Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 18 juillet 2012 à 14h30
Accord de coopération en matière de sécurité intérieure avec les émirats arabes unis — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

C’est en 1975 que la France et les Émirats arabes unis ont posé les fondations d’une coopération culturelle et technique devenue dense. En effet, au fil des décennies, les échanges se sont intensifiés, s’inscrivant parfaitement dans la stratégie de la fédération, qui consiste à s’imposer comme un pôle culturel mondial à l’horizon de 2030.

Cette ambition passe par des projets assez singuliers, tels que l’installation d’un musée du Louvre dans le district culturel de l’île de Saadiyat à Abou Dhabi.

Le bâtiment devrait ouvrir ses portes en 2015. Cette transposition de l’un des fleurons culturels de la France illustre la volonté des Émirats arabes unis de se construire une identité. Il faut savoir que la France tirera avantage de cette coopération : 360 millions d’euros dans un premier temps et beaucoup plus à terme. Souhaitons toutefois que les enjeux financiers ne fassent pas perdre au musée français le contrôle de son label « Louvre ».

La France et la fédération entretiennent également des relations économiques, mais elles sont, à mon sens, en deçà de ce qu’elles pourraient être au regard du potentiel des Émirats arabes unis. Ces derniers ont judicieusement diversifié leur économie afin de dépasser la seule rente pétrolière, qui leur garantit un socle de croissance bien enviable, mais qui est menacée à terme par le fameux « pic de Hubbert ». En attendant, si les Émirats arabes unis ont subi le contrecoup de la crise mondiale, ils se sont relevés assez vite, ce qui démontre toute la pertinence de leur stratégie de diversification vers l’industrie et les services.

Sachons profiter davantage de ce marché. Le poids de la France dans les importations de cet État n’est que de 3, 48 %, ce qui classe notre pays au neuvième rang des fournisseurs de la fédération. C’est bien peu, et ce ne sont pas les revers commerciaux que nous avons subis avec l’EPR français ou encore les Rafale qui vont doper nos exportations.

Au-delà de la confiance et des intérêts qui lient réciproquement notre pays avec les Émirats arabes unis dans le domaine culturel et économique, des liens plus récents se sont noués au cours des dernières années dans des domaines plus sensibles. Je pense en particulier à l’accord qui a permis l’installation d’une base militaire française à Abou Dhabi, signé le 26 mai 2009. Décidée par l’ancien Président de la République, cette implantation forte de 670 hommes combine des installations aériennes, aéronavales et terrestres. Comme vous le savez, mes chers collègues, la base militaire d’Abou Dhabi est la première ouverte depuis cinquante ans hors de l’Afrique. Elle se trouve de surcroît dans une zone d’influence anglo-saxonne.

Si certains peuvent s’interroger sur la pertinence de ce choix, il faut bien reconnaître que l’épicentre de l’arc de crise défini dans le dernier Livre blanc de 2008 se déplace de plus en plus vers l’est. Dans ces conditions, on peut apprécier l’intérêt d’un point d’ancrage militaire français face à l’Iran.

J’ajouterai que la fédération des Émirats arabes unis a toujours entretenu de bonnes relations avec les alliés occidentaux. Dans différentes crises, elle s’est rangée de notre côté. Souvenons-nous de son rôle positif dans la libération du Koweït. Plus récemment, en Libye, les Émirats arabes unis ont été les premiers, avec le Qatar, à s’engager militairement dans ce conflit. En effet, je rappellerai que, à l’issue d’une phase humanitaire, ils ont participé aux opérations d’instauration de la zone d’exclusion aérienne.

S’agissant du dossier syrien, la fédération étant membre de la Ligue arabe, elle a rejoint la position notamment exprimée par le Conseil de sécurité de l’ONU.

À l’égard de l’Iran, les Émirats arabes unis entretiennent une position plus complexe. Leurs autorités perçoivent bien ce pays comme une menace, mais deux éléments modèrent les rapports entre les deux voisins. D’une part, l’Iran est l’un de leurs principaux débouchés économiques et, d’autre part, une forte communauté iranienne de 500 000 personnes est présente dans la fédération, surtout à Dubaï.

Au regard des postures adoptées ces dernières années par les Émirats arabes unis sur la scène internationale, la France a jugé opportun d’approfondir en toute confiance sa coopération bilatérale avec eux.

L’accord de coopération en matière de sécurité intérieure qui nous est soumis pour ratification, conclu le 26 mai 2009 à Abou Dhabi, s’inscrit dans cette démarche. Il a connu une gestation relativement longue puisqu’il a été proposé en 1995, mais un certain nombre d’obstacles juridiques ont ralenti le processus. En effet, comme vous l’avez souligné, madame la rapporteur, l’accord avec les Émirats arabes unis est d’une ambition moindre que celle de l’accord type de sécurité intérieure élaboré par la France en 2007.

Il est vrai que certaines contraintes juridiques subsistent, s’agissant, en particulier, de la protection des données à caractère personnel, puisque nos législations ne concordent pas. Précisons également que les Émirats arabes unis ne sont pas encore suffisamment impliqués dans certaines conventions internationales, notamment en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, ce qui a réduit en conséquence les considérants de l’accord.

Malgré toutes ces réserves, l’accord a été finalisé et il est soumis aujourd’hui à l’approbation du Sénat.

II s’agit, vous l’avez dit, madame la ministre déléguée, d’aider les Émirats arabes unis à améliorer l’efficacité de leur service de sécurité intérieure. Compte tenu de leurs importants moyens financiers, la police fédérale et les polices locales n’ont pas de problème de qualité en matière d’équipement. J’ajouterai que cet État ne connaît pas une forte délinquance. Toutefois, l’enrichissement rapide de la zone a favorisé le trafic et la consommation de stupéfiants, la prostitution, le blanchiment d’argent et l’immigration illégale. Malgré toutes ces difficultés, le pays demeure assez sûr, même si, il faut bien le dire, cette sûreté doit beaucoup à une surveillance étroite des habitants, notamment des étrangers, et à une loi pénale particulièrement dissuasive.

Les services de renseignement sont particulièrement actifs à l’égard des Indiens, des Pakistanais et des Iraniens. Un peu trop d’ailleurs, selon Amnesty International, qui a déploré, en 2010, l’expulsion, pour des raisons de sécurité nationale, d’étrangers qui résidaient de longue date aux Émirats arabes unis. Ces personnes étaient des Palestiniens originaires de Gaza et des Libanais de confession chiite. Mais fermons la parenthèse sur ces épisodes, qui, disons-le sans détour, embarrassent quelque peu le jeu diplomatique.

Mes chers collègues, c’est essentiellement en termes de coopération technique que les autorités locales souhaitent bénéficier de l’expertise occidentale, en l’occurrence française.

Mme la rapporteur a exposé les points faibles de la police émirienne. Je ne ferai que les énumérer : une expérience récente du fait de l’accession tardive des Émirats arabes unis à l’indépendance, une géographie handicapante pour la supervision fédérale, des effectifs étrangers pour l’exécution et émiriens pour l’encadrement, et, enfin, l’absence d’une doctrine d’emploi claire et adaptée à la zone d’intervention.

L’accord de coopération, fondé sur neuf articles, permettra, espérons-le, d’aider les Émirats arabes unis à progresser dans le domaine de la sécurité intérieure et, en contrepartie, de bénéficier à la France, dans la mesure où l’échange d’informations pourra également lui être utile en la matière. C’est le sens du texte signé le 26 mai 2009 par la France et les Émirats arabes unis.

Le RDSE, soucieux de contribuer à la présence française au Moyen-Orient, apportera son soutien au projet de loi que vous nous présentez, madame la ministre déléguée.

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