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...me gravité, des centaines d’hommes ont été victimes d’un déni de justice tellement grave qu’il entache la mémoire collective de la Grande Guerre depuis plus d’un siècle. En effet, l’opprobre qui s’est abattu injustement sur la plupart de ces soldats s’est étendu à leur famille, parfois même à toute leur commune, et a traversé les générations. Un siècle plus tard, ces familles demandent encore la réhabilitation de leurs aïeuls. Qu’est-ce qui différencie un soldat tiré au sort pour être fusillé de son camarade du même bataillon ayant lui aussi refusé de monter au front une nouvelle fois, mais que le hasard du destin a épargné ? Le nom du second figure sur un monument aux morts, sous la mention « mort pour la France », et sa mémoire est honorée depuis un siècle. La réhabilitation du premier fut envisag...
...fait partie de notre histoire collective. Néanmoins, il me paraît inapproprié de mettre sur un même plan ceux qui, épuisés et la peur au ventre, ont pourtant accompli jusqu’au bout leur devoir face à l’ennemi, y laissant souvent la vie, et ceux qui, pour des raisons que l’on peut entendre, n’ont pas voulu se battre. Je me garderai bien de juger ces derniers : des tribunaux l’ont déjà fait et des réhabilitations ont eu lieu dès les années 1920. À cet égard, je citerai de nouveau le rapport d’Antoine Prost : « Imaginer qu’on puisse aujourd’hui établir une vérité sur la plupart des cas de fusillés est pure illusion ». Si, comme une majorité des membres de notre commission, je n’approuverai pas cette proposition de loi, elle nous offre l’occasion de rappeler la mémoire de tous les soldats de cette guerre...
... à réhabiliter l’ensemble des militaires condamnés à mort pour désobéissance militaire ou mutilation volontaire par les conseils de guerre spéciaux, c’est-à-dire 639 soldats. Dès 1916, le Parlement français a décidé de mettre fin aux tribunaux spéciaux, reconnaissant que ces procédures n’avaient pas grand-chose à voir avec la justice. Dans les années qui ont suivi la guerre, plusieurs vagues de réhabilitations ont eu lieu, mais 639 noms demeurent. Il n’est pas envisageable de les examiner individuellement, car, pour bon nombre d’entre eux, leur dossier est manquant ou inexploitable. Chacun d’entre nous est soucieux de la mémoire de ces hommes et de la cohésion de la Nation. Mais la réhabilitation générale est ardemment souhaitée par certains, tandis que d’autres craignent qu’elle ne soit porteuse de ...
... justice. Une loi qui permet de revenir sur le déni d’une justice militaire arbitraire ayant bafoué le droit de la défense. Une loi qui permet de rendre leur honneur à des combattants tombés sous les balles d’un tribunal militaire, exécutés pour certains après avoir été tirés au sort. Une loi qui, plus que d’autres, dépasse tout clivage partisan. De nombreuses associations ont fait du devoir de réhabilitation un juste combat. Lors de la discussion du texte à l’Assemblée nationale, M. Gosselin, député Les Républicains de la Manche, a évoqué le cas de l’instituteur Théophile Maupas, l’un des caporaux de Souain, défendu avec acharnement par sa veuve, Blanche Maupas, en lien étroit avec la Ligue des droits de l’homme, jusqu’à ce qu’une cour spéciale le réhabilite en 1932. Pour sa part, le président Sarko...
...xte législatif à dimension mémorielle, la proposition de loi que nous examinons est particulièrement sensible. Sur le fond, la question ici posée est de savoir quel statut nous devons, plus d’un siècle après les faits, accorder à 639 soldats de l’armée française ayant été condamnés pour désobéissance militaire par un conseil de guerre entre 1914 et 1918 et n’ayant pas fait l’objet d’un procès en réhabilitation durant les années qui ont suivi la fin de la guerre. Par leurs actes, ces 639 militaires exécutés ne sont, disons-le clairement et avec des mots crus, ni des héros ni des salauds. Ce ne sont pas des héros, car, si d’une certaine manière ils sont morts par la France, ils ne sauraient être considérés comme des morts pour la France – une acception clairement codifiée dans notre droit. Ce ne sont ...
...lé de sang de son camarade mort ? Jugé le jour même de ce refus, il est condamné à mort et fusillé le lendemain matin. Face à ces effrayants constats, dès 1916, les députés, à l’unanimité, votent la fin de cette justice d’exception et restaurent le même jour le droit de grâce, utilisé par le président Poincaré de sorte que, dès 1916, quelque 95 % des condamnés à mort furent graciés. Une forme de réhabilitation était déjà en marche. Souvenons-nous, mes chers collègues, de cette période noire de notre histoire, où des familles de fusillés pour l’exemple subissaient l’opprobre et la honte dans nos villes et nos villages. Souvenons-nous que la facture de la balle qui les avait exécutés et des poteaux qui les avaient soutenus était envoyée aux familles. Souvenons-nous de cette inhumanité-là. Oui, comme ...
...tés dans le cadre de conseils de guerre improvisés, pour cause d’indiscipline militaire – refus d’obéissance, abandon de postes et désertion à l’ennemi –, tandis que d’autres furent abattus au détour d’une tranchée par un officier, à bout portant, soit pour rébellion, soit – je tiens à le rappeler avec émotion – pour appartenance connue à des organisations ouvrières militant contre la guerre. La réhabilitation des fusillés pour l’exemple nous tient à cœur, et j’en profite pour rendre hommage à notre ancien collègue Guy Fischer, qui avait porté avec brio ce sujet dans l’hémicycle. Notre groupe avait déposé en 2013 une proposition de loi visant à répondre à la demande juridique et mémorielle au sujet de la réhabilitation. Celle-ci reposait sur une approche globale, car nous considérions qu’il n’était pa...
Je profite de ces exemples pour saluer le travail et l’engagement des associations dans leur combat pour la réhabilitation des fusillés, comme l’Association républicaine des anciens combattants, le Mouvement de la Paix, l’Union pacifiste de France ou encore la Fédération nationale de la libre-pensée. Le sujet divise également les tenants d’une discipline garante de l’intégrité nationale, justifiant une sévérité exemplaire, ainsi que l’absence d’une quelconque remise en question de celle-ci, et ceux qui défendent une...
… s’inquiètent du caractère déchirant et clivant de la réhabilitation collective au sein de notre pays. Le groupe CRCE votera pour ce texte.
...stie de 1919 et d’avril 1921, qui instaurent un recours contre les condamnations prononcées par les conseils de guerre spéciaux au bénéfice des conjoints, ascendants et descendants jusqu’au quatrième degré, ont été votées à l’unanimité des députés. Outre ces deux lois d’amnistie, d’autres dispositions ont été votées, le plus souvent de manière transpartisane. La loi du 9 août 1924 permettant la réhabilitation de soldats exécutés sans jugement, une nouvelle loi d’amnistie votée le 3 janvier 1925, instaurant une procédure exceptionnelle devant la Cour de cassation, ou encore la loi du 9 mars 1932 créant une Cour spéciale de justice militaire, composée de magistrats et d’anciens combattants et compétente pour réviser l’ensemble des jugements rendus par les conseils de guerre. Les travaux menés durant ce...
...de droit commun ou pour espionnage. Naturellement, dans ce type de débat, la question du rôle du législateur face à l’histoire est bien souvent posée. Pour la majorité des membres de mon groupe, il ne s’agit pas de se conduire en historien. Le travail a été fait, je dirai même bien fait, notamment par l’historien Antoine Prost, qui a rendu en 2013 un rapport au Gouvernement sur les conditions de réhabilitation des fusillés pour l’exemple. Il s’agit donc avant tout d’endosser la responsabilité de la justice au regard du trouble attesté et largement reconnu jusque dans les discours présidentiels, depuis Lionel Jospin, sur ce régime exceptionnel des fusillés pour la France. Alors que 639 soldats sont visés par le projet de réhabilitation collective, on sait que l’injustice et l’arbitraire ont concerné u...
Si la justice est individuelle, y compris dans ses erreurs, l’amnistie elle aussi doit être individuelle. De nouvelles réhabilitations au cas par cas sont sans doute encore possibles et même nécessaires.
...e aussi, dans le cadre du devoir de mémoire et en tant que rapporteur de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », à la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale, qui a effectué un travail important dans nos territoires et départements respectifs, auquel ont participé les représentants des associations patriotiques de mémoire. Cette proposition de loi sur la réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple concerne 639 soldats. Dans le département des Ardennes, que je représente avec ma collègue sénatrice Else Joseph, j’ai pu rencontrer, il y a environ un an, un certain nombre d’associations et de collectifs, notamment la Ligue des droits de l’homme. La notion de devoir de mémoire, de respect et de reconnaissance a été largement rappelée. Depuis de nombreuses...
...rre mondiale n’a été reconnu comme tel. Nombre de ces condamnés pour refus d’obéissance ou abandon de poste ont en réalité commis des actes bien compréhensibles, comme celui de s’endormir à leur poste, de se replier parce qu’ils n’avaient plus de munitions ou de méconnaître un ordre qu’ils n’avaient pas entendu ou mal compris. Voilà deux ans, nous commémorions dans mon département, la Loire, la réhabilitation des six martyrs de Vingré, aux côtés du maire d’Ambierle et des descendants de deux de ces soldats, natifs de cette commune. Engagés en 1914 dans la défense du village de Vingré, ils ont été fusillés pour abandon de poste, parce qu’ils avaient obéi à l’ordre de repli de leur sous-lieutenant. Si les fusillés de Vingré ont été réhabilités en 1921, quelque 639 familles attendent toujours que cette ...
...itué ces punitions collectives, par définition aveugles. Or chacun des 639 fusillés évoqués pose un cas particulier. Certains d’entre eux étaient même des héros. La plupart de ces hommes n’étaient ni des traîtres ni des lâches. Il s’agissait de conscrits et non de militaires de carrière. Nous aurions envie qu’ils soient tous réhabilités, mais, autant la punition collective est injuste, autant la réhabilitation collective, qui met sur le même plan certains héros qui ont été ignoblement fusillés – je pense à l’officier Chapelant, fusillé à Crapeaumesnil, dans l’Oise, sur son brancard ! –, autrement dit ceux qui ont été trahis, et ceux qui ont trahi, n’est pas une solution.
...ncerne les 639 fusillés pour l’exemple. Ce chiffre ne sort pas d’un chapeau, mais d’un rapport du service historique de la défense (SHD), qui distingue très clairement les 639 cas que nous évoquons des soldats qui ont trahi ou refusé d’aller au combat. Il s’agit de faits parfaitement reconnus, issus d’un document du SHD, sur lequel nous fondons notre position. Je veux bien que l’on débatte de la réhabilitation de ces fusillés, chers collègues de droite, mais il ne doit pas y avoir de fausse polémique entre nous. On peut être pour ou contre, mais ne simulez pas une pseudo-incompréhension à ce sujet. Ma seconde remarque vise à soulever un problème de cohérence, comme je l’ai déjà fait en commission. Certains d’entre vous, mes chers collègues, considèrent qu’il ne revient pas au Parlement d’écrire l’his...
...nt résolument en cause les modalités de ces conseils de guerre spéciaux bien plus napoléoniens que républicains. Oui, réhabilitons tous ceux qui ont subi sommairement le choix désastreux des autorités républicaines d’alors d’en passer par cette forme injustifiable de justice expéditive, destinée à impressionner la masse bien plus qu’à sanctionner chacun en connaissance de cause. Bien sûr, cette réhabilitation s’interprétera de façon souple : nous n’allons pas formellement invalider les quelque 639 décisions de justice. C’est justement, à mon sens, la force et le profit évident que l’on peut tirer de cette proposition de loi. Puisqu’il s’agit de mémoire nationale, celle-ci pèsera lourdement : il s’agira avant tout d’un message adressé à la jeunesse. Dans ma propre jeunesse, j’ai été marqué et révolté...
...ébat. Néanmoins, je comprends moins pourquoi la solution de compromis que nous avons formulée a reçu un accueil aussi méprisant. En effet, à l’issue de nos échanges avec les historiens et les associations, notre groupe a souhaité défendre un amendement de réécriture de l’article 1er. Il vise une réintégration dans la mémoire nationale des 639 fusillés dont nous parlons aujourd’hui, plutôt qu’une réhabilitation collective et générale, qui se heurterait à des obstacles à la fois historiques et juridiques. Notre amendement, monsieur Temal, tient donc bien compte des 639 fusillés pour l’exemple.
Nous proposons également qu’un monument national soit érigé à leur mémoire. Par cet amendement, nous voulons faire en sorte que ce texte puisse poursuivre son chemin et aboutir à une forme de réhabilitation des soldats injustement fusillés. Toutefois, force est de constater, mes chers collègues, que cet amendement de compromis a reçu une fin de non-recevoir en commission. Il faudra m’en expliquer les raisons ! Je l’ai pourtant présenté à M. le rapporteur en précisant que le texte proposé était intéressant et devait poursuivre sa route, et que notre initiative permettrait d’aboutir à une solution co...
..., d’aboutir à une conclusion, voire de tourner la page. » Chacun le sait très bien, si ce texte, déposé par notre collègue député Bastien Lachaud et voté par l’Assemblée nationale, ne fait pas l’objet d’un vote conforme aujourd’hui, on en repoussera éternellement l’examen et il ne sera plus jamais discuté. Or l’enjeu, au-delà de ce débat, ce sont les familles de ces 639 soldats qui attendent une réhabilitation. En tant que rapporteur de ce texte, j’ai pris acte de la position de la commission et écouté les débats qui s’y sont déroulés – ils ont très bien été décrits –, mais je pense tout de même que le moment est venu de mettre un terme à cette histoire importante pour notre pays.