Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, il me revient de présenter, au nom du Gouvernement, le projet de loi de règlement des comptes pour l’année 2011. Apurant les comptes d’une gestion financière conduite par la majorité présidentielle précédente, ce texte permet au gouvernement de Jean-Marc Ayrault de prendre acte de la situation financière dont il hérite.
Je tiens à m’arrêter brièvement sur quelques-uns des traits majeurs de cet instantané de nos finances, en lien avec les travaux, remarquables d’exhaustivité et d’indépendance, qu’a menés la Cour des comptes à la demande du Premier ministre. Par la suite, Benoît Hamon, qui me relaiera au cours de l’après-midi pour le débat sur l’orientation des finances publiques, reviendra sur nos priorités et sur les moyens que nous entendons mettre en œuvre pour assainir nos comptes.
Le projet de loi de règlement des comptes brosse malheureusement un tableau plutôt sombre de notre situation économique et budgétaire. J’en suis conscient, le Sénat offre un espace de discussion sur les causes et les responsabilités de cette situation : chacun peut s’emparer du débat, telle est même la définition de notre action commune.
Pour ma part, je souhaite avant tout m’en tenir aux faits, c'est-à-dire à une présentation et à une mise en perspective chronologique et géographique de nos principaux indicateurs financiers.
Le règlement des comptes est un point de départ, une base sur laquelle nous pouvons fonder notre réflexion pour proposer, dans un second temps, les inflexions budgétaires nécessaires, tout d’abord dans le cadre du projet de loi de finances rectificative – le Gouvernement reviendra prochainement, à ce titre, devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs – et ensuite, à l’automne, dans celui du projet de loi de finances pour 2013.
Pour l’heure, je me contenterai de quelques constats.
Premièrement, nous héritons d’un stock de dette absolument considérable. L’an dernier, la dette publique a poursuivi sa progression, qui s’apparente à une course folle, pour s’établir à plus de 1 700 milliards d’euros, somme qui représente tout de même 86 % du PIB. Au sein de la Haute Assemblée, nul n’ignore que toutes les théories économiques s’accordent sur le diagnostic suivant : dès lors que la dette publique atteint – et nous y sommes presque ! – 90 % du PIB, la croissance est minée à la fois profondément – de l’ordre d’un point – et durablement – ce peut être pour dix ans, si l’on n’y remédie pas.
Globalement, notre dette publique a augmenté de 600 milliards d’euros au cours du quinquennat précédent. On m’opposera que cette évolution résulte d’une longue dérive, de déséquilibres anciens et par définition accumulés, puisque notre dette s’élève aujourd’hui à 1 700 milliards d’euros. Peut-être ! Toutefois, pour ma part, je retiens que cela ne la rend pas plus acceptable, bien au contraire.
De fait, la dette constitue un impôt différé dans le temps, qui fait peser sur les générations futures les risques et les errances économiques des différents pouvoirs. De surcroît, elle restreint considérablement nos marges de manœuvre : 50 milliards d’euros consacrés au service de la dette, ce sont autant de capacités en moins pour financer notre modèle social, nos politiques de relance de la croissance, bref les grandes actions publiques que les Français attendent de l’État, quel que soit le gouvernement en place.
Nous avons donc la responsabilité de maîtriser la progression de l’endettement national. Lors du débat sur l’orientation des finances publiques, le Gouvernement précisera comment il compte y parvenir. Enfin, Jérôme Cahuzac et moi-même reviendrons devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour présenter le projet de loi de finances rectificative, qui constitue la première correction nécessaire. J’évoquerai ce sujet dans quelques instants.
Deuxièmement, le déficit public s’élève encore à plus de 90 milliards d’euros en 2011. Pis, sans l’action correctrice que nous entreprenons, il aurait dérivé vers des montants représentant 5 % du PIB en 2012. Ce taux n’aurait donc été porté que de 5, 2 % à 5 % en un an, si une action volontaire complémentaire n’avait pas été décidée.
On pourrait mener une longue discussion – au demeurant, je ne suis pas certain qu’elle se révélerait très fructueuse – quant au jugement qu’il convient de porter sur ce bilan. Évidemment, comme le souligne la Cour des comptes, le déficit public a été réduit de 1, 9 point l’an dernier. Néanmoins, la moitié de cette baisse relevait de phénomènes exceptionnels ou conjoncturels, aux effets très spécifiques, d’une ampleur inhabituelle, dont on ne peut escompter la répétition.
Je le répète, 5, 2 % du PIB, cela représente une amélioration par rapport au niveau absolument exceptionnel et inacceptable de 2009, année au cours de laquelle le déficit avait atteint 7, 5 % du PIB. Toutefois, ce taux reste deux fois supérieur à celui qui permettrait de stabiliser la dette, objectif que nous visons et que nous atteindrons à compter de 2014 ; nous y sommes contraints !
Certes, ce taux de 5, 2 % est inférieur aux prévisions figurant dans la loi de programmation des finances publiques de décembre 2010. Mais, dans l’absolu, il reste très élevé. En vérité, la diminution de 1, 9 point de PIB en 2011 est comparable à l’effort accompli en moyenne au sein de l’Union européenne au cours de la même période. Au demeurant, chacun en est conscient dans cet hémicycle, notre déficit reste largement supérieur à celui de notre principal concurrent et partenaire : l’Allemagne. De fait, celle-ci a su réduire son déficit public à 1 %.
Je le précise à l’intention de ceux qui s’interrogent sur notre appartenance à la zone euro ou sur l’impact de la crise au sein de l’Union européenne, nous subissons la même crise, nous utilisons la même monnaie que l’Allemagne, et notre déficit est cinq fois plus élevé que celui de cette dernière. Il y a donc matière à s’interroger sur notre performance économique.
La crise n’explique pas tout : le taux d’endettement que je viens d’évoquer résulte principalement de l’accumulation de déficits structurels élevés avant 2007, endettement que la dernière mandature a très fortement creusé, tout particulièrement en 2008 et 2009.
En d’autres termes, je souhaite dresser le constat suivant, sans la moindre intention polémique, soyez-en assurés : l’ancienne majorité a pour ainsi dire apporté sa « touche personnelle » à la dégradation de la dette française. Quelle que soit l’interprétation que l’on tire des évolutions que je viens d’évoquer, il convient de réduire le déficit à un taux soutenable, et partant bien inférieur à son niveau actuel. Chacun en conviendra au sein de la Haute Assemblée : c’est bel et bien une nécessité.