Oui, ils existent dans l'absolu, mais les termes ne sont pas précis. Une vitre dans un aquarium par exemple est peu sensible à l'eau. À l'inverse, une plaque de plâtre disparaît dans l'eau. À Venise, des matériaux minéraux bien choisis ont vocation à braver le temps. Ils ont été initialement utilisés pour construire la base de la ville, en contact avec l'eau, tandis que les bâtiments sont en maçonnerie. Or, de nos jours, l'effet conjugué de l'enfoncement et de la montée de l'eau mettent en péril les maçonneries.
Depuis que les hommes bâtissent, ils savent que l'eau est l'ennemi principal du bâtiment, qu'il s'agisse d'infiltration, de condensation, de capillarité. Une bonne construction doit permettre d'éviter un contact prolongé des matériaux avec l'eau liquide. Les règles de construction ont dont été énoncées afin d'éviter ce contact, qu'il s'opère par remontées capillaires, condensation ou infiltration. Par exemple, les enduits sur les murs extérieurs ne devraient pas atteindre le sol pour éviter que l'eau ne monte par capillarité, la vapeur d'eau devrait être bien évacuée afin d'éviter les condensations d'eau à l'intérieur, et les couvertures de toiture devraient être étanches pour prévenir les infiltrations. Les défauts sont souvent le fruit de la conjonction d'une mauvaise conception, d'une mauvaise réalisation et d'un entretien insuffisant
Néanmoins, certaines situations imposent une exposition importante à l'eau, telles que les douches collectives, les fromageries ou tout bâtiment abritant un process de production ou les parois sont destinées à être en contact très fréquent avec l'eau liquide . Des tests permettent de caractériser les matériaux aptes à être utilisés dans ces circonstances. Mais, ces tests sont limités dans le temps, de quelques heures à quelques jours et sont effectués avec de l'eau propre, ce qui ne correspond pas à la réalité des inondations.
L'analyse des conséquences, notamment sanitaires, de l'intrusion de matériaux minéraux et organiques dans l'habitat est un champ inexploré. J'ai réalisé des photographies et des prélèvements de champignons dans des zones inondées qui ne semblent pas inoffensifs. Or, aucune étude n'est encore systématiquement réalisée.
De manière générale, les résultats des tests ne sont pas directement exploitables pour qualifier des matériaux résistant à l'inondation et la notion de matériau peu sensible à l'eau n'est pas codifiée. Finalement, seuls les aspects mécaniques cités et les destinations qui exposent le bâti à l'eau sont pris en compte.
Comment assurer la sécurité des personnes ?
La règle est de disposer d'une zone de repli en attente des secours, qu'elle soit à l'intérieur du bâtiment ou éloignée, en dehors de la zone d'inondation du bâtiment. Je vous renvoie au guide à paraître sous le timbre de la DGALN sur les travaux de prévention du risque d'inondation dans l'habitat existant pour l'illustration des zones refuges.
Dans le cas d'un refuge à l'intérieur du bâtiment, il faut en outre pouvoir disposer soit d'une fenêtre de toiture ou d'un balcon afin de faciliter l'évacuation par hélicoptère ou par bateau. Dans ce dernier cas, un anneau d'ancrage peut être utile pour amarrer l'embarcation.
Le guide préconise également un accès par l'intérieur, dégagé et idéalement matérialisé par le biais d'un éclairage de secours, accessible aux personnes handicapées même sans courant électrique. Les équipements doivent être vérifiés pour s'assurer de leur fonctionnement le moment venu. L'objectif primordial est que les personnes en détresse puissent être repérées et secourues.
Dans l'Aude, l'une des conditions d'attribution d'une aide à la remise en état suite à l'inondation de 1999 était de prévoir une zone de refuge dans les bâtiments sinistrés.
S'il est situé en dehors du bâtiment, le choix du refuge doit permettre d'avoir le temps de fuir et de se mettre à l'abri en cas d'inondation. Il dépend donc de la topographie des lieux.
Comment limiter les dommages aux bâtiments neufs
La limitation des dommages aux bâtiments neufs commence par le zonage urbain, c'est-à-dire le respect des prescriptions établies dans ces zones.
Dans les zones où la construction reste autorisée, le PPR impose le respect de certaines règles. Différentes stratégies sont alors possibles :
- L'évitement consiste à surélever les maisons afin que le plancher bas soit hors d'atteinte. Ainsi, les maisons du quartier du Gruissan près de Narbonne, situé entre la mer et les eaux douces, sont construites sur pilotis.
- La protection assure une étanchéité temporaire des ouvertures du bâti par le biais notamment de batardeaux. Il convient donc de prévoir un écopage si l'exposition à l'eau dure car ces dispositifs peuvent présenter des fuites et l'eau peut passer par de nombreuses voies comme dit en début d'exposé.
- L'option qui consiste à céder implique de laisser l'eau pénétrer et traverser le bâtiment. Elle suppose des matériaux peu sensibles à l'eau et un aménagement particulier des équipements de la maison.
Un document intitulé « Construire en zone inondable », de la DDE Moselle, publié dans les années 1990 offre de nombreuses illustrations intéressantes sur les diverses possibilités de construction en hauteur. Néanmoins, il convient de nuancer ces conseils dans le cadre d'un ensemble d'habitations car les bâtiments sont reliés entre eux par de nombreux réseaux.
Je vous renvoie également au cas célèbre de la Farnsworth House de Mies van der Rohe, construite aux Etats-Unis en zone inondable et surélevée de 1,60 mètre. En dépit des précautions de l'architecte, cette maison a été très endommagée par l'invasion de l'eau lors d'une inondation pendant laquelle l'eau est montée bien plus haut que la cote de conception. Il faut garder à l'esprit que la surélévation est certes une précaution, mais ce n'est pas la panacée.
Par ailleurs, les bâtiments amphibies peuvent aussi représenter un moyen de limiter les dommages aux bâtiments neufs. Ils sont construits sur le principe des bateaux à l'ancrage et montent ou descendent selon le niveau de l'eau. Des ducs d'Albe préviennent les dérives. Les plus fameuses illustrations de ce type de constructions sont les 25 logements amphibies construits par l'entreprise Dura Vermeer en Hollande sur des flotteurs en béton. Le promoteur français Batiflo utilise pour sa part des flotteurs en plastique pour son siège à Pau. Aux Etats-Unis, il existe des flotteurs en composite ciment verre ainsi qu'en acier.