Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 17 juillet 2012 à 14h30
Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2011 — Adoption définitive d'un projet de loi en procédure accélérée

Pierre Moscovici, ministre :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai écouté attentivement cette discussion qui a été l’occasion de porter un jugement, évidemment différent selon les groupes, sur l’héritage que laisse le gouvernement précédent. Je n’ai pas voulu y insister moi-même dans mon introduction et je m’en suis tenu aux faits. Mais, outre que je suis moi-même un élu, je représente un gouvernement et une majorité : je me dois donc de répondre aux différentes observations que je viens d’entendre.

J’ai bien noté qu’à gauche de l’hémicycle vous aviez été nombreux à mettre en avant une lecture du bilan du précédent gouvernement et dans cette lecture, je tiens à le dire, je ne peux que me reconnaître.

Évidemment, le président de la commission des finances et d’autres orateurs de l’opposition ont insisté sur les résultats isolés de 2011, donnant d’ailleurs des comptes de cette année une analyse que j’ai trouvée partielle autant que partiale. Mais soyons tout de même conscients de ce qu’est 2011 : c’est une année qui s’inscrit, de manière circonstancielle, avec un résultat un peu meilleur que les autres années, dans une séquence tout simplement déplorable.

En effet, avant 2011, il y a eu toutes les années qui ont vu la dette exploser et les déficits s’accroître. Après; si nous n’avions rien fait, le déficit aurait glorieusement décru de 5, 2 % à… 5 % du produit intérieur brut et nous aurions complètement dérapé par rapport à nos engagements européens, ce qui aurait été, bien sûr, totalement inacceptable.

C’est donc la séquence d’ensemble qu’il faut considérer.

Il faut rappeler que la France a, oui, hélas ! perdu, au moins pour une agence de notation, son triple A et que cela s’est produit sous le gouvernement précédent.

Il faut rappeler qu’il y a eu une telle instabilité et une telle absence de ligne directrice sur les prélèvements obligatoires que ceux-ci ont augmenté pendant le précédent quinquennat. Je n’aurai pas la cruauté d’évoquer les engagements sur la baisse de ces prélèvements pris avant 2007… En réalité, la France a donné le mauvais exemple !

À l’Eurogroupe, auquel je participe maintenant en tant que ministre des finances, on se souvient de la visite mémorable d’un Président de la République qui n’avait rien à y faire mais qui était néanmoins venu pour expliquer que la France ne tiendrait pas ses engagements.

Quand on tient ce genre de discours, il ne faut pas s’étonner ensuite de constater des dérapages, dérapages qui se traduisent, je rappelle le chiffre – et c’est le chiffre juste –, par 600 milliards d’euros de dette publique supplémentaire pour la France.

Quant au déficit, il reste extraordinairement élevé puisqu’il est encore de 100 milliards d’euros en 2011.

On parle parfois d’« ardoise cachée » ; chacun peut utiliser l’expression de son choix en fonction de sa perception des choses. Pour ma part, je vais rester extrêmement technique.

Si votre assemblée va bientôt examiner un projet de loi de finances rectificative, que Jérôme Cahuzac présente en ce moment même à l’Assemblée nationale, cela tient à un motif très simple et incontestable : les recettes ont été mal évaluées, à hauteur de 7, 1 milliards d’euros, comme l’ont également été les dépenses, de 1, 5 milliard à 2 milliards d’euros. Il y avait donc des risques et il fallait absolument procéder à des ajustements.

Je n’insisterai pas sur les contentieux en partie dissimulés, par exemple sur le contentieux relatif aux OPCVM, dont on a peu parlé ici mais dont il a beaucoup été question à l’Assemblée nationale.

Tout cela intervient dans un contexte de prévisions économiques trop souvent optimistes. Plusieurs orateurs ont insisté sur la nécessité de présenter des prévisions sincères et de réfléchir à la manière de les objectiver. Je suis d’accord avec eux. Certes, il y a la crise et la situation internationale est évolutive, mais, tout de même, passer d’une prévision de croissance de 1, 7 % à 0, 3 % dans une année alors que l’on avait commencé – souvenez-vous – à 2 % n’est pas acceptable. Comment les assemblées parlementaires et l’exécutif peuvent-ils faire, dans ces conditions, un travail sérieux ?

Voilà le bilan tel que je le lis et, en effet, je me suis tout à fait retrouvé dans ce qui a été dit sur les travées de la majorité sénatoriale.

À droite, je me suis un peu perdu parmi des recommandations qui me sont souvent apparues comme contradictoires. Je me suis demandé s’il ne s’agissait pas de troubles bipolaires : d’un côté, certains nous reprochent l’austérité, le matraquage fiscal, pendant que d’autres, qui appartiennent pourtant à la même formation politique, nous accusent de faire preuve d’un laxisme scandaleux.

Notre objectif de stabilisation des emplois publics, qui traduit une politique courageuse, est ainsi tantôt perçu comme un relâchement, tantôt comme l’annonce de la paupérisation de la fonction publique. Vous choisirez votre ligne, mais, pour l’instant, vous ne l’avez pas encore fait et c’est ce qui donne un côté obscur et confus aux propos que j’ai pu entendre.

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