ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative. - J'ai plaisir à répondre à votre invitation, tant ces temps d'audition participent à la construction du dialogue, à la transparence et à l'évaluation de l'action. Mon entrée en fonction récente ne me permettra pas de traiter à fonds l'ensemble du périmètre de mon ministère, que le Président de la République et le Premier ministre ont voulu large. Un ministère de plein exercice qui couvre les champs du sport, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative : cela ne s'était pas vu depuis 1944. Ces dix dernières années ont vu bien des changements de périmètre, bien des ministres se succéder aux sports, à la jeunesse. Quant à l'éducation populaire, elle avait tout simplement connu l'éclipse. Certains ont raillé le retour de cette dénomination, comme s'il ne s'agissait que d'une figure de style. Avec 134 000 associations, plus de 6 millions de bénévoles et 680 000 emplois, l'éducation populaire joue pourtant un rôle insigne, qui marque la vie quotidienne : elle est la force du vivre ensemble, le premier lieu de découverte, pour les jeunes, de la vie citoyenne et de la relation à l'autre. On mesure de là combien importent, pour la construction des politiques publiques en ces domaines, la combinaison des réseaux et des ressources humaines, le travail conjoint du ministère avec les services déconcentrés, les autres ministères, les collectivités et le partenariat avec les associations.
Je veux rappeler quelques éléments de cadrage financier sur les champs de mon ministère. Les crédits du programme « sport », dit le programme 219, s'établissent, pour 2012, à 255,4 millions, dont 78 vont aux Centres de ressources, d'expertise et de performance sportives (CREPS) et écoles nationales, 33 à l'Institut national du sport de l'expertise et de la performance (Insep), 71 aux fédérations, 11 au partenariat public-privé de l'Insep et 12 au Stade de France.
Deuxième bras de levier, le Centre national pour le développement du sport (CNDS), dont les recettes proviennent de la Française des jeux, des paris sportifs et de la taxe sur les droits d'exploitation des événements télévisés, dite taxe Buffet.
Les crédits du programme « jeunesse », dit programme 163, s'établissent à 230 millions, dont 60 % sont consommés par le service civique, le reste allant au Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep) ou aux actions déconcentrées, à la mobilité internationale pour 13 millions, dont 10 vont à l'Office franco-allemand pour la jeunesse, l'OFAJ, en cette année où se prépare l'anniversaire du Traité de l'Élysée, au fond de développement de la vie associative pour 11 millions, aux relations avec les grandes associations d'éducation populaire pour 9 millions.
S'ajoute à cela un programme support, partagé avec le ministère des affaires sociales et de la santé.
Mon ministère compte 7 034 équivalents temps plein, dont 2 000 opérateurs extérieurs.
Le sport est en situation délicate. Il a fallu beaucoup batailler, à quelques jours de l'ouverture des Jeux olympiques, où la délégation française comptera 332 sportifs, et des Jeux paralympiques, auxquels participeront 164 de nos athlètes, pour que les sommes destinées à valoriser nos futurs médaillés, qui n'avaient pas été inscrites en loi de finances initiale pour 2012, ce que vos collègues MM. Martin et Lozach avaient dénoncé comme une bombe à retardement, soient finalement débloquées.
A quoi s'ajoutent les opérations engagées non couvertes par une inscription au budget : 6 millions pour les travaux de l'Insep et des Creps, 8 millions pour honorer les nouvelles dispositions législatives relatives à la retraite des sportifs de haut niveau et qui s'appliquent depuis le 1er janvier 2012, 1,3 million en 2012 et 6 millions en 2013 pour le Musée du sport, qui possède l'une des plus belles collections historiques sur le sport français. Outre les 5 millions de travaux à engager dans les locaux du ministère du sport, lesquels ne nous appartiennent pas, se profile un projet avec la ville de Nice, sur le stade construit pour l'Euro 2016. Il faut prendre le temps de la réflexion. Des rendez-vous sont prévus sur place avec les acteurs. Le budget du sport devrait en effet financer l'ensemble des dépenses d'investissement, de personnel, de fonctionnement, d'un stade qui bénéficie de surcroît de 20 millions venus de l'État. Peu de projets de musée peuvent se targuer de telles modalités de financement.
La situation du CNDS est très dégradée : il lui a été successivement demandé de financer les stades de l'Euro 2016, alors que la taxe Buffet ne rapportait que 120 millions d'euros : restait donc à trouver 40 millions supplémentaires pris sur l'enveloppe consacrée au sport pour le plus grand nombre. Euro 2016, donc, mais aussi Arenas, dans des conditions parfois étonnantes, ou encore conventions d'objectifs des fédérations : la Cour des comptes a dénoncé ce complément de soutien aux fédérations via le CNDS. Enfin, il a porté toutes les grandes manifestations internationales. Le moment n'est sans doute pas opportun de poursuivre dans cette voie alors que ses recettes diminuent du fait du manque de rendement de la taxe Buffet, au point qu'il a accumulé une dette de 443 millions au titre des engagements hors bilan, que son déficit devrait être de 32 millions en 2012 et qu'il ne dispose plus de fonds de roulement.
Malgré ce contexte difficile, mes ambitions sont fortes.
Il est essentiel, tout d'abord, de réduire les inégalités, nombreuses, dans l'accès au sport : inégalités entre les territoires, les revenus, les genres, les âges. Essentielle est aussi la promotion du sport comme outil de santé publique. Prescrire, tout au long de la vie, l'exercice d'une activité sportive aide mieux à lutter contre bien des pathologies liées à la sédentarité, cause d'un décès sur dix, vaut mieux qu'une longue ordonnance de médicaments. Les bienfaits du sport sur l'hypertension, sur le diabète, sont prouvés. De même contre les pathologies liées au vieillissement ou les récidives de certains cancers, comme celui du sein ou du colon. Une démarche a dès à présent été engagée avec les professionnels, qui commence en Alsace.
Pour assurer le rayonnement de la France, enfin, les sportifs de haut niveau doivent être accompagnés dans leur double projet, de construction d'un parcours d'excellence mais aussi d'après carrière : tel est le message que j'ai voulu délivrer à l'Insep, pour que le service public du sport ne s'arrête pas après la dernière médaille.
Nous avons mené de nombreuses consultations, avec le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), les fédérations, les mutuelles, les syndicats, engagé un travail interministériel avec les ministres de la santé et l'éducation nationale, pour refaire du sport une priorité éducative. La consultation « Refonder l'école » a montré que c'est dans le périscolaire que l'on trouve les inégalités les plus grandes. Avec Mme Carlotti, nous travaillons sur le handicap : les Jeux paralympiques seront l'occasion d'une meilleure exposition médiatique. Si les primes des sportifs seront fiscalisées, comme elles le furent à Vancouver, car il ne serait pas sain qu'il y ait deux poids, deux mesures, leur montant ne sera pas pris en compte pour les personnes en situation de handicap, dans le calcul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ou des prestations compensatoires : il ne serait pas juste qu'une médaille leur fasse perdre leurs droits.
Nous menons la réflexion sur les missions respectives de l'administration et des opérateurs : plus d'autonomie au mouvement sportif, qui la réclame, plus de confiance dans les territoires. Nous travaillons à mettre en place une assemblée régionale du sport pour venir en soutien aux clubs, aux équipements. Les élus, le mouvement sportif, l'État doivent se retrouver sur les territoires. Le CNDS doit se recentrer sur ses missions, autour d'un schéma des équipements locaux, et les Creps, qui ont payé un lourd tribut à la révision générale des politiques publiques (RGPP), retrouver leur place dans ce grand projet de service public du sport.
Je souhaite que les parlementaires soient associés à l'élaboration de la loi-cadre prévue pour fin 2013, faite pour donner la meilleure place aux acteurs de terrain et plus d'autonomie au mouvement sportif. Une conférence nationale du sport sera dans le même temps lancée, afin de prendre appui non seulement sur un collège des pouvoirs publics élargi à l'interministériel mais sur un collège des associations et un collège des acteurs économiques et sociaux, où la parité devra progresser, et à laquelle les syndicats seront associés.
Un mot sur le retour d'un grand prix de Formule 1 en France, qui suscite de fortes demandes des élus. Outre qu'il faudra recueillir l'accord des organisateurs et que le grand prix pourrait être porté par la fédération française automobile, reste posée la question des coûts d'accueil et de la possibilité ou non de recettes commerciales.
Quant au dossier des stades de l'Euro 2016, il n'est pas bouclé, ce qui est une exigence pour le porter devant la Commission européenne.
La convention sur le consortium du Stade de France, qui lie l'État, la Fédération française de rugby et la Fédération française de football, court jusqu'en 2025. Nous avons voulu que les échanges ne soient pas seulement bilatéraux et que le budget du sport ne serve pas de variable d'ajustement à l'équilibre, alors que l'État a déjà apporté 115 millions au projet depuis 1995.
Les Jeux de la francophonie de Nice, encalminés, sont bouclés grâce à un conseil d'administration d'installation et à un avenant signé le 9 juillet.
Autre enjeu : la sincérité des résultats sportifs. A été signé le décret de préfiguration mettant en place le passeport biologique, que le Sénat avait porté. Il doit assurer un suivi essentiel pour ceux qui sortent des règles éthiques et mettent en jeu leur santé. Nous accueillerons en novembre à Paris un symposium avec l'agence mondiale antidopage.
La France entend jouer tout son rôle dans l'accord partiel élargi sur le sport au Conseil de l'Europe sur les paris sportifs, dont nous espérons qu'il sortira une convention internationale à l'été 2013. Il reste en revanche beaucoup de travail en matière de lutte contre les discriminations et la violence sur les stades.
Il faudra également revenir, à la suite du rapport Doligé, sur la question des normes des équipements sportifs, trouver une juste place pour les payeurs et assurer un meilleur équilibre entre les décideurs et ceux qui sont chargés, in fine, de les mettre en oeuvre. Revenir aussi sur la question de l'éthique et des agents des joueurs, avec la double rémunération et le paiement par les clubs.
Il faudra remettre sur le métier, de même, la question de la place du sport féminin. Songez que le décret « télévision sans frontières » relatif aux obligations de diffusion en clair de certains événements ne retient aucun sport collectif féminin ! Nous avions pourtant beaucoup bataillé au moment des exploits de notre équipe féminine de handball.
Dans le cadre de la refondation de l'école, je me réjouis du travail engagé avec le ministre de l'Éducation nationale pour prendre en compte les grands réseaux d'éducation populaire, de même que de la création de nouveaux postes au Capes d'éducation physique et sportive (EPS), qui juguleront un peu la véritable saignée opérée dans les dernières années.
Sur les jeunes, l'éducation populaire, la vie associative, j'ai pris le temps de rencontrer les principaux acteurs, comme le Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d'éducation populaire (Cnajep), qui représente 72 associations ou le Forum français de la jeunesse, qui regroupe dix-sept organisations de tous horizons, et dont la création comble un vide, puisque nous étions les seuls à qui manquait une instance de dialogue de niveau européen. J'ai rencontré aussi les coordinateurs de l'appel pour un big-bang des politiques de jeunesse qui regroupe 65 organisations, mutuelles, syndicats, missions locales, l'Injep, qui porte les programmes européens « jeunesse en action », l'agence du service civique et bien d'autres.
Les récentes préconisations du Conseil économique, social et environnemental sur l'accès des jeunes aux droits sociaux représentent un moment important. Car partout sur le terrain revient le même constat : la précarité de la jeunesse s'est accrue, le plus fort taux de pauvreté se trouve chez les 16-25 ans, un sixième est sans mutuelle, 150 000 sortent de l'école sans qualification. D'où la priorité qui leur a été donnée dans le projet présidentiel. Il faut entendre, cependant, le message des jeunes : ne faites pas de politique pour nous mais avec nous. Tout cela suppose un vrai travail interministériel pour nous prémunir contre un simple empilement de mesures et dessiner une cohérence entre les acteurs dans tous les domaines - santé, logement, éducation, emploi, accès à la culture et aux sports...
J'ai travaillé avec la Conférence permanente des coordinations associatives : nous avons décidé de réactiver la charte des engagements réciproques arrêtée en 2001, à l'occasion du centenaire de la loi de 1901, et de la décliner par thème et par région.
Le Haut conseil à la vie associative doit se saisir de la question du congé d'engagement, tout d'abord, pour valoriser nos 16 millions de bénévoles. Nous travaillons avec M. Benoît Hamon pour trouver les voies d'une meilleure conciliation entre engagement associatif et vie professionnelle. Autre sujet : le financement privé de la vie associative, pour rebondir sur les débats d'il y a quelques semaines sur la fiscalité du mécénat. Le soutien à l'engagement doit aussi être assuré par les acteurs privés, mais leur place est mal évaluée : le Haut conseil s'en saisira. N'oublions pas que les crédits de la vie associative dans mon périmètre ministériel ont diminué de 30 % depuis 2008 et de 16 % depuis 2010.
Nous sommes également très mobilisés sur la qualité de l'accueil collectif des mineurs à l'heure où 2,5 millions d'enfants partent en vacances, dont un million dans des centres avec hébergement. C'est là aussi la force des réseaux associatifs et d'éducation populaire pour assurer la qualité des programmes, celle de l'enseignement et la sécurité, même si l'on sait que tous les drames ne peuvent, hélas, être évités.
J'en viens au service civique, au sujet duquel j'ai eu de nombreux échanges avec le président de l'Agence, M. Martin Hirsch, mais aussi avec les associations et les jeunes volontaires qui, au nombre de 20 000 en 2012, effectuent des missions d'une durée moyenne de huit mois, dont 15 % auprès des collectivités locales et 85 % via les associations agréées. Nous travaillons, dans le cadre du programme pluriannuel 2013-2015, à une montée en charge qui répond à l'engagement du Président de la République.
Notre personnel, de grande qualité, a payé un lourd tribut à la réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE) et à la RGPP. Entre 2007 et 2012, plus de 1 000 postes ont été supprimés soit 12 % de professeurs de sports en moins, 13 % d'inspecteurs jeunesse et sport, 7 % de conseillers d'éducation populaire et de jeunesse. J'entends travailler, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, à une présentation plus lisible qui distingue clairement le périmètre de chacun des deux programmes du ministère.
Dans un contexte d'effort collectif mené dans la justice, nous avons mené une réflexion sur l'adéquation des moyens aux missions, dont les conclusions doivent nous éclairer et nous aider à mieux gérer notre ministère et à préparer la prochaine étape de la décentralisation. J'ai saisi l'inspection générale de la jeunesse et des sports qui remettra son rapport fin juillet et j'ai créé un groupe de travail réunissant, avec des représentants de l'administration centrale et des établissements déconcentrés, le secrétariat général du gouvernement, le ministère de la réforme de l'État, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Ses conclusions sont attendues à l'automne.
Tel est le bref résumé que je pouvais vous faire des enjeux à décliner pour l'avenir.