Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, conformément à la volonté du Président de la République, nos troupes ont commencé dès 2012 à se retirer de l’Afghanistan.
À la fin de cette année, nos militaires engagés en Kapisa et en Surobi auront quitté la région où ils ont lutté avec efficacité contre Al-Qaïda et les talibans, réunissant ainsi toutes les conditions qui permettent de transférer aux forces afghanes la prise en charge de leur sécurité dans ces zones.
En 2013, ne resteront en Afghanistan, et plus particulièrement à Kaboul, que les forces chargées de la santé et de la logistique ainsi que toutes celles qui participent à la formation des policiers et des militaires afghans, lesquels seront progressivement, comme en Kapisa et en Surobi, responsables du maintien de l’ordre dans tout leur pays.
Au moment où nos troupes terminent leurs missions, je pense particulièrement à nos quatre-vingt-sept soldats qui ont laissé leur vie sur le territoire afghan, aux blessés et à leurs familles.
Je souhaite également rendre hommage à nos dizaines de milliers de militaires qui se sont succédé en Afghanistan et ont participé pendant ces nombreuses années à la lutte contre Al-Qaïda, en maintenant, malgré tous les dangers que cela représentait, des contacts au plus près des populations. Il est d’ailleurs nécessaire de souligner que les talibans craignaient ces rapprochements entre les militaires et les populations locales, car ils donnaient une image positive de notre présence dans ce pays, et c’est bien souvent au cours de leurs rencontres avec les villageois que nos militaires étaient attirés par les talibans dans des embuscades meurtrières.
Je peux témoigner de la qualité de notre présence militaire puisque j’ai eu l’occasion, au cours d’une mission effectuée en juin 2011, de constater le professionnalisme de nos troupes, leur volonté et leur engagement, dans le respect des populations locales.
Les Afghans ne l’oublieront pas, comme ils n’oublient pas les relations diplomatiques établies dès 1922 avec la création de la délégation archéologique dans leur pays. Les fondements de la coopération franco-afghane apparaissent également dans les domaines de l’éducation – notamment avec la création des lycées francophones pour les garçons en 1923 et pour les filles en 1942 –, de la santé, de la coopération culturelle et technique et de l’agriculture.
En 1970, a été fondé le centre culturel à Kaboul, devenu en 2011, après rénovation, l’institut français d’Afghanistan.
Après l’invasion soviétique de 1979, l’effort de la France s’est concentré dans le domaine humanitaire. L’action des ONG françaises n’a jamais cessé, même aux pires moments de la guerre, permettant à notre pays de bénéficier d’un véritable « capital sympathie » parmi la population afghane.
L’historique de nos relations est un réel atout. Nous pouvons et nous devons nous appuyer sur notre expérience passée et sur l’histoire qui unit nos deux pays pour construire et développer une nouvelle coopération sur le plan civil.
Aujourd’hui, une page se tourne, et celle qu’il convient d’écrire engagera et définira le rôle de notre pays, qui, en quelques années, remplacera nos actions militaires par des missions économiques, industrielles, culturelles, sanitaires, agricoles. Ainsi sera mis en application le traité d’amitié et de coopération signé le 27 janvier 2012 entre la République française et la République islamique d’Afghanistan.
Le 8 juillet dernier s’est tenue à Tokyo une conférence internationale, à laquelle participait le ministre des affaires étrangères. À cette occasion, les bailleurs de fonds ont fixé le montant de l’assistance allouée à l’Afghanistan pour la décennie 2015-2025, qualifiée de « décennie de la transformation ». Il s’agit d’éviter un effondrement de l’économie afghane comme celui qu’elle connut, en 1992, trois ans après le retrait des troupes russes et, par conséquent, celui des aides financières, ce qui a entraîné la chute du régime de Mohammed Najibullah.
Ce montant a été fixé après qu’ait été connue l’évaluation de la situation financière de l’Afghanistan par la Banque mondiale, qui estime les déficits à venir à plus de 6, 3 milliards d’euros se répartissant par moitié environ entre les dépenses civiles, prises en charge par les pays donateurs, et les dépenses militaires, prises en charge par les pays de l’OTAN.
Le traité d’amitié et de coopération entre la France et l’Afghanistan, conclu pour vingt ans, précise d’une manière plus détaillée les projets qui seront menés sur une première période de cinq ans, de 2012 à 2016, dans les domaines de la sécurité – formation militaire, formation de police et de la gendarmerie –, de la coopération scientifique, culturelle et technique – agriculture, recherche, éducation, santé, archéologie et, bien sûr, gouvernance –, des infrastructures, de l’économie et du commerce. Pendant ces cinq années, la France va fournir 230 millions d’euros qui permettront la transition d’une économie de guerre à une économie de paix, comme le soulignait tout à l’heure M. le ministre des affaires étrangères.
Cette aide, il faut y insister, représente sensiblement le double de celle que nous avons apportée au cours des dix dernières années. Il va de soi cependant qu’elle ne sera versée que sous condition : le gouvernement afghan doit lutter efficacement contre la corruption, véritable fléau dans ce pays ; les droits de l’homme et plus particulièrement ceux de la femme devront être respectés.
J’en viens à la corruption.
Le fait que ce pays soit l’un des plus pauvres du monde ne justifie absolument pas le détournement d’une très grande partie des aides qui lui sont accordées.
La France doit être vigilante et, chaque année, le Parlement français contrôlera l’usage des fonds qui seront alloués. Ce sont des conditions indispensables pour rassurer les parlementaires français et les Français.
Cette inquiétude, certains l’ont exprimée lors de ce débat. Peut-être même manifesteront-ils leur réticence en s’abstenant au moment du vote et en n’apportant pas leur soutien à ce traité et, par voie de conséquence, à l’accord de Tokyo où plus de 80 États étaient représentés.
Pour ma part, je voterai ce traité d’amitié et de coopération, qui s’inscrit dans la continuité de toutes les actions que notre pays a développées en Afghanistan depuis bientôt un siècle. Peut-on imaginer que nous ne participions pas à cette coopération financière internationale que souhaitait à Tokyo M. le ministre des affaires étrangères, alors que ce pays possède des potentiels économiques considérables et où tout est à faire ?
Nous souhaitons que les entreprises françaises s’implantent dans ce pays et participent elles aussi à ce renouveau économique. Nos atouts ne manquent pas, nos savoir-faire en agriculture, en irrigation, dans tous les travaux d’infrastructures – routes, barrages, canaux –, dans les hôpitaux, l’éducation, l’aviation, les transmissions sont reconnus partout dans le monde.
Les aides de la France et la sympathie du peuple afghan à notre égard seront les signes forts d’un renouveau économique où nous devons être présents et qui conditionnera l’avenir de l’Afghanistan.
Ce traité est une chance pour ce pays. Le soutien apporté à Tokyo par un très grand nombre d’États est une chance pour l’Afghanistan. Ne les laissons pas passer. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite, comme je le ferai moi-même, à adopter ce traité d’amitié et de coopération entre la République française et la République islamique d’Afghanistan.