Mission d'information situation psychiatrie mineurs en France

Réunion du 12 janvier 2017 à 14h10

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • médecin
  • outil
  • psychiatrie
  • psychique
  • troubles

La réunion

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La réunion est ouverte à 14 h 10.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Veuillez excuser le président Milon, qui nous rejoindra dans quelques minutes. Je vous remercie d'avoir répondu à l'invitation de notre mission d'information sur la prise en charge psychiatrique des mineurs, dont notre collègue Michel Amiel est rapporteur.

Il nous a paru naturel de demander au Directeur général de la santé de nous présenter la vision qu'a le ministère des enjeux liés à cette question particulièrement importante en santé publique. Je précise que nous recevrons le 24 janvier Mme la Directrice générale de l'offre de soins pour discuter avec elle des questions qui la concernent.

Un important travail de clarification des concepts est nécessaire. Selon la définition des troubles dont souffrent les jeunes, différentes formes de prise en charge sont proposées aux familles. De plus, la définition des concepts influe sur les priorités données à l'action publique.

Nous souhaitons connaître la position de la Direction générale de la santé sur ce qui entre dans le domaine de la psychiatrie des mineurs, sur la qualité globale de cette prise en charge et sur les moyens de l'améliorer.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Je précise que nous ne sommes pas tous médecins. Il serait préférable que le vocabulaire employé soit le moins ésotérisant possible.

Debut de section - Permalien
Zinna Bessa, sous-directrice « Santé des populations et prévention des maladies chroniques » de la Direction générale de la santé (DGS)

Je vous prie d'excuser le directeur général de la santé, actuellement préoccupé par la gestion de l'épidémie de grippe.

Merci d'avoir créé cette mission d'information sur la question particulière de la santé mentale et de la psychiatrie des enfants et d'avoir pensé à la Direction générale de la santé. Je sais que vous interrogez des agences d'expertise telles que la Haute Autorité de santé, ainsi que la Direction générale de l'offre de soins. La position stratégique de la DGS est de définir les priorités de santé en agissant le plus précocement possible.

En 2013, la ministre des affaires sociales et de la santé a posé les bases de la stratégie nationale de santé, axée sur cinq priorités, dont la santé mentale et la jeunesse. Elles ont trouvé leur place dans la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016. L'un des buts de la stratégie nationale de santé est de réduire les inégalités sociales de santé. Pour ce faire, il faut soutenir la prévention en agissant de la façon la plus protectrice possible : plus on intervient tôt, plus on est efficace. À ce titre, il ne faut pas négliger certains lieux stratégiques tels que l'école et la protection maternelle et infantile (PMI), qui assurent un accès à tous.

La stratégie nationale de santé s'est traduite par les travaux préparatoires de M. Laforcade et la loi de modernisation de notre système de santé. Sa principale avancée est l'inscription de la santé mentale, enjeu de société, dans une politique globale qui concerne davantage d'acteurs que les seuls spécialistes de la psychiatrie et les malades. La loi reconnaît une place à chacun dans le parcours de santé. Son article 69 insiste sur la spécificité des mineurs et enclenche une dynamique, par l'élaboration de projets territoriaux de santé - précisée dans le décret du 28 novembre 2016. Le but est de parvenir à une offre coordonnée sur tout le territoire national.

Le 10 octobre 2016, journée mondiale de la santé mentale, a été installé le Conseil national de la santé mentale, qui soutiendra la mise en place des projets territoriaux de santé. Il assurera la cohérence et l'évaluation des politiques publiques.

Une mesure phare a été prise à la suite du rapport Brison-Moro : l'expérimentation du repérage de la souffrance psychique avec une prise en charge en ville.

Un tournant doit être pris. La mise en place des actions de prévention doit se faire, selon nous, dès la PMI.

- Présidence de M. Alain Milon, président -

Debut de section - Permalien
Philippe Leborgne, adjoint à la cheffe du bureau de la santé mentale de la Direction générale de la santé (DGS)

Le champ de la DGS est celui de la prévention. J'insiste sur l'opportunité de l'article 69 de la loi de modernisation de notre système de santé, qui met l'accent sur la santé mentale des enfants et des jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Merci de votre présentation dense. Vous avez déjà répondu en partie à nos questions, notamment sur le champ, que vous ne réduisez pas à la psychopathologie ni à la psychiatrie. Quid de l'épidémiologie ? Quelle approche chez le jeune ?

Debut de section - Permalien
Philippe Leborgne, adjoint à la cheffe du bureau de la santé mentale de la Direction générale de la santé (DGS)

Des enquêtes ont été menées en population générale sur les enfants et les adolescents. La difficulté des troubles mentaux chez les jeunes réside dans le fait que l'observation première a lieu dans le milieu de vie ; les premières personnes amenées à repérer ces troubles ne sont pas issues de professions médicales. Autre difficulté, la mesure de la souffrance psychique est davantage donnée en fourchettes qu'en chiffres précis.

Selon une étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de 2009, environ 2 % des enfants de moins de douze ans souffrent de troubles de déficit de l'attention, avec ou sans hyperactivité, 5 % de troubles anxieux et 0,5 % de dépression. Il faut repérer ces cas avant l'âge adulte, où ils se chronicisent. Selon une enquête de l'Inserm sur les troubles psychiques en amont des troubles mentaux menée auprès des adolescents, 45 % des filles de 13 à 18 ans souffrent d'une mauvaise image d'elles-mêmes, contre 20 % des garçons.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Il faut bien différencier les souffrances psychiques et mentales.

Debut de section - Permalien
Philippe Leborgne, adjoint à la cheffe du bureau de la santé mentale de la Direction générale de la santé (DGS)

L'Organisation mondiale de la santé distingue la santé mentale positive, c'est-à-dire le bien-être, de la détresse psychologique, c'est-à-dire la souffrance psychique ou le mal-être, qui n'est pas encore une maladie et constitue notre champ d'intervention principal. Souvent labiles, ces événements sont résolutifs s'ils sont pris en charge précocement. Les causes en sont notamment le stress et les accidents de la vie. De cinq à dix séances de psychothérapie, associées à d'autres prises en charge, peuvent y répondre. Enfin, l'OMS distingue une troisième catégorie, celle des maladies mentales et psychiatriques, tels que les troubles anxieux, dépressifs, schizophréniques ou bipolaires. On trouve aussi les troubles des apprentissages en « dys », comme la dyscalculie ou la dyslexie.

Debut de section - Permalien
Philippe Leborgne, adjoint à la cheffe du bureau de la santé mentale de la Direction générale de la santé (DGS)

Bipolarités et schizophrénies surviennent à l'adolescence ou au début de l'âge adulte. Le retard du diagnostic s'explique par la difficulté à déceler les premiers signes, qui sont labiles. Il faut poursuivre la surveillance dans le temps avant de poser le diagnostic, afin d'éviter tout faux positif. Il est toutefois important de poser un diagnostic précoce car ces pathologies sont plus difficiles à traiter si elles sont décelées plus tard. Une autre difficulté est liée au fait que la prévalence de ces pathologies étant basse, les personnes non issues du monde médical, les pédiatres ou les médecins de ville n'y sont pas assez confrontés pour savoir les dépister à temps. C'est pourquoi il faut améliorer le lien entre les acteurs de première ligne et les psychiatres.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Ne constate-t-on pas des difficultés de suivi dans le temps ? La psychiatrie infantile prend en charge les enfants jusqu'à 15 ans. On pourrait préconiser une prise en charge jusqu'à 18 ans pour éviter la transition difficile entre psychiatrie infantile et adulte.

Debut de section - Permalien
Philippe Leborgne, adjoint à la cheffe du bureau de la santé mentale de la Direction générale de la santé (DGS)

Votre suggestion va dans le sens des préconisations générales, qu'il est difficile de mettre en place puisque 97 % des soins sont en ambulatoire et les lits en hospitalisation adulte.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Comment, madame Bessa, jugez-vous la qualité de l'articulation entre les différents professionnels - pas seulement sanitaires mais aussi issus de l'éducation, voire de la justice ?

Debut de section - Permalien
Zinna Bessa, sous-directrice « Santé des populations et prévention des maladies chroniques » de la Direction générale de la santé (DGS)

Mon leitmotiv, c'est l'intervention précoce. Beaucoup d'initiatives locales vont dans le sens du décloisonnement souhaité. Une des difficultés actuelles est le manque de visibilité par absence de pilotage des différentes interventions. L'enjeu est de faire remonter les initiatives et d'insuffler une animation globale. La loi de modernisation de notre système de santé inclut l'animation nationale des PMI. On ne peut que se féliciter du travail préparatoire mené avec l'Assemblée des départements de France. Le Comité technique pour l'animation nationale des actions de PMI sera installé le 24 janvier. L'une des missions sera de remonter les actions de ces structures de proximité, accessibles, et de travailler à l'émulation et à l'échange des pratiques qui ont fait leurs preuves, mais aussi à l'identification des actions manquantes. Le comité, outil majeur, sera animé conjointement par l'Assemblée des départements de France et la DGS et se réunira deux à trois fois par an.

Après l'échelon de la périnatalité, au sein des PMI, se trouve celui de l'école, lieu de l'égalité des chances. Pour réussir le décloisonnement, nous nous appuyons sur trois outils : un contrat cadre de partenariat en santé publique, signé le 29 novembre 2016, qui montre l'engagement du Gouvernement en faveur d'une politique intersectorielle entre la Santé et l'Éducation nationale, assurée par les agences régionales de santé et les rectorats ; le parcours éducatif en santé, qui donne un rôle aux éducateurs et aux enseignants - la santé, que l'on souhaite avec les voeux de nouvelle année, est un enjeu majeur que tous les enseignants doivent aborder, et non uniquement en sciences de la vie et de la terre ; l'expérimentation du repérage de la souffrance psychique, notamment en milieu scolaire, qui est inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017. En cours de préparation dans trois régions - Grand Est, Ile-de-France et Pays de Loire -, elle impliquera trois types d'acteurs : les adultes au contact des jeunes, tels que les enseignants et les éducateurs, s'appuieront sur un guide pour les orienter vers un second type d'acteurs qui assurera une évaluation - médecin traitant, médecin scolaire, psychologue de l'Éducation nationale. Celui-ci se référera ensuite au troisième type d'acteurs que sont les psychologues libéraux. Une prise en charge financière assure un forfait de douze séances, les parents pouvant aussi bénéficier de consultations.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Quels sont les outils d'évaluation des professionnels du deuxième échelon ? Cette question recoupe celle de la formation des médecins généralistes.

Debut de section - Permalien
Philippe Leborgne, adjoint à la cheffe du bureau de la santé mentale de la Direction générale de la santé (DGS)

Depuis novembre, la DGS a établi un groupe de travail national réunissant l'ensemble des professionnels concernés, notamment les médecins généralistes, les psychologues et psychiatres et les Maisons des adolescents. Des groupes de travail plus resserrés valideront ensuite les outils de repérage en milieu ordinaire ainsi que les outils destinés aux médecins généralistes et scolaires. Nous avons besoin d'un consensus puisque ces outils influeront sur le type de prise en charge proposé aux adolescents et à leurs parents. Ils s'inspireront de ce qui a déjà été expérimenté dans différentes régions.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Les psychologues de ville seront-ils payés par la sécurité sociale ?

Debut de section - Permalien
Zinna Bessa, sous-directrice « Santé des populations et prévention des maladies chroniques » de la Direction générale de la santé (DGS)

L'expérimentation, qui définira des outils de repérage, sera financée dans un premier temps par le fonds d'intervention régional FIR, c'est-à-dire pas directement par l'assurance maladie. Le montage est en cours.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Quelle prise en charge pour l'urgence en pédopsychiatrie ? Les professionnels comme les familles sont parfois totalement démunis. Nous manquons de lits. C'est une véritable catastrophe. Quelles sont vos solutions pour l'ensemble du territoire ?

Debut de section - Permalien
Zinna Bessa, sous-directrice « Santé des populations et prévention des maladies chroniques » de la Direction générale de la santé (DGS)

J'ai défini le périmètre de la DGS en préambule. Je laisserai Mme Armanteras vous répondre.

Parmi les jeunes prioritaires, il faut aussi citer ceux de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Nous avons débuté des travaux préparatoires à la signature d'un contrat de partenariat avec la PJJ, à l'instar de celui avec l'Éducation nationale.

Les médecins de premier recours doivent aussi être mieux intégrés. Aujourd'hui, les réponses sont trop tardives. À côté de la prévention, quelle place accorder à la médecine générale pour assurer une prise en charge précoce ? L'expérimentation fournira des bases solides et pérennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

L'Agence nationale de santé publique a-t-elle une mission en ce sens ?

Debut de section - Permalien
Zinna Bessa, sous-directrice « Santé des populations et prévention des maladies chroniques » de la Direction générale de la santé (DGS)

Oui, elle joue un rôle majeur de surveillance et de promotion de la santé. L'un de ses enjeux est de travailler sur des pratiques validées. La santé mentale fait partie de ses priorités pour 2017.

Debut de section - Permalien
Philippe Leborgne, adjoint à la cheffe du bureau de la santé mentale de la Direction générale de la santé (DGS)

Des programmes expérimentaux sont actuellement menés et évalués par Santé publique France. On peut citer Panjo, « Promotion de la santé et de l'attachement des nouveau-nés et de leurs jeunes parents », qui a pour objectif de renforcer le rôle de détection des puéricultrices de PMI auprès des familles en grande précarité, ainsi que d'autres programmes de soutien en compétences psychosociales en milieu scolaire, ou de prévention du suicide, deuxième cause de décès chez les jeunes. La DGS pilote le programme Vigilans, de recontact des suicidants au cours des six à douze mois après la tentative puisque c'est la période la plus propice à la récidive.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Merci de ces propos qui nous éclairent. Mon sentiment est que beaucoup de propositions intéressantes sont impossibles à mettre en place à cause d'une carence de moyens criante. Le hiatus est énorme. On sollicite beaucoup la médecine générale - M. Rapin ne me contredira pas - or les diagnostics sont très difficiles à poser. Un médecin généraliste n'est pas forcément aguerri, il fait face à une surcharge de travail, l'environnement professionnel autour de lui n'est pas important... Nous avons tous une part de responsabilité dans cette catastrophe. Je vous assure que ce n'est pas la joie quand un enfant souffre d'une pathologie psychiatrique.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Je partage ces propos. Il n'y a pas suffisamment de médecins généralistes, scolaires, de pédopsychiatres pour faire face à la schizophrénie. La mise en réseau des professionnels, qui n'est pas si difficile à établir, est victime de la complexité du système. C'est toutefois dans ce sens qu'il faut avancer.

Dans quelle catégorie les troubles en « dys » sont-ils classés ?

Monsieur Leborgne, vous avez évoqué les troubles psychiques des filles de 13 à 18 ans. Quelle proportion de ces troubles relève de comportements addictifs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Le professeur Moro avait répondu que les études actuelles ne pouvaient pas trancher sur le caractère déclenchant - et non révélateur - des addictions.

Debut de section - Permalien
Philippe Leborgne, adjoint à la cheffe du bureau de la santé mentale de la Direction générale de la santé (DGS)

Les troubles des apprentissages sont en première et deuxième catégorie. Leur repérage se fait avec l'Éducation nationale, puis avec des pédiatres, voire des neuropédiatres. Cela ne relève pas de la psychiatrie.

Je vous ferai parvenir les enquêtes sur les différentes addictions, dont je ne dispose pas ici.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

Appréhendez-vous les troubles liés à l'addiction aux jeux, qui entraînent une désocialisation ?

Debut de section - Permalien
Zinna Bessa, sous-directrice « Santé des populations et prévention des maladies chroniques » de la Direction générale de la santé (DGS)

Actuellement, l'addiction aux jeux n'est pas intégrée dans le champ de la santé mentale. Un travail important a en revanche été mené sur le tabac et les drogues illicites.

Debut de section - Permalien
Zinna Bessa, sous-directrice « Santé des populations et prévention des maladies chroniques » de la Direction générale de la santé (DGS)

Je reste à votre disposition. Mon dernier message est : pensez à la prévention et à l'intersectorialité.

La réunion est close à 14 h 55.