Intervention de Jean-Pierre Plancade

Réunion du 18 juillet 2012 à 14h30
Traité d'amitié et de coopération avec la république islamique d'afghanistan — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Pierre PlancadeJean-Pierre Plancade :

C’est une grande idée que de vouloir instaurer la paix par le commerce et par le développement économique. Il me semble important de s’engager rapidement dans cette voie, malgré les difficultés. Comme Jean Jaurès, je pense que la tristesse est réactionnaire et que seule la joie est républicaine. En tant que républicain et que fondateur du premier groupe d’études sénatorial sur l’Afghanistan, je crois fermement en ce traité.

Par le passé, indépendamment de sa participation à l’intervention militaire, la France a déjà beaucoup fait pour ce pays. Nos ONG y sont présentes depuis longtemps et connaissent bien la situation. Nous avons ainsi consacré 10 millions d’euros à la relance de la culture du coton dans les provinces de Kunduz et de Balkh, et si l’Institut médical français pour l’enfant de Kaboul, inauguré en 2006, est certes financé par des ONG, son extension sera assurée par un prêt concessionnaire de l’Agence française de développement, l’AFD.

Bien plus modestement, le Sénat a participé, juste après l’arrivée au pouvoir d’Hamid Karzaï, à la création d’un collège, grâce à l’aide apportée par MM. Poncelet et Lambert, alors respectivement président du Sénat et président de la commission des finances. Ce collège, comportant une classe mixte, a permis d’accueillir 1 200 élèves, dont 400 filles.

Je ne doute pas que le traité dont nous examinons aujourd'hui le projet de loi de ratification permettra de mener des actions de bien plus grande ampleur.

Bien sûr, monsieur le ministre, nous n’ignorons pas que la crise qui frappe notre pays rendra certainement les choses plus difficiles. Pour mémoire, alors que nous avions pris l’engagement en 2005, au G8 de Gleneagles, de consacrer 0, 7 % du PIB à l’aide publique au développement, nous n’en sommes aujourd’hui qu’à 0, 5 %.

Au-delà des aspects assez classiques de coopération que je viens d’évoquer, le traité du 27 janvier 2012 comporte aussi une dimension sécuritaire. En effet, il est important d’accompagner le processus de transition pour que l’ensemble des responsabilités en matière de sécurité incombent aux autorités afghanes d’ici à 2014, conformément à ce qui a été décidé lors du sommet de l’OTAN de Lisbonne, en 2010.

Cela me conduit naturellement à évoquer la question de l’engagement militaire de la France en Afghanistan depuis 2001, qui a malheureusement coûté la vie à quatre-vingt-sept de nos soldats, auxquels nous rendons hommage. Le Président de la République a décidé d’avancer à la fin de 2012 le retrait des troupes françaises d’Afghanistan ; il a confirmé cette décision lors du sommet de Chicago.

Nous avions pour objectifs d’éradiquer les camps d’Al-Qaïda et de renverser le pouvoir taleb, qui apportait un soutien à l’organisation terroriste. Nous avons franchi cette étape grâce au courage et au sens du devoir de nos soldats et de tous ceux de la coalition, l’armée française ayant contribué à chasser les talibans de Kaboul. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, Al-Qaïda a été chassée d’Afghanistan. Le pays s’est doté d’une constitution. La France, pour sa part, a créé un pôle de relative stabilité dans la province de Kapisa et dans le district de Surobi. Les militaires français ont entamé et poursuivront, après le retrait des unités combattantes, la formation des officiers afghans. J’espère que le gouvernement afghan conservera le bénéfice de ces actions.

Quoi qu’il en soit, la présence militaire française est désormais inappropriée dans son format actuel, et nous avons eu raison d’avancer la date du retrait de nos troupes. Les missions initiales étant accomplies, laisser tous les soldats français, soit 3 500 hommes, sur le terrain pourrait placer notre pays dans la posture d’un occupant.

Ce sont donc 2 000 soldats français qui devraient quitter cette terre d’Asie centrale à la fin de l’année, dans des conditions restant à définir. En tout état de cause, la question de la sécurité de nos troupes est préoccupante. Peut-on compter sur l’armée nationale afghane ? Quel rôle peut jouer le Pakistan, maintenant que le port de Karachi est de nouveau ouvert à l’OTAN ?

Mes chers collègues, hier, la France s’est engagée sans états d’âme sur le terrain afghan, pour tenter de stabiliser un pays qui portait les germes de notre propre déstabilisation. Les attentats, les enlèvements d’occidentaux, l’affaire Merah ont illustré, de manière dramatique, le danger du maintien de foyers terroristes, ici ou ailleurs.

Aujourd’hui, nous allons quitter ce pays, sans toutefois l’abandonner. C’est l’objectif du traité d’amitié et de coopération du 27 janvier 2012, dont nous nous apprêtons à autoriser la ratification.

Avant de conclure, je tiens à dire, monsieur le ministre, que mon sentiment sur l’action des pays occidentaux en Afghanistan est malgré tout partagé. Je ne sais s’il s’agit d’un échec ou d’un succès : il me semble que ce n’est ni complètement l’un, ni complètement l’autre. Certes, nous avons chassé les talibans ; certes, nous avons contribué à donner une constitution à ce pays ; certes, nous avons posé les bases d’une démocratie. Toutefois, alors que nous avions été accueillis en libérateurs quand nous sommes arrivés en Afghanistan, il y a dix ans, on sent bien, aujourd’hui, que la population et les autorités afghanes souhaitent notre départ. Que s’est-il donc passé entre-temps ? Quel comportement avons-nous eu, nous qui voulions apporter la paix, la démocratie, la liberté, le développement économique ? Je pense que la communauté internationale doit s’interroger sur ce point.

Par ailleurs, ce pays est-il vraiment complètement stabilisé ? La proximité du Pakistan, le rôle de ses services spéciaux nous laissent un peu perplexes. Monsieur le ministre, vous l’avez dit, l’Afghanistan ne fera pas la paix tout seul, sans le Pakistan, sans l’Inde, sans la Chine, sans l’Iran…

En outre, dans quelles conditions seront répartis les quelque 16 milliards de dollars d’aide que l’on envisage de déverser sur ce pays ? À qui cet argent sera-t-il attribué, et pour quoi faire ? Ces interrogations sont légitimes quand on connaît le degré de corruption atteint dans ce pays. Il convient d’être lucides, de ne pas perdre de vue la vérité.

Nous allons passer d’une aide militaire à une aide civile, dans le droit fil de ce qui a toujours guidé une partie de notre politique étrangère au cours de ces dernières années : la construction de la paix.

En 1984, s’adressant au corps diplomatique, François Mitterrand tint les propos suivants : « Nous n’avons pas un seul soldat hors de nos frontières qui n’ait d’autre mission que de préserver des vies humaines, que de contribuer à rétablir des équilibres et, si ces pays, par la suite, désirent notre contribution pacifique à leur développement, il leur suffira de nous le demander. » Je souscris à ces paroles de l’ancien Président de la République. La France a participé au rétablissement d’un certain équilibre en Afghanistan, ce pays nous demande maintenant de contribuer à son relèvement économique et social.

Construisons donc la paix : l’adoption du projet de loi que vous nous avez présenté, monsieur le ministre, participe de cette démarche. C'est la raison pour laquelle le RDSE approuvera la ratification du traité généreux et ambitieux signé entre la France et l’Afghanistan le 27 janvier dernier. §

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