Intervention de Philippe Marini

Réunion du 17 juillet 2012 à 19h30

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, président de la commission des finances :

La Cour des comptes, que je citerai une nouvelle fois, l'a fort bien dit : « L'essentiel du chemin reste devant nous ». Il faut entendre par ces mots la période visée par ce débat d'orientation des finances publiques.

Le Gouvernement, sur le plan de la méthode, nous propose, je n'hésite pas à le dire, quelques éléments bienvenus. Parmi ceux-ci, je citerai la nécessité d'encadrer les taxes affectées aux opérateurs, l'affirmation par la loi de programmation des finances publiques du monopole des lois financières sur toutes dispositions relatives aux prélèvements obligatoires, ainsi que la volonté, dont nous a fait part le Président de la République, de faire ratifier le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, au sein de l'Union économique et monétaire.

Nous le savons, mes chers collègues, le Conseil constitutionnel aura à répondre à la question suivante : cette ratification implique-t-elle une modification d'ordre constitutionnel ? Quels que soient les avis, pour le moins divergents, que j'ai entendus à ce propos au sein de la nouvelle majorité, je me permettrai de faire remarquer que le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre délégué, ne peut envisager de faire ratifier ce traité dans une loi organique, a fortiori dans une loi constitutionnelle, qu'avec la participation très large de toutes les formations politiques et l'affirmation d'une volonté commune de l'ensemble des grandes tendances de notre opinion politique.

Au-delà des instruments de gouvernance – le TSCG en est un ! –, nous pourrions également débattre de certaines hypothèses, lesquelles sont à peu près en ligne, me semble-t-il, avec les méthodes utilisées à la fin de la dernière législature.

J'ai toutefois noté, dans l'analyse très fouillée du rapporteur général de la commission des finances, la remarque suivante : d'après ses calculs, au regard des différents scénarii de croissance, reposant en particulier sur le taux de croissance potentielle, si notre économie devait croître à son potentiel, c'est-à-dire de 1, 5 % à partir de 2014, l'équilibre budgétaire ne serait pas encore atteint en 2017. Nous devons être très attentifs au fait que nous n'avons pas de marges de manœuvre.

Pour conclure cette première partie de mon propos, je regretterai, toujours sur le plan de la méthode, l'absence des informations qui figurent habituellement, à cette époque de l'année, dans le rapport gouvernemental préparatoire au débat d'orientation des finances publiques. En clair, les grandes lignes du volet « Dépenses » du projet de loi de finances pour l'année suivante ne sont pas encore explicitées, pas plus que ne l'est le détail des plafonds des crédits pour chaque mission.

Nous pouvons comprendre que le processus budgétaire ait pu être ralenti par l'alternance, mais vous admettrez aussi, monsieur le ministre délégué, que, pour le Parlement, pour le Sénat en particulier, cela aboutit à un certain manque d'informations par rapport à l'exercice tel que nous le pratiquions ces dernières années.

Mes chers collègues, je voudrais maintenant mettre l'accent sur un deuxième élément.

À mon sens, pour respecter la trajectoire du retour aux 3 %, puis à l'équilibre, il faut prendre sans tarder des mesures correctrices de très grande ampleur. Ce sera en particulier le thème du débat que nous aurons, la semaine prochaine, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012. Sans trop le déflorer, je ferai trois observations.

D'abord, on fait grief à l'ancien gouvernement de s'être trompé sur les estimations des recettes fiscales. En matière d'impôt sur les sociétés, on sait que l'exercice est techniquement très difficile. Je me permettrai simplement, monsieur le ministre délégué, de suggérer la prudence sur ce sujet, car rien ne dit que la conjoncture des années à venir ne vous placera pas, à un moment ou à un autre, à votre corps défendant peut-être, dans la même situation. Au regard de la qualité de prévision des recettes d'impôt sur les sociétés, la longue série de chiffres nous incite, les uns et les autres, à une certaine modestie.

Ensuite, et c'est un point qui, à vrai dire, me choque un peu plus, on met en vis-à-vis les 7, 1 milliards d'euros de moindres recettes, qu'il faut donc corriger, et les 7, 2 milliards de recettes nouvelles, en nous incitant à considérer que le second montant compense le premier.

À la vérité, la situation est un peu plus complexe. Alors que le premier chiffre concerne l'ensemble des administrations publiques, collectivités locales comprises, lesquelles enregistrent, notamment pour ce qui concerne les droits de mutation, une moins-value de recettes de l'ordre de1 milliard d'euros, le second montant ne concerne que l'État et la sécurité sociale.

Au demeurant, ces nouvelles rentrées fiscales, qui seraient créées par le biais du projet de loi de finances rectificative pour 2012, compenseraient aussi de nouvelles dépenses. Des dépenses ont été décidées ou engagées dans leur principe depuis le 6 mai dernier. Leur financement va forcément compliquer l'équation budgétaire des mois et des années à venir. Pour ne prendre qu'un exemple, j'évoquerai l'augmentation de 25 % de l'allocation de rentrée scolaire, financée par la hausse pérenne des prélèvements sociaux sur certaines catégories de revenus.

Enfin, je rappellerai à ce titre la préconisation de la Cour des comptes formulée en conclusion de son audit. Le Gouvernement doit s'attacher à réduire simultanément, « non pas un, mais deux déficits » : le déficit des comptes publics et le déficit de compétitivité.

À cet égard, comme l'ont souligné fort justement plusieurs orateurs, en particulier, avec ses mots et un style qui lui est propre, Francis Delattre, en matière de compétitivité, ce que nous faisons paraît être complètement à rebours tant des thèmes adoptés sur le plan européen que de la réflexion engagée par les institutions communautaires et par nos principaux partenaires européens sur l'organisation du marché du travail ou l'évolution de la fiscalité, notamment le devenir de la fiscalité indirecte.

Aussi, on ne peut pas dire que la réflexion de la nouvelle majorité politique et du Gouvernement s'inscrive dans les orientations qui se dessinent au niveau de l'Union européenne.

Enfin, je voudrais insister sur un troisième aspect : en 2013, mes chers collègues, nous aurons à franchir une très haute « marche d'escalier », entre 35 et 40 milliards d'euros, soit un peu plus de 1, 5 point de produit intérieur brut. Cet effort est l'un des plus importants que nous ayons eu à faire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'enjeu est absolument considérable.

D'où la question du partage de l'effort : que demande-t-on par le prélèvement et que demande-t-on à l'appareil public par la pression sur les dépenses ? Autant de questions qui ont été abordées par les différents orateurs qui se sont succédé.

Nous savons que le Gouvernement préconise une approche partagée moitié-moitié.

En matière de recettes, je relève que l'essentiel de l'effort à accomplir le sera entre cette année et l'année prochaine. Ce supplément de ressources représente l'essentiel de l'action discrétionnaire de maîtrise des finances publiques en 2013. C'est un effort fiscal considérable. Compte tenu des ordres de grandeur, certains, parmi nous, ont parlé dans la presse de « matraquage fiscal ».

En ce qui concerne les dépenses, à mon sens, le paysage reste caractérisé par les incertitudes. Le détail des économies à réaliser est reporté à septembre.

Certes, le Gouvernement s'est engagé à couvrir toute dépense supplémentaire par des économies à due concurrence. Mais j'ai également entendu décliner tout un catalogue de mesures, de dépenses, de dépenses fiscales, par exemple dans la déclaration de politique générale de M. le Premier ministre. Ma liste n'est certainement pas exhaustive : création d'un « livret d'épargne industrie » – il faudra le bonifier –, dispositifs fiscaux en faveur de certaines PME – il faudra les financer –, renforcement des moyens de Pôle emploi – 2 000 emplois en cours de création qui devront être financés –, création d'une allocation d'études et de formation pour les étudiants – à budgéter –, création de 150 000 « emplois d'avenir » pour les jeunes sans qualification – pareillement –, développement du service civique – pareillement –, mise en place d'un système de caution solidaire pour les jeunes locataires – il faudra trouver le capital pour financer cette caution –, plan « ambitieux » de performance thermique de l'habitat – une nouvelle dépense fiscale, sans doute –, réforme de la dépendance – s'agissant de ce thème que nous connaissons bien au Sénat, je reconnais que, sous la précédente législature, il a été considéré, après qu'elles eurent été chiffrées, que les solutions n'étaient pas évidentes.

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