Entre une réduction de 80 milliards d'euros et une augmentation de 30 milliards d'euros, il y a donc un écart de 110 milliards d'euros. On peut en comprendre les raisons conjoncturelles. On peut aussi, par souci de lucidité, estimer que cette promesse fut inconsidérée ou que les politiques publiques mises en œuvre ne furent pas cohérentes avec elle. Quoi qu'il en soit, l'écart est incontestable.
D'ailleurs, cette augmentation d'impôts de 30 milliards d'euros a eu lieu, pour l'essentiel, pendant les deux dernières années de la mandature précédente. Cela peut laisser perplexes ceux qui estiment qu'un effort doit être plutôt demandé en début qu'en fin de mandat, mais la responsabilité d'un tel choix incombe à ceux qui l'ont fait, et non aux autres.
Il reste que ces augmentations d'impôts ont permis une réduction structurelle du déficit de 0, 8 point de PIB. Quant à la baisse de la dépense publique, dont il nous fut dit continûment pendant cinq ans qu'elle était l'objet de soins attentifs de la part du Gouvernement, elle n'a pas contribué à la baisse du déficit en 2011.
En effet, la Cour des comptes estime dans son rapport que, l'an dernier, l'évolution de la dépense publique a contribué défavorablement à celle du déficit, pour 0, 2 point de PIB. La dépense publique, loin d'avoir été tenue, comme les pouvoirs publics s'étaient engagés à le faire, a progressé.
Dans la réduction du déficit de 1, 9 point de PIB, qui, je le répète, est historique, seul 0, 8 point tient à une réforme ou à des décisions structurelles relatives aux recettes. La contribution des dépenses a été négative. Pour le reste, il faut invoquer des causes conjoncturelles ou exceptionnelles, en particulier la fin du plan de relance, pour 0, 4 point de PIB, l'achèvement de la réforme de la taxe professionnelle ou l'aboutissement de la budgétisation de certains crédits militaires. Par définition, ces mesures ne se répéteront pas. Ni en 2012, ni en 2013, ni davantage les années suivantes nous ne reverrons ces diminutions de dépenses, qui n'étaient que conjoncturelles.
On pourrait réaliser un raisonnement analogue en matière de déficit budgétaire. La diminution de 59 milliards d'euros tient, pour l'essentiel, à des mesures conjoncturelles ou exceptionnelles. La Cour des comptes n'identifie qu'une réduction structurelle de 14 milliards d'euros pour le budget de l'État. Et encore, elle précise que, sur cette somme, 4 milliards d'euros viennent du remboursement par le secteur automobile des prêts accordés par l'État. Demeurent, en vérité, 10 milliards d'euros d'effort structurel, ce qui correspond, mesdames, messieurs les sénateurs, à la croissance spontanée des recettes fiscales de l'État... Cette dernière remarque en dit long sur ce que fut l'effort lié à des décisions voulues, présentées et assumées par les pouvoirs publics en matière de réduction du déficit budgétaire !
Telle est la réalité des finances publiques à la fin de 2011. Chacun peut l'assumer ou la critiquer en conscience, mais c'est la base sur laquelle le débat, fructueux je l'espère, doit se construire pour 2012. En effet, la France a donné sa parole qu'elle afficherait à la fin de cette année un déficit public de 4, 5 % du PIB. Tout fut fait consciemment et délibérément par ceux qui avaient la charge du pays il y a encore quelques semaines, je le crois, pour que ce déficit fût respecté. Or il se trouve que l'analyse de la Cour des comptes et celle des services du ministère de l'économie et des finances convergent pour indiquer que, toutes choses égales par ailleurs, la France ne pourrait respecter l'objectif sur lequel elle s'est engagée.
Cette situation s'explique par la conjoncture : la croissance n'est pas celle qui fut espérée, même s'il est vrai que, avec le temps et après quelques lois de finances rectificatives, elle fut en définitive prudemment estimée à 0, 5 % du PIB. Elle s'explique également par une prévision budgétaire audacieuse, certains diraient même imprudente.