Intervention de Stéphane Richard

Commission des affaires économiques — Réunion du 18 juillet 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Stéphane Richard président-directeur général de france télécom-orange

Stéphane Richard, président-directeur général de France Télécom - Orange :

Nous avons effectivement perdu l'appel d'offres portant sur l'équipement du Sénat et de certains ministères. La mécanique de ces appels d'offres est très axée sur le prix, avec des cahiers des charges exigeants. Nous n'avons très certainement pas été assez performants, il faut le reconnaître. Notre objectif est de regagner ce marché lors du prochain appel d'offre : au-delà du chiffre d'affaires, il est important pour l'opérateur historique d'être présent dans les grands ministères et dans les assemblées.

En matière de sécurité, j'ai décidé de lancer, suite à la panne, un audit complet sur le fonctionnement des systèmes de sécurité de redondance qui n'ont manifestement pas bien fonctionné. Il s'agira plus généralement de dresser un état des lieux complet sur la sécurité des réseaux. Il y a tout d'abord la sécurité intrinsèque, c'est-à-dire la façon dont on peut assurer une redondance sur certains équipements critiques, afin de limiter les effets de la défaillance d'un équipement sur l'ensemble du système. Sur les équipements de coeur de réseau, nous disposons d'un système de sécurité à trois niveaux : or, lors de la panne, les équipements de secours n'ont pas été sollicités. Le groupe compte 27 machines de coeur de réseau réparties sur plus d'une dizaine de sites : il n'y a donc pas de concentration géographique. Par ailleurs, tous les liens de transmission sont répliqués un grand nombre de fois. Il y a également la question des agressions informatiques : nous sommes particulièrement précautionneux en matière de systèmes de sécurité ; parmi les grands opérateurs mondiaux, nous sommes en pointe sur ce sujet. Il convient d'être vigilant en permanence et c'est pourquoi notre corps d'audit interne, comprenant 120 personnes, s'y implique pleinement.

En matière de complémentarité, il est en effet important d'aller vers une utilisation intelligente des différentes technologies : la fibre, pour la plus grande partie des besoins, mais aussi la 4G ou le satellite. La fibre est la solution adéquate pour des territoires très denses comme le Japon ou la Corée du Sud, mais pas pour un territoire plus diversifié et moins dense comme le nôtre. Il faut donc être plus pragmatique, tout en gardant l'objectif d'apporter le très haut débit à tous les citoyens. S'agissant de la mutualisation, nous sommes également pragmatiques puisque nous avons signé un accord sur la fibre avec tous les opérateurs. Encore faut-il que chacun tienne ses engagements.

S'agissant de la montée en puissance du plan fibre, on comptait, en juin 2012, 1,25 million de logements raccordables et 4,7 millions de logements adressables. Le souhait de certains opérateurs de réserver certains logements a eu des effets négatifs, certaines copropriétés s'en plaignant auprès de nous. La vraie problématique porte par ailleurs aujourd'hui sur le taux de transformation entre les foyers raccordés et les abonnés : seuls 10 % des foyers raccordables sont abonnés à la fibre. La stratégie commerciale des opérateurs est en question. Nous sommes les plus motivés à tenir nos engagements, notamment parce que nous avons perdu du terrain depuis plus de dix ans. La fibre peut être un outil de reconquête efficace : sur Paris par exemple, le fait d'accélérer le déploiement vertical nous permet, pour la première fois depuis dix ans, d'accroître nos parts de marché. Nous sommes pour le reste en phase avec l'engagement pris jusqu'en 2015 : il n'y a aucun ralentissement des investissements. On est en effet passé de 150 millions d'euros d'investissements en 2011 à 300 millions en 2012. La hausse sera sensible en 2013 et les années suivantes ; l'effort se poursuivra d'ailleurs après 2015.

Nous n'avons pas identifié de budget spécifique pour les co-investissements avec les collectivités territoriales. Nous devons nous adapter aux appels d'offre, qui diffèrent en fonction de la nature et de la taille des collectivités. Nous souhaitons être présents partout où cela est possible. Nos délégués régionaux quadrillent le territoire. Nous sommes l'opérateur le plus actif pour ce qui concerne le co-investissement et nous souhaitons garder ce contact étroit avec les collectivités territoriales.

Je ne peux pas vous dire si une défaillance humaine explique la panne. Les investigations sont en cours. Elles sont menées conjointement avec Alcatel Lucent, notre partenaire technique, et sont relativement complexes. L'incident est intervenu après la préparation d'une mise à jour logicielle sur un des équipements critiques. Impossible de dire aujourd'hui s'il s'agit d'une erreur humaine, mais a priori ce n'est pas le cas. Je donnerai une estimation du coût de cet incident le 26 juillet prochain lors de la présentation des résultats du premier semestre. Il devrait atteindre plusieurs dizaines de millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable.

L'itinérance 4G n'est pas à l'ordre du jour pour l'instant. Votre question me permet d'évoquer la problématique de l'itinérance, qu'il faut bien dissocier de celle liée à l'arrivée d'un quatrième opérateur, dans les conditions qui avaient été prévues. Quand on permet au nouvel opérateur de lancer une offre sur tout le pays avec seulement 25 % de taux de couverture, l'itinérance est indispensable. Elle est même consubstantielle au cahier des charges du nouvel opérateur, qui prévoyait d'ailleurs l'itinérance sur la 2G. Je suis agacé que certains acteurs se fixent sur cette problématique. A mes yeux, on surestime l'impact sur le réseau 3G : le premier attrait de l'offre de Free reste la voix et le SMS. Je rappelle par ailleurs que l'ARCEP et, surtout, l'Autorité de la concurrence, nous ont incités à contracter l'itinérance 3G, en contrepartie de la possibilité de faire du quadruple play. L'itinérance n'a, bien sûr, pas vocation à être pérenne : le vrai enjeu réside dans le degré de déploiement du réseau de Free. Des questions se posent en la matière et, à mes yeux, la méthodologie retenue pour mesurer la réalité du déploiement de cet opérateur est contestable. Il reviendra au régulateur de prendre position sur ce sujet.

Pour ce qui concerne la position de l'État sur les dividendes du groupe, j'ai fait part au ministre de l'économie de nos projets en la matière. Il n'est pas encore temps de discuter de la politique de distribution des dividendes. L'État comprend que l'entreprise doit faire des arbitrages, notamment pour ne pas sacrifier ses investissements et pour préserver l'emploi. Le marché lui-même nous incite à revoir à la baisse le dividende.

Je ne me prononcerai pas sur la fusion CSA-ARCEP. Nous avons des relations de travail normales avec le régulateur, que nous souhaitons poursuivre : l'ARCEP est une autorité compétente, ce qui n'est pas le cas partout dans le monde, et à l'écoute des opérateurs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion