Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 17 juillet 2012 à 14h30
Orientations des finances publiques — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales :

J’ai détaillé dans mon rapport écrit les dernières évolutions des comptes sociaux au vu de la clôture de l’exercice 2011 et des prévisions présentées il y a quelques jours devant la commission des comptes de la sécurité sociale.

En 2011, le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, FSV, s’est élevé à 20, 8 milliards d’euros, soit 1 milliard d’euros de moins que le montant retenu dans la dernière loi de financement.

En revanche, l’année 2012 devrait s’achever en présentant une situation plus dégradée que ne le laissaient présager les prévisions. Aucun gros risque de dérapage des dépenses de sécurité sociale n’a été identifié mais, avec une croissance à l’arrêt, les recettes fléchissent. Sans mesure correctrice, le déficit s’alourdirait de 2 milliards d’euros par rapport au montant de la loi de financement et serait peu ou prou identique à celui de 2011, soit 20 milliards d’euros.

La crise a fait exploser le déficit du régime général. Depuis 2009, il dépasse chaque année, FSV inclus, plus de 20 milliards d’euros, avec un record absolu de 28 milliards d’euros en 2010 !

Mais la crise n’explique pas tout. Elle a aggravé le déficit structurel persistant des comptes sociaux, de l’ordre de 10 milliards par an, déficit qui n’a pas été véritablement traité au moment où le contexte économique s’y prêtait bien plus qu’aujourd’hui. Comme l’a indiqué devant nos commissions des finances et des affaires sociales le Premier président de la Cour des comptes, « la France est entrée dans la crise avec une dette trop élevée et des comptes en déficit structurel ».

Face à ces déficits et à la nécessité de financer la dette sociale, le précédent gouvernement a additionné des réajustements ponctuels, opérés sans logique d’ensemble, au gré des urgences du moment et au détriment de la recherche de financements plus solides, répondant réellement à l’évolution des besoins à moyen terme.

La dette sociale a gonflé. C’est ainsi que, l’an dernier, 65 milliards d’euros correspondant aux déficits des trois années 2009 à 2011 ont été transférés à la caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES. Autre exemple, 62 milliards d’euros supplémentaires sont prévus de 2012 à 2018 au titre des déficits de la branche vieillesse. Et une partie des déficits restera à financer, comme ceux des branches maladie et famille de 2012 ou celui du régime de retraite des exploitants agricoles. J’ajouterai le déficit de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, qui reste pendant depuis trois ans. Nos collègues Catherine Deroche et Jean-Pierre Godefroy viennent de présenter sur ce sujet, dans le cadre de la MECSS, un rapport particulièrement pertinent.

S’agissant des perspectives pour 2013 et au-delà, la Cour des comptes a effectué des projections qui aboutissent à des résultats très sensiblement différents de ceux qui nous avaient été présentés lors du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale et qui avaient pourtant été révisés en cours de discussion au vu de la dégradation des hypothèses de croissance.

La branche vieillesse ne parviendrait pas à résorber ses déficits qui resteraient supérieurs à 10 milliards d’euros par an, CNAV, et FSV confondus. Nous sommes loin du retour à l’équilibre à l’horizon 2018 annoncé lors de la réforme des retraites !

Nous connaissions la fragilité de ce scénario fondé sur une hypothèse de retour progressif au plein-emploi et de transfert de cotisations de l’UNEDIC vers l’assurance vieillesse.

Selon la Cour des comptes, la branche famille resterait également en situation de déficit prolongé, de l’ordre de 2 milliards d’euros par an, notamment du fait du moindre rendement des recettes qui lui ont été affectées en substitution d’une part de CSG transférée à la CADES. Là aussi, nous avions alerté sur les risques de déséquilibrage de la branche, qui sont malheureusement désormais avérés.

Enfin, la Cour des comptes estime qu’il faudrait entre six et douze ans, selon le niveau de l’ONDAM, pour arriver à équilibrer les comptes de l’assurance maladie.

Au total, sans mesures correctrices, les déficits cumulés du régime général depuis 2012 pourraient atteindre 155 milliards d’euros en 2020, soit environ 100 milliards de plus que le montant des transferts des déficits vieillesse à la CADES déjà programmés jusqu’en 2018.

Face à cette situation et sans attendre le prochain PLFSS, le Gouvernement a déjà pris ou annoncé plusieurs décisions qui concilient deux objectifs : d’une part, préserver notre niveau de protection sociale, avec une priorité pour nos concitoyens les moins favorisés, d’autre part, amorcer résolument la réduction du déficit.

L’abrogation de la TVA sociale écartera la ponction injuste que le précédent gouvernement avait programmée sur le pouvoir d’achat des ménages. Les cotisations d’allocations familiales étant maintenues à leur niveau actuel, la hausse de deux points du prélèvement social sur les revenus du capital, entrée en application ce mois de juillet, constituera une ressource nette pour la sécurité sociale. Elle permettra de financer la majoration de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, mais également d’alimenter la branche vieillesse pour un montant de 2, 2 milliards d’euros par an à compter de 2013.

Plusieurs niches sociales seront réduites, notamment avec le passage de 8 % à 20 % du forfait social.

Enfin, le décret du 2 juillet sur l’âge d’ouverture du droit à pension de vieillesse procède à un relèvement de 0, 2 point des cotisations à compter du 1er novembre, porté progressivement à 0, 5 point d’ici à 2016 et réparti pour moitié entre part patronale et part salariale. Cette recette nouvelle garantit le financement du retour à la retraite à soixante ans en faveur des salariés ayant commencé à travailler à 18 ou 19 ans, tout en procurant un surplus de ressources à la CNAV.

Au total, ces premières mesures représentent déjà un gain net de ressources pour la sécurité sociale de près de 1, 5 milliard d’euros en 2012, ce qui permettra de revenir à un niveau de déficit proche de celui qui a été voté en loi de financement, puis de 5 milliards d’euros par an à compter de 2013.

Cet effort sera équitablement réparti. Il vise en priorité des revenus jusqu’ici peu ou pas sollicités pour le financement de notre protection sociale.

Il n’est pas exclusif de mesures de justice – je pense aux salariés ayant suffisamment cotisé pour bénéficier du taux plein, auxquels deux années de travail supplémentaires avaient été imposées – ni de mesures de soutien du pouvoir d’achat des familles modestes, avec la majoration de l’allocation de rentrée scolaire.

Ce premier pas devra être prolongé.

Nous nous trouvons aujourd’hui face à une situation extrêmement dégradée des comptes sociaux, sans équivalent dans le passé, avec 90 milliards d’euros de déficits cumulés pour le régime général et le FSV sur les seules années 2007 à 2011, et 20 autres milliards d’euros à venir en 2012.

Les orientations prises depuis quelques semaines montrent la bonne direction et témoignent d’une volonté très claire ne pas laisser la situation se détériorer davantage. Une action résolue est amorcée en même temps qu’est préservée la situation de nos concitoyens les moins favorisés.

Avec les recettes nouvelles qui vont être mises en place, un pas important sera fait sur la voie de la réduction du déficit. En s’attaquant à un certain nombre de niches sociales, elles vont dans le sens d’une réforme plus structurelle, dont nous savons tous qu’elle sera nécessaire.

Au cours de la dernière décennie, le financement de la sécurité sociale a donné lieu à une multiplicité de mesures qui l’ont rendu plus complexe et beaucoup plus instable. Cette évolution n’a pas favorisé, bien au contraire, le traitement des déficits récurrents.

Le Premier ministre a souhaité saisir le Haut Conseil du financement de la protection sociale sur les évolutions possibles du système actuel, notamment en termes de diversification des recettes, dans la perspective d’une concertation avec les partenaires sociaux, puis d’une réforme législative en 2013.

Une réforme du financement de la sécurité sociale devra nécessairement répondre à deux enjeux : premièrement, assurer un niveau global de ressources en accord avec les besoins des régimes sociaux, ce qui impliquera nécessairement la majoration de ces ressources eu égard aux déséquilibres persistants ; deuxièmement, définir la part respective des différentes formes de ressources, le cas échéant après en avoir imaginé de nouvelles, de la manière la plus optimale au regard d’objectifs clairs, à savoir une plus grande équité entre les différents types de revenus et d’assiettes d’imposition, sans ignorer la recherche d’une meilleure compétitivité de notre pays.

S’agissant des dépenses, c’est pour la branche vieillesse que les perspectives déficitaires sont aujourd’hui les plus accentuées. L’essentiel des mesures de financement prises ou annoncées ces dernières semaines lui sera affecté. Elles devraient permettre de couvrir près de la moitié du besoin de financement à moyen terme, mais ne suffiront pas à résorber le déficit.

Dans le cadre des concertations prévues en 2013, il s’agira de travailler à la définition de paramètres justes et équitables tout en permettant à notre système de retraite d’atteindre l’équilibre financier.

Il sera également nécessaire d’agir en profondeur sur les ressorts de la dépense d’assurance maladie.

Au-delà de la poursuite d’actions déjà engagées, comme la diminution du prix des produits de santé, notamment des médicaments génériques, des mesures plus structurelles devront être envisagées.

De toutes les réflexions conduites ces derniers mois, un large consensus émerge désormais autour du renforcement de la pertinence et de l’efficience des parcours de soins et des séjours hospitaliers, dans un double objectif d’amélioration de la qualité des prises en charge et d’optimisation dans l’utilisation des ressources.

L’organisation d’un véritable parcours de santé, prolongement du parcours de soins, constituera l’axe central des efforts à mener.

De nombreuses sources de surcoût sont à éliminer, tout en rendant l’accès aux soins plus rapide et en améliorant la qualité de la prise en charge.

Ces mesures supposent, de la part de tous les acteurs, une forte mobilisation qu’il faut désormais concrétiser.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, les observations que je souhaitais présenter, au nom de la commission des affaires sociales, dans le cadre de ce débat sur les orientations des finances publiques, qui prépare des choix déterminants pour notre pays.

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