Pour ma part, je suis juriste plutôt qu'écrivain, maître de conférences au Centre d'études internationales de la propriété intellectuelle de l'université de Strasbourg. Je me suis naturellement intéressé à la loi sur la numérisation des oeuvres indisponibles du XXe siècle, à propos de laquelle j'ai publié dans le recueil Dalloz un article très critique, car elle me semble contraire tant aux principes généraux du droit qu'à la Constitution, aux directives européennes et à la convention de Berne. Cette loi est très complexe, sans doute trop. Toujours est-il qu'aux yeux d'un juriste français, le droit d'auteur est un droit de l'auteur, ce que ce texte remet en cause.
A l'occasion de la loi dite DADVSI (droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information) transposant la directive européenne 2001/29/CE, le Conseil constitutionnel en 2006 a reconnu que le droit d'auteur était un droit de propriété au sens de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Le texte qui nous occupe contient deux aspects problématiques. C'est tout d'abord le cas de la gestion collective à parité entre éditeurs et auteurs, car les clauses de cession numérique n'étant apparues qu'au début des années 1990, les auteurs sont donc propriétaires de l'essentiel des droits du XXe siècle, ce qui remet en cause l'argument de l'incertitude quant à la titularité des droits, retenu comme fondement de cette gestion paritaire. D'ailleurs, le fait que les éditeurs tentent de faire signer aux auteurs des avenants numériques prouve qu'ils ne possèdent pas ces droits. Cela s'apparente au final à une expropriation.
Ensuite le mécanisme d'opt-out pose problème puisqu'il implique que, pour exercer son droit de propriété, l'auteur doive accomplir un acte positif. Or, lorsque l'on est propriétaire, il n'y a pas lieu de le prouver par une formalité. La charge de la preuve devrait donc être inversée. L'article 5.2 de la convention de Berne, qui pose des règles universelles en la matière, interdit les formalités destinées à obtenir la protection du droit d'auteur puisque ce dernier naît automatiquement de la seule création.
Aussi, j'incite les auteurs qui m'interrogent à faire valoir leurs droits, éventuellement par une question prioritaire de constitutionnalité. Mon collègue juriste vous en dira plus.