La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.
La séance est reprise.
Madame la présidente, lors du scrutin public n° 120, M. Didier Rambaud souhaitait voter pour et M. Alain Richard contre – les votes ont été inversés !
Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
Mes chers collègues, par lettre en date d’aujourd’hui, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du jeudi 16 février au matin et, éventuellement, l’après-midi, après l’examen de la proposition de loi créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture, sous réserve de leur dépôt.
Acte est donné de cette demande.
Le délai limite pour les inscriptions de parole serait fixé au mercredi 15 février prochain, à quinze heures.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l’exemple » durant la Première Guerre mondiale.
Mes chers collègues, je vous rappelle que nous examinons ce texte dans le cadre d’un espace réservé au groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, qui s’achèvera à seize heures dix.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 10 mars 1915, les poilus de la 21e compagnie du 336e régiment d’infanterie refusent de courir à une mort certaine pour reprendre une position au nord du village de Souain. Vingt-quatre d’entre eux sont tirés au sort arbitrairement et comparaissent devant le conseil de guerre. Quatre caporaux sont condamnés à mort ; ils sont fusillés le 17 mars par leurs camarades, quelques heures avant que ne parvienne le résultat du recours en grâce commuant leur peine en travaux forcés.
Le 14 juin 1915, après s’être fait soigner d’une blessure, Joseph Gabrielli, ne parlant que le corse, ne parvient pas à rejoindre sa compagnie. Il est condamné à mort pour abandon de poste et fusillé le jour même.
Le 21 mai 1916, quatre soldats sont condamnés à mort à Roucy. Quelques jours plus tôt, ils avaient retardé d’une heure le départ de leur compagnie. Initialement condamnés à huit jours de prison, ils ont vu leur peine modifiée en condamnation à mort « pour faire un exemple ».
Des récits semblables, glaçants, confondant d’injustice et confinant parfois à l’absurde, les historiens de la Grande Guerre en ont répertorié des centaines. Pour avoir refusé de courir devant la mort, ou pour avoir laissé penser qu’ils refusaient, des centaines de poilus ont été fusillés pour l’exemple.
Les conseils de guerre spéciaux instaurés par le décret du 6 septembre 1914 ont donné aux gradés un droit de vie ou de mort sur les soldats. Les officiers pouvaient même exécuter sommairement, sans réunir un conseil de guerre, un soldat dont ils jugeaient la conduite dangereuse.
En France, plus encore qu’au sein des autres nations belligérantes, la justice militaire s’est montrée implacable ; elle cherchait à faire des exemples pour maintenir les soldats dans la peur, ne leur laissant le choix qu’entre une mort certaine et une mort probable.
Les condamnés n’avaient pas les moyens de se défendre. Ils étaient parfois tirés au sort parmi un groupe d’accusés, puis abattus par leurs pairs, devant leurs pairs. Celui qui refusait de tirer sur son camarade était condamné à prendre sa place.
Dès le 24 août 1914, le pouvoir politique, par la plume du ministre de la guerre Adolphe Messimy, endosse cette responsabilité, reconnaissant que cette justice d’exception n’a pas tant vocation à punir des coupables qu’à faire des exemples.
Les historiens, notamment ceux du groupe de travail dirigé par l’illustre Antoine Prost, dont le rapport fait autorité, ont dénombré environ 740 soldats fusillés au cours de la guerre. À la demande de l’ancien secrétaire d’État Kader Arif, le service historique de la défense a établi une liste de 639 personnes fusillées pour désobéissance militaire, auxquels s’ajoutent 141 fusillés pour des faits de droit commun et 126 pour espionnage.
Cette proposition de loi vise à réhabiliter ces 639 soldats. Je précise, pour lever certaines inquiétudes, que, si ce nombre ne figure pas dans le corps de l’article, il est explicitement mentionné dans l’exposé des motifs – l’intention du législateur est sans ambiguïté.
Ces soldats sont-ils morts pour la France, comme le considèrent les dizaines de maires qui ont inscrit leurs noms sur les monuments aux morts de leur commune et comme nous sommes nombreux à le croire ? Ce qui est certain, c’est qu’ils ont été tués par la France.
Mes chers collègues, ce n’est pas réécrire l’histoire que d’admettre cette froide vérité. Au contraire, cela revient à accepter notre histoire dans toute sa complexité et à reconnaître que, assaillie, prise à la gorge, la République a commis une lourde faute en confiant la mission régalienne primordiale de rendre justice à des conseils de guerre spéciaux.
Il ne s’agit pas de porter un jugement de valeur sur des faits remontant à plus d’un siècle, à la lumière du présent. Au reste, comment le pourrions-nous ?
Il ne s’agit pas non plus de blâmer les gouvernements républicains qui ont officié durant le conflit. Chacun peut entrevoir l’extrême complexité de gouverner un pays assailli, a fortiori quand l’armée ennemie se trouve aux portes de Paris.
Il ne s’agit pas non plus de blâmer une armée qui était chargée de la mission vitale de protéger la Nation et dont le fonctionnement, notamment le droit militaire, était très largement hérité de la période impériale.
Il s’agit simplement de reconnaître que, dans des circonstances d’une extrême gravité, des centaines d’hommes ont été victimes d’un déni de justice tellement grave qu’il entache la mémoire collective de la Grande Guerre depuis plus d’un siècle.
En effet, l’opprobre qui s’est abattu injustement sur la plupart de ces soldats s’est étendu à leur famille, parfois même à toute leur commune, et a traversé les générations. Un siècle plus tard, ces familles demandent encore la réhabilitation de leurs aïeuls.
Qu’est-ce qui différencie un soldat tiré au sort pour être fusillé de son camarade du même bataillon ayant lui aussi refusé de monter au front une nouvelle fois, mais que le hasard du destin a épargné ?
Le nom du second figure sur un monument aux morts, sous la mention « mort pour la France », et sa mémoire est honorée depuis un siècle.
La réhabilitation du premier fut envisagée alors que la guerre faisait encore rage, mais le Parlement, tiraillé entre la constatation désolée de ces exactions manifestes et la nécessité de préserver l’Union sacrée, n’engagea pas ce combat. Il supprima néanmoins en 1916 les conseils de guerre spéciaux, mesure ayant drastiquement fait diminuer les exécutions. Ainsi, en 1917, année des grandes mutineries, seule une trentaine de soldats furent condamnés à mort.
De fait, l’essentiel des fusillés l’a été en 1914 et 1915. Les travaux d’Éric Viot ont montré que nombre d’entre eux avaient été victimes de quelques officiers zélés qui, dans chaque division par laquelle ils passaient, accroissaient le nombre de fusillés. Certains ont heureusement été désavoués et relevés par le général, à l’instar des officiers qui ont condamné à mort les six fusillés de Roucy.
Au lendemain de la guerre, la réhabilitation des fusillés était assez consensuelle. Les soldats revenus du front haïssaient avant tout les « embusqués » et les profiteurs, mais pas ceux qui avaient combattu à leurs côtés.
Dans l’entre-deux-guerres, le Parlement a tâché de réparer l’erreur de 1914, en adoptant plusieurs textes de manière très large, voire unanime : la loi d’amnistie du 29 avril 1921 ; plusieurs lois pour faciliter les procédures de réhabilitation ; la loi ouvrant la possibilité de procédures devant la Cour de cassation ; la réforme du code de justice militaire en 1928 ; enfin, la création d’une cour spéciale de justice militaire, qui a siégé entre 1932 à 1935 pour examiner certains dossiers.
Au bout du compte, environ 10 % des soldats fusillés ont été réhabilités ; c’est peu… Les réhabilitations furent aléatoires : il fallait qu’il y ait des témoins survivants, que les familles s’impliquent, qu’elles aient des relations bien placées et que la demande soit prise en charge par une association comme la Ligue des droits de l’homme. Pour nombre de familles modestes, d’ouvriers ou de paysans, ces voies de recours étaient inaccessibles.
Continuer de réhabiliter les fusillés au cas par cas constituerait naturellement le chemin idéal, mais ce chemin n’existe pas. En effet, le général Bach, historien du ministère des armées, a montré que 20 % à 25 % des dossiers étaient manquants et que beaucoup d’autres étaient vides ou inexploitables. Aussi, la réhabilitation ne peut être que collective.
Il serait de toute façon inconcevable de rejuger aujourd’hui des faits vieux de plus d’un siècle – le temps de la justice est passé, de même que celui des historiens, qui ont exploité l’essentiel des archives. Vient désormais le temps du politique, dont les représentants doivent se prononcer non pas sur l’histoire, mais sur la mémoire de la Nation.
Un premier pas important a été franchi au sommet de l’État lorsque le Premier ministre Lionel Jospin, en 1999, à Craonne, a souhaité que les fusillés pour l’exemple « réintègrent pleinement notre mémoire collective nationale. »
Nicolas Sarkozy lui a emboîté le pas en prononçant en 2008 à Douaumont un discours fort, au cours duquel il a déclaré qu’ils ne s’étaient pas déshonorés, puis en évoquant en 2009, sous l’Arc de Triomphe, « ces fusillés qui attendent encore qu’on leur rende justice ».
En 2014, sous la présidence de François Hollande, un espace a été aménagé en leur mémoire au sein du musée des armées, à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale.
À l’échelle locale, près de 2 000 communes, quelque 31 conseils départementaux et 6 conseils régionaux, territoires dont beaucoup portent les stigmates de la Grande Guerre, ont adopté des vœux pour réhabiliter les fusillés. Des monuments ont été érigés en leur mémoire, comme le magnifique monument de Chauny, dans l’Aisne, où les associations locales d’anciens combattants peuvent leur rendre hommage.
Jusqu’à présent, j’ai exposé des faits que personne, je crois, ne conteste. Reste à conclure ce chapitre.
Notre assemblée s’est prononcée une première fois sur une proposition de loi similaire de nos collègues communistes défendue par Guy Fischer. Elle doit aujourd’hui se prononcer sur une proposition de loi de notre collègue Bastien Lachaud, que je salue, adoptée à l’Assemblée nationale.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, après un riche et vibrant débat, s’est prononcée, à une très courte majorité, contre ce texte.
Cette majorité a notamment estimé que la réhabilitation de personnes condamnées par décision de justice posait un problème juridique et que seules des réhabilitations individuelles étaient légitimes. Certains ont également craint que le Parlement ne s’engage dans une réécriture dommageable de l’histoire, relevant non pas de ses prérogatives, mais de celle des historiens.
À titre personnel, je considère au contraire que le Parlement doit conclure la démarche amorcée en 1916.
Alors que la guerre de tranchées, que l’on croyait enfouie dans les vestiges du passé, ressurgit à quelques milliers de kilomètres de nous, en Ukraine, le Sénat dans son ensemble peut choisir de lever l’opprobre en affirmant que nul n’aurait dû ni ne devrait jamais être condamné à mort sommairement, parce qu’il a, comme tout soldat, été traversé d’un moment de doute ou d’effroi face à l’atrocité indicible d’une bataille d’infanterie.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE. – M. André Guiol applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, il m’apparaît toujours délicat de regarder l’histoire avec les yeux, les connaissances et les mentalités du présent. Comment nos propres actions de responsables politiques seront-elles jugées dans un siècle ou deux ? Nul ne le sait. Nous agissons tous avec les critères et usages de notre époque, qui paraîtront peut-être inappropriés aux générations futures.
Ensuite, je veux rappeler le contexte de la période 1914-1918 : la guerre est mondiale, totale, et chaque partie joue sa survie. Des millions d’hommes, dont la plupart étaient de simples civils, se battent sur plusieurs fronts. L’ennemi de la France n’est pas n’importe qui : il s’agit de l’Allemagne et de ses alliés, c’est-à-dire d’une puissance économique, industrielle et militaire considérable. Le traumatisme de 1870 habite les esprits. Une nouvelle défaite de la France aurait signifié la fin de notre pays.
Les soldats mobilisés ont, au cours des combats, été confrontés à un niveau de violence inouï et inédit dans une guerre véritablement industrielle, marquée par l’emploi en masse d’armes très meurtrières et terrorisantes. Les conditions de vie des soldats étaient particulièrement rudes, comme le laisse entrevoir actuellement la guerre de tranchées en Ukraine.
Nous savons dorénavant que de nombreuses vies ont été sacrifiées en 14-18, dans des offensives inutiles ou en raison d’erreurs de commandement. La période 1914-1915 étant celle des combats les plus meurtriers et probablement les moins bien préparés. Elle a donné lieu à de nombreux faits de désobéissance militaire suivis de multiples condamnations ; cela a été mis en lumière en 2013 par le rapport Prost.
En outre, les blessures physiques des soldats s’accompagnaient souvent de troubles psychiques, désormais connus comme des syndromes post-traumatiques, qui altèrent le jugement et annihilent la volonté.
Pour autant, face à un ennemi coriace, la France ne pouvait se payer le luxe de perdre du terrain ou de voir ses troupes gagnées par des actes de désobéissance ou par une démoralisation générale. Des mesures radicales ont alors été prises, conformes à l’esprit de l’époque et à la situation de guerre.
Tous les belligérants ont d’ailleurs prononcé des condamnations à mort dans leurs rangs. Signe des temps, des procès hâtifs ont été tenus, au cours desquels les droits de la défense étaient limités. Il faut souligner et enseigner cette réalité, qui fait partie de notre histoire collective.
Néanmoins, il me paraît inapproprié de mettre sur un même plan ceux qui, épuisés et la peur au ventre, ont pourtant accompli jusqu’au bout leur devoir face à l’ennemi, y laissant souvent la vie, et ceux qui, pour des raisons que l’on peut entendre, n’ont pas voulu se battre. Je me garderai bien de juger ces derniers : des tribunaux l’ont déjà fait et des réhabilitations ont eu lieu dès les années 1920.
À cet égard, je citerai de nouveau le rapport d’Antoine Prost : « Imaginer qu’on puisse aujourd’hui établir une vérité sur la plupart des cas de fusillés est pure illusion ».
Si, comme une majorité des membres de notre commission, je n’approuverai pas cette proposition de loi, elle nous offre l’occasion de rappeler la mémoire de tous les soldats de cette guerre épouvantable, qui a brisé les corps et les esprits et qui a durablement affaibli l’Europe.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la jeunesse du XXIe siècle a connu les confinements. Celle du début du XXe siècle a connu les tranchées, les gaz, les charges à la baïonnette, le feu roulant et les shrapnels.
En un siècle, le monde a évidemment changé, à tel point que nous avons du mal à nous représenter l’horreur des combats. Nous avons reçu en héritage de précieux témoignages. Celui de nos anciens, tout d’abord, au travers de lettres ou de quelques rares discussions. Des écrivains nous ont aussi laissé une trace mémorable de ce qu’ils ont vécu, à l’instar de Maurice Genevoix, Roland Dorgelès ou encore Ernst Jünger.
Ces récits sont difficiles, choquants et marquants, mais ils ne sont que des récits. Ils ne peuvent transmettre la mémoire de la peau, celle de ceux qui ont vécu cette apocalypse. Or celle-ci s’est éteinte en 2008 avec la disparition de Lazare Ponticelli, le dernier poilu. Il nous appartient désormais de maintenir allumée la flamme du souvenir.
Les monuments aux morts de nos communes retiennent les noms de ceux qui se sont battus pour défendre la patrie, des Ardennes aux Dardanelles. Il s’agit de lieux fondamentaux pour la République et pour la Nation.
La Première Guerre mondiale a fait plus de 4 millions de blessés parmi les militaires de notre pays. Elle a tué près d’un million et demi de soldats français. De nos jours, même en ayant ces chiffres en tête, on peine à se représenter l’ampleur du massacre. Nombreux sont ceux qui ont donné leur vie pour défendre la patrie.
Parmi eux, certains sont morts sous les balles françaises, condamnés à mort par une justice de guerre. Une justice qui n’offrait pas de procès équitable à l’accusé et qui a conduit à exécuter des déserteurs, mais aussi des soldats tirés au sort, ou même des fous.
La proposition de loi que nous examinons vise à réhabiliter l’ensemble des militaires condamnés à mort pour désobéissance militaire ou mutilation volontaire par les conseils de guerre spéciaux, c’est-à-dire 639 soldats.
Dès 1916, le Parlement français a décidé de mettre fin aux tribunaux spéciaux, reconnaissant que ces procédures n’avaient pas grand-chose à voir avec la justice.
Dans les années qui ont suivi la guerre, plusieurs vagues de réhabilitations ont eu lieu, mais 639 noms demeurent. Il n’est pas envisageable de les examiner individuellement, car, pour bon nombre d’entre eux, leur dossier est manquant ou inexploitable.
Chacun d’entre nous est soucieux de la mémoire de ces hommes et de la cohésion de la Nation. Mais la réhabilitation générale est ardemment souhaitée par certains, tandis que d’autres craignent qu’elle ne soit porteuse de divisions.
M. le rapporteur évoque des moments de faiblesse pour nous convaincre que ces condamnations étaient injustes. À la guerre, les moments de faiblesse n’ont-ils pas toujours des conséquences tragiques, pour les camarades comme pour la patrie ? Que serait-il advenu si tous nos soldats avaient cédé à des moments de faiblesse ?
Ces exécutions étaient injustes, parce que nul ne devrait être condamné à la peine de mort. Mais qui peut aujourd’hui juger des actions et des décisions qui ont eu lieu il y a plus d’un siècle ?
Nous faisons face à notre conscience ; chacun des membres de notre groupe votera conformément à la sienne.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous étudions aujourd’hui une loi de justice.
Une loi qui permet de revenir sur le déni d’une justice militaire arbitraire ayant bafoué le droit de la défense. Une loi qui permet de rendre leur honneur à des combattants tombés sous les balles d’un tribunal militaire, exécutés pour certains après avoir été tirés au sort. Une loi qui, plus que d’autres, dépasse tout clivage partisan.
De nombreuses associations ont fait du devoir de réhabilitation un juste combat. Lors de la discussion du texte à l’Assemblée nationale, M. Gosselin, député Les Républicains de la Manche, a évoqué le cas de l’instituteur Théophile Maupas, l’un des caporaux de Souain, défendu avec acharnement par sa veuve, Blanche Maupas, en lien étroit avec la Ligue des droits de l’homme, jusqu’à ce qu’une cour spéciale le réhabilite en 1932.
Pour sa part, le président Sarkozy a reconnu que ces soldats « ne s’étaient pas déshonorés », car « ils étaient allés jusqu’à l’extrême limite de leurs forces ». N’oublions pas que la Grande Guerre a décimé nos villages. Les monuments aux morts nous rappellent, dans tous nos territoires, le coût humain de la guerre et la souffrance des familles.
De nombreux conseils municipaux, départementaux ou régionaux, conscients de cette blessure, ont eux aussi demandé justice pour ces soldats fusillés pour l’exemple, parfois pour n’avoir pas entendu ou compris un ordre, car ils ne parlaient pas le français, ou pour avoir déserté, alors qu’ils étaient en fait blessés.
Une reconnaissance tardive, mais nécessaire, voilà l’objet de ce texte – une réparation qui leur est due. Aussi, je remercie le rapporteur de la qualité de ses travaux, qui mettent au jour la nécessité de cette réhabilitation.
L’examen au cas par cas, alors que près de 20 % des archives ont désormais disparu, ajouterait de l’injustice à l’injustice. Comment instruire de tels dossiers sans témoignage ?
La liste des « fusillés pour l’exemple » n’ayant commis aucun crime, ni de droit commun ni d’espionnage, fait consensus, chez les historiens comme au sein de l’administration du ministère des armées.
Le plus souvent, ces soldats ont été accusés, au début d’un conflit si terrible et meurtrier, de mutilations volontaires, d’abandon de poste ou de refus d’obéissance en présence de l’ennemi. L’auteur de la proposition de loi, que je salue, a rappelé que, dès 1925, un médecin légiste a démontré qu’il n’était pas possible de déterminer si une blessure était ou non le résultat d’une mutilation volontaire, ce qui aurait dû entraîner la réhabilitation de tous les condamnés pour ce motif. Pourtant, tel ne fut pas le cas.
J’entends les réticences de certains, qui voient dans cette loi une réécriture de l’histoire. Il n’en est rien ! Il s’agit de réhabiliter et non pas de regarder le passé avec les yeux du présent.
Dès 1916, à la suite de l’intervention de plusieurs députés, l’armée s’est interrogée sur ce simulacre de justice militaire et a supprimé ces conseils de guerre spéciaux. Ce faisant, les circonstances atténuantes et les recours en révision ont été rétablis.
Cette réhabilitation implique une juste reconnaissance de ces 639 martyrs de l’armée. Il est de notre devoir de reconnaître et de réparer les injustices autant que faire se peut. Nous parlons de jeunes hommes de 18 ans ou 20 ans, ayant payé de leur vie la dérive de ces conseils de guerre spéciaux dont les règles étaient déjà dépassées. Inscrire les noms de ces soldats et officiers sur les monuments aux morts va dans le sens de la justice.
Comme l’a déclaré M. le rapporteur, après les historiens, après les juges, c’est à la représentation nationale qu’il revient de se prononcer, non pas sur l’histoire, mais sur la mémoire de la Nation.
Mes chers collègues, rares sont les textes qui peuvent et doivent nous unir tant ils sont justes et essentiels à notre pays. Celui que nous vous proposons d’adopter aujourd’hui est de ceux-là, car il vise à enfin rendre justice à ces soldats, …
M. Guy Benarroche. … en nous permettant d’accomplir notre devoir de mémoire envers le sacrifice inutile de leurs vies.
Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.
M. François Patriat applaudit.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme tout texte législatif à dimension mémorielle, la proposition de loi que nous examinons est particulièrement sensible.
Sur le fond, la question ici posée est de savoir quel statut nous devons, plus d’un siècle après les faits, accorder à 639 soldats de l’armée française ayant été condamnés pour désobéissance militaire par un conseil de guerre entre 1914 et 1918 et n’ayant pas fait l’objet d’un procès en réhabilitation durant les années qui ont suivi la fin de la guerre.
Par leurs actes, ces 639 militaires exécutés ne sont, disons-le clairement et avec des mots crus, ni des héros ni des salauds.
Ce ne sont pas des héros, car, si d’une certaine manière ils sont morts par la France, ils ne sauraient être considérés comme des morts pour la France – une acception clairement codifiée dans notre droit.
Ce ne sont pas non plus des salauds, car aucun d’entre eux, sur cette longue liste de noms, n’a été condamné pour des faits d’espionnage ou de ralliement à l’ennemi.
Il s’agissait tout simplement de soldats engagés dans des combats d’une férocité inouïe et qui, dans des circonstances extrêmes, ont refusé d’obéir aux ordres et de rejoindre leur bataillon ou qui se sont gravement mutilés en vue d’être démobilisés ou gardés à l’arrière du front.
En l’état, et en dépit des déclarations et des gestes successivement engagés par le Premier ministre Lionel Jospin et par les présidents Sarkozy et Hollande, ils demeurent des parias de la Nation. À mon sens, comme à celui de nombre d’entre nous, ce n’est pas admissible.
Le problème qui se pose, c’est que le texte que nous examinons, après son adoption à l’Assemblée nationale, est entaché de nombreuses imperfections et même, je le crains, de vices de constitutionnalité.
Alors qu’il vise à restaurer la dignité des militaires qui ont été exécutés, il déborde largement de ce cadre, en instruisant une sorte de procès des autorités politiques, militaires et judiciaires de l’époque.
Historien de formation, j’appréhende toujours avec beaucoup de précautions, voire de méfiance, les lois mémorielles, qu’elles émanent du Gouvernement ou du Parlement.
Je rappelle que nous sommes tous, dans cet hémicycle, des législateurs, ce qui nous enjoint d’être soucieux de la conformité de nos lois avec la Constitution. À ce titre, il est dommage que ce texte n’ait pas été soumis à un avis préalable du Conseil d’État, comme c’est possible depuis la réforme constitutionnelle de 2008.
Mon plus gros doute concerne l’habilitation juridique du Parlement à procéder de son seul fait à « une réhabilitation générale et collective, civique et morale » des militaires fusillés.
L’acte de réhabilitation, dans notre droit, relève d’une procédure judiciaire qui ne peut être mise en œuvre que par un juge. Il passe par la réouverture des dossiers individuels de chacun des cas concernés.
Conscient de l’importance du sujet, j’ai déposé un amendement visant à réécrire l’article 1er de cette proposition de loi – et non pas l’histoire –, en substituant notamment la notion de réinscription des militaires fusillés dans la mémoire nationale à celle, à mon sens très discutable, de réhabilitation collective, dans une approche plus juste et plus conforme aux principes fondamentaux de notre droit.
J’ai proposé aussi d’ôter de ce texte certaines scories qui, à mon sens, l’émaillaient. Si je suis favorable à l’érection d’un monument national en mémoire de ces fusillés, je trouve inapproprié de préciser dans l’alinéa 2 que ce monument leur rend hommage.
Mon amendement a été rejeté à une très forte majorité par la commission. Je regrette qu’aucun de mes collègues, qui ont également constaté des insuffisances dans ce texte, n’ait proposé d’amendement, …
M. André Gattolin. … ce qui aurait sans doute permis de clarifier leur avis sur ce sujet.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Olivier Cigolotti et Yves Détraigne applaudissent également.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « fusillés pour l’exemple » : cette seule et terrible expression peut faire froid dans le dos, particulièrement en temps de paix. Mais l’histoire nous enseigne, et malheureusement l’actualité aussi, que toute guerre livre ses propres horreurs et laisse très peu de place au sentiment d’humanité. Du meilleur comme du pire : ainsi l’humain serait-il fait.
Lorsque les militaires sont au combat pour défendre une nation ou un territoire, parfois liés à une philosophie de l’existence, nous savons que la discipline collective fait partie intégrante de leur engagement.
Toutefois, mes chers collègues, ce n’est pas vraiment ce dont il s’agit lorsque nous évoquons les fusillés pour l’exemple.
Ils avaient 18 ans ou 20 ans et ils combattaient dans des conditions atroces. Le seul fait de gagner quelques mètres entre deux tranchées ou de ne pas en perdre pouvait entraîner la mort de plusieurs dizaines de soldats, l’espace d’un instant.
Nous pourrions penser, de ce fait, que les fusillés pour l’exemple étaient ceux qui refusaient ce combat peu rationnel, où la discipline était l’alpha et l’oméga de l’engagement. Mais non, très majoritairement, ce n’est pas d’eux qu’il s’agit. Cette confusion ne peut exister. Les condamnés le furent principalement en retrait de la ligne de front, particulièrement en 1914 et 1915. Ils n’ont donc rien à voir avec les mutins de 1917.
Lorsqu’un soldat était déclaré coupable d’indiscipline, la sentence tombait : aucune possibilité de se défendre et pas de contradictoire devant ces cours martiales particulièrement expéditives et arbitraires. Certains fusillés pour l’exemple furent même tirés au sort !
Que dire de ce soldat refusant de porter le pantalon souillé de sang de son camarade mort ? Jugé le jour même de ce refus, il est condamné à mort et fusillé le lendemain matin.
Face à ces effrayants constats, dès 1916, les députés, à l’unanimité, votent la fin de cette justice d’exception et restaurent le même jour le droit de grâce, utilisé par le président Poincaré de sorte que, dès 1916, quelque 95 % des condamnés à mort furent graciés. Une forme de réhabilitation était déjà en marche.
Souvenons-nous, mes chers collègues, de cette période noire de notre histoire, où des familles de fusillés pour l’exemple subissaient l’opprobre et la honte dans nos villes et nos villages.
Souvenons-nous que la facture de la balle qui les avait exécutés et des poteaux qui les avaient soutenus était envoyée aux familles.
Souvenons-nous de cette inhumanité-là.
Oui, comme le souligne Erik Orsenna, « la mémoire est la santé du monde ». Ce devoir de mémoire s’impose à tous. Ce devoir de compassion et de réparation doit s’inscrire au tableau d’honneur de notre Haute Assemblée.
Reconnaissons volontiers et admirons combien les généraux et officiers de nos trois armées, que nous rencontrons fréquemment dans le cadre de nos fonctions de parlementaires, sont particulièrement soucieux, de nos jours, de préserver la vie et la santé des soldats qu’ils commandent. Hommage doit leur être rendu pour cela.
C’était moins le cas, nous le savons, durant les deux premières années de la guerre de 14-18.
Mes chers collègues, de nombreux historiens se sont penchés sur ce délicat sujet des fusillés pour l’exemple, afin de déterminer qui était coupable de trahison et qui était coupable de mutilation volontaire pour échapper aux combats.
Faire du cas par cas aurait été juridiquement logique et idéal. Ils ont cependant conclu que c’était impossible du fait de la disparition des archives. Ils ont également indiqué qu’il était préférable de procéder à une réhabilitation générale, excepté pour les traîtres et les criminels de droit commun. La proposition de loi que nous examinons mentionne précisément ceux qui ont été « condamnés pour désobéissance militaire ou mutilation volontaire ».
Les services historiques du ministère des armées ont estimé formellement à 639 le nombre de fusillés pour l’exemple, qui ne sont ni des traîtres ni des criminels de droit commun. C’est à ces 639 fusillés que s’adresse la réhabilitation proposée aujourd’hui.
De nombreuses avancées ont permis depuis 1914 et 1915 de reconnaître les fautes commises, et cela dès 1916, comme je l’évoquais précédemment.
Depuis lors, sous différents gouvernements de droite et de gauche, avec Lionel Jospin, puis Nicolas Sarkozy et François Hollande, de véritables reconnaissances se sont mises en œuvre.
Jean-Marc Todeschini, notre collègue, alors secrétaire d’État, rappelait en 2016 que, désormais, les fusillés pour l’exemple seraient intégrés aux espaces muséographiques du musée de l’Armée, consacrés à la Première Guerre mondiale, à l’Hôtel des Invalides. Ainsi, au cœur de l’institution militaire, leur mémoire tient la place qui leur est due.
Dans le prolongement de ces différentes évolutions, nous devons aujourd’hui, compte tenu des précisions apportées, franchir une nouvelle et dernière étape, celle d’une réhabilitation à la fois précise et générale. Cette démarche serait l’honneur de notre République ; elle serait le point final tant attendu et le prolongement logique des prises en considération successives des erreurs et fautes juridiques commises.
Mes chers collègues, à la fin de mon propos, je songe à ces très jeunes gens fusillés pour l’exemple et à leurs familles humiliées. Rendons-leur l’honneur et la fierté d’appartenir à une communauté nationale dont la grandeur est de reconnaître ses erreurs.
En ce moment, je pense aussi à la jeunesse d’aujourd’hui, dont j’imagine aisément qu’elle approuverait notre démarche.
Même après plus d’un siècle, agir en ce sens serait l’occasion pour le Sénat de manifester un signe de sagesse et de hauteur de vue. Ce serait aussi mettre en évidence, après tout ce temps, que notre nation, la France, ne veut pas seulement être le pays de la Déclaration des droits de l’homme, mais ambitionne aussi d’être véritablement le pays des droits de l’homme.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Marc Laménie applaudit également.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un monde en feu où les grandes puissances se sont affrontées pour le partage des marchés et des ressources, pour la conquête de colonies ou pour la restructuration de leur sphère d’influence, la guerre de 14-18 fut une accumulation d’horreurs pour les soldats comme pour les civils.
Durant ce conflit, des soldats français et immigrés furent exécutés dans le cadre de conseils de guerre improvisés, pour cause d’indiscipline militaire – refus d’obéissance, abandon de postes et désertion à l’ennemi –, tandis que d’autres furent abattus au détour d’une tranchée par un officier, à bout portant, soit pour rébellion, soit – je tiens à le rappeler avec émotion – pour appartenance connue à des organisations ouvrières militant contre la guerre.
La réhabilitation des fusillés pour l’exemple nous tient à cœur, et j’en profite pour rendre hommage à notre ancien collègue Guy Fischer, qui avait porté avec brio ce sujet dans l’hémicycle.
Notre groupe avait déposé en 2013 une proposition de loi visant à répondre à la demande juridique et mémorielle au sujet de la réhabilitation. Celle-ci reposait sur une approche globale, car nous considérions qu’il n’était pas possible de faire le tri, plus de cent ans après, entre les soldats fusillés à tort, victimes de condamnations arbitraires ou abusives, et ceux dont l’exécution aurait été justifiée.
Le parti pris du texte qui nous est présenté est différent. C’est pour nous un regret. Il nous semble toutefois essentiel de soutenir le principe qui l’anime, à savoir la réhabilitation d’hommes exécutés pour indiscipline lors de la Grande Guerre.
Conscients également que ce sujet reste encore sensible, nous avons fait le choix, dans un esprit de conciliation positive, de ne pas amender ce texte. Car cette réhabilitation, un siècle plus tard, est toujours sujette à controverses.
Elle l’est parce qu’elle touche à des destins individuels poignants, à l’instar de celui du sous-lieutenant Chapelant, fusillé alors qu’il était attaché sur son brancard, ou encore celui du soldat Lucien Bersot, condamné, puis exécuté, pour avoir refusé de porter le pantalon taché de sang d’un frère d’armes.
Je profite de ces exemples pour saluer le travail et l’engagement des associations dans leur combat pour la réhabilitation des fusillés, comme l’Association républicaine des anciens combattants, le Mouvement de la Paix, l’Union pacifiste de France ou encore la Fédération nationale de la libre-pensée.
Le sujet divise également les tenants d’une discipline garante de l’intégrité nationale, justifiant une sévérité exemplaire, ainsi que l’absence d’une quelconque remise en question de celle-ci, et ceux qui défendent une lecture humaniste, qui considèrent que ces soldats n’étaient ni des lâches ni des traîtres, mais des hommes qui avaient fait leur devoir, usés par la guerre et la violence physique et psychologique des combats, des soldats qui étaient allés au bout de ce qu’un homme pouvait endurer, qui ne comprenaient pas ou plus les objectifs et le sens de ces combats et de la mort certaine vers laquelle on les envoyait et qui ne méritaient certainement pas d’être exécutés.
L’indignité dont ils sont encore aujourd’hui frappés doit être levée. En tant que communiste et républicaine, je suis absolument convaincue que l’adoption de ce texte serait un acte de fraternité pour la mémoire de ces hommes qui furent jetés dans l’arène meurtrière des tranchées et qui furent vaincus par l’épuisement.
Certains collègues nous ont dit vouloir des réhabilitations individuelles, plutôt qu’une réhabilitation collective. Pourtant, les historiens sont unanimes : cela n’est pas possible. Avec près de 20 % des dossiers disparus et l’impossibilité d’enquêter en l’absence de témoins encore vivants, accéder à une telle demande reviendrait à repousser toute réhabilitation.
D’autres de nos collègues…
… s’inquiètent du caractère déchirant et clivant de la réhabilitation collective au sein de notre pays.
Le groupe CRCE votera pour ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la question des fusillés pour l’exemple constitue un volet particulièrement douloureux de la Première Guerre mondiale et n’est pas sans soulever émotion et débats historiques.
Preuve en sont les différents échanges que nous avons pu avoir lors de nos travaux au sein de la commission et les témoignages parfois très forts que nous avons recueillis.
À ce titre, je souhaite saluer le travail précis et documenté de notre rapporteur Guillaume Gontard, qui nous a permis de débattre avec respect de ce sujet particulièrement sensible.
La présente proposition de loi a pour objet de réhabiliter les 639 fusillés pour désobéissance militaire. En 1914 et 1915, ces exécutions concernaient essentiellement des actes individuels, tels que la désertion, l’abandon de poste, les mutilations volontaires ou encore le recul pendant l’assaut. Autant d’actes qui mettaient en péril la mobilisation totale et l’engagement de nos régiments d’artilleurs pour défendre notre pays.
Comme a pu le préciser l’historien Antoine Prost dans le rapport qu’il a remis à Kader Arif en septembre 2013, si de nombreux fusillés l’ont été dans des conditions inacceptables, d’autres l’ont été pour des raisons sérieuses.
La question de la reconnaissance de ces hommes, fusillés pour l’exemple, n’est pas nouvelle. Avant même la fin de la Première Guerre mondiale, des associations de droits de l’homme et d’anciens combattants, ainsi que des élus, toutes tendances politiques confondues, se sont mobilisés sur ce sujet.
Les lois d’amnistie de 1919 et d’avril 1921, qui instaurent un recours contre les condamnations prononcées par les conseils de guerre spéciaux au bénéfice des conjoints, ascendants et descendants jusqu’au quatrième degré, ont été votées à l’unanimité des députés.
Outre ces deux lois d’amnistie, d’autres dispositions ont été votées, le plus souvent de manière transpartisane.
La loi du 9 août 1924 permettant la réhabilitation de soldats exécutés sans jugement, une nouvelle loi d’amnistie votée le 3 janvier 1925, instaurant une procédure exceptionnelle devant la Cour de cassation, ou encore la loi du 9 mars 1932 créant une Cour spéciale de justice militaire, composée de magistrats et d’anciens combattants et compétente pour réviser l’ensemble des jugements rendus par les conseils de guerre.
Les travaux menés durant cette période ont permis la réhabilitation d’une quarantaine de cas – je pense par exemple aux fusillés de Vingré.
D’autres gestes politiques, bien plus récents, ont permis d’encourager la reconnaissance de ces soldats. En 1998, Lionel Jospin a été le premier à rendre hommage aux fusillés pour l’exemple, dans un discours prononcé à Craonne, lors des commémorations de l’armistice de 1918.
Nicolas Sarkozy a rendu un hommage similaire le 11 novembre 2008, lors de la commémoration de l’armistice, au mémorial de Douaumont.
Les travaux menés lors des commémorations du centenaire de la Grande Guerre ont abouti à la création d’un espace consacré aux fusillés au musée de l’Armée, aux Invalides, ainsi qu’à la numérisation et à la mise en ligne des dossiers des conseils de guerre sur le site « Mémoire des hommes ».
Nous saluons l’ensemble de ces démarches et de ces avancées. Le travail historique et judiciaire déjà accompli a permis, durant plus d’un siècle, de revenir en profondeur sur ces réalités de la Grande Guerre, mais également, me semble-t-il, d’apporter un éclairage indispensable sur certaines injustices qui ont pu être commises.
Aujourd’hui, il est question d’aller encore plus loin, en proposant une réhabilitation collective et générale.
Cependant, si nous décidons de réhabiliter ses soldats, cela sous-entend que leurs condamnations ont été prononcées à tort dans la totalité des procédures. Nous ne pouvons pas aujourd’hui établir cette réalité historique.
C’est pourquoi la réhabilitation collective et générale proposée dans ce texte ne nous paraît pas une solution satisfaisante. Une réhabilitation doit être le résultat d’une décision judiciaire et le fruit d’une procédure individuelle, non la résultante d’un texte de portée généralisée. Elle apparaît à la fois politiquement inadaptée à la situation et à la limite des principes de constitutionnalité.
Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste votera dans sa grande majorité contre cette proposition de loi.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, examiner ce texte visant à réhabiliter les militaires fusillés pour l’exemple, c’est nous replonger non sans une certaine émotion dans l’un des épisodes les plus tragiques de la Première Guerre mondiale.
En effet, en filigrane de ce texte, apparaît une certaine vision de l’histoire, celle du quotidien brutal et atroce des soldats dans les tranchées, dans la boue, sous la mitraille ennemie, la faim et la peur au ventre. C’est l’histoire touchante de « Ceux de 14 », comme les a nommés Maurice Genevoix dans ses récits rapportés du front de Verdun.
Le poilu André Fribourg l’écrivait en 1915 au journal L ’ Opinion : « Voilà près d’un mois que je ne me suis ni déshabillé ni déchaussé. Je me suis lavé deux fois : dans une fontaine et dans un ruisseau près d’un cheval mort. Je n’ai jamais approché un matelas. J’ai passé toutes mes nuits sur la terre. »
La Nation a toujours salué le courage et les sacrifices consentis par tous ces hommes réduits à se battre dans des conditions insoutenables, au nom de la patrie et de la liberté, et à en mourir pour beaucoup d’entre eux.
Cependant, dans le tableau de l’honneur de la France, subsiste une ombre, celle des fusillés pour l’exemple. Ce sont ces militaires qui nous occupent aujourd’hui, seulement ceux – il faut le préciser – qui n’ont pas été exécutés pour des crimes de droit commun ou pour espionnage.
Naturellement, dans ce type de débat, la question du rôle du législateur face à l’histoire est bien souvent posée. Pour la majorité des membres de mon groupe, il ne s’agit pas de se conduire en historien. Le travail a été fait, je dirai même bien fait, notamment par l’historien Antoine Prost, qui a rendu en 2013 un rapport au Gouvernement sur les conditions de réhabilitation des fusillés pour l’exemple.
Il s’agit donc avant tout d’endosser la responsabilité de la justice au regard du trouble attesté et largement reconnu jusque dans les discours présidentiels, depuis Lionel Jospin, sur ce régime exceptionnel des fusillés pour la France.
Alors que 639 soldats sont visés par le projet de réhabilitation collective, on sait que l’injustice et l’arbitraire ont concerné une majorité d’entre eux. Notre émotion face au sort de ces jeunes soldats brisés, sans droit à la défense, serait-elle anachronique ? Je ne le crois pas.
Dès 1916, soit en plein conflit, le régime des fusillés pour l’exemple a été remis en question par la suppression des cours martiales et l’ouverture du droit au recours. Cela montre le malaise que la méthode avait suscité dès cette époque et cela explique aussi la concentration des exécutions sur les années 1914 et 1915. Notre collègue rapporteur a rappelé que certains officiers avaient également été relevés par leurs supérieurs à la suite d’exécutions.
Certes, on pourrait opposer que, en temps de guerre, la faiblesse n’a pas sa place et que la discipline doit être implacable. Mais il est question ici de situations complexes et d’interprétations erronées quant à l’attitude de certains soldats pris au piège de l’enfer des tranchées et, bien entendu, de l’absence de droit élémentaire à la défense.
Je pense aussi à ceux qui ont tenu le fusil, à ces jeunes gens qui ont dû tuer, souvent en pleurs, la boule au ventre, leurs camarades et leurs frères de combat : quel traumatisme irréparable !
Aujourd’hui, il ne s’agit pas de réécrire l’histoire. L’histoire, c’est l’étude et l’écriture des faits ; la réhabilitation, c’est rendre l’estime publique. Il s’agit donc de faire entrer dans la mémoire collective ceux qui en ont été exclus sans ménagement. Ici se rencontrent la justice et la discipline militaire. Tout notre discernement doit être mobilisé.
En tant qu’élus de la République, nous devons contribuer à construire une société plus apaisée. Ne sommes-nous pas dépositaires d’une fraternité bienveillante ? Soucieux d’honorer cette valeur, la majorité de mes collègues du RDSE soutiendront la proposition de loi.
Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, parmi les événements historiques qui jalonnent le passé de notre nation, pas un n’a plus profondément façonné le territoire et la société de mon département de l’Aisne – de notre département, madame la présidente – que la Grande Guerre.
Dans la commune de Fontenoy, berceau de ma famille paternelle, il y a une histoire qui se transmettait de génération en génération et qui m’avait glacé le sang lorsque j’étais enfant : celle du soldat Lucien Bersot, âgé de 33 ans, qui a été évoquée par nos collègues Gréaume et Vaugrenard.
Il avait été mobilisé au 60e régiment d’infanterie, puis envoyé sur le front de l’Aisne dès l’hiver 1914. En février 1915, le jeune soldat portait toujours le même pantalon de toile blanc qui lui avait été remis à la mobilisation. Grelottant de froid dans les tranchées, il demanda l’autorisation de recevoir un nouveau pantalon de laine, identique à celui de ses camarades. Le sergent fourrier exécuta la demande en lui remettant un pantalon déchiré et maculé de sang, récupéré sur le cadavre d’un soldat français récemment tué.
Bersot refusa de le porter. Il fut condamné d’abord à huit jours de cachot, puis, trouvant que la peine était trop clémente, le lieutenant-colonel le fit comparaître devant le tribunal de guerre qui le condamna à mort pour refus d’obéissance. Il fut fusillé pour l’exemple le 13 février 1915.
Si le soldat Bersot fut réhabilité par la Cour de cassation en juillet 1922, aucun texte de loi et aucun artifice ne saura jamais panser les plaies de ces quatre années meurtrières, ni amender les décisions prises dans le contexte d’une si exceptionnelle violence qui était celui de la guerre.
Le politique s’est déjà fendu par le passé d’initiatives tendant à la reconnaissance de l’injustice de leur sort. En déplacement à Craonne, dans l’Aisne, en novembre 1998, le Premier ministre Lionel Jospin appela à la réintégration des fusillés pour l’exemple dans notre mémoire collective, tout comme le fit François Hollande, en 2017, à Cerny-en-Laonnois, toujours dans l’Aisne.
Nous comprenons la volonté des sénatrices et sénateurs porteurs de cette proposition, qui résulte d’une intention hautement honorable. Je tiens par ailleurs à saluer le travail de notre rapporteur, le président Gontard, sur ce sujet particulièrement douloureux de notre histoire. Mais il n’appartient pas selon moi au législateur de réécrire l’histoire à la lumière de la lecture qu’il souhaiterait en faire. Il lui revient de consacrer l’histoire en tant que phénomène disant quelque chose de son époque et de sa société.
Bien évidemment, ces condamnations paraissent aujourd’hui des actes juridiques entachés d’une cruauté sans nom. Mais quelle est la valeur de l’histoire si nous ne consentons pas à la lire sous le prisme de sa propre contemporanéité ?
Le législateur n’est pas un historien, et l’historien n’est pas législateur. Le législateur est un créateur de droit et il ne peut se permettre l’erreur de créer du droit avec du sentiment.
Réhabiliter collectivement, c’est prendre le risque de mettre sous un seul et même drapeau déserteurs, innocents, traîtres et mutilés volontaires.
Si la justice est individuelle, y compris dans ses erreurs, l’amnistie elle aussi doit être individuelle.
De nouvelles réhabilitations au cas par cas sont sans doute encore possibles et même nécessaires.
M. Antoine Lefèvre. Connaître et comprendre l’histoire des fusillés est essentiel, et il est heureux que depuis vingt-cinq ans leur sort, dans toute sa complexité, ait très largement réintégré la mémoire nationale de la Grande Guerre.
M. Marc Laménie applaudit.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite saluer Mme Guidez, présidente du groupe d’études Monde combattant et mémoire, qui travaille sur de nombreux sujets dans le cadre du devoir de mémoire.
Je remercie également nos collègues du groupe GEST d’avoir consacré du temps, dans le cadre de leur espace réservé, à l’examen de cette proposition de loi, qui a été présentée par des députés issus de différents groupes et adoptée le 13 janvier 2022 à l’Assemblée nationale. Elle vise à réhabiliter les militaires fusillés pour l’exemple durant la Première Guerre mondiale.
Ce sujet historique est particulièrement sensible, comme l’ont rappelé M. le rapporteur et un certain nombre de nos collègues qui sont intervenus précédemment.
Il convient de replacer les faits dans le contexte de la Première Guerre mondiale, qui a mobilisé des dizaines de millions d’hommes dans le monde et qui a malheureusement fait des millions de morts et de blessés, ainsi que plusieurs centaines de milliers de veuves, d’orphelins et de mutilés.
Je ferai référence aussi, dans le cadre du devoir de mémoire et en tant que rapporteur de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », à la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale, qui a effectué un travail important dans nos territoires et départements respectifs, auquel ont participé les représentants des associations patriotiques de mémoire.
Cette proposition de loi sur la réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple concerne 639 soldats. Dans le département des Ardennes, que je représente avec ma collègue sénatrice Else Joseph, j’ai pu rencontrer, il y a environ un an, un certain nombre d’associations et de collectifs, notamment la Ligue des droits de l’homme.
La notion de devoir de mémoire, de respect et de reconnaissance a été largement rappelée. Depuis de nombreuses années, différentes actions ont été menées avec le concours des plus hautes autorités de l’État, et les collectivités territoriales ont formulé un certain nombre de vœux.
M. Marc Laménie. Je comprends la position de Mme la secrétaire d’État, mais, à titre personnel, je voterai cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai entendu dire que les balles et le poteau d’exécution étaient facturés aux familles. Enfin, soyons sérieux ! C’est faux et vous le savez.
Débattons des faits, non des idées reçues. Les frais de justice, qui existent toujours d’ailleurs, sont mis à la charge de la partie condamnée.
Les orateurs qui ont dénoncé les conditions dans lesquelles cette justice de guerre a été rendue ont raison. Je l’ai dit : ce constat ne fait plus débat, il nous rassemble. Ce n’est plus de cela que nous discutons, pas plus que des fusillés qui avaient été tirés au sort, car eux, comme je l’ai déclaré lors de mon intervention liminaire, ont été réhabilités.
Les nombreux exemples cités à la tribune par les orateurs sont tous bien connus et tout aussi révoltants. Mais ce qui nous divise, ici, c’est seulement la méthode pour achever de réintégrer dans notre mémoire le sort de ces hommes. Il ne peut y avoir de réhabilitation collective.
MM. François Patriat et Antoine Lefèvre applaudissent.
La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale.
Les militaires en service dans les armées françaises du 2 août 1914 au 11 novembre 1918 ayant été condamnés à mort pour désobéissance militaire ou mutilation volontaire par les conseils de guerre spéciaux créés par le décret du 6 septembre 1914 relatif au fonctionnement des conseils de guerre ainsi que par les conseils de guerre rétablis par la loi du 27 avril 1916 relative au fonctionnement et à la compétence des tribunaux militaires en temps de guerre et dont la condamnation a été exécutée font l’objet d’une réhabilitation générale et collective, civique et morale. La Nation reconnaît que ces soldats ont été victimes d’une justice expéditive, instrument d’une politique répressive, qui ne respectait pas les droits de la défense et ne prenait pas en compte le contexte de brutalisation extrême auquel les soldats étaient soumis.
Les nom et prénom des intéressés sont inscrits sur les monuments aux morts.
Un monument national est érigé en vue de rendre hommage à la mémoire des « fusillés pour l’exemple ».
Le présent article n’est pas applicable aux militaires dont la situation a été révisée par la Cour de cassation, sur le fondement de la loi du 29 avril 1921 relative à l’amnistie et de la loi du 3 janvier 1925 portant amnistie, et par la Cour spéciale de justice militaire instituée par la loi du 9 mars 1932 créant une Cour spéciale de justice militaire chargée de la révision des jugements rendus dans la zone des opérations des armées de terre et de mer par des juridictions d’exception.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant que ne commence l’examen des articles de ce texte, je veux me féliciter qu’un débat aussi dramatiquement sensible se tienne dans un climat de dignité qui fait honneur à cet hémicycle. À cet égard, je tiens à remercier les différents orateurs, quelles que soient les positions qu’ils ont défendues.
À l’issue de son examen par notre commission, cette proposition de loi a été, comme vous le savez, mes chers collègues, rejetée par vingt voix contre dix-sept. Cela ne signifie pas pour autant que les sénateurs qui se sont exprimés contre le texte ont voulu manifester leur refus ou leur mépris, car tout le monde est bien conscient que cette épouvantable affaire, qui a certainement suscité des injustices effrayantes, doit être prise en compte.
Simplement, comme le Gouvernement et un certain nombre d’entre vous l’ont rappelé, nous ne pensons pas que cette méthode consistant à revisiter un fait historique dans une assemblée parlementaire cent ans après réglera le problème. Celui-ci relève de l’histoire, même si, bien évidemment, il remet en cause certaines actions.
Je tenais simplement à souligner que cette discussion est bien le signe que nous sommes ici, au Sénat, en mesure d’évoquer des problèmes douloureux, qui ont marqué notre histoire, sans que le débat déraille ou soit de mauvaise tenue. Je souhaite de nouveau en remercier chacune et chacun d’entre vous. Je suis certain que cet état d’esprit prévaudra jusqu’au vote final.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite m’adresser à mes collègues les plus réticents à voter cette proposition de loi, en insistant sur ce qu’elle n’est pas.
Ce texte ne vise pas réhabiliter des traîtres, des espions ou des déserteurs – aucun des soldats figurant sur la liste des 639 fusillés pour l’exemple de la Première Guerre mondiale n’a été reconnu comme tel.
Nombre de ces condamnés pour refus d’obéissance ou abandon de poste ont en réalité commis des actes bien compréhensibles, comme celui de s’endormir à leur poste, de se replier parce qu’ils n’avaient plus de munitions ou de méconnaître un ordre qu’ils n’avaient pas entendu ou mal compris.
Voilà deux ans, nous commémorions dans mon département, la Loire, la réhabilitation des six martyrs de Vingré, aux côtés du maire d’Ambierle et des descendants de deux de ces soldats, natifs de cette commune.
Engagés en 1914 dans la défense du village de Vingré, ils ont été fusillés pour abandon de poste, parce qu’ils avaient obéi à l’ordre de repli de leur sous-lieutenant. Si les fusillés de Vingré ont été réhabilités en 1921, quelque 639 familles attendent toujours que cette marque d’infamie soit enfin effacée.
La présente proposition de loi ne vise pas à réécrire l’histoire. M. Antoine Prost, président du conseil scientifique de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale, l’a parfaitement expliqué dans son rapport : « L’histoire des fusillés de 1914-1918 ne réserve à nos yeux aucun mystère, mais la question posée est celle de la mémoire qu’en veut conserver la Nation. C’est à elle de s’en saisir. »
C’est exactement ce que nous faisons avec ce texte, qui ne tend aucunement à ternir l’histoire de notre pays et de son armée.
Tous les protagonistes de cette guerre ont prononcé des sentences de mort dans des conditions similaires. Mais nos alliés néo-zélandais, canadiens et anglais ont réalisé le travail que nous engageons aujourd’hui en amnistiant ou réhabilitant leurs fusillés. Notre pays s’honorerait lui aussi à tourner cette page de son histoire.
Enfin, et c’est peut-être le plus important, cette proposition de loi ne ternira en rien la mémoire des soldats honorés chaque 11 novembre. Selon les propres termes d’Antoine Prost, encore, « les soldats revenus du front haïssaient avant tout ceux qu’ils appelaient “les embusqués”, les planqués, les profiteurs, pas ceux qui avaient subi à leurs côtés le grand massacre. »
En tant que législateurs, nous avons aujourd’hui la possibilité de réunir enfin dans notre mémoire collective et sur nos monuments ces hommes qui ont combattu côte à côte et qui ont perdu la vie durant cette guerre.
Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.
Je m’exprime évidemment en tant que sénateur, mais aussi en tant qu’agrégé d’histoire et citoyen picard, car l’Aisne, l’Oise et la Somme ont été particulièrement meurtries par ces combats, même si, soyons clairs, la France entière a été touchée : il n’est pas une seule famille dans notre pays qui n’ait été affectée, après que les pères, les frères et les fils ont été mobilisés, blessés ou tués.
Ce débat est effectivement particulièrement douloureux. Personne ici ne peut accepter le déni de justice qu’ont constitué ces punitions collectives, par définition aveugles. Or chacun des 639 fusillés évoqués pose un cas particulier. Certains d’entre eux étaient même des héros. La plupart de ces hommes n’étaient ni des traîtres ni des lâches. Il s’agissait de conscrits et non de militaires de carrière.
Nous aurions envie qu’ils soient tous réhabilités, mais, autant la punition collective est injuste, autant la réhabilitation collective, qui met sur le même plan certains héros qui ont été ignoblement fusillés – je pense à l’officier Chapelant, fusillé à Crapeaumesnil, dans l’Oise, sur son brancard ! –, autrement dit ceux qui ont été trahis, et ceux qui ont trahi, n’est pas une solution.
M. Olivier Paccaud. La seule solution consiste, mes chers collègues, à faire travailler les étudiants en histoire sur l’ensemble de ces dossiers. C’est de cette manière que nous pourrions individuellement les réhabiliter. Encourageons nos universités et nos directeurs de recherche à examiner chacun de ces 639 cas particuliers.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Mes chers collègues, vous faites fausse route en considérant que, au motif que quelques-uns des 639 fusillés étaient peut-être coupables – je ne sais pas s’ils étaient passibles de la peine de mort –, on ne peut réhabiliter personne.
Si, c’est l’idée que vous défendez depuis le début de l’après-midi.
Une telle position est profondément injuste, puisque chacun sait bien que nous ne sommes plus en mesure d’examiner individuellement le cas de ces 639 fusillés.
Surtout, nous ferions fausse route en continuant d’affirmer qu’ils ont été fusillés « pour l’exemple ». Je crois que personne ne remet en cause le fait qu’ils l’ont été en vertu d’une décision politique, afin d’éviter que l’armée française ne recule. Ils ont été en réalité fusillés pour la France, j’y insiste.
Comme les soldats que l’on a envoyés prendre des tranchées infranchissables, ils ont été fusillés parce qu’il fallait gagner la guerre. Et ils ont payé de leur sang cet objectif.
Les réhabiliter aujourd’hui ne peut prendre la forme d’un examen précis de chaque cas individuel : il nous faut avant tout reconnaître et tenir compte du fait que la décision prise par l’armée et l’État français à ce moment-là a consisté à faire des exemples, compte tenu du risque d’effondrement du front.
Je le répète, ces soldats ont versé leur sang pour la France. Les réhabiliter, c’est donc réhabiliter l’armée française. Se contenter de demander qu’un travail s’engage sur des injustices individuelles ne suffira pas.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
Mes chers collègues, je formulerai deux remarques.
La première concerne les 639 fusillés pour l’exemple. Ce chiffre ne sort pas d’un chapeau, mais d’un rapport du service historique de la défense (SHD), qui distingue très clairement les 639 cas que nous évoquons des soldats qui ont trahi ou refusé d’aller au combat. Il s’agit de faits parfaitement reconnus, issus d’un document du SHD, sur lequel nous fondons notre position.
Je veux bien que l’on débatte de la réhabilitation de ces fusillés, chers collègues de droite, mais il ne doit pas y avoir de fausse polémique entre nous. On peut être pour ou contre, mais ne simulez pas une pseudo-incompréhension à ce sujet.
Ma seconde remarque vise à soulever un problème de cohérence, comme je l’ai déjà fait en commission.
Certains d’entre vous, mes chers collègues, considèrent qu’il ne revient pas au Parlement d’écrire l’histoire. Mais on peut tout de même en prendre acte un siècle plus tard, à l’issue de travaux parlementaires.
Surtout, comment expliquez-vous alors que nous examinions parfois des textes – ce sera le cas la semaine prochaine au Sénat d’une proposition de résolution, que nous voterons d’ailleurs ! – relatifs à des génocides ayant eu lieu dans d’autres pays ? De facto, le Parlement français écrit l’histoire de ces États, mais il refuse bizarrement à chaque occasion d’engager le moindre débat sur l’histoire de notre propre pays…
Soyons cohérents : on ne peut pas refuser d’étudier les événements historiques lorsqu’ils concernent la France – c’était d’ailleurs tout le débat que nous avions eu lors de l’examen de la proposition de loi relative à la commémoration de la répression d’Algériens, le 17 octobre 1961, et des massacres d’Oran du 5 juillet 1962 –, et continuer, à l’inverse, d’écrire l’histoire de pays étrangers.
J’invite chacun d’entre vous, mes chers collègues, à faire preuve de cohérence. Je serai moi-même cohérent en votant ce texte, comme je voterai celui qui sera examiné la semaine prochaine.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.
Je souhaiterais répondre aux principales réserves, voire désaccords, que certains de nos collègues ont exprimés et qui méritent selon moi d’être débattus.
Non, il n’est pas question ici de se substituer aux historiens : leurs travaux sur les 639 fusillés pour l’exemple sont consensuels, et cela d’autant plus depuis l’œuvre de synthèse publique qu’Antoine Prost a réalisée à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale. Personne ne peut donc prétendre ici départager différentes lectures historiques ; chacun devrait plutôt en prendre acte…
Depuis le Premier ministre Lionel Jospin jusqu’aux Présidents de la République Nicolas Sarkozy et François Hollande, l’exécutif a fait avancer cette démarche, qui donne à chacun de ces centaines de fusillés la place qui lui est due dans notre mémoire collective nationale.
Après que l’exécutif y a pris toute sa part, il revient au Parlement de conclure, d’une certaine façon, ce qu’il avait entamé dès 1916, en mettant résolument en cause les modalités de ces conseils de guerre spéciaux bien plus napoléoniens que républicains.
Oui, réhabilitons tous ceux qui ont subi sommairement le choix désastreux des autorités républicaines d’alors d’en passer par cette forme injustifiable de justice expéditive, destinée à impressionner la masse bien plus qu’à sanctionner chacun en connaissance de cause.
Bien sûr, cette réhabilitation s’interprétera de façon souple : nous n’allons pas formellement invalider les quelque 639 décisions de justice. C’est justement, à mon sens, la force et le profit évident que l’on peut tirer de cette proposition de loi.
Puisqu’il s’agit de mémoire nationale, celle-ci pèsera lourdement : il s’agira avant tout d’un message adressé à la jeunesse.
Dans ma propre jeunesse, j’ai été marqué et révolté par Les Sentiers de la gloire, un film qui, souvenons-nous, n’a été projeté en France que dix-huit ans après sa sortie… Il faut permettre aux jeunes générations de mieux saisir combien la Nation et la République valent par leurs hauts faits et leurs valeurs, mais aussi par la reconnaissance de leurs zones d’ombre !
Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Michelle Gréaume applaudit également.
L’amendement n° 1, présenté par MM. Gattolin et Patriat, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La Nation reconnaît solennellement que les militaires en service dans les armées françaises du 2 août 1914 au 11 novembre 1918 qui ont été condamnés à mort pour les seuls faits de désobéissance militaire ou mutilation volontaire par les conseils de guerre spéciaux créés par le décret du 6 septembre 1914 relatif au fonctionnement des conseils de guerre ainsi que par les conseils de guerre rétablis par la loi du 27 avril 1916 relative au fonctionnement et à la compétence des tribunaux militaires, sont réintégrés dans la mémoire nationale.
Un monument national est érigé en leur mémoire.
Le présent article n’est pas applicable aux militaires dont la situation a été révisée par la Cour de cassation, sur le fondement de la loi du 29 avril 1921 relative à l’amnistie et de la loi du 3 janvier 1925 portant amnistie, et par la Cour spéciale de justice militaire chargée de la révision des jugements rendus dans la zone des opérations des armées de terre et de mer par des juridictions d’exception.
La parole est à M. François Patriat.
Mes chers collègues, il est vrai, comme vous l’avez tous dit avec talent et émotion, que le sujet est douloureux et nous questionne tous. J’ai bien entendu, de part et d’autre, les arguments et les éléments sur le fondement desquels vous entendiez vous prononcer à l’issue de notre débat.
Néanmoins, je comprends moins pourquoi la solution de compromis que nous avons formulée a reçu un accueil aussi méprisant. En effet, à l’issue de nos échanges avec les historiens et les associations, notre groupe a souhaité défendre un amendement de réécriture de l’article 1er. Il vise une réintégration dans la mémoire nationale des 639 fusillés dont nous parlons aujourd’hui, plutôt qu’une réhabilitation collective et générale, qui se heurterait à des obstacles à la fois historiques et juridiques.
Notre amendement, monsieur Temal, tient donc bien compte des 639 fusillés pour l’exemple.
Nous proposons également qu’un monument national soit érigé à leur mémoire. Par cet amendement, nous voulons faire en sorte que ce texte puisse poursuivre son chemin et aboutir à une forme de réhabilitation des soldats injustement fusillés.
Toutefois, force est de constater, mes chers collègues, que cet amendement de compromis a reçu une fin de non-recevoir en commission. Il faudra m’en expliquer les raisons ! Je l’ai pourtant présenté à M. le rapporteur en précisant que le texte proposé était intéressant et devait poursuivre sa route, et que notre initiative permettrait d’aboutir à une solution contournant les obstacles juridiques.
Force est de constater aussi que cet amendement de compromis a été massivement rejeté en commission, sans qu’aucun groupe – aucun, mes chers collègues ! – prenne la peine d’expliquer les raisons de son vote.
Cela étant, j’ai bien compris que cet amendement avait peu de chances d’être adopté. J’ai constaté qu’à la fin de la discussion générale aucune majorité ne se dégageait pour l’adopter. C’est la raison pour laquelle, alors que l’adoption de cet amendement permettrait d’avancer sur cette question, je vais le retirer, tout en regrettant que nous ne puissions pas aller plus loin dans l’examen de cette proposition de loi.
Pourquoi retirer votre amendement ? Nous avions l’occasion d’en débattre !
Il est trop tard, mes chers collègues.
Je retire donc l’amendement, madame la présidente.
L’amendement n° 1 est retiré.
Mes chers collègues, je vais mettre aux voix l’article 1er.
Si cet article n’était pas adopté, l’article 2, qui constitue le gage de la proposition de loi, deviendrait sans objet.
Je considérerais, si l’article 1er n’était pas adopté, qu’il n’y aurait plus lieu de mettre aux voix l’article 2 et l’ensemble de la proposition de loi.
Il n’y aurait donc pas d’explications de vote sur cet article et sur l’ensemble.
La parole est à M. le rapporteur.
Tout d’abord, je me joins aux propos du président de la commission, qui a eu raison tout à l’heure de rappeler que ce sujet est lourd et suscite l’émotion. Mais comment pourrait-il en être autrement après les descriptions qui ont été faites ?
Cette question a donné lieu à un débat à la fois en commission et dans cet hémicycle. Nous avons tous fait preuve de respect les uns envers les autres et de sérénité lorsqu’il s’est agi d’exposer nos points de vue et d’aborder ces événements.
Cela montre justement que l’on peut examiner un tel sujet cent ans après sans rouvrir de polémiques, bien au contraire. Cela montre aussi que l’on a besoin de clore ce débat. C’est d’ailleurs ce qu’il nous reste à faire.
Les 639 fusillés dont nous parlons ne viennent pas de nulle part, mais du travail approfondi qui a été conduit par de nombreux historiens. Ces derniers nous l’ont dit : « Nous avons fait notre travail ; à vous, maintenant, les hommes politiques, de faire le vôtre, d’aboutir à une conclusion, voire de tourner la page. »
Chacun le sait très bien, si ce texte, déposé par notre collègue député Bastien Lachaud et voté par l’Assemblée nationale, ne fait pas l’objet d’un vote conforme aujourd’hui, on en repoussera éternellement l’examen et il ne sera plus jamais discuté. Or l’enjeu, au-delà de ce débat, ce sont les familles de ces 639 soldats qui attendent une réhabilitation.
En tant que rapporteur de ce texte, j’ai pris acte de la position de la commission et écouté les débats qui s’y sont déroulés – ils ont très bien été décrits –, mais je pense tout de même que le moment est venu de mettre un terme à cette histoire importante pour notre pays.
Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.
La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour explication de vote sur l’article.
En réaction à l’intervention de notre collègue François Patriat, je précise que son amendement n’a pas été rejeté par tout le monde.
En ce qui nous concerne, nous avons expliqué que nous ne le votions pas parce qu’il constituait, nous le savions bien, un artifice de procédure.
En effet, si l’amendement était adopté, le texte modifié repartait à l’Assemblée nationale et ne serait probablement plus examiné avant plusieurs années. Voilà le fond du problème et la raison pour laquelle mon groupe était défavorable à cet amendement en commission.
S’agissant de la réhabilitation des 639 fusillés pour l’exemple, je tente d’imaginer ce que peut penser notre jeunesse de nos échanges et de nos débats… Je me félicite, comme le président de la commission, que le débat ait été de haute tenue et extrêmement intéressant. Chacun aura pu en tirer profit.
Chaque année, les gerbes déposées le 11 novembre, notamment dans l’ouest de la France, le sont par les responsables du Souvenir français, mais aussi, pour certaines, par des associations défendant la réhabilitation de ces fusillés pour l’exemple. Voilà ce qui se passe concrètement aujourd’hui sur le terrain !
J’essaie de me représenter les enseignements que notre jeunesse – ceux qui ont 18 ans, 20 ans ou 25 ans aujourd’hui – pourrait tirer aujourd’hui de tout cela.
Comme cela a été rappelé, les historiens ont fait leur travail, et ils l’ont bien fait. Ils sont parfois en désaccord, et pas seulement par rapport aux propos qui ont été tenus tout à l’heure. Mais ils disent eux-mêmes que la réhabilitation au cas par cas n’est plus possible juridiquement, parce que nous ne disposons pas d’éléments de preuve.
Il s’agit donc manifestement d’une décision politique concernant notre histoire. Notre pays, comme d’autres, a parfois commis des erreurs. Nous proposons, en toute humilité, de prendre la responsabilité politique de le reconnaître. Je prends le pari, mes chers collègues que, dans quelques années, dans cinq ans, dix ans ou vingt ans, …
La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote sur l’article.
Nous, sénatrices et sénateurs, avons aujourd’hui l’occasion unique de clore un chapitre douloureux de notre histoire.
Au-delà de nos différences et de nos sensibilités, unissons-nous aux côtés de ces fusillés pour l’exemple, d’autant que vous savez tout comme moi qu’il n’y a plus aucun témoin vivant plus de cent ans après la fin de la guerre et que 20 % environ des dossiers sont manquants.
Pensons à tous ces soldats qui ont vécu des situations extrêmes, qui les ont poussés à aller jusqu’au bout d’eux-mêmes. Il faut les réhabiliter ! Si nous décidons d’une réhabilitation au cas par cas, vous le savez très bien : on ne réhabilitera personne, et ce sera de notre responsabilité !
La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote sur l’article.
Je viens d’entendre le président Patriat se plaindre que le rejet de son amendement en commission était une preuve de mépris. Non, c’est un vote !
Autre remarque, cette proposition de loi a été adoptée à l’Assemblée nationale contre l’avis du Gouvernement. On aurait tout à fait pu s’attendre, même après l’inscription du texte à l’ordre de jour de notre assemblée, à ce que le Gouvernement nous demande de ne pas le voter tel qu’il nous a été transmis et qu’il fasse une contre-proposition.
Or on assiste à un tour de passe-passe, qui consiste à détourner notre attention avec un amendement, qui joue un peu le même rôle que le lièvre dans une course de demi-fond, à savoir qu’il n’a pas vocation à aller jusqu’au bout. Le résultat des courses, c’est que l’on va oublier les 639 fusillés…
Nous aurions préféré, madame la secrétaire d’État, que vous formuliez une véritable proposition, prouvant que vous nous aviez écoutés, et que vous nous expliquiez ce qu’il était possible de faire sur le sujet.
Nous le savons tous, la réhabilitation individuelle des fusillés pour l’exemple est impossible, parce que les dossiers ont disparu. Ce n’est qu’en nous appuyant sur le travail réalisé par le Service historique de la défense que nous disposons d’une chance d’avancer. Nous prenons acte de votre refus, mais ne rejetez pas la faute sur les autres !
Mme Raymonde Poncet Monge applaudit.
La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote sur l’article.
Je ne veux pas alimenter la polémique, mais j’ai du mal à accepter que l’on parle « d’artifice de procédure » s’agissant de notre amendement. Notre texte diffère tout de même sensiblement de ces tonnes d’amendements qui ont pour seul objet de modifier une virgule ou un mot…
Cette proposition de loi soulève un problème juridique, et vous le savez.
M. André Gattolin. Je l’ai déjà expliqué en commission : vous n’aviez qu’à écouter mes arguments.
M. Rachid Temal proteste.
Le Royaume-Uni a adopté un texte tendant à la réhabilitation de plus de 300 fusillés pour l’exemple. Il ne l’a pas fait en légiférant, mais en instituant une juridiction spéciale dont les travaux ont abouti à un acte. En effet, au Royaume-Uni comme en France, il convient de distinguer le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire.
Si vous ne voulez pas d’une réhabilitation au cas par cas, faites une proposition en ce sens. J’ai été l’auteur de propositions de loi qui ont parfois été modifiées à la marge lors de leur examen à l’Assemblée nationale : eh bien, je suis parvenu à les faire adopter conformes au Sénat. C’est le jeu parlementaire !
Cessez donc de parler d’artifice de procédure : ce n’est pas le cas ici. Notre proposition repose sur des arguments précis, et je constate que personne, lorsque je l’ai défendue en commission, n’a expliqué les raisons pour lesquelles il votait contre.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote sur l’article.
Revenons-en au fond du débat d’aujourd’hui, qui n’est pas de savoir si l’amendement de nos collègues était ou non un artifice de procédure.
Après tout, un amendement similaire a été rejeté par la commission, point ! Tous les amendements rejetés au préalable par les commissions saisies au fond ne sont pas nécessairement des artifices de procédure et, pour autant, leurs auteurs ne se plaignent pas d’être les victimes d’une sorte d’injustice. Les commissions jouent leur rôle en votant ou non ces amendements.
J’en viens au fond de cette proposition de loi. Les textes autour desquels nous parvenons à nous unir au sein de cette assemblée, de manière transpartisane, et qui nous paraissent essentiels au rétablissement d’une certaine mémoire de notre pays sont extrêmement rares. Or nous sommes devant un texte de cet acabit.
Aujourd’hui, nous, sénateurs, sommes en mesure de dire que notre pays peut réhabiliter la mémoire d’un certain nombre de condamnés, dont on sait parfaitement qu’ils l’ont été pour faire régner l’exemplarité dans une situation difficile et un contexte de guerre, et non pour des actes réels qu’ils auraient commis.
Le véritable artifice est celui qui consiste à proposer d’étudier les situations au cas par cas. Comme cela a été rappelé, une telle étude a déjà été engagée, et il a été démontré qu’il était impossible de la pousser plus loin, car les dossiers manquent.
Procéder au cas par cas revient donc à ne réhabiliter aucun des 639 soldats. Jamais ! C’est l’honneur de l’armée et de la France que de réhabiliter ces fusillés dont on sait qu’ils ont été condamnés pour l’exemple.
On le voit, ce sujet suscite beaucoup d’émotion.
Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis tout à l’heure, vous parlez de 639 fusillés. Or plus de 40 d’entre eux ont été réhabilités : le chiffre n’est plus exact, mais peu importe.
Sur le fond, je veux vous dire que, en l’état, cette proposition de loi me paraît très dangereuse, car elle modifie des décisions de justice, ce qui est problématique en soi. Et elle le fait de manière indistincte, en méconnaissant la réalité concrète des décisions de justice.
En l’état, elle permettrait de réhabiliter François M, fusillé le 22 octobre 1915 pour désertion et abandon de poste devant l’ennemi. Il appartient à la liste des 639 fusillés dont nous parlons depuis ce matin. Mais qu’allons-nous dire aux descendants, aux trois orphelins de Léon Schlier, le soldat français que François M a aussi tué ?
Ce texte est inutile, car la réhabilitation collective, je le dis depuis le début, n’est pas possible.
En conclusion, puisque vous avez beaucoup parlé du rapport d’Antoine Prost, je souhaiterais rappeler que, pour ce dernier, la meilleure des solutions en la matière est de ne rien faire sur le plan législatif.
Vous êtes le législateur et nous ne sommes pas un tribunal. Nous devons absolument continuer à respecter la séparation des deux assemblées et de la justice.
M. François Patriat applaudit.
Je mets aux voix l’article 1er.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 122 :
Le Sénat n’a pas adopté.
En conséquence, l’article 2 n’a plus d’objet.
Les articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire, puisqu’il n’y a plus de texte.
En conséquence, la proposition de loi n’est pas adoptée.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures cinq.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à protéger les logements contre l’occupation illicite (proposition n° 174, texte de la commission n° 279, rapport n° 278, avis n° 269).
Dans la suite de l’examen du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre Ier, l’examen de l’article 1er A.
Chapitre Ier (suite)
Mieux réprimer le squat du logement
Le titre Ier du livre III du code pénal est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« CHAPITRE V
« De l’occupation frauduleuse d’un local à usage d’habitation ou à usage économique
« Art. 315 -1. – L’introduction dans un local à usage d’habitation ou à usage économique à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
« Le maintien dans le local à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines.
« Art. 315 -2. – Le maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.
« Le présent article n’est pas applicable lorsque l’occupant bénéficie des dispositions prévues à l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, lorsque le juge de l’exécution est saisi sur le fondement de l’article L. 412-3 du même code, jusqu’à la décision rejetant la demande ou jusqu’à l’expiration des délais accordés par le juge à l’occupant, ou lorsque le logement appartient à un bailleur social ou à une personne morale de droit public. »
Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 78, présenté par M. Bouad, Mme Artigalas, M. Montaugé, Mme Meunier, MM. Fichet et Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Marie, Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 6 et 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Denis Bouad.
Cet article crée un nouveau délit, parfaitement inutile, afin de lutter contre les squats, mais qui n’aura aucun effet dissuasif et dont la répression est déjà prévue par les dispositions claires et équilibrées de l’article 226-4 du code pénal.
Cet article contient une disposition choquante. Il est particulièrement inquiétant que soit envisagée la criminalisation des personnes qui, ayant occupé légitimement un lieu d’habitation, connaîtraient des difficultés de paiement de leur loyer. L’introduction d’une peine d’emprisonnement en pareille situation est véritablement scandaleuse.
Engager des poursuites judiciaires, faire condamner les plus démunis d’entre nous, en particulier, à une amende de 7 500 euros est complètement immoral et n’aidera certainement pas à améliorer la situation des plus démunis.
Permettez-moi d’ajouter que je vois mal comment un propriétaire bailleur, qui réclame des impayés, sera aidé par l’accroissement de la dette.
L’amendement n° 59, présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Cet article contient plusieurs dispositions, concernant notamment l’entrée par effraction dans certains lieux.
Ces situations peuvent exister, mais demeurent très minoritaires parmi les 17 000 expulsions exécutées en moyenne chaque année.
On dénombrerait trois millions de logements vacants et 300 000 personnes sans domicile fixe, soit dix logements vides pour une personne SDF.
Certes, cela ne légitime ni le recours à la force ni même l’atteinte au droit de propriété.
Toutefois, lorsque 300 000 personnes sont à la rue, n’est-ce pas aussi problématique, voire plus grave, de laisser trois millions de logements vides ?
Chaque année, entre 500 et 600 personnes meurent du sans-abrisme. Ce sont parfois des enfants : le plus jeune était âgé de 1 mois lorsqu’il est décédé en 2021.
J’entends que vous faites référence aux petits propriétaires. Or ils sont minoritaires parmi les propriétaires de logement, puisque 3 % des propriétaires possèdent 50 % du parc locatif. Ceux-ci détiennent chacun au moins cinq logements. Ce ne sont donc pas de petits propriétaires, mais ils profitent de quelques faits divers médiatisés pour vous inciter à défendre des lois rétrogrades et à mieux protéger leur rente.
Nous vous avons entendus : vous ne voulez pas de squatteurs. Moi non plus ! Mais ne condamnons pas les locataires ayant des impayés de loyer à de la prison. La prison ne leur apportera rien et ne sortira personne de la précarité, bien au contraire !
Ne faisons pas l’amalgame entre la pauvreté et la criminalité. Ne créons pas un nouveau délit de vagabondage, si anachronique et dramatique pour notre modèle social.
Cet amendement vise donc à supprimer la peine de prison pour les personnes qui n’auraient pas payé leur loyer et qui ne quitteraient pas le logement de leur plein gré.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 34 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 82 rectifié bis est présenté par Mme Létard, M. Henno, Mmes Morin-Desailly, Gatel, N. Goulet, Dindar et Billon, M. Longeot, Mme Herzog, M. Canévet, Mmes Gacquerre et Guidez, MM. Moga, Duffourg et de Belenet, Mmes Doineau et Perrot, MM. J.M. Arnaud et Cigolotti et Mme Férat.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Supprimer les mots :
de six mois d’emprisonnement et
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 34.
Nous nous étions prononcés en faveur de la suppression de cet article 1erA, qui pénalise et criminalise les locataires touchés par une décision de justice d’expulsion, dès lors qu’ils ne trouvent pas à se reloger et qu’ils se maintiennent dans le logement.
Notre amendement n’a pas été adopté. Par conséquent, l’article 1er A, tel qu’il est rédigé, prévoit non seulement une peine d’amende augmentée, mais également une peine d’emprisonnement pour le délit d’occupation frauduleuse de local à usage d’habitation, à destination des locataires évoqués précédemment.
Par cet amendement, nous affirmons très clairement que nous ne souhaitons pas que la prison pour dette, sanction bannie de la République depuis des années et renvoyée dans les oubliettes de notre justice, soit rétablie uniquement pour cette dette.
En dépit de notre désaccord sur le fond, y compris s’agissant de l’augmentation des amendes, cet amendement vise donc uniquement à supprimer la peine d’emprisonnement.
La parole est à Mme Valérie Létard, pour présenter l’amendement n° 82 rectifié bis.
Cet amendement est identique à celui que vient de défendre M. Benarroche.
En cas d’occupation ou de squat, il me semble justifié de pouvoir aller jusqu’à une peine d’emprisonnement.
Toutefois, si un locataire défaillant doit être lourdement sanctionné lorsque, au terme de nombreuses années de procédure, il ne peut toujours pas honorer sa dette, je ne suis pas sûre que six mois d’emprisonnement changent la situation.
Dans le cas de locataires défaillants, de mauvaise foi ou ayant accumulé des difficultés ou encore parfois ayant dégradé leur logement, il est possible de s’interroger sur la nature de la sanction et d’envisager l’emprisonnement. Toutefois, dans ce cas particulier, je rappellerai que le code pénal prévoit déjà un arsenal de sanctions.
Mme Éliane Assassi approuve.
Par conséquent, il me semble complètement inutile et contre-productif d’aller jusqu’à une peine d’emprisonnement. En revanche, maintenons la sanction financière de 7 500 euros. En effet, bien qu’il s’agisse de familles en difficulté, une sanction minimum doit être signifiée à un moment donné.
Il me semble que ce serait un compromis acceptable.
Un locataire défaillant est dans une situation bien différente de celui qui s’est emparé du bien d’autrui de façon totalement illicite. Aussi cette solution paraît-elle juste et équilibrée : elle n’ignore pas la réalité non plus qu’elle ne prévoit l’impunité.
L’amendement n° 60, présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Après le mot :
emprisonnement
insérer les mots :
avec sursis
2° Compléter cet alinéa par les mots :
avec sursis
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Cet article prévoit une peine de prison ferme pour les locataires auxquels aurait été signifié un jugement d’expulsion et qui n’auraient pas libéré les lieux.
Sachez que pour être reconnu prioritaire à un relogement au titre du droit au logement opposable (Dalo), il faut notamment justifier d’un jugement d’expulsion.
Or, une fois que le jugement d’expulsion est rendu, plusieurs mois sont nécessaires – cela est connu de tous, et partout, notamment en Seine-Saint-Denis, monsieur le ministre – pour que la commission de médiation reconnaisse les personnes concernées comme prioritaires.
Si elle est adoptée, cette loi posera alors problème : certaines personnes pourront être mises en prison avant même d’avoir pu faire valoir leur droit, si elles restent encore plus de deux mois dans le logement. C’est un problème.
Une condamnation pour expulsion constitue déjà un frein puissant – cela a été dit – pour retrouver un logement auprès d’un bailleur. C’est aussi, paradoxalement, une nécessité pour être reconnu prioritaire au titre du Dalo.
Nous proposons donc d’introduire un sursis pour les personnes qui risqueraient d’aller en prison pour être restées dans un logement, en considérant notamment que l’absence de proposition et la longueur des démarches conduisent à cette situation.
Il n’est pas logique – je le répète – d’enfermer en prison ces ménages en difficulté ; les prisons sont déjà bien remplies. En outre, ce n’est pas en étant derrière les barreaux que les locataires pourront mieux rembourser leur bailleur !
Le sursis pourra apparaître comme un avertissement adressé aux mauvais payeurs récidivistes.
Pour la très grande majorité des personnes concernées, ne pas payer son loyer est non pas un principe de vie, mais avant tout la conséquence d’une importante perte de revenus.
Considérons-le comme tel et proposons du sursis plutôt que de la prison ferme.
Par l’amendement n° 78, nos collègues du groupe socialiste proposent de supprimer l’infraction prévue pour sanctionner le maintien sans droit ni titre dans un logement.
Il nous semble que le dispositif adopté par l’Assemblée nationale est bien encadré : l’infraction s’appliquerait seulement après un jugement définitif d’expulsion, à l’expiration de tous les délais accordés par le juge, en dehors de la période de la trêve hivernale, et elle ne concernerait pas les locataires du parc social – vous l’avez certainement lu comme moi.
Par ailleurs, nous faisons confiance au discernement des parquets, qui, naturellement, n’engageront des poursuites que si les circonstances le justifient.
Compte tenu de toutes ces garanties, je pense que nous pouvons conserver le dispositif voté par l’Assemblée nationale et donc rejeter l’amendement de suppression.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
L’amendement n° 59, présenté par nos collègues du groupe CRCE, a le même objet que l’amendement précédent. Il appelle donc le même avis défavorable de la commission.
Les amendements identiques n° 34 et 82 rectifié bis sont différents, car ils tendent à supprimer la peine d’emprisonnement encourue en cas de maintien sans droit ni titre dans un logement après une décision définitive d’expulsion, pour ne maintenir qu’une peine d’amende.
Je voudrais rappeler à nos collègues que les peines d’emprisonnement d’une durée égale ou inférieure à six mois sont par principe toujours aménagées.
Attendez la fin de mon propos, madame Assassi…
Je ne crois donc pas que l’application de cet article aboutisse à envoyer beaucoup de gens en prison.
Cependant, je suis sensible à la dimension symbolique qui s’attache à l’existence d’une peine d’emprisonnement. J’ai entendu aussi les observations des uns et des autres, notamment celles qui émanent des associations défendant ces personnes et venant en aide aux mal-logés : nombre d’entre elles perçoivent cette peine comme une forme de stigmatisation.
(Marques de satisfaction sur les travées du groupe SER. – Mme Valérie Létard s ’ en félicite.) C’est bien d’entendre un « Bravo ! » de temps en temps.
Sourires.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable. §
Enfin, concernant l’amendement n° 60, encore une fois, on comprend bien l’intention de nos collègues qui veulent éviter que des locataires défaillants ne soient envoyés en prison. Cependant, vous comprendrez bien que la prison avec sursis ne peut pas constituer une peine en soi. En outre, à la suite de l’avis favorable émis sur les deux amendements identiques précédents, leur adoption ferait tomber celui-ci.
Les amendements n° 78 et 59 visent à supprimer le délit pour un locataire qui se maintient sans droit ni titre dans un local d’habitation, tandis que les amendements identiques n° 34 et 82 rectifié bis tendent à supprimer uniquement la peine de prison.
Comme cela a également été souligné par M. le rapporteur, les débats à l’Assemblée nationale avaient déjà permis d’améliorer le texte. Pour autant, ces délits d’occupation sans droit ni titre en raison de loyers impayés ne renvoient pas à une situation similaire à celle des squats.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur les amendements identiques n° 34 et 82 rectifié bis, qui visent à supprimer la peine d’emprisonnement, en ne conservant que la peine d’amende, quand bien même le risque d’application de la peine prévue pour ce délit était très faible.
En revanche, je suis réservé sur la suppression totale de l’article 1erA. En effet, comme cela a été dit, les garanties prises en compte tout au long de la procédure devraient aboutir à ce que seules les personnes de mauvaise foi ou n’ayant pas utilisées toutes les voies de recours soient sanctionnées. Les personnes les plus précaires, en raison des protections mises en place, ne seraient pas sanctionnées.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée s’agissant des deux premiers amendements n° 78 et 59 ayant pour objet la suppression de l’article 1erA.
Enfin, à propos de l’amendement n° 60 visant à introduire une peine avec sursis, le sursis relève d’une décision du juge. En outre, compte tenu de l’avis favorable du Gouvernement émis sur les amendements identiques tendant à supprimer la peine de prison, cet amendement n’a plus d’objet.
Mme Nathalie Goulet. Je remercie M. le rapporteur de l’avis qu’il a émis sur l’amendement n° 82 rectifié bis défendu par Valérie Létard et que, naturellement, nous soutenons, tout comme l’amendement identique n° 34 de notre collègue Benarroche – ne pratiquons pas l’ostracisme !
Sourires.
En effet, comme cela a été expliqué pendant les débats, la peine de prison n’avait pas beaucoup de sens ou en avait un qui était insupportable. Et puis, franchement, dans un contexte de surpopulation carcérale, cela aurait donné une image de la Haute Assemblée qui m’aurait fortement déplu.
Il me semble que cette position est une position de sagesse, une position humaine et une position intelligente. Cela ne m’étonne pas de la part de notre assemblée.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, l’amendement n° 60 n’a plus d’objet.
Les amendements n° 11 rectifié bis, 12 rectifié bis et 13 rectifié bis ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 66, présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le présent article ne s’applique pas aux femmes dont la perte de revenu ayant entraîné la dette locative est liée au départ précipité du conjoint.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
J’entends les interventions qui ont précédemment porté sur les squatteurs et sur les petits propriétaires.
Nous n’avons rien à opposer aux petits propriétaires, qui sont une minorité – je le rappelle –, et nous ne soutenons pas le squat, qui ne devrait pas exister dans une société où tout le monde aurait accès à un logement digne.
Cependant, la réalité est que les personnes en situation d’impayés de loyer sont principalement des personnes ayant connu une perte brutale de revenus.
Cela peut être le cas, par exemple, après un licenciement ou une fin de contrat, en cas de versement tardif des allocations chômage ou du revenu de solidarité active (RSA) pour ceux qui sont en fin de droit.
Cela peut aussi être dû à une dépense soudaine, un imprévu sanitaire, une hospitalisation, ce qu’il est convenu d’appeler un accident de la vie.
Parmi ces accidents figure souvent le départ du conjoint, fréquemment un homme, ce qui provoque une baisse brutale du budget du ménage.
Une fois de plus, ce sont souvent les femmes qui en sont victimes, en devenant un parent isolé, parfois sans disposer des ressources suffisantes.
Cela s’apparente à une forme de violence économique, qui est pour nous intolérable. Je pense que nous pourrions nous accorder sur ce point.
Notre amendement vise à protéger ces femmes, non pas – entendez bien ! – en les dispensant de payer ou de rembourser ce qui est dû, mais en leur épargnant au moins de subir l’affront d’être condamnées à de la prison ferme ou à une amende.
Toutefois, si j’ai bien compris les conséquences du précédent vote, cela n’est plus opérant.
Madame la présidente Assassi, cet amendement tend à exclure, du champ d’application de l’article 1erA, les femmes ne pouvant régler leur loyer, parce qu’elles ont subi une perte de revenus du fait du départ précipité du conjoint.
Je rappelle que la sanction pénale est encourue seulement après une décision définitive d’expulsion et après l’expiration de tous les délais pouvant être accordés par le juge.
Dans le type de situation évoqué par nos collègues du groupe CRCE, le magistrat pourra tenir compte des circonstances et naturellement accorder à la mère, qui se retrouve isolée avec ses enfants, les délais lui permettant de retrouver un logement compatible avec le niveau de ses ressources.
Il n’est donc, selon la commission, pas utile ni pertinent d’introduire dans la loi une exception de ce type.
Si vous le permettez, j’ajouterai volontiers qu’aucune raison ne justifie de limiter cette exception aux seules femmes, dont la perte de revenus aurait entraîné la dette locative à la suite du départ précipité du conjoint.
Nous connaissons tous des hommes qui peuvent également subir une perte de revenus, liée au départ précipité de leur conjointe.
C’est la raison pour laquelle la commission émet, avec regret, un avis défavorable.
Vous savez que je partage votre préoccupation s’agissant de la situation des femmes.
Néanmoins, comme vient de l’indiquer M. le rapporteur, la situation est déjà prise en compte au travers des règles de protection des locataires en situation d’impayés.
Instituer une différence entre un homme et une femme, qui ne me semble pas tout à fait constitutionnelle, ne paraît pas non plus relever d’un tel amendement.
Le Gouvernement demande donc le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Il était intéressant de souligner la situation particulière de ces femmes, qui ont souvent des enfants à leur charge.
Évidemment des hommes peuvent aussi être exclus de leur logement et se retrouver alors dans des situations compliquées, mais le message de ces femmes doit être entendu, et cette réalité prise en compte.
Néanmoins, j’entends vos arguments, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre. En conséquence, je retire l’amendement.
L ’ article 1 er A est adopté.
L’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les premier et deuxième alinéas du présent article ne s’appliquent pas lorsque les occupants dont l’expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. »
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 39 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 62 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 39.
En proposant la suppression de cet article 1erB, inséré dans le texte par la commission, les auteurs de cet amendement ne demandent ni un allégement ni une suppression de peines. Au contraire, nous considérons que, tel qu’il est rédigé, cet article prive le juge de la capacité d’exercer pleinement sa fonction, c’est-à-dire de juger s’il peut accorder ou pas des délais supplémentaires.
Par principe, nous sommes opposés aux décisions restreignant les pouvoirs du juge. Par principe, nous pensons que le juge doit pouvoir exercer la totalité de ses pouvoirs, qu’il s’agisse de prononcer une peine accrue ou d’accorder des délais supplémentaires.
Nous souhaitons rendre au juge une capacité pleine et entière à exercer la totalité de ses pouvoirs afin de juger une situation globalement et pas uniquement selon un critère automatique aboutissant à une décision également automatique. Sinon, prochainement, la justice sera rendue par des algorithmes !
Nous croyons véritablement à la justice des juges de notre pays. Pour cette raison, les auteurs du présent amendement demandent la suppression de cette mesure, afin de ne pas priver le juge de son pouvoir d’appréciation au cas par cas. Par exemple, pour décider d’accorder ou non des délais supplémentaires, il tient compte de la présence d’enfants. Si ces décisions devaient être prises automatiquement, sans le regard du juge, on enverrait temporairement dans la rue encore plus d’enfants et de personnes.
Remettons donc le regard du juge au cœur de la machine.
Cet amendement est identique au précédent.
Les situations peuvent être complexes et différentes. Dès lors, aucune raison ne justifie d’empêcher le juge d’émettre un avis. Cela nous semble être la position de fond qu’il convient de défendre. L’empêcher d’apprécier revient finalement à nier la diversité de ces situations. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
La commission a adopté un amendement de notre collègue Catherine Procaccia, visant à supprimer la faculté, pour le juge, d’accorder des délais supplémentaires à un squatteur. Cela nous a paru légitime.
Cette mesure s’inscrit dans la ligne de fermeté à l’égard des squatteurs, suivie par notre commission. Une personne, qui s’est introduite frauduleusement dans un logement, ne peut pas prétendre aux mêmes garanties qu’un locataire qui subit un accident de la vie.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
L’amendement vise à réintroduire la possibilité pour le juge d’octroyer des délais renouvelables aux occupants sans droit ni titre lorsque le relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
Les occupants sans droit ni titre font d’ores et déjà l’objet d’un traitement au civil plus sévère que les locataires dont le bail a été résilié.
En effet, ils ne peuvent se prévaloir ni du délai de deux mois entre le commandement de quitter les lieux et la mise en œuvre de l’expulsion ni de la trêve hivernale, comme vous le savez.
Ainsi, supprimer les délais prévus par l’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution revient à priver les occupants de la seule garantie qui leur est accordée pour bénéficier d’un logement décent.
Si cette garantie de bénéficier d’un logement décent n’est pas mise en place, la situation n’est alors pas réglée et des personnes ou des familles pourraient de nouveau être accueillies en hébergement d’urgence ou connaître des situations illégales.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements identiques.
Voilà quelques semaines, j’ai rencontré cinquante femmes et dix-sept enfants qui, en raison d’une expulsion, étaient temporairement logés – ou plutôt abrités – dans un gymnase, sur décision préfectorale, dans la ville dont j’ai longtemps été maire.
Toutes ces femmes ont raconté exactement la même histoire, faite de successions d’hébergements temporaires, de passages dans la rue et de nouveaux endroits où elles peuvent se loger, parfois avec des gens mal intentionnés qui les conseillent et parfois simplement parce qu’il faut s’abriter et abriter les enfants.
Le squat est non pas un choix, mais, souvent, la dernière option possible.
Je remercie M. le ministre de l’avis favorable qu’il vient de donner sur ces amendements. En effet, ces situations, mes chers collègues, vous pouvez en prendre la mesure lorsque vous rencontrez ces personnes qui vivent expulsion sur expulsion.
Je remercie la commission d’avoir voté mon amendement dont est issu cet article 1er B.
Je répète ce que j’ai déjà dit : le droit au logement, c’est pour tout le monde, y compris pour les personnes qui habitent un logement, ne peuvent pas le récupérer parce qu’il est squatté et, de ce fait – certains collègues nous l’ont expliqué pendant la discussion générale –, se retrouvent à devoir se loger dans une caravane ou ailleurs.
Le droit au logement, c’est aussi pour les locataires et propriétaires en titre, pas simplement pour les personnes qui se sont approprié un logement, indépendamment des raisons de cette appropriation.
Dans de tels cas, l’État doit intervenir et procéder à un relogement ; il n’y a pas de raison de pénaliser les titulaires du logement.
Je voterai donc contre ces amendements.
La proposition que nous défendons ne consiste pas à donner plus de temps à ceux qui occupent les lieux pour les quitter. Nous demandons seulement que le juge prenne la décision, parce qu’il a la capacité et tous les éléments pour le faire bien mieux que s’il s’agit d’une décision automatique. Nous ne disons rien d’autre ! Il est question non pas d’être plus laxiste, mais d’être plus juste.
S’agissant de l’argument consistant à dire que c’est à l’État de faire – je l’ai moi-même utilisé –, celui-ci n’est aujourd’hui pas en capacité ! C’est comme lorsque l’on dit « y a qu’à, faut qu’on »… Certes, l’État, « y a qu’à ». Mais l’État, en fait, ne peut actuellement pas faire parce que – je ne l’excuse pas pour autant – il s’est mis dans des conditions où il ne peut pas faire et, comme il ne peut pas faire, les conséquences seront pour les squatteurs en situation précaire, des femmes et des enfants.
Gestes de protestation sur les travées du groupe Les Républicains.
Bis repetita placent, mes chers collègues de droite : je ne dis pas qu’il faut être plus laxiste, je demande que le juge puisse juger en toute connaissance de cause. Rien d’autre !
Je vous ai souvent entendus dans cette enceinte, à juste titre, défendre face au ministre de la justice le fait que le juge devait avoir les moyens de juger. C’est tout ce que nous demandons. Non à l’automaticité ! Sans quoi, nous finirons par n’avoir de justice que par automaticité et algorithmes. Ni vous ni nous ne le souhaitons !
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour explication de vote.
Je voudrais réagir aux propos d’un de nos collègues, qui affirmait que le squat n’était pas un choix. Le squat, mes chers collègues, est illégal, que ce soit un choix ou pas ! Il faut arrêter d’excuser l’occupation illégale de locaux à usage d’habitation, comme de locaux à usage économique.
Encore une fois, nous sommes tous d’accord, dans cet hémicycle, pour dire que notre pays connaît de véritables difficultés du fait de la crise du logement et du mal-logement. Mais ce n’est pas aux propriétaires de prendre cela en charge ! L’État doit faire face aux situations de mal-logement et je ne vois pas pourquoi, parce que l’État est défaillant ou, par exemple, qu’il n’indemnise pas les propriétaires n’obtenant pas le concours de la force publique comme il devrait le faire, ce serait à ces derniers de supporter cette charge.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Les amendements n° 23 rectifié ter et 24 rectifié ter ne sont pas soutenus.
Je mets aux voix l’article 1er B.
L ’ article 1 er B est adopté.
L’amendement n° 83, présenté par Mme Procaccia, est ainsi libellé :
Après l’article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le représentant de l’État doit recourir à la force publique afin d’expulser l’occupant introduit sans droit ni titre dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, dans un délai de soixante-douze heures suivant la décision du juge. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Avec votre accord, madame le président, je présente conjointement l’amendement n° 84 rectifié.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° 84 rectifié, présenté par Mme Procaccia et ainsi libellé :
Après l’article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En cas de refus d’une proposition de relogement par un occupant introduit sans droit ni titre dans la résidence principale d’autrui par voie de fait, il sera expulsé dans un délai de soixante-douze heures sans autre proposition de relogement.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mardi, au début de l’examen de ce texte, nous avons été plusieurs à regretter que certaines décisions de justice ne soient pas appliquées et il a encore été question, tout à l’heure, du choix du juge.
Ce n’est pas parce qu’un juge décide une expulsion que celle-ci est automatiquement mise en œuvre. En effet, le préfet peut estimer que certaines conditions, certains problèmes de relogement, le fait, justement, qu’il s’agit d’une famille ou qu’il n’a aucune autre solution de logement à proposer ne permettent pas cette expulsion, laissant ainsi les propriétaires, occupants ou non, dans le désarroi.
Avec l’amendement n° 83, je propose donc d’imposer au préfet de procéder sans délai à une expulsion, dès lors qu’il y a eu décision de justice.
S’agissant de l’amendement n° 84 rectifié, j’ai été surprise de découvrir, y compris dans mon département, que parfois des squatteurs à qui l’on avait fait des propositions de relogement refusaient celles-ci, parce que le logement proposé ne leur plaisait pas, qu’ils ne voulaient pas changer de ville ou encore qu’ils souhaitaient avoir deux salles de bains – des choses tout de même assez effarantes ! Encore récemment, d’ailleurs, j’en ai entendu quelques-unes de ce style dans la bouche de maires qui, au cours de leurs vœux, expliquaient les situations rencontrées dans leur commune.
Je propose donc par l’amendement n° 84 rectifié de préciser que, si c’est possible, on présente une proposition de relogement au squatteur, mais que, si celui-ci la refuse, l’expulsion est prononcée. Dès lors qu’on lui propose une solution, il doit l’accepter !
S’agissant de l’amendement n° 83, on peut partager le souci de notre collègue Catherine Procaccia d’accélérer les procédures d’expulsion en soumettant le recours à la force publique à un délai strict. Il est tout de même apparu à la commission que le délai prévu de soixante-douze heures était très court et risquait de faire peser sur les préfectures une contrainte excessive, alors que, on le sait, nos forces de police ou de gendarmerie doivent répondre à de multiples sollicitations.
Il faut, d’après nous, laisser un peu de souplesse au préfet pour qu’il prête rapidement le concours de la force publique, mais en ayant la possibilité d’arbitrer entre les nombreuses – trop nombreuses, même – demandes adressées aux forces de l’ordre à l’heure actuelle.
Par ailleurs, nous observons qu’aucun délai n’est fixé, à l’article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, la loi Dalo, pour prêter le concours de la force publique, alors que cette procédure se veut beaucoup plus rapide que la voie judiciaire. Il y aurait donc, selon nous, un paradoxe à imposer un délai si court en cas de décision de justice, alors que la procédure administrative de l’article 38 de la loi Dalo n’en prévoit pas.
Pour ces raisons, l’avis est défavorable sur l’amendement n° 83.
Par ailleurs, nous avons malheureusement un peu de mal, ma chère collègue Catherine Procaccia, à comprendre véritablement la portée de l’amendement n° 84 rectifié. Sa rédaction nous paraît trop imprécise pour qu’il soit accepté en tant que tel.
Ainsi, on ne sait pas si la disposition s’appliquerait en cas de recours à la procédure d’évacuation forcée prévue à l’article 38 de la loi Dalo, auquel cas il introduirait une nouvelle obligation de relogement, qui n’existe pas dans les textes à l’heure actuelle, ou s’il s’appliquerait en cas de procédure judiciaire, auquel cas on ne voit pas bien comment il s’articulerait avec les délais prévus pour une telle procédure.
En raison de ces difficultés de compréhension, je me permets donc de demander le retrait de cet amendement, sans quoi l’avis sera défavorable.
Pour gagner un peu de temps et comme l’exposé de M. le rapporteur était parfaitement clair, je me rangerai à ses avis : un avis défavorable sur l’amendement n° 83 et une demande de retrait de l’amendement n° 84 rectifié ou, à défaut, un avis défavorable.
Je regrette que l’amendement n° 84 rectifié soit mal rédigé. Cela étant, nous sommes en train d’élaborer la loi et, donc, à la demande du rapporteur, je le retire. Je précise néanmoins que c’est une préoccupation : il est tout de même absolument anormal qu’un squatteur puisse se permettre de refuser une proposition de relogement et, surtout, après, continuer à occuper les lieux pendant très longtemps. Je trouve cela scandaleux et regrette que la commission n’ait pas voulu réécrire mon amendement.
L’amendement n° 84 rectifié est retiré.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
S’agissant de l’amendement n° 83, je vous ai expliqué, monsieur le rapporteur, l’origine de l’article 38 de la loi Dalo. Au départ, celui-ci avait un champ un peu plus large, mais, voilà seize ans, dans la nuit, j’ai reçu les manifestants et on a décidé de le circonscrire à l’habitation principale. Depuis, les choses ont beaucoup évolué.
Par conséquent, j’entends votre remarque selon laquelle cela n’est pas prévu dans l’article 38 de la loi Dalo, mais j’avoue qu’en 2007, j’étais déjà contente de faire voter cet article !
Comme vous jugez le délai de soixante-douze heures trop court, ce que je peux concevoir – mais je me mets toujours dans la position des personnes qui attendent de pouvoir rentrer dans leur logement –, je rectifie l’amendement n° 83 pour imposer un délai, non plus de soixante-douze heures, mais de sept jours à compter de la décision du juge.
Je suis donc saisie d’un amendement n° 83 rectifié, présenté par Mme Procaccia, et ainsi libellé :
Après l’article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le représentant de l’État doit recourir à la force publique afin d’expulser l’occupant introduit sans droit ni titre dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, dans un délai de sept jours suivant la décision du juge. »
Quel est l’avis de la commission ?
Je ne peux naturellement pas interroger les membres de la commission, la rectification venant d’être faite à l’instant. Je vais donc m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée, qui choisira. À titre personnel, j’aurais souhaité que l’on fasse confiance au préfet, qui sait naturellement s’il est en capacité de mobiliser, ou non, la force publique dans ce délai. Mais j’en reste à cet avis de sagesse.
L’avis du Gouvernement demeure défavorable, dans la mesure où l’amendement ne précise pas à partir de quand court le délai des sept jours. Il faut en rester, je pense, à la rédaction actuelle du texte.
M. Guy Benarroche. Puisque M. le rapporteur a souhaité s’en remettre à la sagesse du Sénat, je vais me permettre de donner mon avis.
Sourires.
Pour ma part, je ne soutiendrai pas cet amendement, même rectifié avec, désormais, un délai de sept jours, car la proposition n’est en réalité pas opérante.
Bien sûr, il est satisfaisant d’avoir fixé ce délai de sept jours – c’est peut-être même bien de l’avoir fait. Mais, dans la réalité, vous le savez très bien, mes chers collègues, nombreux sont les cas, aujourd’hui, où des impératifs fixés aux préfectures et aux préfets ne peuvent pas être respectés. C’est le cas, par exemple, des convocations pour les migrants dans le cadre d’un renouvellement de carte de séjour.
À quoi cela donne-t-il lieu ? À des milliers de recours en appel devant la justice administrative. Les tribunaux en sont encombrés et les affaires ne peuvent pas être traitées !
Je veux bien que l’on présente des amendements pour faire progresser les choses. Mais, quand on sait par avance que ces amendements ne seront pas opérants, je vois mal l’utilité de la démarche, si ce n’est d’en faire des marqueurs de certains éléments.
Par ailleurs, la réponse de M. le ministre me paraît tout à fait convaincante : il faut savoir à partir de quand le délai court.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er B.
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article 226-4 du code pénal, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de trois ans » et le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 45 000 euros ».
L’amendement n° 37, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Par cet amendement de suppression, nous voulons marquer notre opposition globale à la présente proposition de loi, essentiellement parce que celle-ci criminalise ou tente de criminaliser les mal-logés sans lutter, parallèlement, contre le mal-logement.
L’aggravation de la peine encourue pour violation de domicile proposée dans cet article est, à la fois, injuste dans son principe et disproportionnée dans ses modalités.
Le renforcement de la répression pénale des occupations illicites contrarie la politique du logement et la lutte contre l’habitat indigne. Nous tenons à rappeler, à la suite de notre collègue Daniel Breuiller, que ce n’est pas par choix que des personnes sans logement occupent des terrains ou des immeubles inhabités – M. le garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, s’est également prononcé sur ce point. Une raison est, notamment, qu’elles se trouvent sans solution de logement. Pour rappel, la France compte 4 millions de mal-logés, 2 millions de demandeurs de logement social et 300 000 personnes sans abri, dont 42 000 enfants.
Dans le même temps, le nombre de logements vacants bat des records chaque année, selon l’Insee.
Punir les occupants, sans tenir compte de ce contexte et de cette configuration, c’est faire preuve d’une certaine brutalité vis-à-vis des personnes vulnérables, alors même que l’État ne se donne pas les moyens de résoudre les problèmes de mal-logement, plus que jamais préoccupants en France. Nombreuses sont les personnes, parmi celles qui s’installent dans les logements vides, essentiellement des femmes et des enfants, qui échappent par là même à une certaine violence dans la rue – vous le savez parfaitement bien, mes chers collègues, nous le vivons tous dans nos communes, particulièrement les plus grandes.
L’aggravation des peines est également disproportionnée. Les montants exigés ne pourront de toute façon pas être acquittés, car les personnes concernées ne seront pas solvables pour payer de telles sommes. Enfin, cette aggravation n’a pas pour effet d’aligner les sanctions encourues par les squatteurs sur celles qu’encourent les propriétaires se faisant justice eux-mêmes.
L’avis est défavorable, madame la présidente. L’effet dissuasif de la mesure prévue dans cet article nous paraît bienvenu. C’est en outre une mesure d’équité, puisqu’elle permettra d’aligner la peine encourue par les squatteurs sur la peine prévue lorsqu’un propriétaire expulse manu militari un squatteur.
Je rappelle, enfin, que le Sénat a déjà voté à deux reprises cette disposition, d’abord dans la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi Asap, puis lors de l’examen d’une proposition de loi de Dominique Estrosi Sassone, voilà à peine deux ans.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable. Effectivement, le renforcement de la répression à l’encontre de ces faits de violation de domicile a déjà été traité dans le cadre de la loi Asap et je crois nécessaire d’établir une cohérence entre les peines encourues par le propriétaire et par la personne qui se rendrait coupable d’une violation de domicile.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 1 er est adopté.
Après l’article 226-4-2 du code pénal, il est inséré un article 226-4-3 ainsi rédigé :
« Art. 226 -4 -3. – La propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de méthodes visant à faciliter ou à inciter à la commission des délits prévus aux articles 226-4 et 315-1 est punie de 3 750 euros d’amende.
« Lorsque le délit est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 38 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 63 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 38.
Cet article, dont nous demandons la suppression, instaure un nouveau délit, dans le but de punir « la propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de méthodes visant à faciliter ou à inciter » le squat de domicile.
L’adoption de cet article en l’état conduirait à sanctionner l’ensemble du monde associatif, qui prend en charge une grande partie des problèmes des personnes mal logées ou sans logement, sans intention de les laisser définitivement dans des squats, mais pour tenter de leur apporter des solutions dans des délais plus courts que ce que l’État est capable de faire.
On se retrouve donc à pénaliser et à condamner des personnes dont le but est d’aider l’État à résoudre les problèmes de mal-logement, des personnes qui, effectivement, trouvent parfois à travers les squats des solutions intermédiaires pour aider des gens qui, sans cela, iraient dans la rue, ce qui serait encore plus coûteux et, bien entendu, moins digne pour notre société.
Le Secours catholique, par exemple, qui n’est pas un regroupement de révolutionnaires patentés, s’est inquiété de la résurgence d’une sorte de délit de solidarité, destiné à réprimer l’aide, l’information et l’accompagnement apportés par les associations et leurs militants – bénévoles, je le rappelle – aux personnes et aux familles qui, faute de mieux, trouvent refuge dans des locaux vacants. Nous ne pouvons pas accepter que ces associations qui, tous les jours, font vivre le principe de fraternité cher à notre République deviennent des délinquants.
Nous ne cesserons de rappeler, tout au long de l’examen de ce texte et de prochains textes qui pourraient être présentés, que c’est par nécessité que des personnes en viennent à occuper des logements inhabités. Nous dénonçons, à la fois, le fait que ces personnes ne peuvent pas aujourd’hui être logées dans des logements décents et le fait que la surenchère répressive contre les associations et groupes militants agissant pour leur venir en aide n’apportera aucune solution au problème du mal-logement.
Dans le prolongement des propos précédents, j’indiquerai que cet article nous paraît effectivement disproportionné au regard de la liberté d’expression, en tout cas dans sa rédaction actuelle. Il ne faudrait tout de même pas que l’on instaure ici un délit de solidarité ! Ce ne sont pas, pensons-nous, les slogans militants en faveur de la défense du droit au logement qui mènent au squat.
Je ne rappellerai ici qu’un seul chiffre : plus de trois millions de logements sont considérés comme vacants selon la loi et, même s’il est possible de procéder à des réquisitions, chacun sait ici que cela se fait très rarement.
Nous vous demandons donc, mes chers collègues, de considérer que les slogans portés par les associations de solidarité, les syndicats ou autres ne sont pas responsables des squats et, par conséquent, de ne pas instaurer le délit évoqué à l’instant.
La commission ne croit pas que l’on puisse qualifier d’acte de solidarité la mise en ligne de véritables guides du squat, par exemple, expliquant comment s’introduire frauduleusement dans un logement, comment éviter ensuite l’expulsion en abusant des garanties prévues par la législation, laquelle n’est pas faite pour cela.
C’est ce type de comportements, messieurs Benarroche et Lahellec, qu’il convient de réprimer.
Je précise enfin, même si cela ne nous lie pas, que le Sénat a déjà adopté une disposition analogue voilà deux ans, au moment de l’adoption de la proposition de loi de Mme Estrosi Sassone.
L’avis est défavorable.
Cette incitation à violer des domiciles et les explications fournies à cet effet sont assez insupportables et – je connais bien le sujet – les associations dont il est question ici n’en sont pas à l’origine. En tant qu’ancien maire de Clichy-sous-Bois, je peux vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que si l’opération de requalification des copropriétés dégradées d’intérêt national (Orcod-IN) de cette commune prend du retard, c’est parce que nous subissons régulièrement des assauts dans des appartements libérés, prévus à la démolition ; un certain nombre des personnes qui entrent dans ces logements suivent à la lettre des explications trouvées sur internet.
Par conséquent – et vous connaissez ma modération –, cette incitation me paraît assez insupportable. L’avis est défavorable.
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour explication de vote.
Au-delà des squatteurs, c’est aujourd’hui à de véritables réseaux organisés que nous devons nous opposer, réseaux qui promeuvent et mettent en place les squats, y compris, parfois, au détriment de locataires ou de personnes de bonne foi.
Parce que nous sommes de plus en plus souvent confrontés à ce problème, la présente mesure va plus que dans le bon sens. Il est important de marquer notre sévérité à l’endroit de sites proposant des guides d’emploi pour squatter des logements et de nous attaquer, ainsi, aux réseaux organisés.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ article 1 er bis A est adopté.
À l’article 313-6-1 du code pénal, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de trois ans » et le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 45 000 euros ». –
Adopté.
L’amendement n° 42, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article 225-14 du code pénal, le mot :
« cinq » est remplacé par le mot : « sept ».
La parole est à M. Guy Benarroche.
Puisque la tendance est plutôt à l’extension des délits et à l’aggravation des peines et des sanctions, le présent amendement vise justement à alourdir la peine encourue par les marchands de sommeil, qui profitent de la précarité ou de la situation irrégulière de certaines personnes pour les loger dans des logements insalubres et indécents.
Pas grand-chose n’est prévu dans ce texte pour mieux sanctionner la soumission de personnes vulnérables à des conditions d’hébergement indignes, alors qu’il existe, nous le savons, près de 450 000 logements occupés considérés comme indignes et que l’on dénombre 78 affaires sur des immeubles en péril ou insalubres pour l’année 2020.
Je ne décrirai pas la situation découverte à Marseille, ville dont je viens, après l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne. Des centaines d’arrêtés de péril ont été pris et l’on s’est alors rendu compte du nombre de gens qui étaient logés par des marchands de sommeil sans bail, en tout cas écrit.
Bien que la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, la loi Élan, ait renforcé l’arsenal juridique contre ces bailleurs et qu’une ordonnance parue en janvier 2021 harmonise les procédures administratives spéciales de lutte contre l’habitat indigne, les condamnations restent trop rares.
Nous vous proposons donc, mes chers collègues, d’inciter le Gouvernement à se doter d’une véritable politique de lutte contre le mal-logement et les marchands de sommeil.
Comme l’indiquent ses auteurs eux-mêmes, il s’agit surtout d’un amendement d’appel, visant à attirer l’attention sur l’habitat indigne et le problème posé par les marchands de sommeil, qui exploitent la vulnérabilité des plus fragiles d’entre nous.
La peine actuelle encourue – cinq ans d’emprisonnement – est déjà sévère et dissuasive. Il ne nous paraît pas absolument nécessaire de l’alourdir encore. L’enjeu, parce qu’il y en a un, est naturellement de réprimer effectivement l’infraction sur le terrain et de déférer les auteurs devant les tribunaux.
Notre avis est défavorable.
Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’attachement du Gouvernement, et le mien, à la lutte contre les marchands de sommeil, Thénardier des temps modernes qui profitent de la misère des plus fragiles. Vous avez raison, monsieur Benarroche, il faut continuer de lutter contre ces marchands de sommeil. Le présent texte permettra d’ailleurs d’ajouter dans la loi des dispositions plus sévères. Vous souhaitez aller plus loin encore… Le Gouvernement, pour sa part, s’en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
I. –
Non modifié
1° et 2°
Supprimés
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue notamment le domicile d’une personne, au sens du présent article, tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non. »
II. – L’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « principale, », sont insérés les mots : « ou dans un local à usage d’habitation » ;
b)
c)
d) Sont ajoutés les mots : « par le maire ou par un commissaire de justice » ;
2°
« Lorsque le propriétaire ne peut apporter la preuve de son droit en raison de l’occupation, le représentant de l’État dans le département sollicite dans le délai de soixante-douze heures l’administration fiscale pour établir ce droit. » ;
3°
4°
L’amendement n° 41, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Cet amendement vise à supprimer l’article 2, qui prévoit, je le rappelle, d’étendre le délit de violation de domicile aux résidences secondaires et aux résidences inhabitées, ainsi que d’étendre la procédure d’expulsion administrative en quarante-huit heures à tout local d’habitation, même s’il n’est pas meublé et, donc, pas habité.
L’adoption de cet article conduira à ce que le délit de violation de domicile, pensé aujourd’hui pour protéger la vie privée de personnes en sanctionnant l’occupation de logements meublés et régulièrement habités, protège désormais la propriété immobilière en tant que valeur absolue – nous avons eu un long débat sur le sujet avant-hier soir. Ainsi sera sanctionnée l’occupation de tout local, y compris un local inhabité, vide ou vacant depuis des années.
Il s’agit là d’une extension considérable de ce délit, d’autant plus choquante que l’on recense actuellement en France, comme nous le savons, dix fois plus de logements vacants que de personnes à la rue.
En plus de révéler de nouveau une conception absolutiste du droit à la propriété immobilière au détriment des plus précaires, ce renversement de valeurs a des conséquences dangereuses : cet article permet l’expulsion en moins de vingt-quatre heures, sans procédure juridictionnelle et sans contradictoire, de personnes trouvant refuge dans des locaux totalement vides et n’ayant pas vocation à être occupés.
Ici même, avant-hier soir, le garde des sceaux a bien spécifié à quel point cette nouvelle règle renversait les valeurs, en considérant toute propriété d’un bien immobilier prioritaire sur la capacité à loger des personnes, y compris dans des endroits n’ayant pas vocation à être des logements et inoccupés depuis des années.
Nous sommes défavorables à cet amendement de suppression de l’article 2. Nous estimons que ce dernier contient des dispositions utiles, à la fois, pour préciser le sens de la notion de domicile et pour renforcer la procédure d’évacuation forcée des squatteurs prévue à l’article 38 de la loi Dalo.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 64, présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 226-4 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue notamment le domicile d’une personne, au sens du présent article, tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, dès lors que cette personne y habite et que ce local constitue sa résidence principale. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
J’estime que l’article 2 étend la notion de domicile au-delà du bon sens.
Toute propriété sera en effet considérée comme le domicile d’une personne, comme si en raison d’un don d’ubiquité, on pouvait vivre à plusieurs endroits en même temps…
En mettant sur le même plan logements vacants et logements habités, petits propriétaires et propriétaires de quartiers entiers, vous tentez de masquer la réalité pourtant flagrante de la crise du logement. Bien que celle-ci fasse de nombreuses victimes, rien n’est fait pour la résoudre.
C’est un fait : la grande majorité – je dis bien, non pas la totalité, mais la grande majorité – des logements squattés sont des logements vides, c’est-à-dire qu’ils ne sont le domicile de personne.
Mme Dominique Estrosi Sassone le conteste.
Vous souhaitez changer cette réalité en faisant coïncider propriété et domicile, mais on n’agit pas sur le réel en changeant la définition des mots, même si cela est presque devenu une habitude chez certains.
De la même manière que l’on préfère parler pudiquement de « plan de sauvegarde de l’emploi » plutôt que de licenciements dans les entreprises, il n’y aurait désormais plus de logements vacants, mais uniquement des domiciles.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons une nouvelle rédaction du présent article qui réaffirme ce qu’est véritablement le domicile d’une personne, c’est-à-dire un logement habité.
M. André Reichardt, rapporteur. Cette proposition va à l’encontre des votes par lesquels le Sénat affirme depuis plusieurs années que la notion de domicile peut également recouvrir celle de résidence secondaire.
Et heureusement ! sur des travées du groupe Les Républicains.
La jurisprudence considère que le domicile correspond à un lieu où la personne a le droit se dire chez elle.
Par ailleurs, au-delà des résidences secondaires, et pour différentes raisons telles que le célibat géographique, une personne peut avoir deux domiciles.
Avis défavorable.
Comme l’a indiqué M. le ministre, une personne peut effectivement avoir deux domiciles.
Ma fille réside à l’étranger, mais elle passe six mois de l’année en France, dans un appartement dont elle est propriétaire à Paris. Ce logement est considéré comme sa résidence secondaire, car ma fille n’est pas salariée en France, mais à l’étranger. La disposition proposée la priverait donc du droit de retourner chez elle.
Soyons sérieux, mes chers collègues. Nous sommes bien d’accord sur le fait qu’il n’est pas bien de squatter. J’ai toutefois évoqué le cas, non pas des résidences secondaires, …
Mme Éliane Assassi. Lesquelles peuvent effectivement être des résidences secondaires
Mme Jacqueline Eustache-Brinio s ’ exclame.
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour explication de vote.
Madame Assassi, les logements qui ne sont le domicile de personne sont bien la propriété de quelqu’un !
Or le droit de propriété, qui est « inviolable et sacré », doit être respecté.
Pour ce qui concerne la problématique du mal-logement que vous évoquez, madame Assassi, cette proposition de loi prévoit la pérennisation d’un dispositif qui n’était jusqu’alors qu’expérimental, et qui permet l’occupation temporaire de locaux vacants dans le cadre d’une convention passée entre une société ou une association comme la fondation Emmaüs et le propriétaire. Ce dispositif, qui s’applique notamment aux immeubles qui n’ont pas encore de destination, ou à des immeubles de bureaux qui doivent faire l’objet, à terme, d’un changement d’usage, permet de loger temporairement des personnes qui sont en situation de mobilité géographique professionnelle ou des ménages en difficulté, mais il s’applique pour une durée définie et de manière encadrée.
Un logement est toujours la propriété de quelqu’un, et ce n’est pas parce qu’il est vacant que l’on peut s’y introduire !
Mes chers collègues, les mots ont un sens, et dans l’esprit commun, le mot « domicile » n’est pas assimilable au mot « propriété ». J’estime dangereux de mettre dans une même catégorie différents types de bâtis dont certains sont occupés en permanence ou temporairement, quand les autres ne sont pas occupés depuis des années.
Ne faisons pas une généralité des quelques faits divers – des personnes s’étant temporairement absentées de leur domicile retrouvent celui-ci squatté à leur retour. Si ces derniers doivent nous alerter, et s’il est totalement condamnable de squatter des logements pendant l’absence de leurs occupants, il n’est pas correct de mettre ces logements dans la même catégorie que des bâtis qui sont inoccupés depuis des années et des années.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 17 est présenté par MM. Patriat, Richard, Théophile, Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 86 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 12
Supprimer les mots :
dans le délai de soixante-douze heures
La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 17.
Cet amendement tend à supprimer la mention du délai de soixante-douze heures qui s’impose au préfet pour saisir l’administration fiscale à la demande du propriétaire dont le bien est squatté et qui ne peut pas accéder à son titre de propriété.
Cette faculté est en effet déjà rendue possible par la loi Dalo du 5 mars 2007.
La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 86.
La loi Dalo impose au préfet d’instruire les demandes d’évacuation forcée de logements squattés dans un délai de quarante-huit heures.
L’importance de respecter ce délai impératif, fixé à l’article 38 de la loi Dalo, a été rappelée aux services préfectoraux par voie de circulaire.
Si le préfet doit consulter les services de la direction générale des finances publiques (DGFiP), il doit le faire dans le cadre de ce délai de quarante-huit heures.
Les services préfectoraux ont du reste pris l’habitude de se tourner vers les services fiscaux lorsque le demandeur éprouve des difficultés à démontrer qu’il est le propriétaire du bien occupé, par exemple parce qu’il ne peut pas accéder à son domicile pour récupérer les documents.
Il ne paraît donc pas utile d’introduire ce délai supplémentaire de soixante-douze heures pour la consultation des services fiscaux.
Pour pouvoir mettre en œuvre la procédure d’évacuation forcée prévue par l’article 38 de la loi Dalo, plusieurs conditions doivent être réunies : la personne dont le domicile est squatté doit déposer plainte, elle doit faire constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire, et elle doit fournir la preuve que le logement constitue bien son domicile.
Il arrive que cette preuve soit difficile à fournir en raison précisément du squat : ne pouvant accéder à son logement, celui dont le domicile est squatté aura parfois du mal à réunir les documents établissant son droit.
Dans ce cas, nous proposons d’inscrire dans la loi que la préfecture dispose d’un délai de soixante-douze heures pour saisir l’administration fiscale afin d’établir les droits de la personne dont le domicile est squatté.
Monsieur le ministre, ce délai de soixante-douze heures n’est pas redondant avec le délai de quarante-huit heures prévu à l’article 38 de la loi Dalo. Ce dernier court en effet à partir du moment où la préfecture a reçu un dossier complet. L’éventuelle saisine de l’administration fiscale se situe en amont, et elle vise précisément à compléter le dossier pour qu’une demande puisse être valablement adressée aux services préfectoraux.
Fixer un délai permettra de s’assurer que la préfecture agit avec célérité, dans un domaine où une intervention rapide est nécessaire afin de mettre un terme à des situations qui peuvent être humainement très difficiles, pour tout le monde.
Avis défavorable.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 16 est présenté par MM. Patriat, Richard, Théophile, Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 40 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
L’amendement n° 85 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Martin Lévrier, pour présenter l’amendement n° 16.
Cet amendement vise à rétablir à quarante-huit heures la durée du délai dont dispose le préfet pour exécuter l’expulsion, comme cela est prévu par l’article 38 de la loi Dalo.
En effet, réduire ce délai à vingt-quatre heures ne serait pas opérant, car l’administration ne pourrait pas mobiliser le minimum de moyens requis pour l’expulsion.
Pour garantir l’ordre public et prévenir les contentieux administratifs avec les propriétaires concernés en cas de dépassements contraints de ce nouveau délai d’exécution, nous vous proposons de conserver le délai de quarante-huit heures.
Nous devons toujours nous poser la question du caractère opérant des dispositions que nous votons.
Réduire à vingt-quatre heures un délai qu’il est déjà difficile de tenir en quarante-huit heures entraînera une augmentation du nombre de recours devant les tribunaux administratifs.
La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 85.
Il s’agit d’un amendement identique aux précédents. Je m’associe aux propos qui viennent d’être tenus.
Le Sénat avait déjà voté la réduction de ce délai lors de l’examen de la proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat présentée par Dominique Estrosi Sassone, adoptée en janvier 2021.
Nous souhaitons introduire cette disposition dans le présent texte, car il nous paraît souhaitable de faire preuve de célérité lorsque quelqu’un constate que son domicile est squatté.
Avis défavorable.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ article 2 est adopté.
L’amendement n° 10 rectifié ter, présenté par Mmes Imbert et Lavarde, MM. Pointereau, Perrin, Rietmann, Tabarot et Savin, Mme Belrhiti, MM. Burgoa, Somon et Anglars, Mme Micouleau, MM. Grosperrin, Bascher, Calvet et Karoutchi, Mmes Gosselin, Puissat et Joseph, MM. Brisson, de Nicolaÿ, Piednoir, Panunzi et Cadec, Mme Richer, M. Meurant, Mmes Garnier et Deroche, MM. Lefèvre et Favreau, Mme F. Gerbaud, MM. D. Laurent et Chaize, Mmes Lassarade et Lopez, MM. Chatillon, B. Fournier, Savary et Joyandet, Mme Bellurot, M. Cardoux, Mme M. Mercier, MM. Bouchet, Saury et Gremillet, Mme Gruny, MM. C. Vial, Genet, Bonhomme, Klinger, Belin et Bonne, Mme Renaud-Garabedian, M. Bansard et Mmes Borchio Fontimp et Dumont, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, il est inséré un article 38°°°… ainsi rédigé :
« Art. 38°°°…. – Est qualifié de maintien dans le domicile d’autrui ou dans un local à usage d’habitation à l’aide de voies de fait, au sens de l’article 38 de la présente loi :
« – le maintien dans un meublé de tourisme plus d’une semaine après le terme prévu par le contrat de bail ;
« – le maintien dans un logement dont le loyer n’est plus acquitté depuis plus de six mois. »
La parole est à Mme Béatrice Gosselin.
Cet amendement vise à accélérer les procédures d’expulsion contre les locataires qui auraient arrêté de payer leur loyer depuis au moins six mois consécutifs et contre les locataires d’un meublé de tourisme qui n’auraient pas quitté le logement une semaine après le terme prévu de la location.
En effet, le nombre de loyers impayés est en augmentation ces dernières années, ce qui représente un manque à gagner de plusieurs millions d’euros pour les petits propriétaires.
Cet amendement tend à rendre applicable la procédure d’évacuation forcée sous l’égide du préfet prévue à l’article 38 de la loi Dalo à deux nouvelles hypothèses : le non-paiement du loyer pendant plus de six mois et le maintien dans un meublé touristique une semaine au-delà de la date prévue.
Cet amendement va à rebours de l’orientation retenue par la commission, consistant à distinguer la situation des locataires défaillants de celle des squatteurs.
La procédure de l’article 38 est rapide et ne fait pas intervenir un juge ; elle est acceptable s’agissant d’un squat, mais j’estime qu’elle n’est pas adaptée à la situation d’un locataire, qui doit pouvoir bénéficier d’une procédure juridictionnelle.
Avis défavorable.
L’article 1244 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier libère son propriétaire de l’obligation d’entretien du bien de sorte que sa responsabilité ne saurait être engagée en cas de dommage résultant d’un défaut d’entretien du bien pendant cette période d’occupation. En cas de dommage causé à un tiers, la responsabilité incombe dès lors à l’occupant sans droit ni titre du bien immobilier. Le bénéfice de l’exonération de responsabilité mentionnée au présent alinéa ne peut s’appliquer lorsque les conditions d’hébergement proposées par un propriétaire ou son représentant sont manifestement incompatibles avec la dignité humaine, au sens de l’article 225-14 du code pénal. »
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 43 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 65 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 43.
Le présent article prévoit de libérer un propriétaire de son obligation d’entretenir son bien dès lors qu’il ne peut plus y entrer, car celui-ci est indûment occupé. Je comprends bien la vocation de ces dispositions, qui paraissent tout à fait logiques.
Cet article est toutefois si mal écrit qu’il laisse la porte ouverte à toutes les dérives.
Il a été introduit en réaction à une décision rendue le 15 septembre dernier par la Cour de cassation, par laquelle cette dernière confirmait la responsabilité du propriétaire d’un immeuble dont la ruine, causée par un défaut d’entretien, avait entraîné un accident, alors même que la victime de celui-ci était au moment des faits un occupant sans droit ni titre. Je comprends qu’une telle décision puisse paraître bizarre.
Il reste que, sur le fondement de l’article 2 bis, un propriétaire serait en droit de réclamer le remboursement du coût des réparations de dommages imputés aux occupants même après leur départ des lieux, en l’absence d’état des lieux préalable et sans que le propriétaire ait à prouver un lien entre l’occupation et le dommage. C’est grave !
Je puis comprendre que l’on dispense un propriétaire de payer des travaux lorsqu’il ne peut accéder à son immeuble, mais j’estime qu’il n’est pas normal qu’un propriétaire soit dégagé de toute responsabilité sans qu’un état des lieux ait été réalisé et sans qu’une décision de justice établisse que les dégâts ont été causés par le locataire. Je pense que vous ne trouverez pas cela normal non plus, mes chers collègues.
Par cet article, le propriétaire est déchargé de toute responsabilité d’entretien du logement. À l’inverse, le locataire pourrait devenir responsable d’une dégradation qu’il n’a pas commise !
Cet article en ressort comme une super-protection, y compris pour les mauvais logeurs, et y compris lorsqu’un bail verbal est acté, comme cela est parfois le cas pour les logements précaires.
En cela, ces dispositions risquent de contribuer au renforcement de la précarité du logement.
Il est anormal, et même injuste, qu’un propriétaire qui ne peut plus accéder à son bien et, partant, qui ne peut pas effectuer les travaux d’entretien nécessaires, soit condamné en cas de dommage résultant d’un défaut d’entretien du bien. Ne pas légiférer sur ce point reviendrait à accepter que ce propriétaire fasse l’objet d’une double peine.
En outre, l’occupation illicite du logement peut entraîner des difficultés financières pour le propriétaire, rendant d’autant plus difficile l’entretien du bien.
L’article 2 bis permettra que l’article 1244 du code civil, qui est inchangé depuis sa création en 1804, prenne en compte le cas spécifique de l’occupation illicite de logement.
Je précise par ailleurs que la commission a expressément exclu du bénéfice de cette exonération de responsabilité les propriétaires de logements indignes, ce qui répond aux inquiétudes exprimées par nos collègues en commission.
L’avis est donc défavorable.
Le Gouvernement est favorable, non pas à la suppression de l’article 2 bis, car il importe de protéger les propriétaires dont le logement est occupé sans droit ni titre en les déchargeant de certaines responsabilités, mais à son amélioration.
Les amendements identiques n° 77 et 87, qui seront examinés dans un instant, visent ainsi à préserver les droits des tiers victimes de certains accidents, ce qui est de nature à répondre aux préoccupations exprimées par les auteurs des amendements n° 43 et 65.
L’avis est donc défavorable.
Je partage les propos du ministre : cet article, mal rédigé, doit être amélioré.
Monsieur le rapporteur, je comprends l’argument selon lequel le propriétaire condamné pour défaut d’entretien aura d’autant plus de difficultés à effectuer les travaux d’entretien qui s’imposent dans la mesure où il devra aussi s’acquitter d’une amende.
J’aurais toutefois souhaité que l’on prenne en compte, par parallélisme, les difficultés supplémentaires auxquelles le paiement d’une amende exposera un locataire qui n’a pas payé son loyer à s’acquitter de celui-ci. De fait, il ne fallait pas augmenter le montant de l’amende !
Les amendements ne sont pas adoptés.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 77 est présenté par MM. Patriat, Théophile, Mohamed Soilihi, Richard et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 87 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Cette responsabilité ne s’applique pas à l’égard de l’occupant sans droit ni titre lorsque la ruine est arrivée par suite du défaut d’entretien du bien pendant la période d’occupation sans droit ni titre et que les conditions de l’occupation ont empêché l’entretien du bâtiment. Le bénéfice de l’exonération de responsabilité mentionnée au présent alinéa ne s’applique pas lorsque les conditions d’hébergement proposées par un propriétaire ou son représentant sont manifestement incompatibles avec la dignité humaine au sens de l’article 225-14 du code pénal. »
La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 77.
Cet amendement vise à préciser que le propriétaire n’est pas responsable à l’égard des occupants sans droit ni titre lorsque leur occupation a empêché l’entretien du bien.
Une telle proposition répond aux inquiétudes que certains propriétaires ont pu exprimer à la suite d’une décision de la Cour de cassation rendue en septembre 2022.
Toutefois, cette exonération de responsabilité ne s’appliquerait pas pour les propriétaires de logements indignes au sens de l’article 225-14 du code pénal, ce qui rejoint notamment les modifications proposées par la commission.
La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 87.
Je partage la volonté des auteurs de ces amendements d’éviter tout effet d’aubaine en faveur des marchands de sommeil. C’est pourquoi, en commission, nous avons adopté un amendement excluant ces derniers du bénéfice de l’exonération de responsabilité prévue à l’article 2 bis de la présente proposition de loi.
Pour le reste, je constate que les dispositions proposées créeraient un régime d’exonération de responsabilité seulement à l’égard des occupants illicites, alors que le problème reste le même pour le propriétaire qui ne peut accéder à son bien et ne peut donc procéder aux travaux d’entretien, alors que sa responsabilité est engagée y compris vis-à-vis des tiers.
S’il s’agit en effet d’un point sur lequel nous pourrions travailler ensemble dans la suite de la navette, les auteurs de ces amendements n’apportent pas de solution viable au problème qu’ils identifient.
En tout état de cause, l’adoption de ces amendements aurait pour conséquence première de rendre illisible et plus aléatoire le bénéfice de l’exonération de responsabilité en s’appuyant sur la notion d’empêchement, qui reposerait sur l’appréciation du juge.
Il en résulterait vraisemblablement des procédures contentieuses longues qui nuiraient à la lisibilité du dispositif puisqu’il ne fait guère de doute que les assurances des divers protagonistes essaieront d’invoquer ou de contester cette notion.
L’avis est donc défavorable.
Les amendements ne sont pas adoptés.
La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote sur l’article.
Madame la présidente, l’amendement n° 10 rectifié ter a été retiré sans que j’aie le temps de prendre la parole pour explication de vote. Or il était l’occasion d’évoquer une difficulté qui a été soulevée lors de l’examen de la loi Asap et qui n’est à ce jour toujours pas résolue – cela remonte pourtant à la mandature précédente !
Des propriétaires, par exemple un ménage modeste, louent leur logement sur Airbnb pendant leur absence pour compléter leurs revenus. La location est donc encadrée par un contrat, mais si les locataires changent les barillets des serrures, les propriétaires se trouvent confrontés à un vide juridique.
Je connais des personnes qui, à cette heure, n’ont toujours pas retrouvé leur logement. J’estime qu’un tel cas relève du squat ; or aucune disposition ne protège les propriétaires.
L’amendement n° 10 rectifié ter était peut-être mal écrit, mais les dispositions qu’il visait à introduire prenaient cette situation en compte.
Monsieur le ministre, quelle réponse comptez-vous apporter à ce cas précis ? Quand on ne peut pas rentrer chez soi, il me semble que l’on est victime d’un squat.
L ’ article 2 bis est adopté.
I. – L’article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « et à titre expérimental » sont supprimés ;
1° bis
« À l’issue de la convention temporaire, si le résident se maintient dans les lieux, l’organisme agréé par l’État ou le propriétaire est fondé à faire constater l’occupation sans droit ni titre des lieux en vue de leur libération selon la procédure de requête simple prévue aux articles 493 à 498 du code de procédure civile. » ;
2° Le dernier alinéa est supprimé.
II
« 4° Aux logements faisant l’objet du dispositif d’occupation temporaire de locaux mentionné à l’article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique. »
III
L’amendement n° 67, présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° À la fin de la première phrase du dernier alinéa, l’année : « 2023 » est remplacée par l’année : « 2026 ».
La parole est à M. Gérard Lahellec.
Le dispositif instauré par la loi Élan du 23 novembre 2018, et prévu à titre expérimental, permet de loger dans le cadre de sous-baux des locataires qui paient moins cher l’installation dans un logement respectant moins de normes et avec moins de droits.
Les conventions temporaires ont l’avantage, pour les propriétaires, de limiter les coûts de gardiennage tout en rentabilisant un logement qui aurait pu rester vacant.
Ce mécanisme ne constitue pas une réponse à la crise du logement, mais il a l’avantage de permettre une mise à l’abri de personnes souvent en situation de précarité, qu’il s’agisse d’étudiants ou de personnes en attente d’un logement pérenne de droit commun.
Pour autant, nous dénonçons le fait qu’aucun rapport n’ait permis à ce jour de réaliser un bilan ni d’évaluer ce dispositif, qui comporte plusieurs lacunes.
Par cet amendement, nous proposons donc, avant de pérenniser ce dernier, de prendre du recul sur ces baux qui désavantagent les locataires.
Je considère cet amendement comme un amendement d’appel.
Comme vous, mon cher collègue, je regrette que le Gouvernement ne se soit pas acquitté de la mission de suivi et d’évaluation de l’expérimentation relative à l’occupation temporaire que la loi Élan lui a pourtant confiée expressément.
Il serait cependant malvenu de refuser, pour cette seule raison, la pérennisation d’un dispositif qui fait largement l’unanimité.
Les auditions que j’ai menées avec Dominique Estrosi Sassone ont par ailleurs permis de dresser un bilan favorable de cette expérimentation.
Selon les données qui nous ont été transmises, plus de 1 000 bâtiments vacants ont fait l’objet d’une occupation temporaire depuis la création de ce dispositif en 2009, ce qui a permis de loger au moins 10 000 résidents temporaires. Ce n’est pas négligeable.
Ces données montrent que ce dispositif a trouvé son public et qu’il mériterait d’être davantage connu, aussi bien pour lutter contre la vacance des logements que pour proposer des solutions d’hébergement temporaire.
C’est pourquoi, tout en estimant qu’il faudra réaliser une évaluation de ce dispositif et, le cas échéant, réfléchir à d’autres mesures, j’émets un avis défavorable sur cet amendement de suppression de l’article 2 ter.
Je suis défavorable à la suppression du présent article, car je suis favorable à la pérennisation du dispositif visé.
Celui-ci est en effet utile, et il mériterait d’être mieux connu et plus utilisé, notamment en travaillant davantage en amont avec les propriétaires d’immeubles vacants et les associations qui en assurent la gestion.
Je puis vous assurer, monsieur le sénateur, que tous les travaux que nous menons sur l’hébergement d’urgence et la mise à disposition de locaux vacants en faveur des plus précaires montrent l’utilité de ce dispositif. C’est pourquoi nous allons continuer à l’évaluer, avant, sans doute, de le pérenniser.
L’avis est défavorable.
L’amendement n° 67 est retiré.
L’amendement n° 7 rectifié bis, présenté par M. Wattebled, Mme Paoli-Gagin et MM. Decool, A. Marc, Guerriau, Capus, Chasseing, Grand, Moga, Henno et Laménie, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Ce dispositif visant à assurer la protection et la préservation de locaux vacants ouvre également la possibilité pour les organismes agréés par l’État d’autoriser l’installation, dans ces locaux, d’activités commerciales ou professionnelles. Les conditions d’installation dans ces locaux vacants d’activités commerciales ou professionnelles sont précisées par décret en Conseil d’État. »
…. – Le II de l’article L. 145-2 du code de commerce est complété par les mots : « ni aux autorisations d’occupation temporaire prévues dans le cadre du dispositif de sécurisation de locaux vacants, régi par l’article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ».
…. – Le dernier alinéa de l’article 57 A de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière est complété par les mots : « et dans le cadre du dispositif de sécurisation de locaux vacants, régi par l’article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ».
La parole est à M. Marc Laménie.
L’article 2 ter prévoit de pérenniser le dispositif de mise à disposition temporaire de logements vacants.
Cet amendement, dont Dany Wattebled est le premier signataire, vise à adapter le dispositif de protection et de préservation de locaux vacants par l’occupation de résidents temporaires, régi par l’article 29 de la loi Élan.
Aux Pays-Bas, ce dispositif permet de sécuriser des immeubles et de revitaliser les quartiers dans lesquels ils se situent.
Le présent amendement tend également à exclure les locaux vacants occupés dans le cadre du dispositif de l’article 29 de la loi Élan d’un risque de requalification en baux commerciaux ou en baux professionnels.
L’extension du dispositif d’occupation temporaire de locaux vacants aux activités commerciales et professionnelles n’est pas inintéressante si elle permet d’éviter la dégradation de ces logements ou leur occupation illicite.
Néanmoins, une telle extension dévoierait partiellement l’esprit de ce dispositif, qui est centré depuis 2009 sur le logement, l’hébergement, l’insertion et l’accompagnement social. Selon les données qui m’ont été transmises, un tiers environ des résidents temporaires étaient des personnes en difficulté.
En ouvrant ce dispositif aux activités commerciales et professionnelles, le risque, fort regrettable, serait que les propriétaires de locaux vacants favorisent celles-ci au détriment d’un public plus fragile.
En outre, une telle extension nécessiterait une consultation plus large, notamment au regard des règles des baux et locaux professionnels et commerciaux, que nous n’avons pas pu mener dans le délai qui nous était imparti.
Je constate par ailleurs que l’article L. 145-5 du code de commerce ouvre déjà la possibilité, pour les propriétaires, de conclure des baux commerciaux dérogatoires, aussi dénommés « de courte durée », qui peuvent aussi être une solution pour occuper temporairement des locaux vacants.
En conséquence, l’avis est défavorable.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Le dispositif visé par l’article 2 ter s’inscrit résolument dans le cadre de la politique du logement. Du reste, la loi Élan a ménagé une inflexion en prévoyant de manière claire sa vocation sociale. Sont visées explicitement des fins de logement, d’hébergement, d’insertion et d’accompagnement social. À ce titre, le dispositif est aujourd’hui conçu comme devant accueillir des résidents personnes physiques et pour une occupation à usage d’habitation.
Compte tenu des besoins existants en matière d’hébergement et de logement, il convient de préserver cette dominante au dispositif, qui, au regard des retours d’expérience, offre des solutions temporaires de logement ou d’hébergement justifiant sa pérennisation, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, les baux commerciaux étant par ailleurs régis par une autre réglementation.
La rédaction proposée par les auteurs de cet amendement ouvre la porte à une forme de détournement vers des occupations commerciales. Les précisions apportées par la norme réglementaire paraissent aujourd’hui trop larges.
Néanmoins, je comprends l’intérêt qu’il peut y avoir à faire occuper les pieds d’immeuble par un local commercial, y compris associatif d’ailleurs, mais il me semble nécessaire de garantir que la vocation initiale du dispositif sera préservée.
Ainsi, il faut que tout immeuble mobilisé en occupation temporaire reste occupé en grande majorité par du logement et que l’utilisation commerciale soit réservée à quelques cas précis, par exemple des pieds d’immeuble.
Nous pourrions donc envisager d’y travailler, au cours de la navette parlementaire, s’il est démontré que cette disposition aiderait à mobiliser davantage de locaux vacants.
J’aimerais par ailleurs, comme je l’ai déjà souligné, qu’avec les associations compétentes nous nous mobilisions et nous fixions un objectif : dépasser les 1 000 locaux aujourd’hui utilisés et les 10 000 personnes accueillies depuis la mise en place de ce dispositif d’occupation temporaire.
Fort des explications très complètes tant de M. le rapporteur que de M. le ministre, je retire cet amendement.
L ’ article 2 ter est adopté.
L’amendement n° 68, présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les résidents inscrits dans le dispositif prévu à l’article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, bénéficient également du présent article. »
La parole est à M. Gérard Lahellec.
Il s’agit de prévoir que les locataires bénéficiant du dispositif mentionné par l’article 2 ter puissent être inclus dans les protections permises par la trêve hivernale.
Cet amendement vise donc à étendre le bénéfice de la trêve hivernale aux résidents temporaires.
L’intention est légitime, mais l’adoption de cet amendement aurait pour effet probable de décourager les propriétaires de logements vacants pour de courtes périodes d’intégrer ces logements au sein du dispositif d’occupation temporaire, ce qui serait contre-productif.
Ce dispositif, par nature temporaire et donc spécifique, doit rester souple, afin d’inciter les propriétaires concernés à conclure en plus grand nombre des contrats de résidence temporaire et de permettre à un public soit en difficulté, soit très mobile, d’en bénéficier.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Pour autant, comme l’a souligné M. le ministre précédemment, il n’est pas interdit de réfléchir aux possibilités d’améliorer ce dispositif d’occupation temporaire à l’avenir, pourquoi pas à l’occasion de la navette parlementaire.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Chapitre II
Sécuriser les rapports locatifs
L’amendement n° 44, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
Sécuriser
par le mot :
Déséquilibrer
La parole est à M. Guy Benarroche.
Cet amendement vise à mettre en évidence la véritable portée du chapitre II, intitulé Sécuriser les rapports locatifs. Comme je l’ai expliqué lors de la discussion générale, loin de sécuriser quoi que soit, les articles de ce chapitre viennent rompre l’équilibre patiemment élaboré au cours des années par le législateur, toutes tendances politiques confondues, entre les droits des propriétaires, d’une part, et la protection des locataires, d’autre part.
De nombreuses associations de lutte contre la précarité ont pourtant alerté les membres du Sénat sur ce sujet, en indiquant notamment que les dispositions envisagées viennent mettre en cause l’équilibre des rapports locatifs mis en place en 1989, patiemment améliorés depuis par tous les acteurs – institutionnels, privés, publics –, ainsi que toutes les solutions proposées par les dispositifs de prévention des expulsions.
Pensé au seul et unique profit des propriétaires et de la propriété, le texte altère considérablement le corpus de normes visant à apporter des garanties à la partie réputée la plus faible, le locataire, et met en œuvre ce que le Secours catholique appelle une « industrialisation de l’expulsion locative ».
De son côté, la Fondation Abbé Pierre estime que ces dispositions provoqueront jusqu’à 30 000 décisions d’expulsion supplémentaires, soit autant de personnes qui risquent de se retrouver à la rue.
Mises bout à bout, ces différentes mesures permettent d’expulser un locataire en difficulté même passagère, en moins de trois mois à partir de la constitution de l’impayé de loyer, et suppriment la possibilité pour le juge d’accorder d’office des délais supplémentaires.
Avec des délais aussi réduits, le locataire ne sera en mesure ni de payer sa dette locative, ni d’obtenir des rendez-vous avec les services sociaux, ni de bénéficier d’une aide du fonds de solidarité pour le logement, ni d’obtenir de l’aide d’une association. En d’autres termes, le texte supprime toute possibilité pour un locataire défaillant temporairement de régulariser sa situation ou de trouver une situation de relogement.
Ce durcissement sans égal des rapports locatifs traduit une déconnexion des situations de vie dramatiques des locataires, mais également des attentes des propriétaires eux-mêmes, dont l’intérêt réside non pas dans l’expulsion de leur locataire, mais dans le paiement de la créance locative.
Je n’étonnerai pas les auteurs de cet amendement en leur indiquant que je ne peux émettre un avis favorable sur cet amendement qui ne tient aucunement compte des améliorations apportées à ce texte par la commission.
Faut-il le rappeler, nous avons permis au juge de continuer à se saisir d’office des dossiers, sans attendre que le locataire lui en fasse la demande. Nous avons ajouté deux semaines au délai minimal entre le commandement de payer et l’assignation en justice. Nous avons considérablement renforcé l’accompagnement social des locataires en difficulté – il n’est qu’à voir les articles insérés par la commission saisie pour avis.
Nous avons ainsi cherché à atteindre un équilibre entre l’accélération de la procédure contentieuse et un meilleur accompagnement des locataires les plus en difficulté.
Il serait dommage de revenir sur ces apports en modifiant l’intitulé du chapitre II.
Vous ne serez pas étonné que le Gouvernement soit défavorable à ce changement de titre, mesdames, messieurs les sénateurs.
L’essence même de ce texte et le travail que vous menez depuis le début ont bien pour objectif de trouver un équilibre dans les rapports entre propriétaire et locataire, pour que le premier ait le droit de jouir paisiblement de son logement et que le second puisse être protégé en cas de difficulté, lorsqu’il est de bonne foi.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
(Suppression maintenue)
L’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du I, au début, le mot : « Toute » est remplacé par les mots : « Tout contrat de bail d’habitation contient une » et, après le mot : « garantie », sont insérés les mots : « . Cette clause » ;
1° bis La première phrase du V est complétée par les mots : «, à condition que celui-ci ait repris le paiement du loyer et des charges avant la date de l’audience » ;
2° À la première phrase du second alinéa du VII, après le mot : « locataire », sont insérés les mots : « règle le paiement du loyer et des charges pendant la période de suspension des effets de la clause résolutoire de plein droit et ».
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 46 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 69 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 79 est présenté par M. Bouad, Mme Artigalas, M. Montaugé, Mme Meunier, MM. Fichet et Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Marie, Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 46.
Par cet amendement de suppression, nous nous opposons à l’article 4, qui s’emploie à précipiter la résiliation du contrat qui lie le bailleur et le locataire en difficulté financière, dans le seul et unique objectif de pouvoir mettre ce dernier dehors le plus rapidement possible.
La systématisation de la clause de résiliation prévue par cet article est une mesure à la fois inutile et restrictive de liberté : inutile, car la majorité des baux d’habitation contiennent une clause de résiliation de plein droit ; restrictive de liberté, car elle porte directement atteinte à la liberté contractuelle des deux parties prenantes, au détriment du seul locataire. En effet, le propriétaire est contraint de faire figurer cette clause, quand bien même il ne le souhaite pas.
Tel que modifié en commission, l’article ne prive plus le juge de son pouvoir de vérifier d’office tout élément constitutif de la dette locative et la décence du logement, ce dont nous nous réjouissons, monsieur le rapporteur. Toutefois, la nouvelle version de l’article n’est pas satisfaisante, car elle conditionne l’octroi de délais supplémentaires à la reprise du versement du loyer et des charges avant l’audience. Cette mesure est injuste, car elle exclut de fait les locataires les plus précaires de la possibilité de disposer de délais supplémentaires, alors qu’ils sont précisément ceux qui en ont le plus besoin – maladie, séparation, perte d’emploi, retard ou délais de versements sociaux, etc.
Par ailleurs, restreindre la possibilité d’octroi de délais supplémentaires revient à méconnaître l’intérêt que présentent ces délais pour le propriétaire lui-même. Tous les chiffres le montrent, de très nombreux dossiers font l’objet d’un règlement de la dette grâce à ces délais supplémentaires, ce qui permet au propriétaire de recouvrer les sommes dues et au locataire de se maintenir dans les lieux. C’est bien l’objectif des deux parties !
Plus généralement, notre groupe dénonce la défiance à l’égard du juge exprimée par ce texte. Une dette qui fonde une décision d’expulsion doit être vérifiée en toutes circonstances par le juge. Restreindre la marge de manœuvre du juge revient à restreindre les chances pour qu’une solution satisfaisante et acceptable pour toutes les parties soit trouvée.
Le dispositif envisagé par cette proposition de loi, en plus d’encombrer les tribunaux, nie la capacité des locataires à pouvoir reprendre le paiement d’un loyer après une courte période d’arrêt et prévoit de fait leur expulsion systématique, voire leur potentiel emprisonnement.
Pardonnez-moi, mais c’est un peu le retour à la prison systématique pour dettes que l’on a connue en d’autres temps. Cela nous paraît excessif.
Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour présenter l’amendement n° 79.
L’article 4 remet en cause les dispositifs de prévention des impayés et, de fait, des expulsions locatives. Il conditionne notamment l’octroi de délais de paiement à la reprise des paiements de loyers et des charges avant la date de l’audience. Il impose également le paiement du loyer et des charges pendant toute la période de suspension des effets de la clause résolutoire en plus du paiement de la dette locative.
Cette mesure accroît inutilement la pression sur les familles en difficulté de paiement, dans un contexte économique et social particulièrement mal choisi, pour fragiliser encore davantage les personnes les plus vulnérables.
Au-delà de l’efficacité des mesures proposées, on peut s’interroger sur l’opportunité politique de ce premier texte du quinquennat concernant le logement, quand les difficultés d’accès et de maintien dans le logement persistent, voire s’aggravent.
Notre ambition collective n’est-elle pas de loger tous les Français et de permettre le maintien dans le logement ? Faut-il rappeler que les personnes confrontées à des difficultés de paiement sont bien souvent des personnes qui travaillent ? C’est encore plus vrai aujourd’hui. Or la réduction de la précarité et l’accès au travail commencent par une stabilité dans le logement.
Notre groupe demande donc la suppression de cet article.
La commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
L’article 24 de la loi de la loi du 6 juillet 1989 régissant les rapports entre les bailleurs et les locataires précise déjà que l’octroi de délais de paiement par le juge n’est possible que si le locataire est « en situation de régler sa dette locative ».
Le conditionnement de l’octroi de délais de paiement par le juge à la reprise du versement du loyer courant avant la date de l’audience va dans ce sens et ne représente aucunement un changement de paradigme ; il apporte tout au plus une précision. Cela permettra en outre de démontrer la bonne volonté du locataire.
Je rappelle par ailleurs que cette condition doit déjà être réunie dans le cadre des procédures de traitement du surendettement. Les apports de la commission ne font qu’aligner la procédure pour impayé de loyer sur celle du surendettement.
L’article 4 pose la question du rôle du juge dans les impayés locatifs. Les débats en commission, notamment sous l’égide des rapporteurs, ont permis de préciser et de renforcer la dimension de prévention et de travail social. Je crois qu’il est encore nécessaire de compléter ces réflexions par un travail sur les liens juridiques qui existent entre un propriétaire et un locataire et que le juge régit très largement aujourd’hui.
Il faut conserver l’article 4, qui contient des précisions positives, notamment sur la clause de résiliation. En outre, des modifications importantes et pertinentes ont été introduites en commission, en particulier concernant la capacité du juge à se saisir d’office. Le travail n’est pas terminé ; nous allons le poursuivre au travers d’autres amendements sur lesquels le Gouvernement émettra un avis favorable.
Le Gouvernement est tout à fait opposé à la suppression totale de cet article. C’est pourquoi il émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 49, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à supprimer la systématisation de la clause prévoyant la résiliation de plein droit d’un contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges.
Systématiser la clause de résiliation des baux d’habitation est une mesure qui porte atteinte à la liberté contractuelle, sans atteindre l’objectif que se fixe l’auteur de ce texte, à savoir augmenter l’effectivité d’une clause de résiliation de plein droit.
Par ailleurs, la majorité des baux d’habitation contiennent une telle clause, ce qui rend donc inutile sa systématisation.
Enfin, il est assez étonnant de vouloir protéger les bailleurs « contre leur gré », puisqu’ils ne souhaitent pas l’introduction de cette clause dans les baux, en leur ôtant une partie de leur liberté contractuelle. Je ne comprends pas la logique.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Les clauses résolutoires de plein droit apportent une sécurité juridique aussi bien au bailleur, qui peut plus facilement récupérer son bien en cas de manquements du locataire à ses engagements contractuels, qu’au locataire, qui est protégé contre les résiliations unilatérales sans motif légitime.
Cette généralisation est d’autant plus souhaitable que le secteur locatif a déjà largement intégré cette pratique. Actuellement, seuls 1 % à 2 % des dossiers contentieux portent sur des baux ne comportant pas de clause résolutoire, selon l’estimation de l’Association nationale des juges des contentieux de la protection (ANJCP). La limitation de la liberté contractuelle des bailleurs et des locataires serait donc, dans les faits, très marginale par rapport aux pratiques actuelles.
À ce titre, la généralisation de ces clauses doit être soutenue.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 4 rectifié bis est présenté par MM. Sautarel, Burgoa et Bascher, Mme Dumont, MM. Cadec, Pointereau, J.B. Blanc, Paccaud et Brisson, Mme F. Gerbaud, M. D. Laurent, Mmes Lopez et Canayer et MM. Rietmann, Perrin, Klinger, Longuet, Belin, Laménie, Duplomb et Gremillet.
L’amendement n° 8 rectifié est présenté par MM. Lagourgue, Verzelen et A. Marc, Mme Mélot, MM. Guerriau, Decool et Chasseing, Mme Paoli-Gagin et M. Wattebled.
L’amendement n° 22 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Fialaire, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Roux et Cabanel.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le III est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le locataire est informé par le représentant de l’État dans le département de son droit de demander au juge de lui accorder des délais de paiement prévu au V du présent article. » ;
La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié bis.
Les dispositions prévues par l’article 4, à savoir la systématisation de la clause de résiliation du bail et la suppression de la faculté du juge d’en suspendre les effets, risquent d’augmenter de façon importante le nombre d’expulsions ferme qui seront prononcées par le juge. Des estimations ciblent sur 30 000 à 50 000 expulsions ferme supplémentaires, à comparer aux 120 000 expulsions annuelles actuelles.
Alors que seuls 60 % des locataires se rendent actuellement à l’audience, il importe de s’assurer que l’information selon laquelle les locataires ont seuls la faculté de demander au juge de leur accorder des délais de paiement soit bien transmise aux locataires intéressés sous la responsabilité des préfets de département, en lien avec l’accompagnement social des services du département.
Tel est l’objet de cet amendement de notre collègue Stéphane Sautarel.
La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.
L’amendement n° 22 rectifié bis n’est pas soutenu.
L’amendement n° 47, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Il s’agit là encore d’un amendement de repli, qui vise à supprimer la condition relative à la reprise du versement du loyer et des charges avant la date de l’audience pour que le juge puisse accorder des délais supplémentaires.
Tel que l’a modifié la commission, l’article ne prive plus le juge de son pouvoir de vérifier d’office tout élément constitutif de la dette locative et la décence du logement, ce dont il faut remercier la commission et le rapporteur. Toutefois, la nouvelle version de l’article demeure insatisfaisante. En effet, elle exclut de fait les locataires les plus précaires de la possibilité de bénéficier de délais supplémentaires, alors même qu’ils sont ceux qui ont le plus besoin de temps pour reprendre le versement des loyers.
Par ailleurs, le raccourcissement des différents délais opérés par cette proposition aggrave la difficulté pour les locataires les plus précaires de reprendre le versement des loyers avant la date de l’audience et diminue d’autant leur chance de pouvoir se maintenir dans le logement.
Nous nous opposons à la réduction des pouvoirs du juge, qui peut pourtant prendre toute la mesure d’une situation donnée et trouver une solution satisfaisante en exerçant la mission qui lui incombe, à savoir sa faculté de juger.
L’amendement n° 25 rectifié ter, présenté par MM. Capus, Malhuret, Verzelen, Guerriau et Grand, Mme Paoli-Gagin et MM. Chasseing, Menonville, Decool et Médevielle, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
1° bis Le V est abrogé ;
1° ter Au début du VI, les mots : « Par dérogation à la première phrase du V, » sont supprimés ;
La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
La résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus peut être significativement allongée par des délais de paiement accordés par le juge dans la limite de trois ans. Le juge ne peut accorder un tel délai qu’à un « locataire en situation de régler sa dette locative ».
Cette faculté accordée au juge entre en contradiction avec une clause résolutoire qui devrait s’appliquer de facto. Elle n’apparaît donc pas fondée en droit et conditionne la récupération du bien par le propriétaire à des aléas qui ne le concernent pas et ne sauraient le concerner.
C’est pourquoi cet amendement, déposé par Emmanuel Capus, vise à modifier l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 afin de supprimer cette faculté du juge d’accorder des délais de paiement pour les locataires en défaut de paiement.
La commission demande le retrait des amendements identiques n° 4 rectifié bis et 8 rectifié ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
En effet, ces amendements sont satisfaits, la commission des lois ayant rétabli les pouvoirs d’office du juge pour l’octroi de délais de paiement et pour la vérification des éléments constitutifs de la dette et la décence du logement, ce qui n’est pas rien. Il n’est donc pas nécessaire d’alourdir davantage la procédure en prévoyant un rôle supplémentaire d’information confié au préfet. Cela risquerait en outre d’introduire un vice de procédure si l’obligation n’était pas remplie et de rouvrir une procédure contentieuse déjà qualifiée de trop longue.
Comme je l’ai mentionné lors de la discussion des amendements de suppression de l’article 4, l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 précise déjà que l’octroi de délais de paiement par le juge n’est possible que si le locataire est « en situation de régler sa dette locative ».
Le conditionnement de l’octroi de délais de paiement par le juge à la reprise du versement du loyer courant avant la date de l’audience va dans ce sens et ne représente aucunement un changement de paradigme ; il s’agit tout au plus d’une précision.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 47.
Enfin, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 25 rectifié ter, dont l’objet est totalement contraire.
La suppression des expulsions conditionnelles porterait préjudice aussi bien au locataire, qui serait expulsé même lorsque sa situation financière est viable, qu’au bailleur, qui pourrait plus difficilement voir ses créances locatives remboursées.
Le maintien des rapports locatifs reste la solution à privilégier, lorsque le locataire est de bonne foi et que sa situation financière le permet.
J’ajoute, pour rassurer nos collègues du groupe Les Indépendants – République et Territoires, que la commission a conditionné l’octroi de délais de paiement à la reprise du versement du loyer courant avant la date de l’audience et que ces délais de paiement prendraient automatiquement fin dès le premier impayé, aussi bien du loyer que du plan d’apurement de la dette. Le locataire est donc fortement incité à régulariser sa situation.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements identiques n° 4 rectifié bis et 8 rectifié. Même si elle n’est pas une condition suffisante, l’information des locataires est nécessaire. On sait que les publics en grande précarité et en difficulté souffrent souvent de ce déficit d’informations. Par conséquent, la proposition d’accompagner mieux cette information nous paraît pertinente.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 47. Vous avez raison, monsieur le sénateur, il nous semble majeur que le juge puisse se saisir lui-même en cas d’impayés locatifs, sans que le locataire en ait fait la demande. En effet, les familles confrontées à cette situation sont souvent en grande précarité. Moins de 40 % des locataires se présentent avec un avocat lors de l’audience, alors que le bailleur est quant à lui toujours représenté. Je le répète, le Gouvernement est très favorable à cette mesure.
En conséquence, par symétrie, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 25 rectifié ter.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 4 rectifié bis et 8 rectifié.
Les amendements sont adoptés.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, l’amendement n° 25 rectifié ter n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 4, modifié.
L ’ article 4 est adopté.
I. – La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi modifiée :
1° AA
a) À la première phrase, le mot : « huissier » est remplacé par le mot : « commissaire » ;
b) À la seconde phrase, les mots : « l’huissier » sont remplacés par les mots : « le commissaire de justice » ;
1° AB
1° AC
a) Au deuxième alinéa, le mot : « huissier » est remplacé par les mots : « un commissaire » ;
b) Au troisième alinéa et à la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « l’huissier » sont remplacés par les mots : « le commissaire » ;
1° AD
a) À la première phrase, le mot : « huissier » est remplacé par les mots : « un commissaire de justice » ;
b) À la seconde phrase, les mots : « d’huissier » sont remplacés par les mots : « du commissaire de justice » ;
1° A Le I de l’article 24 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « deux mois » sont remplacés par les mots : « six semaines » ;
b) Au 1°, les mots : « deux mois » sont remplacés par les mots : « six semaines » ;
c) L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
– au début de la première phrase, les mots : « Le représentant de l’État dans le département fixe, par arrêté, le montant et l’ancienneté de la dette au-delà desquels » sont remplacés par les mots : « Lorsque le locataire est en situation d’impayé de loyer ou de charges locatives sans interruption depuis une durée de deux mois ou lorsque la dette de loyer ou de charges locatives du locataire est équivalente à deux fois le montant du loyer mensuel hors charges locatives, » et les mots : « l’huissier » sont remplacés par les mots : « le commissaire » ;
– les deux dernières phrases sont ainsi rédigées : « Lors de ce signalement, le commissaire de justice précise les coordonnées et la situation socioéconomique des occupants au vu des informations en sa connaissance. Le signalement s’effectue par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa du même article 7-2. » ;
d) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le représentant de l’État dans le département saisit l’organisme compétent désigné par le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées, suivant la répartition de l’offre globale de services d’accompagnement vers et dans le logement prévue à l’article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée, afin qu’il réalise un diagnostic social et financier pour les locataires ainsi signalés par le commissaire de justice. Le diagnostic est transmis par l’opérateur à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives prévue à l’article 7-2 de la même loi avant l’expiration du délai mentionné au III du présent article. » ;
1° À la première phrase du III du même article 24, les mots : « l’huissier » sont remplacés par les mots : « le commissaire » et les mots : « deux mois » sont remplacés par les mots : « six semaines » ;
2°
Supprimé
3°
a) À la première phrase, le mot : « huissier » est remplacé par les mots : « un commissaire de justice » ;
b) À la seconde phrase, les mots : « d’huissier » sont remplacés par les mots : « du commissaire de justice » ;
4°
a) À la première phrase, le mot : « huissier » est remplacé par les mots : « un commissaire de justice » ;
b) À la seconde phrase, les mots : « d’huissier » sont remplacés par les mots : « du commissaire de justice ».
II. – Le code des procédures civiles d’exécution est ainsi modifié :
1° L’article L. 412-1 est ainsi modifié :
a)
Supprimé
b) Au second alinéa, après le mot : « constate », sont insérés les mots : « la mauvaise foi de la personne expulsée ou » et, après le mot : « locaux », la fin est ainsi rédigée : « à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. » ;
2° L’article L. 412-3 est ainsi modifié :
aa)
a)
Supprimé
b) Au dernier alinéa, les mots : « ainsi que » sont remplacés par le signe : «, » et sont ajoutés les mots : « ou lorsque ce dernier est de mauvaise foi » ;
3° À la première phrase de l’article L. 412-4, la première occurrence du mot : « trois » est remplacée par le mot : « un » et, à la fin, les mots : « trois ans » sont remplacés par les mots : « un an » ;
4°
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 51 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 80 est présenté par M. Bouad, Mme Artigalas, M. Montaugé, Mme Meunier, MM. Fichet et Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Marie, Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 51.
La mesure à laquelle nous nous opposons le plus fortement porte sur la réduction systématique des différents délais de la procédure contentieuse du litige locatif.
Si je comprends que l’on veuille réduire les délais, cet article n’a en fait qu’un seul objectif : expulser quoi qu’il en coûte et le plus rapidement possible les locataires sans leur laisser le temps de payer leur dette locative – c’est cela qui nous heurte. Les délais remis en cause par cet article permettent pourtant d’éviter les expulsions en laissant le temps aux locataires de payer leur dette. L’article ici discuté favorise donc le phénomène du sans-abrisme sans favoriser le propriétaire, dont l’intérêt réside dans le recouvrement du montant des loyers et presque jamais dans l’expulsion du locataire.
Cet article se fonde sur le préjugé qu’il s’agit d’un choix volontaire des locataires de ne pas payer des loyers, alors qu’ils le peuvent.
Au surplus, les nouveaux délais ne répondent à aucun besoin du côté du bailleur. Jamais un délai de trois ans n’est octroyé lorsqu’un bailleur est lui-même en difficulté financière ou si l’occupation n’est pas paisible. Ces délais importants sont rares et ne sont octroyés par le juge que lorsqu’un propriétaire n’a aucun projet sur le bien. Par conséquent, cet article ne fait qu’affaiblir encore les droits des locataires, sans répondre au problème auquel il prétend s’attaquer.
Les auteurs de cet amendement dénoncent donc une tentative manifeste de « fluidifier » le marché du logement au seul bénéfice des propriétaires bailleurs, et au risque de provoquer une aggravation de la crise du logement. Pour rappel, la Fondation Abbé Pierre estime que cette disposition provoquera 30 000 expulsions supplémentaires, soit autant de familles qui risquent de se retrouver à la rue.
L’article 5 réduit les délais de la procédure d’expulsion en amont de la procédure, en ramenant de deux mois à six semaines le délai entre le commandement de payer et l’assignation en justice, ainsi qu’entre l’assignation et l’audience.
La prévention des expulsions déploie des dispositifs de suivi et d’accompagnement pour la reprise des paiements et des procédures assurant des délais suffisants pour répondre à cet objectif.
Cette période en amont de la procédure judiciaire est donc une étape clé pour assurer la coordination des acteurs pouvant intervenir et prévenir ainsi l’aggravation des situations.
La réduire dans le temps est totalement contre-productif. Il est constaté qu’une partie non négligeable des locataires paient dans le délai de deux mois.
Pourquoi réduire les délais et perdre ainsi des chances que la dette soit payée ? Ce n’est dans l’intérêt de personne.
Ces mesures entravent par ailleurs le travail des services sociaux, placés en première ligne, et l’action de l’ensemble des acteurs de la solidarité, en leur laissant moins de temps pour réaliser le diagnostic social et financier (DSF) de la famille, mobiliser les aides, trouver des solutions amiables et organiser la reprise des paiements.
Les dispositions de cet article, si elles étaient votées en l’état, toucheraient un grand nombre de ménages de bonne foi et en situation de fragilité. Elles sont en totale contradiction avec la politique affichée par le Gouvernement de maintien dans le logement et avec le plan pour le logement d’abord.
C’est pourquoi le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain demande la suppression de l’article 5.
Je comprends que l’accélération de la procédure contentieuse locative puisse, à première vue, susciter des interrogations.
Je reste néanmoins favorable à l’exigence de célérité de cette procédure. Je précise d’ailleurs qu’il s’agit de délais minima légaux et non des délais effectifs constatés sur le terrain. Il est anormal que ces procédures s’étalent sur plus d’un an, voire deux et parfois même trois ans, d’après les informations que nous ont transmises les juges des contentieux de la protection.
Pour la commission, il est dans l’intérêt aussi bien du bailleur que du locataire que cette procédure gagne en clarté et en efficacité et que les jugements puissent être rendus dans des délais raisonnables permettant aux deux parties d’agir en conséquence. L’article 5 doit donc être maintenu.
Par ailleurs, à la suite de l’adoption en commission de plusieurs amendements de Mme Estrosi Sassone et de moi-même, le délai entre l’assignation en justice et l’audience judiciaire a été prolongé de deux semaines et l’accompagnement social des locataires en difficulté a été amélioré, grâce notamment à une intervention plus en amont et à un renforcement du rôle et des prérogatives des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions (Ccapex).
En les sollicitant plus tôt, et sans allonger la durée de la procédure judiciaire, nous avons permis aux services sociaux de disposer d’un délai total de trois mois pour rédiger les DSF, contre deux mois dans le droit en vigueur. Cela devrait rendre plus systématique l’élaboration de ces DSF. Les juges pourront alors mieux apprécier la situation sociale et matérielle du locataire défaillant, tandis que les Ccapex pourront proposer des solutions d’accompagnement plus appropriées.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
L’article 5 vise à répondre aux craintes de certains propriétaires ayant été choqués par la durée particulièrement longue de certaines procédures, alors même que la situation des occupants ne paraissait pas justifier un tel délai.
Vous connaissez notre attachement à la prévention des expulsions locatives. Je ferai d’ailleurs un bilan du troisième plan d’action interministériel de prévention de ces expulsions au cours du deuxième trimestre 2023.
Nous soutiendrons un certain nombre d’amendements qui seront présentés sur cet article, même si, comme cela vient d’être rappelé, la commission a déjà effectué un très important travail d’amélioration et d’équilibrage de ce texte, s’agissant notamment des impayés des locataires de bonne foi, ces locataires devant être accompagnés.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable, afin de nous permettre de continuer à améliorer cet article.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisie de quinze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 70, présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 13 à 16 et 28 à 37
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Gérard Lahellec.
Plusieurs dispositions de cet article dégradent la possibilité de remboursement par le locataire, dont les mensualités seront multipliées par trois, puisque le juge ne pourra plus accorder de délai supérieur à un an contre trois dans le droit actuel.
En outre, le fait, comme le prévoit l’alinéa 16, de systématiser les expulsions sans tenir compte des situations départementales et locales, notamment de la saturation des hébergements d’urgence, de la tension en matière de logement et du niveau des loyers est une grave atteinte à la protection des locataires.
Par cet amendement, nous proposons que l’article 5 prévoie uniquement des ajustements rédactionnels et améliore la visibilité sur la situation socio-économique des locataires en situation d’impayés de loyers.
L’amendement n° 76 rectifié bis n’est pas soutenu.
Les quatre amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 18 rectifié bis est présenté par MM. Patriat, Richard, Mohamed Soilihi, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 28 rectifié est présenté par Mme Létard, M. Henno, Mmes Morin-Desailly, Gatel, N. Goulet, Dindar et Billon, M. Longeot, Mme Herzog, M. Canévet, Mmes Gacquerre et Guidez, MM. Moga, Duffourg et de Belenet, Mmes Doineau et Perrot, MM. Cigolotti, J.M. Arnaud et Détraigne, Mme Jacquemet et M. P. Martin.
L’amendement n° 53 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 88 rectifié est présenté par le Gouvernement.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 13 et 14
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Martin Lévrier, pour présenter l’amendement n° 18 rectifié bis.
Cet amendement vise à rétablir le délai actuel de deux mois entre le commandement de payer et l’assignation en justice, contre les six semaines proposées par la commission.
Ce délai limite le recours à la procédure judiciaire, en permettant au locataire de rembourser sa dette locative dans le délai prévu et, bien évidemment, de se saisir des dispositifs publics d’apurement de la dette.
La parole est à Mme Valérie Létard, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié.
J’ajouterai à ce que vient de dire mon collègue que la commission des affaires économiques a déjà allongé ce délai par rapport à celui qui était prévu dans le texte de l’Assemblée nationale.
Le présent amendement vise cependant à rétablir le délai actuel de deux mois, car l’on sait qu’il permet de résoudre à l’amiable deux tiers des problèmes d’impayés.
Nous craignons que, en raccourcissant de deux ou de quatre semaines la durée de la procédure précontentieuse – j’ai bien compris la volonté de réduire au minimum la durée des étapes intermédiaires –, on prenne le risque de judiciariser des situations qui pourraient être réglées autrement, ce qui serait dommage. Deux mois, alors qu’on nous dit que la durée globale de la procédure peut aller jusqu’à trois ans, c’est peu !
Je le répète, deux tiers des situations se règlent à l’amiable dans ce délai.
Mme Létard a parfaitement défendu cet amendement.
La commission des affaires économiques a travaillé sur ce délai, la commission des lois aurait dû parvenir au même résultat.
Le délai de deux mois permet, cela vient d’être dit, de résoudre deux tiers des situations d’impayés. Il n’est donc pas excessif. Pourquoi le réduire à six semaines, et non pas à cinq semaines et demie ou à sept semaines ?
Bien sûr, la commission a un peu allongé le délai invraisemblable inscrit dans le texte par l’Assemblée nationale. Le délai de deux mois permet, je le répète, de résoudre deux tiers des problèmes.
Sur quelle étude s’est-on fondé pour considérer que la réduction du délai à six semaines, c’était mieux, alors que, on le sait, ce sera pire ?
La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 88 rectifié.
Je ne peux pas dire mieux que Mme la sénatrice Létard.
Les deux mois sont nécessaires, compte tenu notamment de la mensualisation du paiement des loyers. Il paraît de ce fait parfaitement logique de retenir des mois complets pour la reprise des paiements comme pour la réalisation du nécessaire travail social.
En tant qu’élus locaux, nous connaissons tous l’activité des centres communaux d’action sociale et des assistantes sociales départementales, ainsi que les difficultés rencontrées pour mettre en œuvre les différentes procédures possibles. Les deux mois sont donc nécessaires.
Le Gouvernement est totalement en phase avec les auteurs de ces amendements identiques, qui visent à porter le délai de six à huit semaines.
L’amendement n° 81, présenté par M. Bouad, Mme Artigalas, M. Montaugé, Mme Meunier, MM. Fichet et Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Marie, Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Joël Bigot.
Cet amendement de repli est proposé par l’Union nationale des associations familiales (Unaf), particulièrement préoccupée par cette proposition de loi, notamment par son chapitre II, compte tenu des conséquences qu’elle entraînera pour les familles rencontrant des difficultés économiques.
Le délai en amont de la procédure judiciaire doit être un temps utile d’accompagnement social, concrétisé par le diagnostic social et financier de la situation du locataire réalisé par les services sociaux du département.
Compte tenu des tensions sur le marché locatif et des difficultés rencontrées pour trouver une solution de relogement aux locataires rencontrant des problèmes financiers, l’accompagnement social ne doit pas être sacrifié au nom de la nécessaire réduction des délais de la procédure contentieuse locative.
L’écart de deux semaines entre le délai actuel et le délai prévu à ce stade dans la proposition de loi n’est pas de nature à léser les droits du bailleur. Ces deux semaines, je le répète, doivent être un temps utile pour l’accompagnement social du locataire.
La réduction du délai de paiement de la dette locative n’est pas compatible avec les délais d’intervention des acteurs de la prévention tels qu’on les constate sur le terrain. Comment, dans des délais aussi contraints, pourra-t-on continuer de réaliser le diagnostic, mobiliser les acteurs, mettre en place un accompagnement social et, au besoin, envisager un relogement ?
Cet amendement tend donc à conserver le délai de deux mois après un commandement de payer.
Les quatre amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 5 rectifié bis est présenté par MM. Sautarel, Burgoa et Bascher, Mme Dumont, MM. Cadec, Pointereau, J.B. Blanc, Paccaud, Brisson et D. Laurent, Mmes Lopez et Canayer et MM. Rietmann, Perrin, Klinger, Longuet, Belin, Laménie, Duplomb et Gremillet.
L’amendement n° 9 rectifié est présenté par MM. Lagourgue, Verzelen et A. Marc, Mme Mélot, MM. Guerriau, Decool et Chasseing, Mme Paoli-Gagin et M. Wattebled.
L’amendement n° 14 rectifié bis est présenté par Mme Micouleau, MM. Anglars, Bonne et Chatillon, Mme F. Gerbaud, M. Grand, Mmes Joseph, Lassarade et M. Mercier, M. Panunzi et Mme Thomas.
L’amendement n° 21 rectifié ter est présenté par MM. Canévet, Duffourg et Delcros, Mme Gatel, M. Henno, Mmes Morin-Desailly et Férat, MM. Détraigne et Delahaye, Mme Vermeillet, MM. Lafon et J.M. Arnaud, Mme Saint-Pé, MM. Le Nay et Capo-Canellas, Mmes Havet et Létard et M. Longeot.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 20
Supprimer les mots :
et les mots : « deux mois » sont remplacés par les mots : « six semaines »
La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié bis.
Cet amendement de notre collègue Stéphane Sautarel s’inscrit dans le droit fil des précédents.
J’insisterai sur les tensions du marché locatif et sur les difficultés à trouver une solution de relogement pour les locataires rencontrant des difficultés financières.
Le volet humain est très important. L’accompagnement social ne doit pas être sacrifié au nom de la nécessaire réduction des délais de la procédure contentieuse du litige locatif.
La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié.
L’amendement n° 14 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié ter.
L’amendement n° 26 rectifié ter, présenté par MM. Capus, Malhuret, Verzelen, Guerriau et Grand, Mme Paoli-Gagin et MM. Chasseing, Menonville, Médevielle, Decool et Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Remplacer les mots :
six semaines
par les mots :
un mois
La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
Cet amendement, déposé par Emmanuel Capus, vise à réduire le délai de six semaines à un mois, car un délai exprimé en semaines introduirait de la confusion dans les procédures.
L’amendement n° 56, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéas 29 à 31
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Le présent amendement vise à supprimer la disposition qui prive la personne susceptible d’être expulsée d’un délai de deux mois suivant le commandement à payer, lorsque le juge constate que celle-ci serait « de mauvaise foi ».
Nous comprenons l’intention des auteurs de cette disposition de distinguer les personnes en situation de détresse sociale et dans l’incapacité de payer leur loyer et les autres locataires.
Néanmoins, le caractère flou de l’expression locataire « de mauvaise foi » nous inquiète en raison des abus auxquels elle pourrait donner lieu. Qu’est-ce qu’un locataire « de mauvaise foi », si cela n’est pas défini dans la loi ?
Comme l’indique le Secours catholique, le caractère imprécis de cette expression comporte un risque d’arbitraire, si le juge est insuffisamment informé de la situation de la personne. Ainsi, rien dans cette expression n’interdirait au juge de considérer des personnes qui subissent une situation de grande précarité comme étant « de mauvaise foi ».
C’est donc pour éviter de créer une insécurité juridique que nous proposons de supprimer cette disposition.
L’amendement n° 48, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 37
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
4° L’article L. 412-6 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés » sont remplacés par les mots : « de la décision de la commission de médiation prévue à l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation qui reconnaît l’occupant prioritaire et devant se voir attribuer un logement ou un hébergement en urgence, jusqu’à ce que ce relogement ou cet hébergement » ;
b) Les deuxième et dernier alinéas sont supprimés.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Cet amendement vise à suspendre l’expulsion des personnes reconnues prioritaires au titre du droit au logement opposable et devant être logées en urgence.
Bien que la reconnaissance au titre du Dalo n’annule pas un jugement d’expulsion, elle porte obligation de relogement. La menace d’expulsion est souvent trop tardivement considérée comme effective. Les recours au titre du droit au logement opposable sont donc pris en compte après intervention de la force publique, ce qui laisse de nombreuses familles et prioritaires Dalo à la rue, sans proposition de relogement.
La procédure, telle qu’elle est encadrée par la loi, doit aboutir au logement ou au relogement des personnes reconnues prioritaires par la loi instituant le droit au logement opposable. La responsabilité de l’État de concourir aux expulsions au nom du droit de propriété doit être conciliée avec l’obligation résultant du droit au logement et ne peut décemment pas aboutir à mettre des personnes et des familles à la rue.
Nous proposons donc d’accorder un sursis sur les expulsions aux personnes prioritaires au titre du droit au logement opposable tant qu’une solution de relogement n’a pas été trouvée.
L’amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 37
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le dernier alinéa de l’article L. 412-6 est supprimé.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Cet amendement tend à supprimer la possibilité d’expulsion lors de la trêve hivernale pour d’autres lieux que le domicile.
Selon l’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels, 64 % des 1 330 expulsions ont eu lieu en 2021 en pleine trêve hivernale.
Le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées le rappelle : c’est non pas par choix, mais par nécessité que les personnes sans logement choisissent d’occuper des terrains ou des immeubles inhabités.
Le constat du phénomène du mal-logement et du sans-abrisme est sans appel : en France, 623 personnes sont mortes dans la rue en 2021 ; 300 000 personnes sont sans domicile fixe, dont 1 700 enfants. Le 115 refuse chaque soir un hébergement à plus de 6 000 personnes, dont 1 700 enfants. Ce phénomène touche des familles, des retraités, etc.
Face à l’incapacité de l’État à proposer des solutions de relogement, y compris des logements d’urgence, à des familles précaires, nous demandons que ne soient plus effectuées d’expulsion pendant la trêve hivernale.
L’amendement n° 70 vise à revenir sur les réductions de délais de la procédure contentieuse locative et sur les critères de qualification du squat.
Cet amendement est contraire à la position de la commission et, pour toutes les raisons que nous avons déjà évoquées lors de la discussion générale et de l’examen des amendements précédents, elle émet un avis défavorable.
De même, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques n° 18 rectifié bis, 28 rectifié, 53 et 88 rectifié.
La lenteur de la procédure précontentieuse et contentieuse en cas d’impayés locatifs a été reconnue, ou à défaut non déniée, par l’ensemble des personnes que le rapporteur pour avis des affaires économiques et moi-même avons interrogées.
Cette procédure, on le sait, peut parfois prendre jusqu’à trois ans, selon les juges des contentieux de la protection, qui sont a priori des interlocuteurs objectifs sur ce sujet. Cette procédure doit donc être rendue plus rapide, ce qui est l’objet de l’article 5 de ce texte.
Néanmoins, les auditions que nous avons menées ont démontré que le délai précontentieux, entre la délivrance du commandement de payer et l’assignation en justice, était utile, puisqu’il permettait de résoudre deux tiers des difficultés.
C’est pourquoi, lors de l’examen du texte en commission des lois, nous avons fixé ce délai à six semaines, contre un mois dans le texte de l’Assemblée nationale et deux mois dans le droit en vigueur. Ce délai, j’y insiste, est compatible avec le délai de cinq semaines que l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil) estime elle-même nécessaire pour engager l’accompagnement social des locataires.
Cette solution me semble être un bon compromis entre le souci de célérité de la procédure d’expulsion en cas d’impayés et le souhait de maintenir les rapports locatifs, lorsque le locataire est encore en mesure de s’acquitter de son loyer. Elle a en outre le mérite d’être cohérente avec le délai identique de six semaines que le texte prévoit déjà entre l’assignation en justice et l’audience.
La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 81. Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, et moi-même avons essayé de trouver un juste équilibre entre l’amélioration de la procédure contentieuse, indubitablement trop longue puisqu’elle peut atteindre trois ans, et une meilleure prise en charge des locataires en difficultés par les services sociaux et les Ccapex.
C’est pourquoi, lors de l’examen en commission, nous avons renforcé le rôle et les prérogatives des Ccapex. Nous avons également rendu l’accompagnement social plus précoce et l’avons centré sur les locataires qui rencontrent le plus de difficultés.
En parallèle, nous laissons plus de temps aux services sociaux pour réaliser le diagnostic social et financier et ainsi identifier les difficultés des locataires : ils disposeront, je l’ai déjà indiqué, de trois mois, contre deux mois actuellement, et ils pourront l’entamer dès le commandement de payer.
Dans ces conditions, nous avons considéré que la réduction du délai entre l’assignation en justice et l’audience était non seulement acceptable, mais souhaitable pour éviter que les procédures ne s’allongent au détriment des bailleurs comme des locataires défaillants, qui resteraient soumis à une procédure contentieuse longue, laquelle les maintiendrait dans l’incertitude quant à leurs perspectives d’hébergement.
J’ajoute enfin que le délai de six semaines entre l’assignation en justice et l’audience est cohérent avec le délai de six semaines entre la remise du commandement de payer et l’assignation.
Pour répondre à nos collègues du groupe Les Indépendants – République et Territoires, dont l’amendement n° 26 rectifié ter vise à réduire ce délai à un mois, j’indique qu’un délai de six semaines nous semble être le bon, l’Anil nous ayant indiqué, je le redis, qu’un délai minimal de cinq semaines était nécessaire pour engager les procédures d’accompagnement social des locataires. L’avis est donc défavorable sur cet amendement.
Enfin, j’émets également un avis défavorable sur les amendements identiques n° 5 rectifié bis, 9 rectifié et 21 rectifié ter, ainsi que sur les amendements n° 56, 48 et 45 rectifié.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 70.
Sur les amendements n° 18 rectifié bis, 28 rectifié et 53, qui sont identiques à l’amendement n° 88 rectifié du Gouvernement, j’émets évidemment un avis favorable.
Le texte permet d’entamer le diagnostic social et financier avant l’audience et prévoit un délai de trois mois pour son élaboration. Nous saluons ces avancées, qu’il n’y a pas de raison de modifier. Nous émettons donc un avis défavorable sur l’amendement n° 81.
Le Gouvernement émet, comme la commission, un avis défavorable sur les amendements identiques n° 5 rectifié bis, 9 rectifié et 21 rectifié ter, ainsi que sur les amendements n° 26 rectifié ter, 56, 48 et 45 rectifié.
Je constate que le Gouvernement essaie au moins d’en revenir au délai de deux mois plutôt que de prendre à son compte celui de six semaines.
À l’intention de nos collègues du groupe Les Républicains, je précise que l’Anil peut toujours dire qu’un délai de cinq semaines est suffisant en moyenne, mais force est de constater que, dans certains départements, c’est la croix et la bannière pour obtenir le moindre accord du fonds de solidarité pour le logement (FSL), en raison de l’embouteillage des services. Or cet accord est souvent nécessaire dans le cadre d’un plan d’apurement.
Je sais d’expérience que c’est souvent au dernier moment, au cours de la dernière quinzaine, que l’on parvient à une solution.
Honnêtement, comme l’a dit M. Benarroche, les deux semaines en question ne représentent pas grand-chose et n’allongent pas considérablement l’ensemble de la procédure, qui peut durer – c’est l’exemple cité par le rapporteur – trois ans.
D’ailleurs, il convient de s’interroger sur la durée globale de la procédure. Pourquoi dure-t-elle parfois jusqu’à trois ans ? C’est non pas parce que le propriétaire ou le locataire est de mauvaise foi, mais bien parce que la justice ne se donne pas les moyens de régler les problèmes.
Pourquoi vouloir aujourd’hui rendre la procédure plus rapide et mettre la pression sur les parties au lieu de permettre à la justice de fonctionner correctement ? On devient fous ! On essaie de régler les problèmes dans la loi, mais je vous fiche mon billet que les procédures continueront d’être longues ! Il suffit pour cela qu’une audience soit reportée, par exemple.
La question se pose de savoir pourquoi nous encombrons les tribunaux avec des litiges que l’on pourrait résoudre, en mettant en place une autre organisation.
Je ne plaiderai pas une nouvelle fois pour la garantie universelle des loyers (GUL), mais franchement, elle permettrait de régler bien des problèmes.
Mon explication de vote portera sur les amendements identiques n° 18 rectifié bis, 28 rectifié, 53 et 88 rectifié.
J’ai bien compris vos arguments, monsieur le rapporteur, sur la cohérence des délais. Ce sont des arguments que je conçois volontiers, mais permettez-moi de vous dire, mon cher collègue, que le plus important, c’est l’efficacité.
Il me semble très dangereux de passer d’un délai de deux mois, qui permet de résoudre les problèmes dans deux tiers des cas, à un délai de six semaines, car tout porte à croire qu’il ne permettra pas d’en résoudre autant, faute de temps. Bien au contraire, un délai plus court risque de conduire à un déséquilibre et, comme l’a très bien dit Marie-Noëlle Lienemann à l’instant, d’accroître la judiciarisation.
Il me semble qu’il s’agit là d’un argument de poids ayant sa place dans une réflexion cohérente !
Comme j’ai été interpellé, je rappelle que le but de la commission était de parvenir à un juste équilibre entre le souci de rendre la procédure plus rapide et la volonté de trouver un accord entre le bailleur et le locataire.
Certes, nous réduisons le délai à six semaines, mais les Ccapex pourront être saisies plus tôt et le DSF pourra être entamé dès le lendemain du commandement de payer. Cela signifie que nous proposons en fait d’augmenter le temps dont disposeront les services sociaux pour réaliser le DSF. Ils auront désormais deux fois six semaines pour le faire, soit trois mois au total, contre deux actuellement.
De ce fait, le juge disposera des DSF lors de l’audience non plus dans 30 % des cas, comme aujourd’hui, mais dans un plus grand nombre – je ne peux naturellement pas dire combien exactement –, voire dans la totalité d’entre eux.
Voilà ce que j’essaie de vous faire comprendre : on réduit certes le délai, mais, in fine, les services sociaux auront plus de temps pour réaliser les DSF.
Mme Marie-Noëlle Lienemann le conteste.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 18 rectifié bis, 28 rectifié, 53 et 88 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 5 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 9 rectifié et 21 rectifié ter.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 29 rectifié, présenté par Mme Létard, M. Henno, Mmes Morin-Desailly, Gatel, N. Goulet, Dindar et Billon, M. Longeot, Mme Herzog, M. Canévet, Mmes Gacquerre et Guidez, MM. Moga, Duffourg et de Belenet, Mmes Doineau et Perrot, MM. J.M. Arnaud et Cigolotti, Mme Jacquemet, M. P. Martin et Mme Férat, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Après le mot :
coordonnées
insérer les mots :
téléphoniques et électroniques
La parole est à Mme Valérie Létard.
Pour une meilleure réactivité et afin de permettre d’entrer en contact avec la personne concernée par un autre moyen que l’envoi d’un courrier, il paraît pertinent de communiquer les coordonnées téléphoniques et l’adresse e-mail.
C’est pourquoi cet amendement vise à ce que, dans le respect des personnes concernées, cette transmission de coordonnées soit indiquée dès la rédaction du bail. Cela permettrait à la personne d’être au fait de sa situation, dès lors qu’elle rencontrerait un problème de paiement.
Cette transparence peut faciliter l’entrée en relation des intervenants sociaux et juridiques avec le locataire et favoriser ainsi la relation d’aide. Cette rédaction permet de préciser le contenu de la transmission.
Ce souhait figurait déjà dans l’objet d’un amendement défendu par Mme Estrosi Sassone en tant que rapporteur pour avis.
Cette précision a paru utile à la commission. Elle faisait partie des recommandations du rapport Démoulin, publié en 2021, qui constatait qu’il était difficile de joindre les locataires pour les informer de leurs droits et leur proposer un accompagnement social.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 93, présenté par M. Reichardt, au nom, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Remplacer le mot :
sixième
par le mot :
septième
La parole est à M. le rapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 5 est adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 50 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
L’amendement n° 72 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La saisine de la commission de médiation départementale par le demandeur, après la délivrance du jugement d’expulsion et lorsqu’il est devenu exécutoire, suspend les effets du commandement de quitter les lieux jusqu’à la réception par le demandeur de la décision de la commission. »
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 50.
Cet amendement vise à suspendre les effets du commandement de quitter les lieux, lorsque le ménage ou la personne qui fait l’objet d’un jugement d’expulsion saisit la commission de médiation départementale.
Les prioritaires Dalo concernés par des commandements de quitter les lieux peuvent faire un recours auprès de la commission de médiation départementale. En 2018, plus de 55 000 recours ont été déposés devant les huit commissions de médiation d’Île-de-France et le nombre de recours est en augmentation.
La commission de médiation départementale contribue considérablement à lutter contre la précarité locative. Suspendre la procédure d’expulsion donnerait de meilleures chances à une mise en œuvre effective du Dalo.
Cet amendement est issu d’une proposition de l’association Droit au logement.
Cet amendement, qui tend à suspendre les effets du commandement de quitter les lieux tant qu’une reconnaissance de priorité Dalo n’est pas établie, a été fort bien défendu par M. Benarroche.
Il est défavorable. L’accompagnement social des locataires en difficulté ne doit pas commencer à l’issue de la décision judiciaire, mais dès les premiers impayés. C’est le sens des amendements que nous avons portés, Dominique Estrosi Sassone et moi-même, lors de l’examen du texte en commission.
Mes chers collègues, vos amendements risqueraient non seulement de ralentir une procédure d’expulsion locative déjà très longue, puisqu’elle peut durer jusqu’à trois ans, mais aussi d’engorger les commissions de médiation par le signal qu’ils enverraient.
L’État est tenu de prêter son concours à l’exécution d’une décision de justice. L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur ces amendements.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 55, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, il est inséré un article L. 412-… ainsi rédigé :
« Art. L. 412 - …. – Aucun concours de la force publique ne peut être accordé par la procédure d’expulsion locative lorsque des mineurs sont présents dans le logement et que la famille n’a pas obtenu de proposition de relogement adaptée à ses besoins et à ses capacités. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
Cet amendement a pour objet d’interdire toute expulsion locative, lorsque des personnes mineures sont présentes dans le logement et que la famille n’a pas obtenu de proposition de relogement – il faut que les deux conditions soient remplies.
Cette mesure a pour objet de lutter contre les expulsions de familles. La France compte 4, 1 millions de personnes mal logées, dont 600 000 enfants, selon le rapport de 2021 sur le mal-logement de la Fondation Abbé Pierre – et je ne pense pas que ces chiffres aient diminué en 2022.
Ce sont autant d’enfants qui vivent dans la rue ou qui sont hébergés chez des tiers, à l’hôtel, dans des squats ou dans des structures d’hébergement collectives, toutes situations mettant en péril leur intégrité physique et morale.
La Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), le collectif des Associations unies et le collectif Jamais sans toit ont alerté sur le fait que le nombre d’enfants scolarisés qui dorment dans la rue a augmenté de 86 % en 2022 par rapport à l’année 2021.
Certaines familles arrêtent de payer le loyer pour protester contre les conditions insalubres dans lesquelles elles vivent. De nombreux cas ont été médiatisés, où des moisissures empêchent les enfants de respirer ; c’est parfois un balcon, voire le plafond, qui menace de s’effondrer.
Nous souhaitons donc interdire toute expulsion locative, lorsque des mineurs sont présents dans les lieux et qu’aucune solution de relogement n’a été proposée pour la famille.
Mon cher collègue, je vous propose de présenter à la suite l’amendement n° 52.
L’amendement n° 52, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 6° du I de l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La clause de résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ne peut produire aucun effet si le bailleur ne respecte pas les obligations d’encadrement du loyer prévu par les dispositions mentionnées au I de l’article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique dans les zones mentionnées au premier alinéa de l’article 17 de la présente loi. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
Cet amendement vise à suspendre les effets de la clause de résiliation de plein droit du contrat de location, lorsque le bailleur ne respecte pas l’encadrement des loyers dans les zones tendues.
Le législateur a introduit à l’article 140 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, une disposition permettant d’encadrer les loyers dans les zones dites tendues. Certains bailleurs se placent en infraction de ce point de vue, en fixant des loyers trop élevés. Comment permettre à un bailleur étant lui-même en infraction de résilier le contrat de location, parce que le locataire ne paie pas le loyer ?
Lorsque le propriétaire ne respecte pas les règles d’encadrement des loyers, il ne doit pas pouvoir faire jouer la clause de résolution du bail et demander l’expulsion de son locataire.
L’objectif de l’amendement n° 55 est louable et je ne pense pas me tromper en affirmant qu’ici nous le partageons tous. Néanmoins, je ne pourrai pas émettre un avis favorable sur cet amendement tel qu’il est rédigé.
Je rappelle tout d’abord que les demandes de concours de la force publique ne sont pas une compétence liée du préfet. Celui-ci dispose d’un délai de deux mois pendant lequel il s’informe, auprès des services sociaux et des services de police, de la situation économique et sociale et, bien entendu, de la composition du foyer des personnes à expulser. Aucun texte ne limite son pouvoir d’appréciation. Tout au plus est-il précisé, à l’article L. 153-1 du code des procédures civiles d’exécution, que le bailleur a droit à une indemnité, si le préfet lui refuse le concours de la force publique.
Il n’est ainsi pas rare que les demandes de concours de la force publique soient refusées. D’après les chiffres de la Cour des comptes, en 2019, les préfets ont instruit 52 860 demandes de concours de la force publique, parmi lesquels 35 208 ont été accordés, les 17 652 demandes restantes ayant été refusées, explicitement ou implicitement.
Supprimer le pouvoir d’appréciation du préfet, qui prend déjà en compte les conséquences sociales qu’aurait une expulsion avec le concours de la force publique, permettrait à des parents de mauvaise foi – il en existe peut-être – de se maintenir de façon indéfinie sans droit ni titre dans un logement, sans qu’aucune solution d’expulsion soit possible.
En outre, l’amendement mentionne le relogement des familles, alors qu’il pourrait s’agir de groupes d’occupants illicites, mêlant des adultes et des mineurs sans qu’un lien familial ne les lie véritablement. Dans ce cas, si nous adoptions cet amendement, un tel groupe pourrait se maintenir indéfiniment dans le logement malgré la décision judiciaire d’expulsion.
Je rappelle enfin que le juge peut déjà accorder des délais différant l’expulsion, en prenant en compte la situation de famille – cela est prévu par le code des procédures civiles d’exécution.
Même avis défavorable sur l’amendement n° 52, car la mesure qu’il comporte paraît disproportionnée, mais aussi susceptible de provoquer une explosion des contentieux. En cas de contentieux locatif, le juge peut d’ores et déjà vérifier d’office les éléments constitutifs de la dette locative, ainsi que le caractère décent du logement.
Sur l’amendement n° 55, l’avis est défavorable, car l’État est tenu de prêter son concours à l’exécution d’une décision de justice. Comme la commission, nous avons confiance en la sagacité du juge et dans le discernement du préfet, qui prend en compte l’évaluation sociale.
Sur l’amendement n° 52, puisque nous estimons que ce texte doit trouver un équilibre entre le droit des locataires et celui des propriétaires, le Gouvernement émet un avis favorable. Si le propriétaire ne respecte pas l’encadrement des loyers, il se met en faute. Cet amendement est donc intéressant.
Puisque le Gouvernement a émis un avis favorable, j’espère que nos collègues du groupe Les Républicains vont comprendre l’importance d’appliquer concrètement le principe d’égalité – principe qui a beaucoup été évoqué sur ce texte…
Vous dites qu’il faut laisser le préfet décider. Pour avoir été ministre, je sais que le problème du préfet, ce sont les crédits. Dans le cas où il décide de ne pas recourir à la force publique, l’État doit payer le loyer correspondant ; lorsqu’il n’a plus de crédits à sa disposition, il atteint les limites de sa marge de manœuvre !
Or il s’agit ici d’enfants ! Quel avenir faisons-nous à notre République ? Nous savons déjà que 25 % des enfants vivent dans des familles qui sont en dessous du seuil de pauvreté. Si de plus une partie d’entre eux ont l’expulsion sans relogement comme image de la République – même si leurs parents ne sont pas des saints –, quelle idée peuvent-ils se faire de la protection républicaine ?
Gare aux conséquences sociales et politiques de nos décisions ! La contestation des principes mêmes de notre République augmentera dans la partie de la jeunesse la plus paupérisée. Or nous avons besoin de son adhésion. Attention à l’effet boomerang !
Franchement, il ne doit pas être si compliqué de trouver une solution. Et, s’il faut doubler les crédits pour éviter les expulsions, faisons-le ! Ce ne sera rien en comparaison de tout ce qu’on gaspille ici ou là, et ce sera très utile à notre République.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Le chapitre III du titre V du livre Ier du code des procédures civiles d’exécution est ainsi modifié :
1° L’article L. 153-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les modalités d’évaluation de la réparation due au propriétaire en cas de refus du concours de la force publique afin d’exécuter une mesure d’expulsion sont précisées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Au début de l’article L. 153-2, les mots : « L’huissier » sont remplacés par les mots : « Le commissaire ».
L’amendement n° 89, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre délégué.
L’article 6 vise à modifier l’article L. 153-1 du code des procédures civiles d’exécution, en disposant que les modalités d’évaluation de la réparation due aux propriétaires en cas de refus du concours de la force publique afin d’exécuter une mesure d’expulsion sont précisées par décret en Conseil d’État.
Les articles L. 153-1 et R. 153-1 du code des procédures civiles d’exécution pose déjà le principe de la réparation en cas de refus de concours de la force publique. Dès lors que la loi prévoit une réparation intégrale du préjudice, un décret d’application est inutile : tous les chefs de préjudice doivent être indemnisés.
Tant les chefs indemnisables que les modalités de leur évaluation sont déterminés par la jurisprudence administrative, selon des principes applicables de manière uniforme sur l’ensemble du territoire national et sous le contrôle du juge administratif qui peut être saisi par le bailleur, dans l’hypothèse où la préfecture ferait une proposition d’indemnisation insuffisante.
Enfin, cet article se fonde sur le postulat selon lequel seuls 54 % des propriétaires font une demande d’indemnisation en raison de la complexité du dispositif et de la disparité entre les règles appliquées par les préfectures. Mais un décret en Conseil d’État précisant les modalités d’évaluation de la réparation due aux propriétaires serait sans incidence sur la méconnaissance par les victimes des droits dont elles disposent.
L’article 6 n’est donc pas nécessaire et peut donc être supprimé. C’est l’objet de l’amendement n° 89.
Je ne suis pas convaincu par l’argumentaire du Gouvernement.
Au contraire, un décret permettrait d’harmoniser les pratiques et rendrait plus lisible le cadre normatif régissant l’indemnisation des propriétaires qui se voient refuser le concours de la force publique. Tout gain en lisibilité favorise l’appropriation d’un dispositif par le public qu’il concerne.
L’avis de la commission est donc défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 6 est adopté.
Chapitre III
Renforcer l’accompagnement des locataires en difficulté
(Division nouvelle)
I. – L’article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement est ainsi rédigé :
« Art. 7 -2. – Une commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives est créée dans chaque département. Elle est coprésidée par le représentant de l’État dans le département, le président du conseil départemental et le président de la métropole lorsqu’il assure la gestion d’un fonds de solidarité intercommunal prévu à l’article 7.
« Cette commission a pour missions de :
« 1° Coordonner, évaluer et orienter le dispositif de prévention des expulsions locatives défini par le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées et la charte pour la prévention de l’expulsion ;
« 2° Décider du maintien ou de la suspension de l’aide personnelle au logement lorsque le bénéficiaire ne règle pas la dépense de logement, conformément à l’article L. 824-2 du code la construction et de l’habitation ;
« 3° Orienter et répartir entre ses membres le traitement des signalements de personnes en situation d’impayé locatif notifié au représentant de l’État dans le département par les commissaires de justice afin d’assurer leur accompagnement social et budgétaire, l’apurement de la dette locative et, le cas échéant, les démarches de relogement. L’orientation auprès des services sociaux des conseils départementaux, des fonds de solidarité pour le logement et des commissions de surendettement s’effectue par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa du présent article ;
« 4° Délivrer des avis et des recommandations à tout organisme ou personne susceptible de participer à la prévention de l’expulsion, ainsi qu’aux bailleurs et aux locataires concernés par une situation d’impayé ou de menace d’expulsion. La commission émet également des avis et des recommandations en matière d’attribution d’aides financières sous forme de prêts ou de subventions et d’accompagnement social lié au logement, suivant la répartition des responsabilités prévue par la charte de prévention de l’expulsion.
« La commission est informée des décisions prises à la suite de ses avis. Elle est destinataire du diagnostic social et financier mentionné au III de l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
« Pour l’exercice de sa mission, la commission est informée par le représentant de l’État dans le département :
« – des situations faisant l’objet d’un commandement d’avoir à libérer les locaux lui ayant été signalés conformément à l’article L. 412-5 du code des procédures civiles d’exécution ;
« – de toute demande et octroi du concours de la force publique mentionné au chapitre III du titre V du livre Ier du même code en vue de procéder à l’expulsion.
« Elle est également informée de toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée ou accordant des délais de paiement conformément au V de l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée, qui lui sont notifiées à la diligence du commissaire de justice dans un délai défini par décret. Cette notification s’effectue par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa du présent article.
« La commission est informée par le commissaire de justice en charge de l’exécution des opérations d’expulsion qu’il réalise par l’intermédiaire du système d’information prévu au même dernier alinéa.
« Les membres de la commission et les personnes chargées de l’instruction des saisines sont soumis au secret professionnel dans les conditions prévues à l’article 226-13 du code pénal. Par dérogation au même article 226-13, les professionnels de l’action sociale et médico-sociale, définie à l’article L. 116-1 du code de l’action sociale et des familles, fournissent aux services instructeurs de la commission les informations confidentielles dont ils disposent et qui sont strictement nécessaires à l’évaluation de la situation du ménage au regard de la menace d’expulsion dont il fait l’objet.
« Par dérogation à l’article 226-13 du code pénal, les services instructeurs de la commission transmettent les informations confidentielles dont ils disposent à l’organisme compétent désigné à cette fin par le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées, prévu à l’article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990, suivant la répartition de l’offre globale de services d’accompagnement vers et dans le logement aux fins de réalisation du diagnostic social et financier dans les conditions prévues au III de l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.
« La commission peut être saisie par un de ses membres, par le bailleur, par le locataire et par toute institution ou personne y ayant intérêt ou vocation.
« Elle est alertée par :
« a) La commission de médiation, pour tout recours amiable au titre du droit au logement opposable fondé sur le motif de la menace d’expulsion sans relogement ;
« b) Les organismes payeurs des aides au logement, systématiquement, en vue de prévenir leurs éventuelles suspensions par une mobilisation coordonnée des outils de prévention ;
« c) Le fonds de solidarité pour le logement, lorsque son aide ne pourrait pas, à elle seule, permettre le maintien dans les lieux ou le relogement du locataire.
« La composition et les modalités de fonctionnement de la commission, notamment du système d’information qui en permet la gestion, sont fixées par décret en Conseil d’État. »
II. – Le 2° de l’article L. 824-2 du code de la construction et de l’habitation est ainsi rédigé :
« 2° Dans les autres cas, saisit la commission mentionnée à l’article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement afin qu’elle décide du maintien ou non du versement. »
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 19 est présenté par MM. Patriat, Théophile, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 90 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
d’un lieu habité
II. – Alinéa 13
Après le mot :
expulsion
insérer les mots :
de lieux habités
III. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le chapitre Ier du titre III du livre IV du code des procédures civiles d’exécution est complété par un article L. 431-… ainsi rédigé :
« Art. L. 431 -…. – Si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, le commissaire de justice en charge de l’expulsion transmet une copie du procès-verbal d’expulsion signifié ou remis à la personne expulsée au représentant de l’État dans le département ainsi qu’à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives prévue à l’article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.
« Cette transmission s’effectue par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa de l’article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement. »
La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 19.
L’article 7 s’appliquerait en l’état à l’ensemble des procédures d’expulsion, sans distinction de la nature et de l’affectation des lieux objets de l’expulsion.
Au vu de l’objectif poursuivi, qui est de permettre aux Ccapex d’assurer un meilleur suivi des locataires expulsés, il semble opportun de limiter la communication des informations relatives aux seules expulsions de locaux habités.
Notre amendement vise aussi à procéder à une mise en conformité, en prévoyant la transmission dématérialisée au préfet et à la Ccapex, par le commissaire de justice, du procès-verbal qu’il réalise lors de l’expulsion d’un lieu habité.
La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 90.
Ces deux amendements identiques nous paraissent superfétatoires, puisque l’article 7 prévoit déjà que les Ccapex ne sont compétentes qu’en matière de prévention des expulsions locatives, ce qui exclut les situations de squat qui pourraient concerner des locaux commerciaux, des entrepôts ou des box de parking.
La commission émet néanmoins un avis favorable sur ces amendements, puisque la transmission dématérialisée des procès-verbaux d’expulsion de lieux habités au préfet et aux Ccapex par les commissaires de justice est une disposition utile.
Les amendements sont adoptés.
L’amendement n° 30 rectifié, présenté par Mme Létard, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Après le mot :
pénal,
insérer les mots :
sous réserve de l’accord du locataire,
La parole est à Mme Valérie Létard.
Les informations communiquées par les travailleurs sociaux et médico-sociaux sont des éléments strictement nécessaires à l’évaluation de la situation du ménage au regard de la menace d’expulsion. Ce point sécurise le partage d’informations et le respect des personnes accompagnées.
Ainsi, parce que c’est important d’un point de vue déontologique et sur le plan de l’éthique, le présent amendement vise à préciser que ces informations seront communiquées par les professionnels sociaux et médico-sociaux avec l’accord du locataire.
Cette pratique doit s’inscrire dans une relation de confiance et dans le respect de la personne accompagnée. Le cadre posé permet au professionnel d’être en cohérence avec les principes éthiques de la relation d’aide et d’être transparent avec le locataire en difficulté.
Cette précision est d’autant plus importante que les réalités de terrain montrent que les personnes rencontrent des difficultés à aller au-devant des institutions et des professionnels qui sont pourtant engagés dans une démarche d’aide. Il existe des représentations, une peur, une honte pour le locataire d’exprimer ses difficultés, qui relèvent de l’intime.
Dans ce climat de méfiance, le partage d’informations doit être le plus lisible possible pour les personnes, car il aura des répercussions directes sur la mise en lien et la relation de confiance entre les professionnels et le public.
Bien que nous comprenions largement votre préoccupation, ma chère collègue, je ne peux émettre un avis favorable sur cet amendement, pour deux raisons.
D’abord, la soumission des membres de la Ccapex au secret professionnel dans les conditions prévues par le code pénal semble déjà une garantie suffisante. Il est en outre dans l’intérêt des locataires que les Ccapex et les services sociaux disposent des informations nécessaires à l’appréciation de leur situation afin de les orienter vers les bons dispositifs d’accompagnement et d’éviter ainsi l’expulsion.
Puis, cet amendement ne me paraît pas viser le bon dispositif juridique. Il conviendrait plutôt d’ajouter le conditionnement de l’accord du locataire à l’alinéa 14, qui traite de la transmission aux Ccapex des données confidentielles par les professionnels de l’action sociale et médico-sociale, plutôt qu’à l’alinéa 15, qui traite de la transmission de ces données des Ccapex vers les services sociaux qui élaborent les diagnostics sociaux et financiers.
Avec regret, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Il nous semble que cet amendement est satisfait par le droit actuel, puisque la transmission des informations aux Ccapex et aux travailleurs sociaux est soumise aux règles du règlement général sur la protection des données (RGPD), ce qui garantit la prise en compte des droits du locataire.
L’avis est donc défavorable.
Non, je le retire, madame le président, puisqu’il ne vise pas le bon alinéa.
Ce sont les travailleurs sociaux qui m’ont suggéré cet amendement. Certes, ils sont tenus par le secret professionnel, mais la relation de confiance avec une famille est toujours difficile à établir. Or elle est essentielle et il faut la faire vivre.
Je crois que nous devons garder en tête cette question pour la suite de l’examen de ce texte.
L’amendement n° 30 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 92 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 20
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
« Ces alertes s’effectuent par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa du présent article.
« La commission saisit directement les organismes publics ou les personnes morales suivants aux fins de permettre le maintien dans les lieux, le relogement ou l’hébergement d’un locataire menacé d’expulsion dont elle a connaissance :
« a) Le fonds de solidarité pour le logement afin qu’il instruise une demande d’apurement d’une dette locative, lorsque son aide peut permettre le maintien dans les lieux ou le relogement d’un locataire en situation d’impayé locatif qui lui a été signalé ;
« b) Le service intégré d’accueil et d’orientation, systématiquement, dès lors qu’elle est notifiée par le préfet d’un octroi de concours de la force publique, afin qu’il soit procédé à l’enregistrement d’une demande d’hébergement au bénéfice du ménage concerné.
« Ces saisines s’effectuent par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa du présent article.
La parole est à M. le ministre délégué.
Cet amendement vise à répondre plus rapidement aux besoins du locataire comme du bailleur en matière de résolution des impayés locatifs et de prévention des expulsions.
La dématérialisation des alertes effectuées par les partenaires locaux de la prévention des impayés permettra de simplifier les modalités de saisine administrative des Ccapex et d’accélérer le traitement des informations qu’elles contiennent par les services déconcentrés de l’État.
Cet amendement tend également à permettre à la Ccapex de saisir les dispositifs adaptés pour traiter le plus rapidement possible les dettes locatives dont elle a connaissance, au bénéfice du bailleur, et de solliciter en fin de procédure les dispositifs d’hébergement pour éviter les éventuelles mises à la rue des locataires en situation difficile.
L’amendement n° 57 rectifié, présenté par M. Capo-Canellas, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 20
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
« Ces alertes s’effectuent par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa du présent article.
« La commission peut saisir directement les organismes publics ou les personnes morales suivants aux fins de permettre le maintien dans les lieux ou le relogement d’un locataire menacé d’expulsion dont elle a connaissance :
« a) Le fonds de solidarité pour le logement afin qu’il instruise une demande d’apurement d’une dette locative, lorsque son aide peut permettre le maintien dans les lieux ou le relogement d’un locataire en situation d’impayé locatif qui lui a été signalé ;
« b) Le service intégré d’accueil et d’orientation, systématiquement, dès lors qu’elle est notifiée d’un octroi de concours de la force publique par le préfet.
« Ces saisines s’effectuent par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa du présent article.
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
L’intention de cet amendement est la même que celle de l’amendement qui vient d’être défendu. Comme ce dernier est plus précis, je m’y rallie, en retirant le mien.
L’amendement n° 57 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 92 rectifié ?
L ’ amendement est adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 20 est présenté par M. Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 91 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 22 et 23
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
II. – L’article L. 824-2 du code de la construction et de l’habitation est ainsi rédigé :
« Art L. 824 -2. – Lorsque le bénéficiaire de l’aide personnelle ne règle pas la dépense de logement, l’organisme payeur :
« 1° Saisit la commission de coordination des actions de prévention des expulsions mentionnée à l’article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement afin qu’elle décide du maintien ou non du versement ;
« 2° Met en place les démarches d’accompagnement social et budgétaire du ménage afin d’établir un diagnostic social et financier du locataire et remédier à sa situation d’endettement. Le diagnostic est transmis à la commission mentionnée au précédent alinéa.
« Cette saisine et la transmission du diagnostic s’effectuent par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa du même article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par voie réglementaire. »
La parole est à M. Martin Lévrier, pour présenter l’amendement n° 20.
Cet amendement vise à réécrire l’article L. 824-2 du code de la construction et de l’habitation afin de définir précisément les rôles respectifs de la caisse d’allocations familiales (CAF) et de la Ccapex en cas d’impayé d’un allocataire et de garantir que la Ccapex soit effectivement décisionnaire en la matière.
La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 91.
Ces amendements identiques apportent des précisions rédactionnelles pertinentes.
Ils évitent toute confusion entre le rôle des CAF et celui des Ccapex, tout en maintenant le pouvoir décisionnaire de ces dernières en matière de versement des aides personnelles au logement (APL) en cas d’impayés de loyer.
J’émets donc un avis favorable sur ces deux amendements.
Les amendements sont adoptés.
L ’ article 7 est adopté.
Aux premier et dernier alinéas de l’article L. 271-5 du code de l’action sociale et des familles, le mot : « peut » est remplacé par les mots : «, le représentant de l’État dans le département ou la commission de coordination des actions de prévention des expulsions peuvent ». –
Adopté.
Les amendements n° 32 rectifié sexies et 31 rectifié sexies ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 35, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Proposition de loi condamnant les plus précaires à la rue
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Comme pour un livre ou un film, l’intitulé d’une proposition de loi doit correspondre à son contenu. Sinon, ce serait une publicité indélicate, pour le dire ainsi…
Sourires.
Or, même modifié, parfois de manière considérable, par la commission des lois et la commission des affaires économiques et malgré l’adoption de quelques amendements durant la séance publique, dont certains avaient été déposés par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, nous estimons que ce texte ne correspond pas à l’intitulé qu’il porte.
Pour éclaircir les choses, nous proposons de souligner dans son intitulé les conséquences qu’aurait son adoption : condamner les plus précaires à la rue !
Nouveaux sourires.
Rires.
Avis défavorable, sans surprise : nous ne partageons pas le jugement très négatif que portent nos collègues du groupe écologiste sur cette proposition de loi, qui a été singulièrement améliorée et enrichie par nos débats. Son titre correspond bien, dorénavant, à son contenu et nous souhaitons le maintenir tel quel.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme le rapporteur pour avis.
Je remercie de nouveau notre rapporteur André Reichardt. Je suis très heureuse d’avoir travaillé de concert avec lui. Nous avons effectué plusieurs auditions en commun, dans un calendrier particulièrement contraint, et je pense que nous avons atteint nos objectifs.
Avec ce texte, nous avons souhaité renforcer la lutte contre le squat et contre l’usage dilatoire des procédures par des locataires de mauvaise foi.
Nous avons néanmoins voulu assurer une claire distinction entre les squatteurs et les locataires en difficulté, distinction qui n’existait pas dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale – monsieur le ministre, je crois que vous en êtes conscient.
M. le ministre le confirme.
En ce qui concerne la lutte contre le squat, nous avons réintégré plusieurs mesures que le Sénat avait adoptées en janvier 2021 dans une proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat, que j’avais déposée. Du temps a été perdu, monsieur le ministre : si cette proposition de loi avait été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, ces mesures seraient déjà en application. Pour autant, j’espère qu’elles le seront désormais rapidement.
Nous avons aussi voulu favoriser le développement du logement intercalaire et, enfin, débloquer la prévention précoce des impayés de loyer.
Tout au long de nos échanges, il nous a été expliqué qu’il était inadmissible de rentrer chez soi et de trouver quelqu’un qui s’y était installé. C’est vrai, mais les lois en vigueur sanctionnent déjà ce type de comportement ! C’est d’ailleurs ce motif qui a justifié, durant l’année 2021, 170 concours de la force publique, concours qui sont délivrés en quarante-huit heures.
Vous l’aurez remarqué : aucun de nos amendements ne proposait de revenir sur ces dispositions. Elles permettent déjà l’intervention de la police et la condamnation à des peines de prison.
Nous regrettons que le mal ne soit pas traité à la racine et que, par exemple, les logements vides ne fassent jamais l’objet de réquisitions, alors que la loi le permet.
Ce que nous regrettons encore davantage, c’est que ces quelques situations de squat – 170 donc – servent de prétexte pour légiférer, alors que les 300 000 personnes sans domicile sont encore dans l’attente de l’ombre d’une loi.
Les impayés qui conduisent à la suppression d’un bail sont d’abord causés, je le répète, par l’absence d’une politique publique ambitieuse en matière de logement.
Rien n’est fait pour limiter le prix des loyers, dont la part augmente considérablement dans le budget des ménages, pris en étau entre la hausse des prix et la baisse du pouvoir d’achat.
Selon le 28e rapport de la Fondation Abbé Pierre sur l’état du mal-logement en France qui a été présenté hier, 5, 7 millions de personnes fournissent un effort financier excessif pour se loger.
Monsieur le ministre, mardi soir, vous vous êtes satisfait d’une augmentation de 1 % du nombre de places en hébergement, quand le nombre de personnes sans domicile a de son côté augmenté de 10 % !
Nous restons donc dans ce même rapport d’un à dix, au même titre que l’on compte dix logements vacants pour une personne sans domicile fixe. Il faudrait donc faire dix fois plus, mais encore faudrait-il s’attaquer réellement aux inégalités d’accès au logement !
Avec ce texte, vous voulez condamner à des amendes supplémentaires celles et ceux à qui vous n’avez pas réussi à garantir un logement digne et accessible.
Rappelons que 2, 3 millions de personnes attendent un logement social encore aujourd’hui dans notre pays.
Permettez-moi de remercier à mon tour la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques pour la qualité de nos échanges.
Je remercie également le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, et l’ensemble de mes collègues qui ont participé à nos travaux, ainsi que, plus globalement, toutes celles et tous ceux qui ont contribué à l’amélioration de ce texte – et je n’hésite pas à dire qu’il en avait besoin.
Je voudrais saluer la qualité de nos débats et la civilité des interventions des uns et des autres.
Enfin, nous nous félicitons, monsieur le ministre, du fait que ce texte va continuer son parcours parlementaire.
M. le ministre acquiesce.
Comme vous, tous les matins et tous les soirs, je croise de nombreuses personnes qui sont à la rue. À un moment, sans doute, ces personnes ont eu un logement, puis les vicissitudes de la vie les ont amenées là où elles sont aujourd’hui.
La question à se poser est de savoir si ce texte est de nature ou non à diminuer le nombre de personnes à la rue. Je n’en suis pas certain ; je pense même clairement le contraire, son but étant d’abord d’accélérer les expulsions.
On nous a beaucoup parlé d’équilibre.
Certes, la commission a tenté de rendre la proposition de loi légèrement moins implacable et déséquilibrée en faveur des bailleurs. Certes, une distinction a été opérée entre les squatteurs et les locataires qui rencontrent des difficultés pour payer leur loyer.
Je prends acte de ces avancées, mais au fond, ce texte ne va pas dans le bon sens : il tend surtout à rigidifier et à judiciariser.
Pourtant, l’arsenal juridique existe déjà. Il faut faire en sorte d’appliquer les décisions de justice. Il faut que le préfet aille au bout des procédures, mais aussi qu’il puisse reloger les personnes qui en ont besoin.
La situation est critique et cette proposition de loi ne fera que l’aggraver. Aussi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera-t-il contre.
Je félicite à mon tour la commission et les rapporteurs pour le travail qu’ils ont effectué, en particulier pour la distinction qui a été clairement établie entre les squatteurs et les locataires.
Je suis de très près le dossier des squatteurs depuis seize ans et je vous répète, monsieur le ministre, comme je l’ai dit à tous vos prédécesseurs, qu’une disposition législative existe.
Je veux parler du fameux article 38 – certes examiné en pleine nuit – de la loi dite Dalo du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable. Si la justice et les préfets avaient appliqué cette disposition, nous ne serions peut-être pas contraints de légiférer de nouveau pour préciser les choses.
Plusieurs ministres m’ont répondu qu’ils allaient vérifier ce point et faire en sorte que la loi s’applique. Or je vous assure que, depuis seize ans, j’en ai vu des commissaires et des préfets qui ignoraient les dispositions de cet article 38 de la loi Dalo !
Pour que la loi soit efficace, il faut qu’elle soit appliquée. Je rejoins sur ce point Daniel Salmon : si elle l’était, peut-être n’aurions-nous pas besoin de légiférer de nouveau.
À mon tour de féliciter nos deux rapporteurs, qui ont vu arriver sur le bureau du Sénat et dans les commissions un texte que le groupe Union Centriste n’aurait sans doute pas voté en l’état.
Pour ma part, je ne l’aurais certainement pas voté, tant la façon dont étaient traités les squatteurs et les locataires défaillants était absolument inacceptable.
Le rééquilibrage que vous avez permis, madame, monsieur les rapporteurs, était indispensable. Il nous conduit d’ailleurs à voter en faveur de ce texte qui, par ailleurs, a été nourri et enrichi par des dispositions venant de la proposition de loi que Dominique Estrosi Sassone avait déposée au Sénat. J’ajoute que, si cette proposition avait été reprise par l’Assemblée nationale, nous aurions avancé plus rapidement.
En tout cas, le travail important réalisé par le Sénat apporte des outils utiles à la gestion et à la prévention des impayés de loyer.
La première des solutions serait évidemment de ne pas laisser ces familles en difficulté s’embarquer dans un tel engrenage. Il est absolument essentiel de réduire les délais, d’être plus efficace en amont et de favoriser les échanges entre tous les acteurs de la gestion des impayés de loyer.
Les amendements adoptés, qui proviennent de tous les groupes politiques, mais aussi du Gouvernement, ont permis d’enrichir le travail des rapporteurs.
Chacun pourra, avec sa propre sensibilité et même si nos votes sont différents, reconnaître que le Sénat a fait œuvre utile.
Aujourd’hui sortira de cette assemblée un texte qui permettra d’améliorer la gestion des relations entre les propriétaires et les locataires. Surtout il opère une distinction, qui est nécessaire, entre les squatteurs, d’un côté, et les locataires fragiles, de l’autre.
Le Sénat a donc joué son rôle !
Je ne reviendrai pas sur le caractère injuste de cette proposition de loi ni sur le fait que de telles dispositions fragiliseront davantage la situation de nombre de nos concitoyens.
Je suis convaincue que rien ne sera réglé. Une fois que, par décision de justice, vous aurez mis fin à un squat – je ne parle pas ici des squats de domiciles occupés –, quinze jours plus tard, ce sera rebelote ! Il réapparaîtra avec d’autres personnes. Il faut donc traiter ces sujets autrement, faute de quoi rien ne sera réglé.
Puisque le garde des sceaux a entendu nous donner avant-hier une grande leçon, j’aimerais qu’il adresse une circulaire aux procureurs pour qu’ils arrêtent de classer sans suite les litiges mettant en cause des propriétaires qui se conduisent de manière incorrecte – la quasi-totalité de ces litiges est classée sans suite !
Les locataires engagent-ils une procédure pour logement indécent ? Classée sans suite ! Une plainte contre des propriétaires qui font des travaux dans les cages d’escalier pour rendre invivable le logement et virer les gens ? Classée sans suite !
Je connais dix organismes HLM qui ont déposé plainte auprès du procureur de la République, précisément parce que les réseaux de squatteurs que nous voulons combattre s’étaient installés illégalement. Ces plaintes ont été classées sans suite !
Plutôt que de faire de grandes déclarations, le garde des sceaux devrait publier une circulaire visant à rectifier ces situations et à affirmer haut et fort que le droit au logement est fondamental et que les classements sans suite que je viens de citer doivent cesser.
Il ne sert à rien de légiférer, si c’est pour constater ensuite que, les lois n’étant pas appliquées, on doit encore les durcir… Je regrette ce type d’attitude.
Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 123 :
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. le ministre délégué.
Je salue à mon tour le travail des commissions, en particulier celui des deux rapporteurs, Mme la sénatrice Estrosi Sassone et M. le sénateur Reichardt. Je remercie également l’ensemble des sénateurs et des sénatrices qui ont participé à nos débats.
Le travail de qualité réalisé au Sénat a concouru – j’en suis convaincu – à améliorer ce texte et à le rendre plus équilibré encore. Nous poursuivrons ces enrichissements en deuxième lecture !
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 7 février 2023 :
À quatorze heures trente :
Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, exprimant le soutien du Sénat à l’Ukraine, condamnant la guerre d’agression menée par la Fédération de Russie et appelant au renforcement de l’aide fournie à l’Ukraine, présentée par M. Claude Malhuret et plusieurs de ses collègues (texte n° 201 rectifié, 2022-2023) ;
Débat sur le thème « Automobile : tout électrique 2035, est-ce réalisable ? » ;
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (texte de la commission n° 268, 2022-2023) ;
Débat sur les conclusions du rapport « Commerce extérieur : l’urgence d’une stratégie publique pour nos entreprises ».
Le soir :
Débat sur les conclusions du rapport « Compétitivité : une urgence pour redresser la ferme France ».
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures quinze.
La liste des candidats désignés par la commission des affaires sociales pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d ’ adaptation au droit de l ’ Union européenne dans les domaines de l ’ économie, de la santé, du travail, des transports et de l ’ agriculture a été publiée conformément à l ’ article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : Mmes Catherine Deroche, Pascale Gruny, MM. Laurent Duplomb, Hervé Maurey, Didier Marie, Mmes Corinne Féret, Nicole Duranton ;
Suppléants : Mme Chantal Deseyne, MM. Cyril Pellevat, Jean-François Rapin, Michel Canévet, Mme Monique Lubin, M. Stéphane Artano, Mme Cathy Apourceau-Poly.