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...a présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce mardi 17 octobre 1961, le temps est gris sur Paris et la région parisienne. Le Président de la République, le général de Gaulle, a présidé, ce jour, une séance du Commissariat général au plan sur des investissements publics à caractère social, le quatrième Plan devant être soumis au Parlement pour adoption dans un mois. Si les « événements d’Algérie », comme l’on dit alors pudiquement, sont une réalité pour nos compatriotes, avec de la violence et des attentats des deux côtés de la Méditerranée, la France est une démocratie avec des institutions qui fonctionnent. La Ve République est présidée par son fondateur et Michel Debré est à Matignon. Ce pouvoir fort a engagé des négociations avec le Gouvernement provisoire de la Républiqu...
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des lois n’a pas adopté le texte de la proposition de loi relative à la commémoration de la répression d’Algériens le 17 octobre 1961 et les jours suivants à Paris, et ce pour plusieurs raisons. Je rappelle qu’il s’agit d’un texte symbolique et mémoriel, car les événements de l’époque sont soit couverts par l’amnistie décidée à la fin de la guerre d’Algérie, soit prescrits. La manifestation du 17 octobre 1961 en tant qu’événement singulier, ses causes et ses suites font l’objet d’un important travail historique depuis 1985 et la parution du premier ouvrage sur ce sujet. La recension opérée par deux historiens britanniques ne relève pas moins de deux cents article...
Par ailleurs, c’est par décret qu’ont été fixées la date du 25 septembre commémorant les forces supplétives de l’armée française, les harkis, et celle du 5 décembre pour la commémoration des morts pour la France pendant la guerre d’Algérie. Ces deux dates ont été choisies sans lien avec un événement particulier de la guerre d’Algérie, dans le but d’apaiser les mémoires – elles correspondent aux dates de promulgation de ces lois. Parce que l’on ne voulait pas reconnaître qu’il s’agissait d’une guerre civile, on parlait des « événements » d’Algérie. C’est bien plus tard qu’il a été question de « guerre d’Algérie ». Il a paru à la commission des lois qu’il n’était pas souhaitable de risquer un...
...r un couvre-feu imposé à ces seuls « Français musulmans d’Algérie ». Je crois qu’il n’y a aujourd’hui plus aucune ambiguïté quant au déroulement de cette manifestation et à l’ampleur de la violence qu’elle engendra alors de la part des forces de l’ordre. Le nombre de morts n’est pas exactement connu, mais, quelle que soit l’estimation, il est toujours édifiant. Au-delà du drame que représente l’événement, ce n’est pas que de cela qu’il est question dans cette proposition de loi. Chacun le sait, il s’est noué une affaire dans l’affaire au regard de son traitement politique, médiatique et historique. Tout cela a déjà été fort bien rappelé. J’ai pendant longtemps enseigné l’histoire et la géographie de sorte que je me suis souvent interrogé sur la manière d’écrire et de dire l’histoire – ou les hi...
Je crois que cette démarche a été amorcée depuis longtemps. Sur la forme, une loi n’est pas le support qui permet de dresser un tel constat : un événement historique ne saurait être réduit à la simplicité d’une phrase. C’est pour cette raison que, si le groupe du RDSE salue vivement l’esprit de la démarche entreprise par les auteurs de cette proposition de loi, ses membres préféreront s’abstenir de la voter.
... long et lent processus. C’est le sens de la mémoire, cette chaîne dont chaque citoyen est un maillon ; cette chaîne qui nous vient du passé et tend vers l’avenir. La France est un grand pays. Cela ne l’immunise pas au regard de l’histoire. Cela ne l’exonère pas non plus. La France est un grand pays, justement parce qu’elle est capable de regarder son passé avec discernement, d’en connaître les événements, de se réjouir de toutes les fois où elle a été à la hauteur, de reconnaître aussi les moments où elle n’a pas su s’élever. Par son esprit de résilience, la France est digne pour tous ceux qui la regardent et lui font confiance. J’en ai mesuré la force lorsque, en avril 2015, je me suis rendu à Sétif, en Algérie. À la demande du président de la République François Hollande, j’y ai reconnu au no...
...des dispositions portant sur la répression brutale et sanglante des manifestants algériens le 17 octobre 1961, dans le contexte très violent de la guerre d’Algérie. Le présent texte traite de ce sujet via deux objets distincts : d’une part, l’inscription dans la loi de la responsabilité de la France dans cette répression ; d’autre part, l’inscription dans la loi de la commémoration de ces événements, chaque 17 octobre. Sur le second point, il n’est pas inutile de rappeler qu’une commémoration peut être célébrée sans qu’intervienne une loi. De fait, le Président de la République a participé à la commémoration de cette répression en octobre dernier, en présence de descendants des différents porteurs de mémoire. Franchissant un pas supplémentaire dans le travail de mémoire, il a en outre reco...
...s la sous-tendaient. Force est de le constater – d’ailleurs, le débat inhérent à ce texte le confirme –, l’apaisement n’est pas au rendez-vous. En effet, la question posée par cette proposition de loi n’est pas celle de la responsabilité pénale des acteurs. De plus, le présent texte entretient la confusion entre ce qui relève de l’histoire et ce qui relève de la mémoire. Je rappelle que lesdits événements ont déjà fait l’objet d’une volonté de reconnaissance. En octobre 2012, le président de la République déclarait : « Des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. » En octobre 2021, l’actuel chef de l’État ajoutait quant à lui : « Les crimes commis cette nuit-là sous l’autorité de Maurice Papon sont inexcusables pour la République. ...
...sensus nécessaire pour établir la responsabilité de la France. Une telle dénégation n’est-elle pas une insulte, non seulement envers les victimes, mais aussi envers les auteurs de tous les travaux académiques dédiés à ce sujet ? Se réfugiant derrière un argument byzantin, certains veulent à tout prix différencier la responsabilité de la France de celle du préfet de police de la République. Les événements du 17 octobre 1961 ne sont pas ponctuels ou inopinés. Ils s’étalent sur plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Ils suivent un déroulement coordonné, à grande échelle, marqué par la réquisition de stades et de gymnases. Une telle organisation requiert les services de l’État. Certains souhaitent conditionner une telle reconnaissance à une éventuelle réciprocité du gouvernement algérien, ou bi...
...oujours aussi violente. C’est profondément regrettable. La situation des relations entre l’Algérie et la France appellerait à davantage de dignité et de hauteur, loin des horreurs entendues à la tribune de certains candidats à l’élection présidentielle, ou dans cet hémicycle voilà quelques minutes. Comme le rappelait déjà notre groupe en 2012, ce qui s’est passé le 17 octobre 1961 n’était pas un événement isolé survenu en un lieu et en un moment unique. Cela constitua le paroxysme d’une politique de guerre coloniale symbolisée par la mise en place du sinistre préfet de police Maurice Papon. Cette nuit-là, dans les rues de la capitale, on a assisté à une chasse à l’homme aboutissant à des assassinats ; c’est pourquoi nous pouvons parler en l’espèce, comme nombre d’historiens, d’un crime d’État. D...
...mbre 2012 relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc ? Après la réception par le Président de la République au mois de mars dernier des petits-enfants d’Ali Boumendjel, avocat nationaliste torturé et assassiné en 1957, et pour lequel cet événement s’est accompagné d’une demande de pardon ? L’État algérien, enfermé dans le dogme d’une histoire officielle et d’une « rente mémorielle », pour reprendre les mots justes que le Président de la République a prononcés au mois de novembre dernier, n’a fait aucun pas. Il s’indigne, il insulte, il instrumentalise. L’apaisement mémoriel ne peut être unilatéral et partiel. Les auteurs de la propositio...
...t ? Je doute qu’en 1961, à Paris, la préfecture de police n’ait pas fait le décompte macabre de ces morts violentes… Un travail d’historien doit donc être mené. Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement dont vous faites partie a réduit l’accès aux archives par la loi du 30 juillet 2021, qui a modifié l’article L. 213-2 du code du patrimoine. Ces restrictions concernent-elles les archives des événements de 1961 ? Si je n’obtiens pas de réponse, je poserai de nouveau ma question. Pour la formuler autrement, les archives produites, entre autres, par la préfecture de police sont-elles librement communicables à tous les historiens souhaitant établir des faits indiscutables ?
...e Philippe Bouyssou a organisé une commémoration réunissant des citoyens français, enfants et petits-enfants de citoyens algériens, et il a inauguré une rue prochainement aménagée au droit du quai Henri-Pourchasse, dans un lieu hautement symbolique puisqu’il s’agit d’une artère centrale d’un quartier historique du passé ouvrier. Nous avons un devoir de mémoire. La version officielle de ce triste événement faisait état de deux morts ; en réalité, ce sont des dizaines, voire une centaine, d’Algériens qui ont été tués par la police. C’était un mensonge d’État, diffusé à l’époque par le gouvernement et le préfet de police devant les élus et les parlementaires. De nombreuses archives officielles ont été rapidement détruites après les faits, entravant le travail des historiens, sans parler de la censure...
Bien qu’elles soient opposées à cette proposition de loi, Mme la rapporteure et Mme la secrétaire d’État ont salué la valeur de cet événement, lorsque Bertrand Delanoë, sur ma proposition, a gravé la mémoire officielle de cet événement au cœur de Paris, en face de la préfecture de police, à l’endroit même où on avait pu apercevoir des corps sur le fleuve le 17 octobre 1961. Tout cela ne s’est pas fait tout seul. Alors jeune conseiller de Paris, je me souviens avoir proposé ce lieu de commémoration à Bertrand Delanoë, et je me souviens...
...gion parisienne, dont certaines avaient fait l’objet d’une déclaration à la police. Ces mêmes historiens ont établi ces faits de longue date et les ont resitués dans un engrenage de violences qui, en fait, a duré plusieurs semaines. Dans un souci de retranscription de la vérité, les auteurs du présent amendement, dont je fais partie, demandent que la présente proposition de loi tienne compte des événements qui ont précédé la répression du 17 octobre 1961, et pas seulement de ceux qui l’ont suivie.
La question de la contextualisation des événements du 17 octobre 1961 est importante. Tous les orateurs l’ont souligné dans leurs interventions. Cependant, cet amendement pose un problème de contexte : l’article 1er vise la répression de la manifestation du 17 octobre en tant qu’événement singulier. Si l’on inclut les jours précédents, il s’agit non plus de la manifestation et de ses conséquences, mais du climat général de violence de l’époque,...
Je veux tout d’abord saluer votre évolution sur ce texte, madame la rapporteure : vous nous avez expliqué précédemment qu’il fallait replacer la manifestation du 17 octobre dans un contexte général, et vous vous réfugiez désormais derrière la volonté affichée par notre groupe, que l’intitulé de cette proposition de loi traduit parfaitement, de légiférer sur la seule répression des événements ayant eu lieu le 17 octobre 1961. Contrairement à vous, madame la rapporteure, nous faisons preuve de cohérence et voterons contre cet amendement : nous entendons légiférer sur les faits survenus le 17 octobre 1961 et les événements qui en ont découlé, à savoir les dizaines de milliers d’arrestations, de blessés et de morts que l’on a dénombrés parmi des citoyens français, au cœur de la capital...
Vous nous dites que le travail des historiens est en cours. Je vous pose à nouveau la question : aujourd’hui, les historiens peuvent-ils avoir accès librement à la totalité des sources archivistiques concernant les événements d’octobre 1961 ?
...elui de Paris, le principal agent de l’État, faire ce qu’il veut au cœur de la capitale, qu’il ne rendait jamais compte de ses décisions à l’exécutif et qu’il agissait comme s’il était en dehors de l’État. Reconnaître un crime d’État, c’est donc reconnaître les faits. Selon moi, ce point ne relève pas de la controverse historique, mais d’une volonté politique de dissimuler ou non les faits. Les événements du 17 octobre sont-ils spécifiques ? Après tout, la question se pose car, dans un contexte de guerre, on constate tout un tas de débordements. La réponse à cette question est naturellement : oui, bien entendu ! Je le répète, cette manifestation, pacifique, s’est déroulée au cœur de Paris ; elle rassemblait des Français et, pourtant, il y a eu des dizaines de morts ! À l’époque, personne n’avait...
...travail des historiens est en cours. Rassurez-moi, les historiens peuvent-ils accéder librement à la totalité des archives, ou alors – et c’est plutôt mon interprétation – la loi du 30 juillet 2021, que le gouvernement auquel vous appartenez a présentée comme une loi contribuant à l’ouverture des archives, a-t-elle déjà fait son ouvrage, c’est-à-dire qu’un certain nombre des pièces concernant les événements du mois d’octobre 1961, qui étaient jusqu’ici consultables, ne le sont plus ? L’article L. 212-26 du code du patrimoine vous offre la faculté de déclasser toutes ces archives par simple arrêté. Je crois que le Gouvernement devrait prendre, dès aujourd’hui, l’engagement de promulguer un tel arrêté. Il s’agirait d’une très bonne nouvelle pour les historiens, car vous leur permettriez de travaille...