Notre amendement vise à supprimer la dérogation accordée aux établissements de commerce de détail d’ameublement leur permettant d’ouvrir le dimanche. Sa place, à l’article 24 du projet de loi, n’est pas le fruit du hasard : si l’on peut faire des soldes toute l’année, le Gouvernement ne tardera pas à nous proposer de revenir sur la règle du repos dominical !
Mais il faut croire que certains commerces, dont l’ameublement, n’avaient pas la patience d’attendre cette loi de commande…
Il faut dire que les sanctions se multiplient à leur égard. En avril dernier, Ikea, pour ne citer que lui, a été condamné à verser 450 000 euros au syndicat Force ouvrière, condamnation assortie d’une astreinte de 150 000 euros par dimanche travaillé. Cela commence à faire cher l’infraction au code du travail !
Volant au secours des professionnels hors la loi, la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs organise une dérogation de circonstance au profit des magasins d’ameublement, comme le reconnaissait d’ailleurs très tranquillement le rapporteur de ce texte au Sénat.
Il a été avancé que les sénateurs auraient « répondu au souhait exprimé par les salariés volontaires de pouvoir travailler le dimanche » ! Notre collègue Isabelle Debré, à l’origine de ce grave retour en arrière, a même insisté dans ses déclarations à la presse sur la nécessité que ces heures soient payées à 200 % !
Pourtant, si le code du travail a bien été modifié par cet amendement, il n’est aucunement question de volontariat ou de majoration de salaire.
De toute façon, nous savons le bien, ce ne sont là que des chimères. Ni le prétexte du volontariat ni celui de la majoration de salaire ne sont recevables : le volontariat est une illusion, tant le rapport salarié-employeur est inégalitaire. Quant aux majorations de salaire, elles disparaissent dès que le travail dominical devient la règle.
De plus, nous considérons que les dérogations existantes sont suffisamment nombreuses. Contrairement à une légende assez largement répandue, les salariés et professionnels travaillant le dimanche sont d’ores et déjà très nombreux.
Selon l’INSEE, et notamment d’après les études de la DARES, plus de 3 millions d’actifs travaillent régulièrement le dimanche dans notre pays. Et ils sont déjà plus de 4, 5 millions à le faire de façon plus occasionnelle.
On est donc loin de la France qui ne travaillerait pas assez !
Le dimanche doit demeurer un jour de repos commun pour la majorité des salariés. Le supprimer dans le commerce, c’est le supprimer pour un ensemble de professions qui seront forcément concernées par l’ouverture des magasins : les crèches, le nettoyage, les transports, les services bancaires et financiers, les services postaux, et bien d’autres encore.
À ce titre, il est assez choquant d’entendre, au xxie siècle, des femmes défendre la suppression du repos dominical au motif qu’elle serait demandée par les familles monoparentales !
Cela nous montre que les esprits rétrogrades traversent les siècles et qu’il faut toujours faire preuve de vigilance.
Le vrai problème de ces familles monoparentales qui demanderaient à travailler le dimanche ne serait-il pas plutôt leur salaire et leur difficulté à vivre décemment quand le pouvoir d’achat est au plus bas ?
En ce qui concerne les « effets bénéfiques » pour l’emploi et la croissance, ils relèvent de l’incantation et sont contestés par de nombreux économistes. Les mouvements de consommation seront juste déplacés ; on ne consommera pas plus pour autant : ce qu’on aura consommé le dimanche, on ne le consommera plus la semaine. Les salaires, quant à eux, ne sont pas revalorisés. C’est une constante.
En 1989, un rapport du Conseil économique et social avait déjà détruit un à un les arguments qu’on nous sert aujourd’hui. On y affirmait que la généralisation du travail le dimanche entraînerait la destruction du commerce de proximité, l’affaiblissement financier des fournisseurs, le développement du consumérisme et, par-dessus tout, l’exclusion familiale et sociale des employés travaillant ce jour-là.
Il existe de véritables réponses au problème du pouvoir d’achat des salariés : supprimer le temps partiel contraint et donner une suite positive aux luttes qui se multiplient dans le secteur en augmentant les salaires.
N’en déplaise au Président de la République, qui déplorait la fermeture du magasin Vuitton sur les Champs-Élysées, nous considérons, pour notre part, que la loi Sarrier vaut bien un sac !