Intervention de Stéphane Richard

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 18 juillet 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Stéphane Richard président-directeur général de france télécom-orange

Stéphane Richard, président de France Télécom :

Les clients dont les opérateurs sont hébergés, donc les clients itinérants, seront dédommagés au même titre que nos clients, mais via leurs opérateurs.

France Télécom n'a pas de centres d'appels à l'étranger : toutes nos plateformes sont sur le territoire national. Cependant, certains de nos sous-traitants ont des plateformes off shore. Pourquoi y ont-ils recours ? Pour des raisons de prix : le coût du travail est deux à trois fois moindre au Maghreb par exemple. Mais il y a aussi la question de la disponibilité horaire : aujourd'hui, les clients demandent un service permanent, ce qui est parfaitement impossible à organiser avec les salariés du groupe en France. Peut-on rapatrier les centres d'appels ? La question est à poser aux entreprises concernées, et il ne faut pas perdre de vue que les centres d'appels ont été des outils de la politique de coopération avec les pays du sud, en particulier avec le Maroc, la Tunisie et le Sénégal : ils sont des symboles de la participation française au développement de ces pays, les retirer n'est pas si simple qu'il y paraît. Je crois que nous avons plutôt besoin, pour commencer, d'un état des lieux, parce que nous entendons tout et n'importe quoi sur le sujet : une mission d'étude serait bienvenue, confiée par exemple à l'inspection générale des finances (IGF) et à l'inspection générale des affaires sociales (IGAS).

Les télécommunications seraient un secteur porteur ? Moins qu'on ne le croie souvent : en fait, le chiffre d'affaires ne progresse plus depuis dix ans, au gré de la régulation - qui prélève un milliard par an - et, surtout, de la baisse continue des prix des télécommunications : il suffit de comparer avec la plupart des autres biens, par exemple le train ou l'énergie, pour mesurer combien l'évolution des prix des télécommunications est favorable aux consommateurs. En fait, les dépenses de télécommunication sont stables depuis une dizaine d'années, elles représentent environ 2,5 % du budget des ménages - et non pas 12 % comme vous le dites, M. Alain Chatillon.

Notre faible valorisation est-elle une fragilité ? Nous préférerions certes être davantage valorisés par le marché, mais notre entreprise ne se distingue pas, sur ce point, de ses concurrentes : c'est le lot de ce secteur. Cependant, nous avons la chance que l'État détienne 27 % de notre capital : c'est quasiment la majorité en conseil d'administration et, surtout, c'est la meilleure protection contre toute OPA hostile.

Plusieurs d'entre vous ont eu le sentiment que j'étais sur la défensive, j'en suis bien attristé. La réalité du secteur est si différente de son image - celle d'un secteur encore « grassouillet », alors ce n'est plus du tout le cas - que j'ai peut-être un peu forcé le trait, pour vous faire bien percevoir ce qu'il en est réellement. Loin d'être sur la défensive, notre stratégie est offensive : notre plan stratégique « Conquête 2015 » se déploie sur quatre axes complémentaires : en interne, nous voulons reconstruire l'entreprise, faire que les salariés s'y sentent bien et nous faisons de réels progrès en la matière, le climat interne s'améliore ; nous investissons sur les réseaux du futur, en y consacrant 14 % de notre chiffre d'affaires - nous investissons 6 milliards d'euros par an, dont 3 milliards en France -, en nous positionnant sur la 4G ; nous développons le service, parce que nous sommes convaincus qu'il y a des places à prendre dans les technologies du « sans contact », dans la billettique, et qu'on ne doit pas tout laisser aux grandes entreprises américaines ; enfin, nous sommes conquérants à l'international, nous comptons déjà 230 millions de clients dans 35 pays, nous réalisons la majeure partie de notre chiffre d'affaires hors de France et nous sommes très présents sur les marchés en plein essor, par exemple en Afrique, le continent qui va connaître la plus forte croissance démographique dans les décennies à venir. Si mon discours a pu vous paraître sur la défensive, c'est parce que je défends mon entreprise, une entreprise conquérante et entièrement tournée vers l'avenir.

Les infrastructures numériques sont l'un des éléments essentiels de la compétitivité des territoires. Leur déploiement est un véritable enjeu national, que nous devons absolument relever. En tant qu'opérateur historique, nous avons une responsabilité particulière. Mais il s'agit d'un sujet complexe qui doit mobiliser tous les acteurs concernés, dans une logique de complémentarité des moyens et des actions, de façon transparente et en recourant à la contractualisation. Les investissements sont estimés à 300 milliards d'euros à l'échelle européenne ; ni les collectivités, ni les États ne pourront y pourvoir seuls. Certes, en Australie, l'État a décidé d'investir lui-même dans le déploiement de la fibre il y a trois ans, en empruntant 40 milliards de dollars, mais il ne connaît pas de dette publique comme la nôtre.

Le problème des « zones blanches » est réel. Peut-être faudra t-il revoir les modalités des mesures par l'ARCEP, qui ne reflètent pas toujours la réalité de terrain. Une mutualisation plus poussée entre opérateurs constitue une première réponse, en commençant pas les zones de déploiement prioritaires, qui représentent un peu moins de 20 % de la population mais 50 % des territoires, pour ce qui est de la 4G.

Je comprends les difficultés ressenties au niveau local, et nous nous efforçons de les examiner au cas par cas. Nous gérons un budget de 3 milliards d'euros d'investissement et sommes présents dans 250 sites : nous ne pouvons prétendre à un service parfait, mais nous nous engageons à remédier aux problèmes se posant.

S'agissant des relations avec les syndicats d'électrification, j'essaie de diffuser dans le groupe l'idée d'un renouvellement de l'état d'esprit du partenariat. Nous sommes désormais un acteur parmi d'autres, soumis à une concurrence très difficile, et tenu de rentrer dans une telle coopération. Les syndicats d'électrification sont des partenaires, mais ont été des concurrents, ce qui peut expliquer certaines incompréhensions.

En ce qui concerne les choix technologiques, j'admets, sans aucune ambigüité, que le très haut débit, c'est la fibre. En revanche, on peut s'interroger sur l'opportunité de recourir, de façon complémentaire mais marginale, à d'autres technologies et en s'appuyant sur la fibre : par exemple, il faut déployer de la fibre pour installer des émetteurs 4G.

Les financements européens sur les infrastructures font l'objet d'un programme de 10 milliards d'euros de la banque européenne d'investissement (BEI), ce qui peut être un complément de ressources intéressant.

Sur la taxation des opérateurs de service, on peut légitimement s'interroger sur la faible soumission à l'impôt de certains grands acteurs capturant la valeur de l'économie numérique, tel Google. Nos systèmes fiscaux ont des difficultés à appréhender l'activité de ces entreprises internationales, qui se sont implantées hors de France. Le Gouvernement, qui a lancé une mission sur la fiscalité du numérique, s'est emparé du sujet.

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