Commission des affaires économiques

Réunion du 18 juillet 2012 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Lors d'une réunion conjointe avec la commission du développement durable, la commission procède tout d'abord à l'audition de M. Stéphane Richard, président-directeur général de France Télécom - Orange.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Monsieur le Président, nous sommes heureux de vous accueillir devant notre commission pour une audition qui va nous permettre de rattraper un retard conséquent : nous n'avions pas reçu le président-directeur général (PDG) du groupe France Télécom depuis plus de cinq ans !

Or, le secteur des télécommunications est en pleine mutation, et nous sommes impatients d'avoir votre avis à ce sujet. Qu'il s'agisse de l'arrivée d'un nouvel opérateur sur le marché de la téléphonie mobile, Free, dont vous assurez l'itinérance ; une arrivée qui entraîne une reconfiguration du modèle économique du secteur, avec à la clef des questionnements de moyen et long terme sur ses implications sociales, et votre stratégie industrielle et commerciale. On peut s'interroger, d'ailleurs, sur l'opportunité de l'attribution d'une quatrième licence à un opérateur mobile qui, si elle se fait au profit de la concurrence et du consommateur, s'opère également au détriment de l'emploi et de l'aménagement du territoire.

Nous évoquerons la modernisation des réseaux, à la fois fixes, avec le déploiement progressif de la fibre optique, mais aussi mobiles, avec le déploiement du réseau 4G, dont l'entrée en service est attendue dès la fin de l'année. Ce sera l'occasion de revenir sur la panne qui a affecté il y a quelques jours votre réseau mobile au niveau national, sur laquelle vous devriez réaliser un audit d'ici la fin du mois, et qui met plus généralement en relief la grande fragilité de nos sociétés modernes.

Enfin, nous pourrons aborder une phase plus prospective, avec votre vision de l'avenir du groupe dans le contexte européen et international. On vous prête des projets de rapprochement avec votre homologue allemand, le très puissant Deutsch Telekom ; sans doute pourrez-vous nous éclairer à cet égard.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Bienvenue Monsieur le Président devant nos deux commissions, dont celle du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, récemment créée. Le désenclavement numérique des territoires est un enjeu extrêmement important, sur lequel nous souhaiterions avoir votre analyse.

Debut de section - Permalien
Stéphane Richard, président-directeur général de France Télécom - Orange

Je commencerai par évoquer la panne qui a affecté notre réseau mobile, et qui illustre effectivement la complexité et la précarité des nos sociétés contemporaines. Il s'agit d'un accident, à l'abri duquel ne se trouve aucun opérateur, aussi expérimenté soit-il en matière de réseaux que France Télécom. Nos homologues britanniques, norvégiens et américains en ont d'ailleurs également fait l'expérience. Nous souhaitons à présent analyser l'origine de la panne, qui se trouve dans une défaillance logicielle sur un équipement de coeur de réseau, et surtout en tirer les conséquences pour l'avenir. Nous avons encore des progrès à réaliser, non pas sur la réactivité, qui a été remarquable au sein du groupe, mais sur les procédures à mettre en oeuvre lors d'une crise de ce type. Fort heureusement, il s'agit là d'un type d'incident très rare, dont la dernière occurrence remonte à 2004.

Je souhaiterais ensuite mettre l'accent sur le secteur des télécommunications, qui a contribué depuis une vingtaine d'années à l'investissement et à l'emploi en Europe et en France. Notre groupe réalise ainsi chaque année 3 milliards d'euros d'investissement dans notre pays, où il compte 100 000 salariés, dont 60 000 encore fonctionnaires. 3 500 salariés sont spécialisés en recherche et innovation, 10 000 ayant été recrutés ces trois dernières années. Les quatre principaux opérateurs historiques en Europe (France Télécom, Deutsch Telekom, Telefonica et Telecom Italia) emploient près de 800 000 personnes à travers le monde, ont près d'un milliard de clients et investissent près de 30 milliards par an ; il faut bien mesurer le poids de ce secteur dans l'économie de ces pays.

L'Europe des télécommunications se trouve toutefois en grande difficulté aujourd'hui, du fait d'une régulation exclusivement orientée en faveur du consommateur. L'industrie est extrêmement fragmentée, avec 100 opérateurs en Europe pour 450 millions de clients, contre 4 aux États-Unis pour 350 millions de clients, 3 en Chine et 8 en Inde pour environ 1 milliard de clients. Du fait de la pression règlementaire, le groupe France Télécom perd chaque année 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires, soit 350 millions d'euros de marge, qui sont autant de fonds ne pouvant donc être réinvestis. Si l'on ajoute à cela la pression fiscale, également extrêmement lourde, on aboutit à une situation très critique, où les opérateurs européens peuvent être les cibles d'opérateurs de pays tiers comme le mexicain America Movil, porteur d'une offre publique d'achat hostile sur l'opérateur de télécommunications néerlandais KPN. La valorisation boursière cumulée des quatre opérateurs historiques européens précités et de KPN est deux fois et demi inférieure à celle d'Apple. La valeur boursière de France Télécom, plus spécifiquement, est aujourd'hui inférieure à celle de ses fonds propres. Les opérateurs européens sont désormais des « géants aux pieds d'argile ».

Ceci intervient à un moment où l'on doit faire face à l'explosion des usages : le trafic de données sur les réseaux mobiles a été multiplié par 68 depuis 5 ans, et doit continuer à croître d'un rapport de 6 ou 7 d'ici à 2015, nécessitant des investissements très conséquents dans les réseaux. Ce déclin n'est pas une fatalité, si l'on se réfère aux opérateurs américains, chinois et des pays émergents. Mais une particularité européenne, celle d'un marché de consommateurs où est recherchée la baisse du prix des produits et services, sans se préoccuper suffisamment des enjeux en termes d'emploi, d'investissement, de recherche et d'innovation.

La situation française connaît de plus une spécificité, avec l'arrivée d'un quatrième opérateur, de façon contracyclique, à un moment où la plupart des pays européens réduisent leur nombre. Il existe certes des pays recensant quatre ou cinq opérateurs, mais ils ont été introduits il y a une décennie, alors que le marché connaissait une croissance spontanée. Nous n'avons pas fini de payer les conséquences de ces choix.

Une prise de conscience se dessine aujourd'hui sur la nécessité d'un changement d'approche du secteur, comme l'illustre l'annonce récente par la commissaire européenne chargée de la société numérique, Mme Nelly Kroes, d'une proposition de recommandations sur la réglementation prévoyant la stabilisation du tarif d'accès au réseau cuivre, en contrepartie d'engagements des opérateurs à investir dans les réseaux du futur. Le président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), M. Jean-Ludovic Silicani, m'a indiqué partager cette réorientation et être prêt à en tirer les conséquences au niveau français.

Le groupe France Télécom-Orange est aujourd'hui solide, car sa situation financière a été restaurée après la crise des années 2000, avec une recapitalisation de l'État, détenteur de 27 % du capital. Avec une dette maitrisée, des conditions d'accès aux marchés financiers satisfaisantes et des capacités d'investissement intactes, la situation est saine. Le groupe peut faire face aux contraintes qu'il connaît aujourd'hui, en France notamment, en faisant preuve de pragmatisme et en ne considérant pas que l'emploi ne doit pas être la variable d'ajustement. Le marché du mobile n'y représentant que le quart environ du chiffre d'affaires du groupe, la situation pour France Télécom-Orange est différente de celle d'autres opérateurs. Des adaptations doivent être réalisées, mais dans le respect des engagements pris en matière d'emplois : les recrutements seront moindres que les deux ou trois dernières années, mais il n'y aura pas de réduction d'effectifs ou de plan social.

L'objectif est aujourd'hui d'investir autant que possible, dans les réseaux fixes tout d'abord, avec le déploiement de la fibre, qui débutera dans 3 600 communes d'ici 2015. En 2012, le montant des investissements sera le double de celui de 2011, et il sera encore supérieur en 2013 : il y a donc une réelle montée en puissance. Je tiens à attirer votre attention sur le lien étroit existant entre réseaux fixes et mobiles, les acteurs étant les mêmes : ainsi, l'affaiblissement des opérateurs mobiles lié à l'arrivée d'un quatrième opérateur sur le marché aura des répercussions sur le déploiement de la fibre.

L'investissement portera aussi sur les réseaux mobiles, avec une accélération du déploiement de la 4G, qui sera porteur d'une différenciation positive pour le groupe et permettra de désenclaver certains territoires. J'ai inauguré il y a quelques jours le premier réseau 4G à Marseille, une première gamme de terminaux mobiles étant attendue pour septembre.

Je souhaite, pour conclure, faire passer des messages forts s'agissant de la réglementation du secteur. Seul opérateur mondial de télécommunications sur le marché national, le groupe France Télécom-Orange est présent dans 35 pays, dont certains représentent des enjeux politiques particulièrement importants. Il s'agit d'en faire une entreprise utile aux français, notamment à travers les emplois, tout en rayonnant sur la scène internationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Monsieur le Président, je voudrais vous interroger sur un point précis qui se rattache au thème du maintien de la capacité d'investissement de France Télécom - Orange. Le président de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), M. Pierre Mongin, vous a proposé de conquérir dix millions de clients par jour dans les transports parisiens en les équipant d'un réseau mobile et semble s'étonner de ne pas avoir reçu, en retour, de proposition de votre part, alors que SFR et Bouygues Telecom ont d'ores et déjà formalisé leur engagement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Je limiterai mon intervention à deux sujets.

Le premier concerne la situation de l'emploi dans la filière de la téléphonie mobile. Au printemps 2009, lors du débat relatif à l'autorisation d'un quatrième opérateur de téléphonie mobile, j'avais indiqué, au nom du groupe socialiste, qu'il semblait préférable d'accorder la priorité au développement de la couverture numérique du territoire. Ce n'est pas la voie qui a été suivie et nous constatons aujourd'hui que deux opérateurs ont annoncé des plans sociaux : vous avez indiqué qu'il n'y en aurait pas à France Télécom, mais nous souhaiterions en avoir la certitude.

En second, lieu, s'agissant de la couverture numérique du territoire, le programme national très haut débit (PNTHD) fait, à mon sens, la part très belle aux opérateurs et cantonne les collectivités territoriales dans la couverture des zones classées les moins denses. Il faudra faire évoluer ce plan. En attendant, nous souhaiterions être rassurés sur la capacité de votre groupe à tenir ses engagements tant en matière de téléphonie fixe que mobile. Je dois avouer que la montée en puissance de vos investissements suscite un certain doute.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

J'avais également pris des positions à peu près identiques à celle que vient de rappeler mon collègue Michel Teston.

J'estime par ailleurs légitime la remarque formulée par le président de France Télécom, qui a utilisé l'image de la « vache à lait » fiscale : je préfèrerai qu'on mette à la charge des opérateurs un peu moins de taxes et un peu plus d'obligations en termes de couverture du territoire. Je formulerai trois questions à propos de cette dernière.

Tout d'abord, au moment où on parle de très haut débit, je rappelle que certains territoires ne bénéficient même pas du haut débit. Vous avez annoncé, en 2010, un programme triennal permettant de couvrir, selon vos indications, 99 % de la population en ADSL. Il m'a été signalé, au niveau régional, que, par mesure d'économie, ce programme avait été interrompu ou suspendu : à la mi-2012, seuls un tiers des investissements prévus au total semblent avoir pu être réalisés. Vous avez cependant contesté cette affirmation et je voudrais, dans ces conditions, savoir si vous êtes en mesure de confirmer que le programme sera mené à son terme en 2013.

S'agissant du très haut débit, vous avez évoqué la montée en puissance de vos investissements : comment expliquer, dans ces conditions, la diminution de moitié du carnet de commande des entreprises qui déploient la fibre optique ? Vous comprenez que ce constat alimente les doutes...

Enfin, vous avez exprimé des réserves à l'égard de la proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire adoptée par le Sénat le 14 février 2012 et aujourd'hui en « navette » devant l'Assemblée nationale. Je voudrais, en particulier, vous interroger sur les motifs pour lesquels vous contestez le volet prévoyant la contractualisation avec les collectivités territoriales des engagements pris par les opérateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Vous avez évoqué la question du déploiement de la fibre optique et, comme vous le savez, dans ce domaine, les zones péri urbaines ou rurales constituent le sujet le plus sensible. Un certain nombre de communes peu peuplées s'efforcent de financer certaines infrastructures et je souhaite vous demander si un soutien ou un intérêt particulier leur est accordé.

Ma seconde interrogation, plus ponctuelle, porte sur les raisons pouvant expliquer que France Télécom n'ait pas pu réussir à conserver les contrats de téléphonie conclus avec certains ministères ou avec le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Je forme d'abord un voeu pour que l'appellation France Télécom - Orange soit simplifiée. En ce qui concerne, ensuite, la panne récente que vous avez évoquée, envisagez-vous à très court terme des mesures de sécurité complémentaires pour prévenir les actes de malveillance ou les attaques terroristes ?

Par ailleurs, comme nous pouvons le constater, les approches diffèrent légèrement en matière de déploiement de réseau. Je résumerai la mienne en deux concepts avec, tout d'abord, celui de la compatibilité entre les technologies : à mon sens on doit pouvoir imaginer une complémentarité entre fibre et 4 G ; je voudrais savoir dans quelle mesure vous rejoignez cette analyse. En second lieu, j'insiste sur la mutualisation des moyens, ce qui amène à se demander s'il convient de faire porter la charge financière sur les consommateurs ou les usagers clients : ces deux ensembles se recoupent en grande partie mais pas totalement. Je conclus mon propos en souhaitant que les opérateurs de téléphonie puissent être associés de façon transparente, tant du côté du Parlement que de l'État, à l'élaboration des normes législatives et réglementaires qui les concernent directement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Rome

Je me félicite de la réaffirmation, par France Télécom, de la volonté de mise à niveau de notre territoire en très haut débit et je rejoins le diagnostic selon lequel notre pays a besoin d'un opérateur puissant sur la scène internationale.

Je souhaite ici exprimer l'inquiétude des collectivités locales sur trois points précis. Tout d'abord, en 2010, votre plan « Conquête 2015 » prévoyait d'apporter la fibre à 10 millions de foyers d'ici 2015 ; or, selon l'ARCEP, nous en sommes aujourd'hui à 1,58 million seulement, tous opérateurs confondus. Pouvez-vous préciser vos objectifs intermédiaires pour la fin 2012, 2013 et 2014 ?

Deuxièmement, quel est le chiffrage des moyens que France Telecom pourra consacrer aux co-investissements avec les collectivités territoriales d'ici 2015 pour développer les réseaux et surtout mieux utiliser l'existant ?

Enfin, êtes-vous dès à présent préparés à engager des discussions avec les départements et les régions qui portent les schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique (SDTAN) pour donner aux collectivités une meilleure visibilité en matière de couverture du territoire en réseau 4G ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je poserai rapidement quatre questions. Premièrement, une défaillance humaine est-elle à l'origine de la récente panne de votre réseau mobile, et quel en sera le coût global ? Deuxièmement, pensez-vous étendre à la 4G l'accord d'itinérance en 3G que vous avez conclu avec Free ? En ce qui concerne la fibre, le principal motif d'inquiétude des collectivités se concentre sur certaines zones : quelle assurance pouvez-vous nous apporter sur le respect du calendrier de déploiement ? Par ailleurs, j'attends avec impatience la prise de position de l'État sur le dividende versé à ses actionnaires par France Télécom pour le prochain exercice, tout en rappelant que le dividende a été maintenu pour l'année en cours. J'ai noté, comme vous, le changement de position de la commissaire européenne chargée de la société numérique, Mme Nelly Kroes, qui me parait fondamental. Permettez-moi, enfin, de vous interroger sur votre sentiment à l'égard d'une éventuelle fusion des deux régulateurs que sont le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et l'ARCEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Cette fusion apparait, à mon sens, dans la logique de la convergence des deux technologies dont on voit mal pourquoi elles continueraient à faire l'objet de circuits de régulation séparés.

Debut de section - Permalien
Stéphane Richard, président-directeur général de France Télécom - Orange

Je confirme, tout d'abord, notre intention de parvenir à un accord avec la RATP. Le début des discussions entre cette dernière et les opérateurs a été difficile car nous sommes soumis à une obligation de rentabilité financière et à de multiples contraintes d'investissement sur l'ensemble du territoire. Je note que l'approche de la RATP a considérablement évolué puisqu'elle recherchait au départ une forme d'exclusivité avec un seul opérateur, ce qui ne constituait pas un modèle économiquement viable.

S'agissant de l'emploi dans le secteur de la téléphonie mobile, je partirai d'un constat de bon sens. On a introduit un quatrième opérateur en France en affichant comme priorité l'amélioration du pouvoir d'achat des consommateurs. Le nouvel opérateur a même été jusqu'à estimer à 7 milliards d'euros le montant des sommes réaffectées au consommateur. J'estime qu'il faut clairement énoncer les implications d'un tel raisonnement : si on imagine que les autres opérateurs de téléphonie mobile étaient gérés de façon particulièrement dispendieuse, on peut alors conclure qu'ils peuvent aisément surmonter une baisse de leurs recettes. Dans l'hypothèse inverse, personne ne pouvait imaginer qu'un transfert de valeur aussi massif ne puisse avoir de conséquences redoutables sur tous les acteurs concernés. Une telle situation implique tout d'abord une baisse du dividende ; celle-ci concerne non seulement l'État actionnaire, mais aussi tous ceux qui ont investi dans l'entreprise France Télécom. Cette dernière, je le rappelle, est cotée en bourse et a encore aujourd'hui 30 milliards de dettes ; dans ces conditions, il nous est difficile de considérer les actionnaires comme une simple variable d'ajustement. En second lieu, la baisse du prix des abonnements - la France aura bientôt les tarifs les plus bas du marché européen - implique l'adoption d'un modèle économique différent et la diminution des marges des opérateurs. Les opérateurs viennent de signaler clairement au Gouvernement les risques pour l'emploi qui résultent de cette situation et ce dernier a l'intention d'examiner les mesures permettant un certain rééquilibrage. A cet égard, j'attire l'attention sur le fait que depuis un certain nombre d'années, les droits des consommateurs ont été systématiquement privilégiés dans ce secteur, en allant jusqu'à la limite extrême de l'équilibre économique. L'exemple des durées d'engagement l'illustre : ce délai minimum, qui suscite des réticences compréhensibles de la part des consommateurs, permet uniquement d'étaler dans le temps le prix d'achat des terminaux qui leur sont proposés. Or, le quatrième entrant a fait une percée commerciale en vendant uniquement des cartes SIM. Dans le même temps, la loi dite « Chatel » du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs a donné la possibilité à ces derniers de réduire substantiellement leur durée d'engagement. On a ainsi rogné continuellement sur des éléments critiques de la rentabilité des opérateurs historiques. Le second exemple concerne la facturation des services d'assistance clients : si l'offre de base mérite sans doute de bénéficier de la gratuité, ce n'est pas le cas de tous les services, sauf à priver les opérateurs de ressources importantes et à les inciter à délocaliser leur activité.

Je souhaite donc que soient réexaminés un certain nombre de ces mécanismes afin de favoriser la sauvegarde des emplois de notre secteur. Je rappelle que France Télécom n'a, pour sa part, pas annoncé de plan social. Ceci d'abord parce que notre groupe a d'autres activités que la téléphonie mobile. Mais aussi parce qu'il a eu recours - je l'assume pleinement - à l'itinérance, ce qui a permis d'amortir la brutalité des ajustements induits par l'entrée du quatrième opérateur.

En ce qui concerne les problématiques liées à la couverture, je comprends parfaitement l'impatience et l'inquiétude de nombreuses collectivités sur ce sujet essentiel pour la vie de nos concitoyens et de nos entreprises : on ne peut pas parler de revitalisation des territoires sans haut débit et nous sommes parfaitement conscients de la pression exercée sur les élus dans ce domaine. La difficulté est qu'aucune solution simple ne se dessine. Il y a encore quarante ans, on aurait pu régler la question en lançant un grand emprunt d'État et en mobilisant, comme pour la téléphonie fixe en 1970, l'administration d'État en charge des télécommunications sur le sujet. Toutefois, le monde a changé : les acteurs et les contraintes se sont multipliés au niveau national et européen. Aujourd'hui, sur ces nouvelles bases, seules une relation de confiance entre les opérateurs et les collectivités publiques ainsi que des interventions partenariales permettront de dégager une solution. France Télécom s'est résolument engagé dans cette voie, d'une part, en annonçant de façon transparente et chiffrée ses engagements et, d'autre part, en signant régulièrement des conventions avec les grandes collectivités régionales, départementales et urbaines. Ces outils permettent aux élus locaux de suivre attentivement notre action. Au total, je réaffirme très clairement que nous n'avons pas l'intention de diminuer les ressources que nous consacrons, en France au haut débit ou au très haut débit, même si nous devons gérer une contraction sensible de nos ressources. En témoigne l'augmentation sensible depuis deux ans du pourcentage consacré par le groupe à l'investissement : il est passé de moins de 10 à environ 14 % de son chiffre d'affaires. Pour y parvenir, nous diminuons le dividende payé aux actionnaires et améliorons notre productivité tout en préservant l'emploi.

Nous ne souhaitons pas remettre en cause le programme de neutralisation des gros multiplexeurs. Nous avons l'intention de respecter cet engagement avec peut-être, cependant, un retard de six mois à un an par rapport à la date initialement prévue, à savoir 2013. Cet engagement correspond d'ailleurs à l'intérêt de l'entreprise, puisque les foyers des territoires concernés sont très majoritairement des clients du groupe.

La baisse des carnets de commande de l'industrie de la fibre peut s'expliquer par de multiples facteurs, parmi lesquels le passage à une phase de déploiement vertical -beaucoup moins consommateur de fibre que le déploiement horizontal - ou le ralentissement des investissements en raison de la situation sur le marché du mobile.

S'agissant de la proposition de loi adoptée par le Sénat visant à assurer l'aménagement numérique du territoire, nous ne sommes pas opposés au principe de la contractualisation, mais aux sanctions financières qui l'accompagnent. Le secteur a été considéré pendant des années comme une « vache à lait », en étant constamment soumis à des taxes nouvelles. Les opérateurs ne peuvent pas être favorables à un système pouvant aggraver la charge fiscale.

En matière de très haut débit, nous sommes dans une économie mixte, dans laquelle les opérateurs et les collectivités sont les acteurs centraux. Une compréhension réciproque doit exister. Cela prendra du temps, mais le groupe France Télécom - Orange souhaite mettre en place une véritable relation de confiance avec les collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Dans la proposition de loi adoptée par le Sénat, l'application des sanctions est laissée à l'appréciation de l'ARCEP. L'objet du texte est simplement d'opérer un rééquilibrage car, actuellement, la contractualisation n'est pas de droit.

Debut de section - Permalien
Stéphane Richard, président-directeur général de France Télécom - Orange

Nous avons effectivement perdu l'appel d'offres portant sur l'équipement du Sénat et de certains ministères. La mécanique de ces appels d'offres est très axée sur le prix, avec des cahiers des charges exigeants. Nous n'avons très certainement pas été assez performants, il faut le reconnaître. Notre objectif est de regagner ce marché lors du prochain appel d'offre : au-delà du chiffre d'affaires, il est important pour l'opérateur historique d'être présent dans les grands ministères et dans les assemblées.

En matière de sécurité, j'ai décidé de lancer, suite à la panne, un audit complet sur le fonctionnement des systèmes de sécurité de redondance qui n'ont manifestement pas bien fonctionné. Il s'agira plus généralement de dresser un état des lieux complet sur la sécurité des réseaux. Il y a tout d'abord la sécurité intrinsèque, c'est-à-dire la façon dont on peut assurer une redondance sur certains équipements critiques, afin de limiter les effets de la défaillance d'un équipement sur l'ensemble du système. Sur les équipements de coeur de réseau, nous disposons d'un système de sécurité à trois niveaux : or, lors de la panne, les équipements de secours n'ont pas été sollicités. Le groupe compte 27 machines de coeur de réseau réparties sur plus d'une dizaine de sites : il n'y a donc pas de concentration géographique. Par ailleurs, tous les liens de transmission sont répliqués un grand nombre de fois. Il y a également la question des agressions informatiques : nous sommes particulièrement précautionneux en matière de systèmes de sécurité ; parmi les grands opérateurs mondiaux, nous sommes en pointe sur ce sujet. Il convient d'être vigilant en permanence et c'est pourquoi notre corps d'audit interne, comprenant 120 personnes, s'y implique pleinement.

En matière de complémentarité, il est en effet important d'aller vers une utilisation intelligente des différentes technologies : la fibre, pour la plus grande partie des besoins, mais aussi la 4G ou le satellite. La fibre est la solution adéquate pour des territoires très denses comme le Japon ou la Corée du Sud, mais pas pour un territoire plus diversifié et moins dense comme le nôtre. Il faut donc être plus pragmatique, tout en gardant l'objectif d'apporter le très haut débit à tous les citoyens. S'agissant de la mutualisation, nous sommes également pragmatiques puisque nous avons signé un accord sur la fibre avec tous les opérateurs. Encore faut-il que chacun tienne ses engagements.

S'agissant de la montée en puissance du plan fibre, on comptait, en juin 2012, 1,25 million de logements raccordables et 4,7 millions de logements adressables. Le souhait de certains opérateurs de réserver certains logements a eu des effets négatifs, certaines copropriétés s'en plaignant auprès de nous. La vraie problématique porte par ailleurs aujourd'hui sur le taux de transformation entre les foyers raccordés et les abonnés : seuls 10 % des foyers raccordables sont abonnés à la fibre. La stratégie commerciale des opérateurs est en question. Nous sommes les plus motivés à tenir nos engagements, notamment parce que nous avons perdu du terrain depuis plus de dix ans. La fibre peut être un outil de reconquête efficace : sur Paris par exemple, le fait d'accélérer le déploiement vertical nous permet, pour la première fois depuis dix ans, d'accroître nos parts de marché. Nous sommes pour le reste en phase avec l'engagement pris jusqu'en 2015 : il n'y a aucun ralentissement des investissements. On est en effet passé de 150 millions d'euros d'investissements en 2011 à 300 millions en 2012. La hausse sera sensible en 2013 et les années suivantes ; l'effort se poursuivra d'ailleurs après 2015.

Nous n'avons pas identifié de budget spécifique pour les co-investissements avec les collectivités territoriales. Nous devons nous adapter aux appels d'offre, qui diffèrent en fonction de la nature et de la taille des collectivités. Nous souhaitons être présents partout où cela est possible. Nos délégués régionaux quadrillent le territoire. Nous sommes l'opérateur le plus actif pour ce qui concerne le co-investissement et nous souhaitons garder ce contact étroit avec les collectivités territoriales.

Je ne peux pas vous dire si une défaillance humaine explique la panne. Les investigations sont en cours. Elles sont menées conjointement avec Alcatel Lucent, notre partenaire technique, et sont relativement complexes. L'incident est intervenu après la préparation d'une mise à jour logicielle sur un des équipements critiques. Impossible de dire aujourd'hui s'il s'agit d'une erreur humaine, mais a priori ce n'est pas le cas. Je donnerai une estimation du coût de cet incident le 26 juillet prochain lors de la présentation des résultats du premier semestre. Il devrait atteindre plusieurs dizaines de millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable.

L'itinérance 4G n'est pas à l'ordre du jour pour l'instant. Votre question me permet d'évoquer la problématique de l'itinérance, qu'il faut bien dissocier de celle liée à l'arrivée d'un quatrième opérateur, dans les conditions qui avaient été prévues. Quand on permet au nouvel opérateur de lancer une offre sur tout le pays avec seulement 25 % de taux de couverture, l'itinérance est indispensable. Elle est même consubstantielle au cahier des charges du nouvel opérateur, qui prévoyait d'ailleurs l'itinérance sur la 2G. Je suis agacé que certains acteurs se fixent sur cette problématique. A mes yeux, on surestime l'impact sur le réseau 3G : le premier attrait de l'offre de Free reste la voix et le SMS. Je rappelle par ailleurs que l'ARCEP et, surtout, l'Autorité de la concurrence, nous ont incités à contracter l'itinérance 3G, en contrepartie de la possibilité de faire du quadruple play. L'itinérance n'a, bien sûr, pas vocation à être pérenne : le vrai enjeu réside dans le degré de déploiement du réseau de Free. Des questions se posent en la matière et, à mes yeux, la méthodologie retenue pour mesurer la réalité du déploiement de cet opérateur est contestable. Il reviendra au régulateur de prendre position sur ce sujet.

Pour ce qui concerne la position de l'État sur les dividendes du groupe, j'ai fait part au ministre de l'économie de nos projets en la matière. Il n'est pas encore temps de discuter de la politique de distribution des dividendes. L'État comprend que l'entreprise doit faire des arbitrages, notamment pour ne pas sacrifier ses investissements et pour préserver l'emploi. Le marché lui-même nous incite à revoir à la baisse le dividende.

Je ne me prononcerai pas sur la fusion CSA-ARCEP. Nous avons des relations de travail normales avec le régulateur, que nous souhaitons poursuivre : l'ARCEP est une autorité compétente, ce qui n'est pas le cas partout dans le monde, et à l'écoute des opérateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Comment comptez-vous dédommager de la panne qui vient de se produire, les clients itinérants, c'est-à-dire ceux des opérateurs que vous hébergez ?

Comptez-vous, ensuite, rapatrier vos centres d'appels qui se trouvent hors du territoire national, ou bien faire rapatrier ceux de vos sous-traitants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Chatillon

Le secteur de la téléphonie est très porteur, puisqu'en quinze ans, vous êtes parvenus à capter 10 à 12 % du revenu des ménages, au détriment en particulier des produits alimentaires. Cependant, votre bilan ne manque pas d'inquiéter : votre groupe est à peine valorisé au prix de ses fonds propres, ce qui en fait une cible bien tentante d'une offre publique d'achat (OPA) hostile, en particulier venue de Chine. Comment vous prémunissez-vous d'une telle perspective ? Avez-vous, par exemple, constitué un pacte d'actionnaires suffisamment stable pour sécuriser l'entreprise ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Alors que les informations que vous nous donnez sur l'entreprise sont rassurantes - pour l'emploi, les investissements, l'activité -, vous êtes sur la défensive sur le versement du dividende à l'État, vous vous plaignez presque d'avoir à le faire ! Soit dit en passant, l'expression de « vache à lait » n'a rien de choquant : chez nous en Bretagne, on ne trait que les vaches qui ont du lait, c'est même parce qu'elles en ont, qu'on les traie !

Comme élu local, ensuite, je déplore les difficultés relationnelles de votre entreprise avec les collectivités locales : la confiance est indispensable au partenariat, nous en avons tous besoin !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Navarro

Vous me rassurez en disant que l'emploi ne sera pas la variable d'ajustement, mais vous m'inquiétez lorsque vous annoncez 3 milliards d'investissement, alors que vos trois concurrents prévoient, en tout, 27 milliards ! Votre groupe est un fleuron, tout le monde en est d'accord ; le dividende qu'il apporte à l'État est utile à la collectivité : quelle stratégie comptez-vous mettre en oeuvre pour le pérenniser ? La réponse intéresse les finances publiques, mais aussi le service rendu à l'usager.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Votre attitude défensive m'inquiète également, car elle fait craindre que votre groupe ne soit pas à la hauteur des enjeux. Pour être membre de l'association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (AVICCA), et co-auteur de la proposition de loi sur l'aménagement numérique du territoire que le Sénat a adopté en février dernier, je voudrais vous entendre dire que, pour le très haut débit, il n'y a pas d'alternative à la fibre. C'est important, parce que cela oblige notre pays à faire des choix d'infrastructures et à abandonner des combats d'arrière-garde qui ne font que désavantager certains territoires. Je pense ici à des investissements qui sont faits dans le réseau en cuivre, par des collectivités locales peut-être insuffisamment informées, alors qu'elles auraient bien plus intérêt à passer directement à la fibre : convenez-vous avec moi qu'il n'y a pas d'alternative à cette technologie pour passer au très haut débit, et que les autres réseaux ne peuvent intervenir qu'en complémentarité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

La compétitivité est un thème d'actualité où l'on parle du coût du travail, mais pas assez des infrastructures. Or, le très haut débit, comme infrastructure, devient un facteur incontournable de notre compétitivité : les entreprises, petites et grandes, ne pourront bientôt pas s'en passer, au point de déserter les territoires qui ne le leur offriront pas. Cependant, la différentiation entre zones « denses », « moyennement denses » et « peu denses » interdit toute péréquation entre territoires : ne devrait-on pas rechercher une péréquation entre eux, redéployer de l'argent gagné dans les zones denses vers celles qui le sont moins ? Peut-on établir un schéma directeur dans ce sens ?

Sur la téléphonie mobile, ensuite, il reste trop de « zones blanches » ; il faut le reconnaître, plutôt que de se satisfaire d'une couverture illusoire.

Enfin, ne pensez-vous pas que l'ARCEP doive être dotée d'un pouvoir de sanction contre les opérateurs qui ne respectent pas leurs obligations ?

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

Les « zones blanches » existent, elles sont le quotidien de bien des territoires et il est grand temps de le reconnaître. Il est difficile de comprendre, ensuite, pourquoi il faut tant de temps entre l'installation d'un pylône et son raccordement : en Creuse, je peux vous citer l'exemple d'un pylône installé depuis un an, mais qui n'est toujours pas raccordé, personne ne comprend pourquoi ! Ma commune, enfin, a mis en concurrence les opérateurs, comme c'est la règle, mais elle n'a reçu aucune offre de France Télécom : pourquoi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

En France, les discours l'emportent trop souvent sur l'action et les collectivités locales doivent agir par elles-mêmes quand elles sont lasses d'attendre les suites de belles paroles. C'est ce que nous avons fait dans mon département, en prenant les choses en mains. Des informations essentielles nous manquent cependant sur les « zones blanches », dont on sait bien qu'elles existent mais que personne ne veut cartographier. J'ai fait un rapport sur le sujet, je participe à une commission ad hoc : nous avons été réunis deux ou trois fois déjà, pour aucun résultat ! Quand va-t-on enfin disposer d'une carte des « zones blanches », qui nous permette d'agir ? Nous ne demandons pas à l'État ni aux opérateurs de payer, mais juste de nous communiquer l'information !

Sur le haut débit, ensuite, il est bien difficile de comprendre, et d'expliquer à nos concitoyens, qu'il faille plus d'un an pour raccorder un noeud de raccordement d'abonnés (NRA) à la fibre alors qu'elle passe juste devant. La collectivité locale investit, elle installe le NRA, mais pendant un an il ne se passe rien : pourquoi ? C'est de la perte de valeur...

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Je déplore à mon tour la détérioration des relations qui étaient traditionnellement très bonnes entre nos syndicats d'électrification et France Télécom : on en est arrivé quasiment au « 22 à Asnières », tout est toujours compliqué, dans mon département de la Côte d'Or votre entreprise retarde 60 dossiers, alors qu'à peine 30 000 euros sont en jeu ! Nous sommes des élus, nous aimons notre opérateur historique ; le partenariat est fait de relations qui sont toujours consentantes : France Télécom doit se mettre en empathie avec les collectivités locales pour, tous ensemble, construire les réseaux et les services de demain !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Pour contribuer au financement des infrastructures, ne peut-on pas regarder du côté des grands emprunts et autres project bonds ? N'y a-t-il pas, ensuite, des marges de manoeuvre fiscales à trouver, en taxant non plus seulement le contenant, c'est-à-dire les réseaux, mais le contenu, c'est-à-dire l'activité qui se déroule grâce aux réseaux ?

Debut de section - Permalien
Stéphane Richard, président de France Télécom

Les clients dont les opérateurs sont hébergés, donc les clients itinérants, seront dédommagés au même titre que nos clients, mais via leurs opérateurs.

France Télécom n'a pas de centres d'appels à l'étranger : toutes nos plateformes sont sur le territoire national. Cependant, certains de nos sous-traitants ont des plateformes off shore. Pourquoi y ont-ils recours ? Pour des raisons de prix : le coût du travail est deux à trois fois moindre au Maghreb par exemple. Mais il y a aussi la question de la disponibilité horaire : aujourd'hui, les clients demandent un service permanent, ce qui est parfaitement impossible à organiser avec les salariés du groupe en France. Peut-on rapatrier les centres d'appels ? La question est à poser aux entreprises concernées, et il ne faut pas perdre de vue que les centres d'appels ont été des outils de la politique de coopération avec les pays du sud, en particulier avec le Maroc, la Tunisie et le Sénégal : ils sont des symboles de la participation française au développement de ces pays, les retirer n'est pas si simple qu'il y paraît. Je crois que nous avons plutôt besoin, pour commencer, d'un état des lieux, parce que nous entendons tout et n'importe quoi sur le sujet : une mission d'étude serait bienvenue, confiée par exemple à l'inspection générale des finances (IGF) et à l'inspection générale des affaires sociales (IGAS).

Les télécommunications seraient un secteur porteur ? Moins qu'on ne le croie souvent : en fait, le chiffre d'affaires ne progresse plus depuis dix ans, au gré de la régulation - qui prélève un milliard par an - et, surtout, de la baisse continue des prix des télécommunications : il suffit de comparer avec la plupart des autres biens, par exemple le train ou l'énergie, pour mesurer combien l'évolution des prix des télécommunications est favorable aux consommateurs. En fait, les dépenses de télécommunication sont stables depuis une dizaine d'années, elles représentent environ 2,5 % du budget des ménages - et non pas 12 % comme vous le dites, M. Alain Chatillon.

Notre faible valorisation est-elle une fragilité ? Nous préférerions certes être davantage valorisés par le marché, mais notre entreprise ne se distingue pas, sur ce point, de ses concurrentes : c'est le lot de ce secteur. Cependant, nous avons la chance que l'État détienne 27 % de notre capital : c'est quasiment la majorité en conseil d'administration et, surtout, c'est la meilleure protection contre toute OPA hostile.

Plusieurs d'entre vous ont eu le sentiment que j'étais sur la défensive, j'en suis bien attristé. La réalité du secteur est si différente de son image - celle d'un secteur encore « grassouillet », alors ce n'est plus du tout le cas - que j'ai peut-être un peu forcé le trait, pour vous faire bien percevoir ce qu'il en est réellement. Loin d'être sur la défensive, notre stratégie est offensive : notre plan stratégique « Conquête 2015 » se déploie sur quatre axes complémentaires : en interne, nous voulons reconstruire l'entreprise, faire que les salariés s'y sentent bien et nous faisons de réels progrès en la matière, le climat interne s'améliore ; nous investissons sur les réseaux du futur, en y consacrant 14 % de notre chiffre d'affaires - nous investissons 6 milliards d'euros par an, dont 3 milliards en France -, en nous positionnant sur la 4G ; nous développons le service, parce que nous sommes convaincus qu'il y a des places à prendre dans les technologies du « sans contact », dans la billettique, et qu'on ne doit pas tout laisser aux grandes entreprises américaines ; enfin, nous sommes conquérants à l'international, nous comptons déjà 230 millions de clients dans 35 pays, nous réalisons la majeure partie de notre chiffre d'affaires hors de France et nous sommes très présents sur les marchés en plein essor, par exemple en Afrique, le continent qui va connaître la plus forte croissance démographique dans les décennies à venir. Si mon discours a pu vous paraître sur la défensive, c'est parce que je défends mon entreprise, une entreprise conquérante et entièrement tournée vers l'avenir.

Les infrastructures numériques sont l'un des éléments essentiels de la compétitivité des territoires. Leur déploiement est un véritable enjeu national, que nous devons absolument relever. En tant qu'opérateur historique, nous avons une responsabilité particulière. Mais il s'agit d'un sujet complexe qui doit mobiliser tous les acteurs concernés, dans une logique de complémentarité des moyens et des actions, de façon transparente et en recourant à la contractualisation. Les investissements sont estimés à 300 milliards d'euros à l'échelle européenne ; ni les collectivités, ni les États ne pourront y pourvoir seuls. Certes, en Australie, l'État a décidé d'investir lui-même dans le déploiement de la fibre il y a trois ans, en empruntant 40 milliards de dollars, mais il ne connaît pas de dette publique comme la nôtre.

Le problème des « zones blanches » est réel. Peut-être faudra t-il revoir les modalités des mesures par l'ARCEP, qui ne reflètent pas toujours la réalité de terrain. Une mutualisation plus poussée entre opérateurs constitue une première réponse, en commençant pas les zones de déploiement prioritaires, qui représentent un peu moins de 20 % de la population mais 50 % des territoires, pour ce qui est de la 4G.

Je comprends les difficultés ressenties au niveau local, et nous nous efforçons de les examiner au cas par cas. Nous gérons un budget de 3 milliards d'euros d'investissement et sommes présents dans 250 sites : nous ne pouvons prétendre à un service parfait, mais nous nous engageons à remédier aux problèmes se posant.

S'agissant des relations avec les syndicats d'électrification, j'essaie de diffuser dans le groupe l'idée d'un renouvellement de l'état d'esprit du partenariat. Nous sommes désormais un acteur parmi d'autres, soumis à une concurrence très difficile, et tenu de rentrer dans une telle coopération. Les syndicats d'électrification sont des partenaires, mais ont été des concurrents, ce qui peut expliquer certaines incompréhensions.

En ce qui concerne les choix technologiques, j'admets, sans aucune ambigüité, que le très haut débit, c'est la fibre. En revanche, on peut s'interroger sur l'opportunité de recourir, de façon complémentaire mais marginale, à d'autres technologies et en s'appuyant sur la fibre : par exemple, il faut déployer de la fibre pour installer des émetteurs 4G.

Les financements européens sur les infrastructures font l'objet d'un programme de 10 milliards d'euros de la banque européenne d'investissement (BEI), ce qui peut être un complément de ressources intéressant.

Sur la taxation des opérateurs de service, on peut légitimement s'interroger sur la faible soumission à l'impôt de certains grands acteurs capturant la valeur de l'économie numérique, tel Google. Nos systèmes fiscaux ont des difficultés à appréhender l'activité de ces entreprises internationales, qui se sont implantées hors de France. Le Gouvernement, qui a lancé une mission sur la fiscalité du numérique, s'est emparé du sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Comment pourra-t-on étendre la fibre dans les départements ruraux ?

Debut de section - Permalien
Stéphane Richard, président de France Télécom

L'économie du système veut que les opérateurs déploient dans les zones denses, de façon coordonnée, et que des partenariats public-privé interviennent sur le reste du territoire. A chaque collectivité de s'organiser pour les mettre en oeuvre, que ce soit au niveau des régions, des départements ou des communautés d'agglomérations. Cela prendre des formes différentes et nécessitera de recourir à des appels d'offres, dans des délais sans doute plus longs pour les zones rurales.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Vous n'êtes pas véritablement un « opérateur parmi d'autres », car France Télécom est propriétaire des réseaux.

Debut de section - Permalien
Stéphane Richard, président de France Télécom

Certes, pour ce qui est du réseau cuivre, qui connaît toutefois un taux de dégroupage très important, puisque nous n'avons plus que 45 ou 46 % de parts de marché. Et pour ce qui est de la fibre, en-dehors des zones denses, nous représentons 80 % des déploiements et respecterons nos engagements en la matière.

- Présidence de M. Daniel Raoul, président -

La commission désigne Mme Bernadette Bourzai pour siéger, en qualité de membre titulaire, au sein du Conseil national de la montagne (en remplacement de M. Thierry Repentin).