Les dispositifs d'exonération de cotisations sociales ont été multipliés ces quinze dernières années, jusqu'à représenter près de 30 milliards d'euros par an, c'est-à-dire environ 10 % des cotisations revenant à la sécurité sociale.
Les rapports les plus circonstanciés ont montré que ces dispositifs généraient bien souvent des effets d'aubaine, sans réel bénéfice pour l'emploi, quand ils ne jouent pas carrément contre l'emploi, comme les exonérations des heures supplémentaires instaurées par la loi TEPA.
Pourquoi ne pas avoir sérieusement réévalué ces exonérations et au contraire en avoir créé de nouvelles, alors que la sécurité sociale connaissait déjà des déficits importants, bien avant la crise et l'aggravation de la situation économique ? C'est bien la question que nous devons aujourd'hui nous poser.
Nous constatons, avec le projet de loi de finances rectificative, que nous examinerons la semaine prochaine, mais dont nous avons déjà commencé à débattre, qu'une inflexion est enfin amorcée, puisque les exonérations TEPA seront en grande partie abrogées et que le forfait social sera majoré, comme les prélèvements sur les stock-options.
C'est un bon premier pas.
Je pense, pour ma part, qu'il faut aller plus loin. En novembre dernier, le Sénat avait amendé le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour viser ces assiettes largement exemptées de contributions sociales : les retraites chapeaux, les parachutes dorés, etc. Cela influe également sur la compétitivité.
Nous avions aussi souhaité que les allégements généraux sur les bas salaires soient mieux ciblés. Nous visions en particulier les entreprises qui abusent du recours au temps partiel. Mes chers collègues, je vous rappelle que 80 % des salariés en temps partiel sont des femmes, souvent du temps partiel subi. §Bien souvent, elles élèvent seules leurs enfants.
Il faudra poursuivre dans cette direction, monsieur le ministre, et soyez assuré que vous aurez le soutien de notre commission.
Lors de la conférence sociale, le Gouvernement a précisé ses intentions quant aux nouveaux dispositifs en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes : les emplois d'avenir, le contrat de génération. Veillons à ne pas recréer à cette occasion de nouvelles situations pénalisantes pour les finances publiques sans être pleinement justifiées au regard des objectifs visés.
Plus généralement, il faut rappeler, même si cela relève de l'évidence, que l'emploi est un déterminant essentiel pour nos finances sociales, puisque 84 % des ressources sont prélevées sur les revenus d'activité. Il est difficile d'imaginer rétablir les comptes sociaux sans agir prioritairement sur l'emploi. De ce point de vue, le gouvernement auquel vous appartenez doit avoir une action volontariste dans le traitement des plans sociaux qui se multiplient et dont une grande partie ne sont en rien des licenciements économiques, mais s'apparentent plutôt à des licenciements boursiers !
Vous avez parlé tout à l'heure de fiscalité plus juste, plus lisible. Ce ne sont pas vraiment les thèmes que la commission des finances a l'habitude d'examiner, mais sachez que nous serons malgré tout attentifs à cette nouvelle fiscalité en faveur des entreprises, qui devra en tout cas être au service de l'emploi. C'est notre souhait !
C'est pourquoi, si un rééquilibrage du financement de notre protection sociale est nécessaire, il doit être équitablement réparti, comme je le disais à l'instant, mais, surtout, il ne doit pas s'effectuer au détriment de la consommation et du pouvoir d'achat des ménages, comme le gouvernement précédent a voulu le faire avec la TVA, mesure que nous devons évidemment abroger avant qu'elle n'entre en vigueur.
Chacun a en tête la question de la contribution sociale généralisée, bien que, à ce stade, aucune décision n'ait été arrêtée. Je rappelle que près de 70 % du produit de la CSG provient des revenus d'activité, et 18 % des revenus de remplacement tels que les retraites, les allocations chômage, les indemnités de maladie. On voit bien les conséquences qu'un éventuel relèvement pourrait entraîner sur le pouvoir d'achat des plus modestes et, je vous le disais à l'instant, le rééquilibrage nécessaire à notre protection sociale ne doit pas se faire au détriment du pouvoir d'achat des ménages...
Dans le même temps, les revenus du capital ne contribuent qu'à un peu plus de 4 % des ressources de la sécurité sociale. Les taux de prélèvement ont été relevés ces dernières années, mais de manière encore bien timide quand on constate qu'ils s'établissent à 15, 5 %, alors que les prélèvements sociaux sur les salaires avoisinent les 50 %, et bien plus si l'on ajoute les cotisations aux régimes de retraite complémentaires et à l'assurance chômage.
Le Premier ministre a annoncé le lancement de travaux préparatoires, confiés au Haut conseil du financement de la protection sociale. Ils seront soumis aux partenaires sociaux avant une possible réforme législative au cours de l'année 2013. Le débat va donc s'intensifier dans les mois à venir. Sachez que vous pourrez compter sur la participation active et constructive des sénatrices et sénateurs de notre commission dans ces débats, dès cet automne lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En conclusion, je rappelle que, si les finances sociales se trouvent aujourd'hui dans une situation si dégradée, ce n'est pas seulement sous l'effet de la crise. C'est aussi la conséquence de choix politiques qui ont fragilisé notre système de protection sociale, faute d'avoir cherché une répartition plus équitable des contributions. Cette situation ne peut perdurer et exige un profond changement de politique.
C'est à se demander, d'ailleurs, si l'objectif recherché n'a pas été de faire croire que notre système de protection sociale avait atteint ses limites et qu'il était donc nécessaire de le revoir en profondeur, un peu comme l'adage populaire – après M. du Luart tout à l'heure, c'est à mon tour d'en citer un – qui dit que, lorsqu'on veut tuer son chien, on prétend qu'il a la rage... En effet, pour vous, notre système de protection sociale tel qu'il existe aujourd'hui est totalement inacceptable et doit être combattu. C'est ce que vous avez fait pendant de nombreuses années. Sachez que nous ferons en sorte de lui redonner un peu de vigueur. §
Au sein de la commission des affaires sociales, nous aurons à cœur, avec M. le rapporteur général, de rappeler notre attachement à ce système de protection sociale, tant à sa philosophie, fondée sur la solidarité, qu'à son financement, équitablement réparti !
Je tenais à insister sur les orientations qui doivent, à mon sens, être privilégiées pour donner une assise plus solide, et plus solidaire, à une sécurité sociale qui n'a jamais été aussi essentielle, eu égard aux situations difficiles que connaissent aujourd'hui nombre de nos concitoyennes et concitoyens.
Monsieur le ministre, vous parliez de trois principes, sur lesquels je crois pouvoir dire, au nom de la commission, que nous sommes d'accord.
Nous approuvons le principe de prudence, tout en ayant l'ambition de répondre aux besoins des assurés sociaux.
S'agissant de la concertation, je rejoindrai notre collègue Michèle André qui a déclaré ici même que vous pouviez compter sur la mise en œuvre de ce principe et, si besoin, sur l'appui des sénatrices et sénateurs ainsi que des rapporteurs de chacune de nos commissions, pour travailler ensemble au futur projet de loi de finances.
Enfin, vous parliez de pragmatisme. Peut-être est-ce le point commun à l'ensemble des sénatrices et sénateurs présents dans cet hémicycle. Nous sommes des élus et nous avons tous un certain sens du pragmatisme qui nous permet de régler nombre de situations qui, autrement, ne pourraient pas être résolues.