bien la réussite des étudiants, il faut en tenir compte et ne pas mettre les étudiants en difficulté.
Sur les questions soulevées par le double pilotage, je suis en plein accord avec la remarque de notre président. Nous avons constaté que les deux ministères de tutelle avaient tendance à se « renvoyer la balle ». De même, les difficultés liées à la crise sanitaire se sont répercutées sur la préparation de la réforme. Ainsi dans les régions les plus touchées par la pandémie, les ARS n'ont pas été en mesure de mener les concertations de manière aussi fine que souhaité. Je regrette au passage que les organisations représentatives des professionnels de santé n'aient pas été consultées, ce qui aurait permis de mieux tenir compte de la réalité sanitaire des territoires.
Je déplore tout autant que la rapporteure le sacrifice de la génération 2020-2021. Il s'agit là d'un constat insupportable qui doit nous interpeler. J'ai le sentiment que les universités qui n'ont mis en place que des L.AS ont plutôt bien réussi, ce qui est encourageant. Cependant, je note là encore, que l'autonomie des universités, au-delà des principes, se traduit trop souvent pas des inégalités entre les territoires. Elles se doublent d'une sélection basée sur les moyens financiers des parents, qui peuvent permettre à leurs enfants d'aller étudier à l'étranger, voire de bénéficier de préparations privées.
Le constat de Sonia de La Provôté doit nous inciter à évaluer de nouveau cette réforme d'ici quelques mois, notamment sur l'intérêt de maintenir les deux voies PASS et L.AS.
Un dernier mot : j'assume pleinement les propos sévères du rapport qui me semble traduire la situation très injuste de la génération actuellement en études.
La commission autorise la publication du rapport d'information.
La réunion est close à 11 h 55.