Le courage, ensuite, d’interroger l’efficacité du crédit impôt recherche, dont il est évident, au vu de la croissance constatée depuis sa réforme, qu’il n’a pas permis de sortir notre pays, notamment notre industrie, de la spirale du déclin dans laquelle ils se trouvent pour le moment entraînés.
Le courage, encore, de remettre en question la défiscalisation des heures supplémentaires, dont la pertinence macro-économique est avérée comme négative et qui constitue un véritable non-sens dans une période de croissance continue du chômage.
J’observe que cette croissance du chômage va de pair avec une modération salariale quasi inégalée dans tous les secteurs, le privé ne faisant, en la matière, que s’aligner sur le gel de la rémunération des agents publics.
Il faut avoir le courage, enfin, d’évaluer, de corriger et de mettre en cause les politiques d’allégement du prétendu « coût du travail » : en dix ans, elles ont majoré la progression de la dette publique de l’État et de celle de la sécurité sociale.
« Coût du travail » : rien que le concept est déjà, mes chers collègues, le signe d’un certain renoncement, tout le contraire du courage.
Parler de « coût du travail », en effet, signifie que l’on capitule avant même d’avoir combattu face à une manière de présenter le pacte social de notre pays, son modèle social pour tout dire, comme l’illustration par excellence des errements du passé !
D’une part, parce que ce prétendu « coût du travail » n’est pas si élevé que cela. §Je rappelle à ceux qui l’auraient oublié que la part des salaires dans le PIB, cotisations sociales comprises – j’insiste sur ce point –, est plus faible aujourd’hui qu’en 1970, au terme des Trente Glorieuses.
D’autre part, parce que, mes chers collègues, il faut bien s’entendre sur les mots : le « coût du travail », c’est d’abord le salaire net touché tous les mois par chaque salarié.
Ce n’est pas toujours une très grosse somme, notamment pour ceux qui goûtent aux délices de la précarité, du temps partiel imposé et du SMIC comme seule référence. À cet égard, le récent décret de revalorisation de ce salaire minimum a juste montré que cette rémunération n’était décidément pas à la hauteur.
C’est d’abord cela, le « coût du travail ». C’est, ensuite, un salaire socialisé : celui qui permet au malade de se soigner, au chômeur de disposer d’une allocation compensant quelque peu la perte de son emploi et du salaire subséquent, au retraité de jouir d’une pension, fût-elle modeste, et à la famille nombreuse de se loger à moindres frais, grâce aux allocations logement.
Ce fameux coût de travail est donc un outil qui permet tout de même à plusieurs millions de nos compatriotes d’être retraités sans devoir mendier, à des millions de familles de faire face au quotidien, à des salariés privés d’emploi d’être indemnisés et à tous – ou presque, en tout cas en principe – de se soigner. Et c’est cela, mes chers collègues, qu’il faudrait réduire, au nom d’une rigueur qui n’a pas grand-chose à voir avec le courage, mais beaucoup avec le développement des inégalités sociales ?
S’attaquer ainsi au travail, car c’est bien de cela qu’il s’agit en définitive, c’est mettre en cause ce qui fonde notre société même, c'est-à-dire le vieux rêve républicain de la justice sociale que la France a toujours porté et qu’elle portera encore longtemps !
Aussi, il faut avoir le courage de s’attaquer aux autres coûts, aux frais financiers et bancaires toujours plus élevés exigés des entreprises comme des ménages quand ils sollicitent un crédit – sans que ce soit, du reste, d’un quelconque secours pour les salariés des banques eux-mêmes, victimes eux aussi à l’occasion de plans sociaux ! –, au versement de dividendes toujours plus importants aux actionnaires de nos grands groupes comme des plus petites PME tenues sous leur férule, de tout ce qui fait gaspillage de capitaux, de richesses, de tout ce que crée le travail.
Il faut avoir le courage de revisiter, sans exclusive, sans tabou, sans limite, tout ce qui a été fait depuis dix ans – et pour un certain nombre de choses, au-delà – et qui a conduit, dans les faits, à mettre en place une solidarité nationale des plus modestes et des plus pauvres en faveur des plus riches.
« Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques » : cette phrase, vous l’aurez bien sûr reconnue, est de Jean Jaurès, tirée du fameux Discours à la jeunesse, prononcé en 1903.
C’est à ce courage-là que nous entendons, pour notre part, faire référence dans les semaines et mois à venir, pour porter au plus haut point la nécessaire mise en question des choix du passé, qui ont conduit les comptes publics, l’État et, par voie de conséquence, les Français eux-mêmes aux pires difficultés.
Au lendemain de la fête nationale, il reste de nombreuses Bastilles à prendre : celles de l’argent, du mépris et de l’ignorance. Il y a un besoin de changement évident, qui doit trouver place dans la gestion des affaires publiques, jusqu’au cœur des textes fondant cette dernière elle-même, à savoir le budget et la loi de financement de la sécurité sociale.
Le changement, c’est urgent ! Les attentes sont immenses. Voilà la tâche que, sans peur et avec détermination, les parlementaires du groupe CRC entendent accomplir.