Qu’il s’agisse du bouclier fiscal ou de la réforme de l’ISF, l’ensemble des avantages fiscaux indus concédés par le précédent gouvernement s’est élevé à 22 milliards d’euros !
Vincent Delahaye, mon collègue de l’Essonne, a dénoncé notre niveau de dépense publique. Le problème, c’est que celle-ci a progressé très significativement au cours de ces dix dernières années : alors qu’elle représentait 52 % du PIB en 2002, elle atteint 56 % en 2012 !
Pour finir, la Cour des comptes nous apprend qu’une partie des dépenses votées dans le cadre du budget 2012, soit près de 2 milliards d’euros, ne sont pas financées. La droite nous donne des leçons de bonne gestion, mais le bilan ne ment pas ! Le précédent gouvernement aura réussi le tour de force d’augmenter la dette, d’augmenter la dépense publique, d’augmenter les impôts, tout en diminuant la contribution des plus aisés. Remarquable tour de force, qui vous a d’ailleurs conduits, chers collègues, dans l’opposition !
Au-delà de ce bilan comptable peu glorieux, je souhaite insister, monsieur le ministre, sur les conséquences de l’application dogmatique de la rigueur.
Les suppressions de postes dans l’éducation, la justice ou la police, au nom de la révision générale des politiques publiques, ont gravement détérioré la qualité de nos services publics.
Les suppressions effectives d’emplois représentent, en moyenne, 31 728 emplois équivalents temps plein travaillés par an. La diminution du nombre de postes est même supérieure aux prévisions de la loi de finances initiale.
J’ai pu constater les dégâts causés par cette politique, en particulier pour ce qui concerne la mission « Sécurité », que j’ai examinée pour la commission des finances en tant que rapporteur spécial auprès de M. le rapporteur général, François Marc, que je salue.
L’option choisie pour la police nationale, malgré les discours gouvernementaux, a conduit à substituer à des emplois de fonctionnaires des emplois précaires moins qualifiés et moins rémunérés.
Dans mon département, la brigade territoriale autonome de gendarmerie de Nozay se trouve systématiquement en sous-effectif. Il ne s’agit pas là d’une considération abstraite ou d’une moyenne nationale ! La sécurité due à nos concitoyens et concitoyennes est ainsi mise en péril : on a pu observer plus de 10 000 nouvelles atteintes à l’intégrité physique des personnes. Bravo, monsieur Guéant !
Tandis que les moyens humains manquent pour assurer un climat de sécurité dans nos villes, l’insuffisance des moyens matériels est également dramatique. Les locaux sont dans un état déplorable. Les commissariats souffrent trop souvent d’un état de vétusté avancé. Non seulement cela détériore les conditions de travail du personnel, mais cela pèse aussi sur la qualité de l’accueil des victimes.
Je ne m’attarderai pas sur l’état de nos écoles : classes supprimées ou surchargées, professeurs déprimés et surmenés. La situation de notre système judiciaire n’est pas meilleure si l’on considère les interminables délais d’attente, préjudiciables tant aux justiciables qu’aux personnels de la magistrature.
Évidemment, il y aurait beaucoup à dire. Ces domaines constituent les priorités du Président de la République, et nous aurons l’occasion d’en reparler au cours de l’examen du projet de loi de finances à venir.
C’est tout notre modèle de service public qui est ébranlé. En temps de crise, la notion d’intérêt général est pourtant plus que jamais d’actualité. La valeur des biens communs et des services publics ne s’étalonne pas à l’aune de la rentabilité.
On ne peut pas demander à nos concitoyens et concitoyennes de contribuer à l’effort national, pourtant nécessaire, au nom de l’intérêt public, si on ne leur garantit pas en retour un service public de qualité.
La France possède depuis longtemps un modèle de société envié dans le monde entier, qui repose sur la solidarité et l’égalité d’accès aux biens fondamentaux. Ce modèle, abîmé par la gestion du gouvernement précédent, nous voulons le préserver pour garantir la cohésion sociale qui nous unit.
Au-delà des finances délabrées et des services publics démantelés, le sénateur écologiste que je suis déplore également, dans le bilan dont nous héritons, un accroissement incontrôlé de la dette écologique.
Qui paiera les conséquences du réchauffement climatique, de la destruction des écosystèmes ou de la fonte des glaciers, que nous léguons aux pays du Sud et aux générations futures ?
Les principes de soutenabilité et de responsabilité, qui semblent faire aujourd’hui consensus à propos de l’économie, y compris chez ceux qui ne les ont pas respectés, s’appliquent aussi à l’environnement. Nous sommes les débiteurs écologiques inconscients de notre surconsommation. Malheureusement, cette dette-là est sans doute encore plus grave que la dette économique car, si un État peut toujours restructurer cette dernière, la planète, elle, ne négocie pas.
Nous sommes arrivés à la maturité d’un système ultraproductiviste, poussant à consommer plus de ressources naturelles que celles qui sont disponibles.
La règle d’or ? J’aurais bien aimé que Nicolas Sarkozy l’applique à l’environnement et cesse ainsi de subventionner les vols aériens intérieurs ou le fret routier au détriment du rail, le diesel ou les pesticides cancérigènes !
À cet égard, je vous invite, mes chers collègues, à méditer un très beau proverbe indien. Puisse-t-il, durant ces vacances à venir, vous permettre de réfléchir : « Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée et le dernier poisson pêché, alors vous découvrirez que l’argent ne se mange pas. »