Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 18 juillet 2012 à 14h30
Traité d'amitié et de coopération avec la république islamique d'afghanistan — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous m’ayant interrogé sur ce point, je voudrais, avant d’aborder le sujet qui nous occupe cet après-midi, vous faire part de la réaction du Gouvernement français à l’annonce de l’attentat ayant notamment coûté la vie au ministre de la défense syrien.

Nous ne connaissons pas encore les circonstances exactes dans lesquelles cet attentat s’est produit. En tout état de cause, il s’agit évidemment d’un acte d’une extrême importance, qui montre à quel degré de violence on en est parvenu à Damas même. Je tiens à souligner que le Gouvernement français a toujours condamné le terrorisme.

Cela étant dit, de tels actes de violence rendent d’autant plus nécessaire et urgente une transition politique qui permette au peuple syrien d’avoir un gouvernement reflétant ses aspirations profondes. C’est la position constante de la France, que nous défendons en ce moment même au Conseil de sécurité des Nations unies.

Lorsque nous aurons obtenu davantage de précisions sur les conditions dans lesquelles l’attentat a eu lieu, je me tiendrai bien entendu à la disposition du Sénat pour un plus ample commentaire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement soumet aujourd’hui à votre examen le projet de loi autorisant la ratification du traité d’amitié et de coopération signé entre la France et l’Afghanistan le 27 janvier 2012, en application de l’article 53 de la Constitution.

Ce traité, signé pour vingt ans, inscrit la relation franco-afghane dans la durée et affirme l’engagement de long terme de la France auprès du peuple afghan. Alors que nous retirons nos troupes d’Afghanistan, il est important que nous adressions un signal clair de notre volonté d’accompagner ce dernier.

Signé sous la précédente majorité, ce traité s’inscrit dans une trajectoire, concertée avec nos alliés, de soutien à la transition, conformément aux engagements pris par le Président de la République, M. François Hollande.

J’ajoute qu’il s’agit du premier traité de l’histoire des relations franco-afghanes, ainsi que du premier traité signé par l’Afghanistan avec un État extérieur à la région. Il sert et servira d’exemple pour d’autres partenariats, signés récemment ou en préparation, entre l’Afghanistan et des États tiers ou des organisations internationales.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la situation en Afghanistan revêt une importance toute particulière. Nous le savons depuis longtemps, elle affecte la paix et la stabilité de l’ensemble de la région et a des répercussions bien au-delà.

C’est l’intérêt de la France que l’Afghanistan s’engage sur la voie de la paix et de la stabilité, et c’est notre volonté d’y contribuer.

En 2001, à la suite des attentats du 11 septembre, nous nous sommes engagés dans la lutte contre le terrorisme, afin de priver Al-Qaïda des bases afghanes à partir desquelles cette organisation opérait. Cela impliquait également une aide à la construction d’institutions afghanes aussi solides et légitimes que possible.

Un peu plus de dix ans après, la situation a changé. Avec des succès et des échecs, l’intervention internationale a contribué à transformer l’Afghanistan. Une constitution a été adoptée en 2004 et de nouvelles institutions ont été mises en place. Ben Laden a été trouvé et tué. Al-Qaïda ne bénéficie plus de refuges sur le territoire afghan.

Dans ce contexte, le Président de la République a pris l’engagement de retirer nos troupes combattantes d’Afghanistan d’ici au 31 décembre 2012. Je veux saluer une fois de plus l’engagement et le courage de notre armée. Elle a rempli sa mission dans des conditions périlleuses ; quatre-vingt-sept soldats sont morts au service de la France. Je leur rends aujourd’hui hommage.

Notre décision de retrait a été confirmée aux autorités afghanes, qui l’ont approuvée, et à nos alliés et partenaires, qui – la dernière réunion de Chicago en témoigne – en ont bien compris le sens.

Cette démarche est cohérente avec le cadre de la « transition » fixé conjointement par la communauté internationale et par les Afghans sous l’égide des Nations unies. Le processus prévoit le transfert progressif des responsabilités de sécurité aux forces de sécurité afghanes. Les zones transférées incluent le district de Surobi et la province de Kapisa, où plusieurs d’entre vous se sont rendus et où ont été déployées les forces françaises.

Mais, et là est l’essentiel au regard du texte qui nous occupe cet après-midi, notre retrait militaire ne signifie nullement un abandon de l’Afghanistan ; au contraire, s’ouvre une période nouvelle pour notre coopération civile.

Quels sont les principes qui guideront notre action dans cette nouvelle phase qui débute pour l’Afghanistan et pour les relations franco-afghanes ?

Le premier enjeu est de favoriser le passage d’une économie et une société de guerre à une économie et une société de paix. Un tel objectif est très ambitieux, dira-t-on ; de fait, il l’est, mais la reconstruction et le retour vers la paix d’un pays qui est plongé depuis des décennies dans la guerre représentent un changement absolument massif.

Le développement économique et social de l’Afghanistan est la première condition d’un retour durable à la paix et à la stabilité. C’est pourquoi le cœur de notre engagement sera la coopération civile.

C’est aussi dans cet esprit que la France appuie un processus de paix conduit par les Afghans eux-mêmes et associant toutes les composantes de la société afghane : le Gouvernement, l’opposition légale, la société civile. La réconciliation nationale devra s’adresser à ceux des insurgés qui sont prêts à rompre tout lien avec Al-Qaïda, à renoncer à la violence et à respecter la Constitution. Le processus devra bénéficier du soutien des pays de la région – ce n’est pas le plus facile –, notamment, mais pas seulement, du Pakistan.

En deuxième lieu, la France s’engagera en Afghanistan de manière forte. Il est ainsi prévu que notre aide à ce pays augmente de 50 %, pour atteindre 308 millions d’euros sur la période 2012-2016.

Ce qui importe surtout, c’est que l’aide soit conduite de manière à profiter directement à la population afghane. Nous consacrerons notre aide à des programmes concrets, à l’image de l’extension prochaine de l’Institut médical français, qui disposera ainsi d’un service de santé maternelle et néonatale. Il s’agira d’une première en Afghanistan, qui contribuera à améliorer les conditions de vie des femmes afghanes. Je veux saluer, à cet instant, l’engagement de l’association La Chaîne de l’espoir, qui effectue un travail absolument remarquable, et de la fondation Aga Khan dans ce projet tout à fait exemplaire.

En troisième lieu, cette aide ne sera pas un chèque en blanc. Elle sera conditionnée à la réalisation de progrès significatifs sur la voie de la transition, au respect par les Afghans des engagements qu’ils ont pris devant la communauté internationale lors de la Conférence de Tokyo, le 8 juillet dernier, notamment dans les trois domaines clés suivants.

Il s’agit tout d’abord de la bonne gouvernance. La lutte contre la corruption, en particulier, constitue une priorité ; nous attendons dans ce domaine des mesures fortes de la part du gouvernement afghan. C’est une contrepartie indispensable à l’effort demandé à la France. Nous devons être très fermes sur ce point.

Ensuite, les engagements pris en matière de démocratie devront être tenus. À plusieurs reprises, les citoyens afghans ont bravé les menaces et la violence pour élire leurs représentants. Ils sont en droit d’attendre que les élections présidentielle et parlementaire de 2014 et de 2015 se déroulent dans des conditions équitables et transparentes. Nous y veillerons avec nos partenaires internationaux.

Enfin, nous accorderons une attention particulière à l’évolution de la situation des droits de la personne humaine, s’agissant notamment des femmes et des minorités. Certains progrès ont été accomplis, en matière de liberté d’expression en particulier, avec le développement spectaculaire des médias, dont j’ai été le témoin, mais aussi de droits sociaux, tels que l’accès à la santé ou à l’éducation.

Néanmoins, à l’évidence, des motifs d’inquiétude demeurent. Les meurtres, la semaine dernière, d’une femme afghane, commis en public par les talibans, et de la responsable des droits de la femme pour le gouvernement afghan, à la suite d’un attentat ciblé dans la province du Laghman, ont suscité une émotion considérable à travers le monde et rappelé à quel point la situation des femmes reste souvent dramatique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion