Lucidité, réalisme et transparence, voilà les premières qualités que je trouve à ce collectif budgétaire.
L'objectif est de respecter en 2012 la trajectoire des finances publiques, c'est-à-dire de ramener le déficit à 4, 5 % du produit intérieur brut en fin d'année.
Pour cela, il ne faut pas habiller un peu, comme l'avait fait le gouvernement précédent, les chiffres pour donner le sentiment que l'objectif sera atteint. Il faut, au contraire, faire en sorte de réussir même si de mauvaises nouvelles devaient survenir.
C'est pourquoi il était important que le Gouvernement révise à la baisse son hypothèse de croissance, corrige en conséquence les prévisions de recettes et évalue l'ampleur des risques de dérapage sur les dépenses.
En matière de prévision de recettes, il n'est pas déplacé de penser que le Gouvernement précédent n'a pas tiré les conséquences dans le premier collectif budgétaire de 2012 de toutes les informations dont il disposait. Quoi qu'il en soit, le tir est rectifié ici. Les moins-values de recettes sont évaluées à 7, 1 milliards d'euros pour l'ensemble des administrations publiques.
Aux effets de la conjoncture et aux erreurs de prévision, il faut ajouter les conséquences de la condamnation par la Cour de justice de l'Union européenne du régime fiscal des OPCVM, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières.
Nous devrons rembourser environ 5 milliards d'euros, dont 1, 5 milliard dès cette année. Aurions-nous pu arrêter le compteur plus tôt ? La question mérite d'être posée. Nous avons en tout cas le sentiment que des informations auraient pu être exploitées bien avant.
Pour les dépenses, le dérapage potentiel est estimé à environ 2 milliards d'euros.
Au total, c'est bien une dizaine de milliards d'euros – soit plus d'un demi-point de PIB – qu'il faut trouver pour que notre déficit de 2012 soit bien de 4, 5 % du produit intérieur brut en fin d'année, et non de 5 %.
Comment cet objectif va-t-il être atteint ?
En dépenses, le choix du Gouvernement est de respecter les règles sur la base desquelles a été construite la loi de finances pour 2012. La plus importante est celle selon laquelle les dépenses de l'État autres que la charge de la dette et les pensions doivent être stabilisées en valeur. Pour la tenir, et donc pour faire face aux risques de dérapage, le Gouvernement accroît de 1, 5 milliard d'euros le montant des crédits mis en réserve. Souvenons-nous qu'il y a seulement quatre mois la précédente ministre du budget expliquait que les risques de dérapage étaient si réduits que l'on pouvait se permettre d'annuler des crédits mis en réserve dès le début de l'année...
Le nouveau gouvernement corrige le tir et fait heureusement preuve, en la matière, de plus de prudence.
Ces règles sont strictes, mais leur respect est essentiel, notamment parce que la pression à la hausse des dépenses est importante et que les motifs de dépenses exceptionnelles surgissent sans cesse. Le versement en mars 2012, en dehors de la norme de dépense, de deux tranches de capital au lieu d'une au mécanisme européen de stabilité est, à cet égard, un bon exemple.
En recettes, nous évoquerons longuement dans la discussion des articles les différentes mesures qui figurent dans ce collectif budgétaire et je reviendrai dans quelques instants sur leur logique.
Je veux juste rappeler à ce stade que ces mesures vont rapporter 7, 3 milliards d'euros au titre de 2012, dont 5, 7 milliards d'euros pour l'État et 1, 6 milliard d'euros pour la sécurité sociale. En 2013, ces mesures rapporteront 4, 4 milliards d'euros en plus, ce qui nous procurera une base de départ de 11, 7 milliards d'euros pour l'année.
Au total, les mesures du projet de loi de finances rectificative permettront de stabiliser le déficit « maastrichtien », qui est celui qui intéresse nos partenaires et les observateurs, et donc de contenir son dérapage. Son montant devrait même être réduit de 500 millions d'euros.
Le déficit budgétaire, celui que nous votons à l'article d'équilibre, sera réduit de manière plus importante, de 3, 7 milliards d'euros, pour atteindre 81, 1 milliards d'euros.
Mes chers collègues, rappelez-vous l'examen du premier collectif budgétaire. Nous avions dénoncé un dérapage de plusieurs milliards d'euros, le déficit budgétaire ayant été porté à 84 milliards d'euros, contre 78 milliards d'euros dans la loi de finances initiale.
Ce qui m'a frappé dans ce collectif budgétaire, c'est que nous commençons à ressentir les effets budgétaires des dispositifs de stabilité mis en place dans la zone euro.
D'abord, le rapport du Gouvernement sur les orientations des finances publiques nous a montré la semaine dernière que notre dette publique de 2012 – 89, 4 points de PIB – incluait d'ores et déjà pour 2, 4 points de PIB les garanties apportées aux dispositifs de stabilité.
Ensuite, le dividende que la Banque de France verse à l'État pourrait être réduit, puisqu'elle rembourse désormais à la Grèce les revenus que lui procurent les titres grecs qu'elle détient. En outre, il se pourrait qu'Eurostat analyse ces remboursements comme des dépenses, qui viendraient peser sur notre déficit public.
Enfin, la baisse des taux d'intérêt de nos prêts bilatéraux à la Grèce réduit de 300 millions d'euros nos recettes non fiscales.
Nous reviendrons sur ces sujets lors de la discussion de l'article 17.
Au total et en résumé, n'en doutons pas, mes chers collègues, ce collectif budgétaire atteint son premier objectif : il permet de tenir le cap budgétaire et conforte notre crédibilité en Europe.
Il faut maintenant examiner le second objectif de ce projet de loi de finances rectificative. Répond-il aux autres attentes exprimées par les Français ? Permet-il, pour reprendre la thématique de la campagne électorale, « le redressement dans la justice » ? La réponse est oui.
Pour les membres de la majorité sénatoriale que nous sommes, il y a une vraie satisfaction à voir figurer dans un texte transmis par l'Assemblée nationale, aux quatre premiers articles, un ensemble de mesures que nous avions votées en vain ces derniers mois, sur l'initiative des différents groupes, socialiste, CRC, RDSE et écologiste. Je pense à la suppression du régime d'exonération des heures supplémentaires, dans son volet tant fiscal que social, au retour – partiel, certes – sur les allégements de droits de mutation issus de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi « TEPA », au rétablissement de l'ancien barème de l'impôt de solidarité sur la fortune, à la suppression de la TVA sociale.
Le message est clair : une page est tournée. Désormais, l'action publique encouragera l'emploi plutôt que l'aubaine, le travail plutôt que la rente, l'innovation plutôt que la baisse des salaires.