En notre nom à tous, je souhaite rendre hommage à Jean François-Poncet, qui vient de nous quitter.
Il était membre de notre commission voilà un an encore. Fils de l’ambassadeur de France en Allemagne, il avait vu, à l’âge de huit ans, brûler le Reichstag.
Ministre des affaires étrangères, président de la commission des affaires économiques du Sénat, président du conseil général du Lot-et-Garonne, premier vice-président du conseil régional d’Aquitaine : Jean François-Poncet a exercé de nombreuses fonctions et accompli une grande carrière politique, tant sur le plan local que sur le plan national. Il a marqué le Sénat par sa vision du monde. En particulier, il fut, en 2009, l’auteur d’un rapport très remarqué de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat sur le Moyen-Orient à l’heure nucléaire.
Nous gardons de lui l’image d’un homme d’État d’une grande finesse et d’une rare élégance. Il était avant tout un européen convaincu.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue la présence dans nos tribunes de M. Assad Omer, ambassadeur d’Afghanistan en France. Qu’il ne soit pas choqué par les propos sans complaisance que je vais tenir, car ce sont ceux d’un ami de son pays.
« Royaume de l’insolence », l’Afghanistan n’a jamais été soumis. Son histoire est avant tout celle d’une résistance énigmatique et tenace contre tous les empires : moghol, perse, britannique, puis soviétique. Ce magnifique pays, l’un des plus pauvres du monde, livré aux fléaux de la corruption, du terrorisme et du trafic de drogue, martyrisé par trois décennies de guerre, dispose pourtant d’atouts incomparables pour son avenir.
Après la Surobi en avril, c’est la province de Kapisa –dans laquelle cinquante-trois des quatre-vingt-sept soldats français tombés en Afghanistan, dont je salue la mémoire, ont trouvé la mort – qui a, il y a tout juste deux semaines, été transférée aux autorités afghanes. Ainsi se tourne une nouvelle page de son histoire.
Avec le traité qui nous est soumis cet après-midi, la France fait le choix de concentrer désormais ses efforts sur la construction de la paix et la prise en main de leur destin par les Afghans eux-mêmes. Ce projet de loi, soumis au conseil des ministres mercredi dernier, déposé en premier lieu au Sénat et débattu aujourd'hui, sera examiné mercredi prochain par l’Assemblée nationale, pour être adopté définitivement le 25 juillet. Évidemment, ces délais sont très courts !
Si nous avons accepté d’être ainsi « bousculés » – et vous savez, monsieur le ministre, que les sénateurs n’aiment pas trop l’être, encore moins quand ils représentent le département des Landes §, c’est qu’il y a urgence : urgence à nous doter d’un instrument qui grave dans le marbre du droit international notre engagement dans la durée, pour vingt ans, aux côtés du peuple afghan, que nous ne souhaitons pas abandonner ; urgence aussi à garantir la sécurité et la stabilité de nos actions de coopération pour l’avenir ; urgence enfin à mettre en cohérence tous nos dispositifs d’aide et surtout à leur donner une nouvelle dynamique, qui soit à la hauteur des besoins, immenses, de ce pays exsangue après trente ans de guerre et de malheur.
L’enjeu est simple : il s’agit, ni plus ni moins, de réussir la paix ! L’opinion publique nous regarde : elle ne comprendrait pas qu’on abandonne les Afghans et que nos soldats soient « morts pour rien ».
Le traité d’amitié et de coopération est le principal outil devant nous permettre de travailler efficacement à construire une paix durable. C’est pourquoi nous l’examinons dans le même esprit de continuité républicaine que celui qui a poussé le nouveau gouvernement à inscrire ce texte, signé par le précédent Président de la République, à l’ordre du jour de sa première session législative. On nous objectera que nous avons beaucoup critiqué ce traité, mais il mérite d’être examiné parmi les premiers : tout n’est pas noir ou blanc.