Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 24 juillet 2012 à 9h30
Loi de finances rectificative pour 2012 — Discussion d'un projet de loi

Jérôme Cahuzac  :

Chacun sait ce qu'il en est de la conjoncture : 0, 1 point de croissance en moins fait perdre plusieurs milliards d'euros de recettes au pays. L'expérience a malheureusement été vécue par tous les gouvernements de la République depuis toujours.

Toutefois, il est possible d'apprécier différemment la sous-estimation de certaines recettes. Je pense à l'impôt sur les sociétés, dont le produit fut objectivement surestimé, pour des raisons conjoncturelles bien sûr, mais aussi pour des motifs tenant à la commodité. Le précédent gouvernement prévoyait que l'assiette sur laquelle est assis l'impôt sur les sociétés progresserait de 5, 2 %. De fait, cette hausse ne fut que de 2 %...

Reconnaissons que, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, des voix se sont élevées pour indiquer que cette estimation était largement exagérée, pour appeler à une plus grande prudence, pour suggérer une croissance du bénéfice fiscal qui serait plutôt de 2, 5 % ou de 3 % que de 5, 2 %. Ces avertissements ne furent pas écoutés par le gouvernement de l'époque, qui préféra en rester à sa prévision.

Au regard d'une telle prévision, la surestimation des recettes au titre de l'impôt sur les sociétés fut donc d'un peu moins de 3 milliards d'euros, une somme qui, aujourd'hui, manque dans les comptes de l'État. On peut formuler la même remarque pour la TVA, dont les recettes ont été surestimées de 1, 4 milliard d'euros. La conjoncture est, hélas ! responsable de cette situation pour 0, 4 milliard d'euros. Toutefois, pour 1 milliard d'euros, c'est le gouvernement précédent qui – passez-moi l'expression, mesdames, messieurs les sénateurs – s'en est chargé.

En effet, quand la prévision fut formulée, toutes les restitutions n'avaient pas été effectuées et chacun savait que cette surestimation d'un milliard d'euros serait avérée en cours d'année. Nous y sommes ! On compte également 1 milliard d'euros en moins pour les cotisations sociales et un autre pour les collectivités locales.

La Cour des comptes a estimé que le manque de recettes dû tant à l'évolution conjoncturelle qu'à des prévisions audacieuses, pour ne pas dire irréfléchies, se situait entre 7 milliards et 10 milliards d'euros. Le Gouvernement retient le chiffre de 7, 1 milliards d'euros et vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, un plan de recettes complémentaires de 7, 2 milliards d'euros sans lequel la France ne pourrait tenir sa parole.

Le présent collectif budgétaire est donc de nature traditionnelle, puisqu'il coïncide avec une alternance politique. De surcroît, il a pour fonction première de permettre à notre pays de respecter la parole donnée en son nom par d'autres que ceux qui occupent aujourd'hui les plus hautes responsabilités. En effet, la France, comme tout grand pays, se doit de respecter les engagements pris.

À cet égard, un fait doit être relevé. Dans les années ou les mois précédant l'élection présidentielle de 2007, le Président de la République, parlant au nom de la France, s'était engagé devant le concert des nations, plus particulièrement au sein de la zone euro, à respecter une certaine trajectoire en matière de finances publiques. Or la parole de la France fut reprise par son successeur, qui s'était invité à l'Eurogroupe – ce fut d'ailleurs une première sans suite. Il avait alors indiqué qu'ayant été élu pour mener à bien un programme, il réaliserait celui-ci plus qu'il ne respecterait la parole de la France.

Selon moi, ce jour là, la France a commis une erreur au sein de la zone euro. Une telle attitude n'a pas contribué à crédibiliser la parole des pouvoirs publics de notre pays, quels qu'ils soient.

Nous assistons aujourd'hui à une rupture. En effet, en dépit de l'alternance politique voulue par les Français, le Président de la République a décidé que la parole donnée au nom de la France par d'autres que lui serait respectée. Pour ce faire, mesdames, messieurs les sénateurs, il vous est proposé un projet de loi de finances rectificative afin de dégager les recettes qui manquent.

À cette période de l'année, au regard de l'exécution budgétaire déjà engagée, la présentation d'un plan d'économies d'une ampleur telle – plus de 7 milliards d'euros – peut permettre à certaines personnes, peu averties de la difficulté de modifier une exécution budgétaire à mi-année, de se livrer à quelques effets oratoires, attitude qui est bien éloignée du sérieux nécessaire en la matière.

L'année dernière, le gouvernement précédent, confronté à des difficultés de même nature – le redressement obligatoire des finances publiques eu égard à l'engagement pris –, fut à l'initiative de deux plans de redressement, dénommés, selon la loi du genre, les « plans Fillon I et Fillon II », qui comportaient quasiment exclusivement des recettes supplémentaires et aucune économie pour l'année en cours ; seul le second plan prévoyait quelques économies pour l'année future. Outre 10 milliards d'euros de recettes supplémentaires en année pleine, il visait 1 milliard d'euros d'économies en matière de dépenses pour l'année suivante. Je le sais, il est de bon ton pour certains responsables politiques et pour certains élus de reprocher au gouvernement en place de ne pas proposer des économies significatives en cours d'année. Ce rappel historique prouve que la difficulté d'effectuer de telles économies fut déjà rencontrée par d'autres gouvernements que celui auquel j'appartiens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion