L'association « Retravailler » a été créée en 1974 avec pour objectif de permettre aux femmes de retravailler, après avoir élevé leurs enfants, dans un contexte social qui était encore largement dominé par le modèle de l'homme « gagne-pain » et de la femme « maîtresse de maison qui élève les enfants ».
L'association a élaboré une méthode d'orientation professionnelle pour adultes qui était la première du genre et qui avait été spécialement conçue pour permettre à des femmes qui souhaitaient se remettre à travailler après 40 ans, une fois leurs enfants élevés, de se refamiliariser avec la vie professionnelle et les besoins de l'entreprise et de transformer leur expérience en compétence professionnelle.
Aujourd'hui, les femmes sont bien présentes sur le marché du travail comme en témoignent les statistiques suivant lesquelles 95 % des femmes de 25 à 49 ans sont au travail. De ce point de vue, les progrès sont incontestables. Mais, en revanche, sur le plan de l'égalité professionnelle, qui constitue le nouvel enjeu, la situation est beaucoup moins avancée : la division du travail reste une réalité patente.
Une étude que nous avions réalisée il y a quelques années dans le cadre d'une demande de l'Union européenne portant sur les stéréotypes agissant sur la division du travail avait souligné à quel point le marché du travail français restait marqué par une ségrégation verticale forte : on n'a que 5 à 7 % de femmes dans les équipes dirigeantes des plus grandes entreprises françaises et 38 % de femmes dans l'encadrement supérieur, ce qui traduit certes une certaine amélioration, les femmes progressent dans les organigrammes, mais on est encore loin de l'égalité.
En revanche, on n'enregistre pas de progrès du côté de ce j'appellerai la « ségrégation horizontale », qui se traduit par une concentration de l'emploi féminin sur quelques métiers ou sur un nombre réduit de branches professionnelles. Or, celle-ci est à l'origine d'inégalités salariales qui sont fortes en France, puisque on évalue les écarts de salaires entre les hommes et femmes à 27 %, si l'on ne prend pas en compte les variations dans la durée du travail, et aux alentours de 19 ou 20 % si l'on raisonne à temps de travail égal, c'est-à-dire en neutralisant l'effet du temps partiel, dont il faut rappeler qu'il est souvent subi par les femmes.
Ces écarts de salaires s'expliquent largement par le fait que les professions vers lesquelles s'orientent les femmes sont moins bien payées que celles auxquelles se destinent les hommes : 11 à 12 points d'écart de salaire tiennent à cette ségrégation horizontale du travail.
Aujourd'hui, nous concentrons nos actions sur des dispositifs qui portent sur l'orientation des carrières des femmes mais aussi des hommes.
A titre d'illustration, j'évoquerai une expérience que nous menons en Seine-Saint-Denis en réponse à un appel d'offres lancé par Martin Hirsch, lorsqu'il était Haut-commissaire à la jeunesse. Nous avons monté, avec le conseil général et la cité des métiers, un dispositif qui a commencé par former, dans un premier temps, tous les acteurs qui interviennent en matière d'insertion et d'orientation des femmes de moins de 30 ans ; dans une seconde étape, nous abordons maintenant la consolidation et la sécurisation des parcours professionnels qui favorisent la mixité professionnelle.
C'est ainsi que nous avons pris en charge le suivi de 150 filles, mais aussi de 50 garçons - car les progrès dans la mixité des métiers doivent s'effectuer dans les deux sens - pour les encourager à s'engager dans des carrières qui sont, encore aujourd'hui, considérées comme atypiques pour des personnes de leur sexe.
Nous avons commencé cette expérimentation en février de cette année et nous avons aujourd'hui 32 projets dits « atypiques du sexe », 25 filles et 7 garçons qui se sont engagés dans des métiers ou des secteurs dans lesquels la proportion de personnes de leur sexe est inférieure à 30 % de l'ensemble. C'est en effet le seuil à partir duquel on considère qu'il existe une vraie mixité dans le métier en question.