Cet article habilite le Gouvernement à transformer, par voie d’ordonnance, le Conseil de la concurrence en Autorité de la concurrence, afin de doter la nouvelle autorité de compétences élargies, de moyens d’investigation renforcés et d’une organisation, d’une composition et de règles de fonctionnement réformées. Voilà tout un programme sur lequel nous n’avons aucun moyen de contrôle, puisqu’il sera toujours loisible au Gouvernement de mettre ce qu’il veut dans le texte !
L’Autorité de la concurrence deviendrait ainsi le régulateur unique en matière de contrôles antitrusts. Elle récupérerait le contrôle des concentrations, dévolu aujourd’hui au ministère de l’économie, et concentrerait les pouvoirs d’enquête exercés actuellement par la DGCCRF, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Ainsi, sa création mettrait fin à un système bicéphale, dans lequel l’administration d’État mène l’enquête, tandis que l’autorité indépendante décide d’éventuelles sanctions. Ce système serait, à vos yeux, obsolète. Or le cumul des pouvoirs d’enquête, d’instruction et de sanction risque de poser des problèmes au regard du 1 de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et de sauvegarde des libertés fondamentales, c'est-à-dire du droit à un procès équitable.
Mais il y a plus : en dépit de la mention, à l’alinéa 4 du présent article, de « moyens d’investigation renforcés », nous doutons que la nouvelle autorité créée dispose réellement des moyens nécessaires aux nombreuses tâches qui lui incomberont : contrôle des concentrations, enquête et instruction, rendu de jugements.
En effet, il est prévu que seulement une trentaine d’agents de la DGCCRF seraient transférés vers la nouvelle autorité, soit le nombre correspondant à l’effectif actuel de l’unité « enquête » de la direction nationale des enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes. Cette estimation est cependant contestée par les personnels de cette direction eux-mêmes, qui démontrent que les enquêtes de pratiques anticoncurrentielles sont actuellement menées par au moins 172 enquêteurs spécialisés de la DGCCRF, et non par une trentaine d’enquêteurs, comme le laisse entendre le président du Conseil de la concurrence.
Comment les pouvoirs de l’Autorité de la concurrence pourraient-ils être plus étendus que ceux de l’actuelle DGCCRF avec cinq à six fois moins d’agents ? Cela en dit long sur la volonté du Gouvernement de garantir des contreparties à la libéralisation des relations commerciales…
Au vu de tous ces éléments, nous aimerions que vous nous expliquiez dans le détail et plus explicitement, monsieur le secrétaire d'État, en quoi une autorité unique serait plus efficace que l’organisation actuelle, qui repose sur la DGCCRF et sur le Conseil de la concurrence.
En vérité, cet article risque de sonner le glas de la DGCCRF, administration qui assure pourtant la protection du consommateur et le respect des règles de concurrence et dont chacun s’accorde à reconnaître la compétence et le professionnalisme.
L’efficacité de cette administration n’est plus à prouver, non plus que sa nécessité pour nos concitoyens. Pourquoi la supprimer ? La question n’est évidemment pas technique ; elle renvoie à la façon dont l’État lutte contre les pratiques anticoncurrentielles telles que les abus de position dominante ou les ententes. Les associations de consommateurs sont là pour nous rappeler que les ultimes victimes de ce système sont le plus souvent les consommateurs.
Enfin, M. le secrétaire d’État a beau tenter de nous rassurer en parlant « d’un système mutualisé, plus efficace, plus indépendant et plus adapté au monde d’aujourd’hui », quand les moyens ne sont pas là, les mots n’ont plus beaucoup de sens !