Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la Cour des comptes, dans son rapport présenté le 2 juillet dernier, qualifie la situation de nos finances publiques de « préoccupante ».
En effet, avoir une dette qui dépasse déjà 1 700 milliards d’euros et qui pourrait aller au-delà de 90 %, et même de 100 % du PIB dans les prochaines années si nous ne réagissons pas très vite, c’est plus que préoccupant, c’est alarmant !
L’emballement de la dette risque de nous priver de toute marge de manœuvre pour nos politiques publiques et menace même notre souveraineté. C’est pourquoi nous devons tout mettre en œuvre pour redresser les comptes de la nation et assurer la soutenabilité de notre dette. Et ce ne sera pas une mince affaire, car l’incohérence, je dirais même parfois l’inconscience, qui a pu caractériser certains choix des politiques fiscales de la précédente législature nous oblige à assumer aujourd’hui un très lourd héritage.
En effet, la précédente majorité n’a pas réellement maîtrisé les finances publiques, c’est le moins que l’on puisse dire. La « performance » du Gouvernement en ce qui concerne la réduction du déficit en 2011 n’est qu’une vaste illusion, car ce dernier avait été artificiellement augmenté en 2010 pour pouvoir, ensuite, être présenté comme diminué. Et sur les 58 milliards d’euros de baisse du déficit, plus de la moitié correspond à des éléments exceptionnels ou conjoncturels, comme la fin du plan de relance.
En outre, la crise n’explique pas tout. Elle ne peut être seule responsable de la dégradation de nos finances publiques, comme l’a souligné d’ailleurs la Cour des comptes à plusieurs reprises. En tout état de cause, l’équilibre des comptes publics ne semblait pas être une priorité du précédent gouvernement, si l’on constate la dégradation du solde structurel entre 2006 et 2010 : en quatre ans, le déficit structurel est en effet passé de 2, 3 % à 4, 8 % du PIB.
Enfin, contrairement au discours officiel, qui mettait l’accent sur la maîtrise des dépenses publiques pour réduire le déficit, la droite a privilégié en réalité les hausses d’impôts pour atteindre cet objectif. Nous ne pouvons que prendre acte de ce qui a été fait et en tirer les leçons qui s’imposent pour améliorer la situation dans laquelle se trouve la France.
Oui, c’est à nous, parlementaires de la majorité, qu’il incombe désormais de relever notre pays et d’être à la hauteur des attentes de nos concitoyens en matière de justice fiscale et de développement économique.
C’est vers l’avenir que nous devons regarder aujourd’hui, et ce débat d’orientation des finances publiques en est bien sûr l’occasion, car il est impératif de relancer la croissance et l’emploi, mais également de rétablir la justice fiscale qui a fait cruellement défaut ces dix dernières années.
Mes chers collègues, je commencerai par ce point, car la justice, et plus particulièrement la justice fiscale, est un principe fondamental auquel les radicaux de gauche et les autres membres du RDSE sont tous très attachés.
Entre 2002 et 2011, la pression fiscale s’est accrue pour un grand nombre de ménages modestes et de petites entreprises, tandis qu’elle a diminué pour les plus fortunés et les grandes sociétés. En remédiant à cette situation et en remettant la justice fiscale au cœur des réformes visant à rétablir l’équilibre des comptes publics, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault veut restaurer la confiance des Français dans l’action publique et l’avenir de notre pays.
Le souci de justice et d’équité est bien présent dans le projet de loi de finances rectificative que nos collègues députés examinent depuis hier.
Il s’agit bien sûr d’un premier acte, d’un premier signal fort adressé aux Français, mais aussi aux marchés et à nos partenaires internationaux. La France respectera l’objectif de ramener le déficit à 4, 5 % du PIB cette année et à 3 % l’an prochain. Les efforts nécessaires pour atteindre ces buts seront équitablement répartis et ne plongeront pas les ménages les plus modestes dans des difficultés encore plus grandes.
Ainsi, ce collectif budgétaire, en instaurant une « contribution exceptionnelle sur la fortune », revient sur la réforme de l’ISF de 2011, qui a entraîné un manque à gagner de 500 millions d’euros pour le budget de l’État. Cette mesure était non seulement injuste, mais aussi très inopportune, à un moment où l’État avait grandement besoin de recettes pour faire face à la crise et redresser les comptes publics.
Le Gouvernement a d’ores et déjà annoncé qu’il reviendrait plus en détail sur ce dossier à l’occasion du projet de loi de finances pour 2013, ce dont je me réjouis.
Le collectif budgétaire qui nous sera soumis dès la semaine prochaine, mes chers collègues, comporte plusieurs autres propositions qui permettront de rééquilibrer notre système fiscal.
Après cette première série de mesures, qui devrait rapporter 7, 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires en 2012, c’est surtout 2013 qui sera une année cruciale quant au respect de nos objectifs de réduction du déficit public. Les efforts que devront fournir les entreprises et les ménages seront, il est vrai, particulièrement importants, comme l’a annoncé la Cour des comptes et le prévoit le Gouvernement. Toutefois, encore une fois, ils devront être équitablement répartis.
Dans cette perspective, le Gouvernement annonce notamment une réforme de l’impôt sur le revenu, avec la création de deux tranches supplémentaires, à 45 % et à 75 %. Toutefois, vous le savez, cela ne suffira pas à résoudre les nombreuses carences de notre impôt sur le revenu. Pour cela, il faudrait une réforme beaucoup plus ambitieuse, qui permettrait de fusionner l’impôt sur le revenu, la CSG et une grande partie des cotisations sociales salariées, afin de créer un impôt unique sur le revenu, véritablement progressif.
Certes, une telle réforme sera complexe, mais elle est possible et, surtout, elle est souhaitable. Je vous invite, monsieur le ministre, à prendre au sérieux une telle perspective.
De plus, les efforts annoncés pour réduire les niches fiscales sont bien évidemment louables et devront être poursuivis. Il convient en effet non seulement de réduire, mais aussi de supprimer un certain nombre de dépenses fiscales. Pour cela, il est impératif de mettre en œuvre rapidement une évaluation indépendante de l’efficacité économique, sociale et environnementale de ces dispositifs.
En effet, l’exonération des heures supplémentaires mise en place par la loi TEPA de 2007 est l’un des exemples les plus emblématiques de niche inefficace. Elle a contribué à accroître le chômage et n’a pas permis de relever le pouvoir d’achat des ménages, grevé par une série d’autres mesures. Il était donc grand temps de la supprimer, et ce sera chose faite dès l’adoption du collectif budgétaire.
Enfin, concernant la fiscalité des entreprises, il faudra poursuivre les efforts engagés pour lutter contre l’optimisation fiscale, car les taux d’imposition implicites des entreprises, notamment des plus grandes d’entre elles, s’éloignent très largement du taux facial d’impôt sur les sociétés. En 2008, le Conseil des prélèvements obligatoires évaluait ainsi le taux d’imposition implicite des entreprises du CAC 40 à 8 % seulement, contre 22 % pour les PME.
Certes, la multiplication des stratégies d’optimisation fiscale a été facilitée, il faut le reconnaître, non seulement par des mesures adoptées lors des deux précédentes législatures, comme la tristement fameuse « niche Copé » sur les plus-values à long terme, qui a tout de même coûté près de 3 milliards d’euros à l’État entre 2006 et 2009, mais aussi par la complexité de notre système juridique et fiscal. Il conviendra donc d’ouvrir un grand chantier pour simplifier ce système, le rendre plus lisible et aussi plus juste, pour toutes les entreprises.
Mes chers collègues, j’en viens maintenant à la priorité qui doit être accordée à la relance de la croissance et de l’emploi.
À l’échelle nationale, quelques initiatives se dessinent : les contrats de génération et la création de 150 000 emplois d’avenir sont une piste déterminante pour favoriser l’emploi des jeunes et des seniors, particulièrement faible dans notre pays.
Les mesures en faveur du pouvoir d’achat sont également essentielles pour relancer la consommation et la croissance. L’abrogation de la TVA sociale dans la prochaine loi de finances rectificative mérite, à ce titre, d’être saluée.
D’autres gestes ont été déjà annoncés en faveur du pouvoir d’achat des ménages les plus fragiles : revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire ou encore « coup de pouce » au SMIC.
Nous devons soutenir également les entreprises : la Banque publique d’investissement permettra de remettre la finance au service de l’économie réelle. Néanmoins, il faudra aussi, plus largement, lancer le grand chantier de la compétitivité des entreprises.
Enfin, la croissance, notamment l’augmentation de notre croissance potentielle, passera avant tout par le capital humain et l’innovation. En ce sens, la priorité accordée aux domaines de l’éducation et de la recherche est fondamentale.
Toutefois, c’est aussi, et surtout, à l’échelon européen que nous devons agir pour favoriser la croissance. C’est d’ailleurs grâce à la détermination du Président de la République que l’Europe a pu sortir de l’impasse. Ce formidable élan, déjà engagé lors du dernier Conseil européen, doit se poursuivre et s’amplifier.
Le Pacte pour la croissance et l’emploi, d’un montant de 120 milliards d’euros, marque un revirement incroyable par rapport à la stratégie qui nous était proposée il y a encore quelques mois et qui se résumait en deux mots : rigueur et austérité. Or, comme l’exemple grec l’a tristement illustré, ce ne sont pas des plans d’austérité aveugles, qui ne laissent aucun souffle possible pour la reprise de la croissance, qui nous permettront de sortir de la crise de la zone euro.
Non, mes chers collègues, pour sortir renforcés de cette crise, nous avons besoin de politiques économiques et budgétaires communes. Nous avons besoin d’une véritable union politique et d’un fédéralisme budgétaire !
En effet, la crise que nous connaissons n’est pas seulement financière et économique : elle est, aussi, une crise de gouvernance. Nous, radicaux, ne cessons de le répéter à cette tribune et ailleurs depuis nombreuses années.
Le renforcement de l’intégration européenne est aujourd’hui le seul moyen de retrouver la croissance. Ce mouvement devra s’accompagner d’un renforcement démocratique de l’Union européenne. Une Europe unie, solide économiquement et protectrice : voilà ce que nous voulons !
Mes chers collègues, ce fédéralisme n’est ni un vain mot ni une utopie. Aujourd’hui, cette Europe politique est à portée de main. Les efforts de la France ont permis d’accomplir des avancées importantes concernant la mise en place d’une coopération renforcée, avec au moins neuf États membres, pour instaurer une taxe sur les transactions financières.
Pour être totalement efficace, une telle taxe devra bien sûr être appliquée par un nombre maximum d’États, mais cette coopération renforcée n’en constitue pas moins un premier pas non négligeable : cette avancée prouve que la situation n’est pas figée et que les marchés financiers ne sont pas appelés à régner en maîtres indéfiniment. De même, l’instauration de l’union bancaire qui, il y a peu encore, nous était présentée comme une hérésie, est bel et bien en marche aujourd’hui. Enfin, la supervision intégrée des banques constituera un réel progrès.
Je me réjouis d’ailleurs d’observer que d’autres idées, que les radicaux de gauche ont été les premiers, et même longtemps les seuls, à porter et à défendre, comme la mise en œuvre d’un véritable gouvernement économique européen ou l’émission d’euro-obligations, font aujourd’hui leur chemin et trouveront, je l’espère vivement, une concrétisation prochaine.