Intervention de Stéphane Richard

Commission des affaires économiques — Réunion du 18 juillet 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Stéphane Richard président-directeur général de france télécom-orange

Stéphane Richard, président-directeur général de France Télécom - Orange :

Je confirme, tout d'abord, notre intention de parvenir à un accord avec la RATP. Le début des discussions entre cette dernière et les opérateurs a été difficile car nous sommes soumis à une obligation de rentabilité financière et à de multiples contraintes d'investissement sur l'ensemble du territoire. Je note que l'approche de la RATP a considérablement évolué puisqu'elle recherchait au départ une forme d'exclusivité avec un seul opérateur, ce qui ne constituait pas un modèle économiquement viable.

S'agissant de l'emploi dans le secteur de la téléphonie mobile, je partirai d'un constat de bon sens. On a introduit un quatrième opérateur en France en affichant comme priorité l'amélioration du pouvoir d'achat des consommateurs. Le nouvel opérateur a même été jusqu'à estimer à 7 milliards d'euros le montant des sommes réaffectées au consommateur. J'estime qu'il faut clairement énoncer les implications d'un tel raisonnement : si on imagine que les autres opérateurs de téléphonie mobile étaient gérés de façon particulièrement dispendieuse, on peut alors conclure qu'ils peuvent aisément surmonter une baisse de leurs recettes. Dans l'hypothèse inverse, personne ne pouvait imaginer qu'un transfert de valeur aussi massif ne puisse avoir de conséquences redoutables sur tous les acteurs concernés. Une telle situation implique tout d'abord une baisse du dividende ; celle-ci concerne non seulement l'État actionnaire, mais aussi tous ceux qui ont investi dans l'entreprise France Télécom. Cette dernière, je le rappelle, est cotée en bourse et a encore aujourd'hui 30 milliards de dettes ; dans ces conditions, il nous est difficile de considérer les actionnaires comme une simple variable d'ajustement. En second lieu, la baisse du prix des abonnements - la France aura bientôt les tarifs les plus bas du marché européen - implique l'adoption d'un modèle économique différent et la diminution des marges des opérateurs. Les opérateurs viennent de signaler clairement au Gouvernement les risques pour l'emploi qui résultent de cette situation et ce dernier a l'intention d'examiner les mesures permettant un certain rééquilibrage. A cet égard, j'attire l'attention sur le fait que depuis un certain nombre d'années, les droits des consommateurs ont été systématiquement privilégiés dans ce secteur, en allant jusqu'à la limite extrême de l'équilibre économique. L'exemple des durées d'engagement l'illustre : ce délai minimum, qui suscite des réticences compréhensibles de la part des consommateurs, permet uniquement d'étaler dans le temps le prix d'achat des terminaux qui leur sont proposés. Or, le quatrième entrant a fait une percée commerciale en vendant uniquement des cartes SIM. Dans le même temps, la loi dite « Chatel » du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs a donné la possibilité à ces derniers de réduire substantiellement leur durée d'engagement. On a ainsi rogné continuellement sur des éléments critiques de la rentabilité des opérateurs historiques. Le second exemple concerne la facturation des services d'assistance clients : si l'offre de base mérite sans doute de bénéficier de la gratuité, ce n'est pas le cas de tous les services, sauf à priver les opérateurs de ressources importantes et à les inciter à délocaliser leur activité.

Je souhaite donc que soient réexaminés un certain nombre de ces mécanismes afin de favoriser la sauvegarde des emplois de notre secteur. Je rappelle que France Télécom n'a, pour sa part, pas annoncé de plan social. Ceci d'abord parce que notre groupe a d'autres activités que la téléphonie mobile. Mais aussi parce qu'il a eu recours - je l'assume pleinement - à l'itinérance, ce qui a permis d'amortir la brutalité des ajustements induits par l'entrée du quatrième opérateur.

En ce qui concerne les problématiques liées à la couverture, je comprends parfaitement l'impatience et l'inquiétude de nombreuses collectivités sur ce sujet essentiel pour la vie de nos concitoyens et de nos entreprises : on ne peut pas parler de revitalisation des territoires sans haut débit et nous sommes parfaitement conscients de la pression exercée sur les élus dans ce domaine. La difficulté est qu'aucune solution simple ne se dessine. Il y a encore quarante ans, on aurait pu régler la question en lançant un grand emprunt d'État et en mobilisant, comme pour la téléphonie fixe en 1970, l'administration d'État en charge des télécommunications sur le sujet. Toutefois, le monde a changé : les acteurs et les contraintes se sont multipliés au niveau national et européen. Aujourd'hui, sur ces nouvelles bases, seules une relation de confiance entre les opérateurs et les collectivités publiques ainsi que des interventions partenariales permettront de dégager une solution. France Télécom s'est résolument engagé dans cette voie, d'une part, en annonçant de façon transparente et chiffrée ses engagements et, d'autre part, en signant régulièrement des conventions avec les grandes collectivités régionales, départementales et urbaines. Ces outils permettent aux élus locaux de suivre attentivement notre action. Au total, je réaffirme très clairement que nous n'avons pas l'intention de diminuer les ressources que nous consacrons, en France au haut débit ou au très haut débit, même si nous devons gérer une contraction sensible de nos ressources. En témoigne l'augmentation sensible depuis deux ans du pourcentage consacré par le groupe à l'investissement : il est passé de moins de 10 à environ 14 % de son chiffre d'affaires. Pour y parvenir, nous diminuons le dividende payé aux actionnaires et améliorons notre productivité tout en préservant l'emploi.

Nous ne souhaitons pas remettre en cause le programme de neutralisation des gros multiplexeurs. Nous avons l'intention de respecter cet engagement avec peut-être, cependant, un retard de six mois à un an par rapport à la date initialement prévue, à savoir 2013. Cet engagement correspond d'ailleurs à l'intérêt de l'entreprise, puisque les foyers des territoires concernés sont très majoritairement des clients du groupe.

La baisse des carnets de commande de l'industrie de la fibre peut s'expliquer par de multiples facteurs, parmi lesquels le passage à une phase de déploiement vertical -beaucoup moins consommateur de fibre que le déploiement horizontal - ou le ralentissement des investissements en raison de la situation sur le marché du mobile.

S'agissant de la proposition de loi adoptée par le Sénat visant à assurer l'aménagement numérique du territoire, nous ne sommes pas opposés au principe de la contractualisation, mais aux sanctions financières qui l'accompagnent. Le secteur a été considéré pendant des années comme une « vache à lait », en étant constamment soumis à des taxes nouvelles. Les opérateurs ne peuvent pas être favorables à un système pouvant aggraver la charge fiscale.

En matière de très haut débit, nous sommes dans une économie mixte, dans laquelle les opérateurs et les collectivités sont les acteurs centraux. Une compréhension réciproque doit exister. Cela prendra du temps, mais le groupe France Télécom - Orange souhaite mettre en place une véritable relation de confiance avec les collectivités.

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