Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales est saisie pour avis de ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 qui, dans le domaine social comme dans le champ du budget de l'État, répond à deux objectifs. Il s'agit, d'une part, d'enrayer la détérioration des comptes publics afin de respecter les objectifs de réduction des déficits et de retour à l'équilibre et, d'autre part, de mettre en œuvre les orientations et priorités du nouveau Gouvernement en imprimant les premières inflexions en matière de répartition de l'effort contributif, de moyens des politiques publiques et de protection sociale.
Lors du débat sur les orientations des finances publiques la semaine dernière, j'ai détaillé la situation et les perspectives des finances sociales.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur ce sujet, mais rappellerai simplement que, avec une croissance à l'arrêt, les recettes de la sécurité sociale ont fléchi. Sans mesure correctrice, le déficit du régime général pour 2012 s'alourdirait de 2 milliards d'euros par rapport au montant de la loi de financement de la sécurité sociale. Il serait peu ou prou identique à celui de 2011, soit 20 milliards d'euros, un niveau qui aurait donc été atteint ou dépassé pour la quatrième année consécutive.
J'ai également évoqué la semaine dernière les projections à moyen terme réalisées par la Cour des comptes dans le cadre de son audit. Elles divergent très nettement de la trajectoire de retour à l'équilibre présentée par l'ancien gouvernement. Au contraire, elles soulignent une tendance au maintien durable des déficits à un niveau très élevé.
Il est donc nécessaire d'infléchir cette tendance rapidement. C'est ce que propose ce collectif budgétaire, qui ne se résume pas, toutefois, à dégager des recettes supplémentaires. En effet, il traduit aussi de nouvelles orientations pour notre système de protection sociale, avec l'objectif d'une plus grande équité, tant dans son financement que dans les garanties apportées à nos concitoyens.
J'évoquerai, tout d'abord, l'article 1er, qui revient sur le mécanisme de la TVA dite « sociale », voté il y a quatre mois.
La commission des affaires sociales s'était opposée à cette mesure pour des raisons de méthode comme pour des raisons de fond.
Sur le plan de la méthode, nous l'avions jugée pour le moins improvisée quelques semaines avant l'élection présidentielle, alors que le gouvernement en avait clairement écarté le principe dès le début de la législature. Était-il raisonnable de vouloir traiter cette question en dehors d'une réflexion plus globale sur le financement de notre protection sociale ? Avait-on réellement et soigneusement évalué toutes les incidences macro-économiques d'un éventuel basculement vers la TVA ?
De ce point de vue, nous approuvons la méthode retenue à l'issue de la grande conférence sociale, visant à saisir le Haut conseil du financement de la protection sociale en vue d'une éventuelle réforme en 2013.
En ce qui concerne le fond, l'impact de la mesure proposée par le précédent gouvernement sur la compétitivité des entreprises françaises nous avait paru bien hypothétique. On ne constate aucun consensus des économistes sur le sujet et les rapports qui avaient été remis au gouvernement en 2007 ne l'avaient visiblement pas convaincu.
La commission des affaires sociales considère également que ce transfert de cotisations patronales sur les ménages se traduirait inévitablement par une ponction immédiate sur le pouvoir d'achat, ponction non seulement malvenue en cette période de croissance à l'arrêt, mais surtout extrêmement injuste, puisqu'elle frapperait proportionnellement davantage les ménages les plus modestes, ceux qui consomment l'intégralité de leurs revenus.
En cohérence avec la position que nous avions affirmée voilà quatre mois, nous approuvons donc l'abrogation du relèvement programmé de la TVA, le maintien du mode actuel de calcul des cotisations d'allocations familiales en vigueur et la confirmation du relèvement de 2 points du prélèvement social sur les revenus du capital. Celui-ci se traduira par un surcroît annuel de ressources de 2, 6 milliards d'euros.
S'agissant du régime des heures supplémentaires, la commission des affaires sociales n'était directement concernée que par les exonérations de cotisations sociales mises en place par la loi TEPA. Les dispositions de l'article 2 du projet de loi rejoignent celles que le Sénat avait adoptées dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, sur notre proposition.
Ces exonérations représentent un coût élevé pour les finances publiques. Les évaluations menées, aussi bien par le Conseil des prélèvements obligatoires que par l'Inspection des finances, dans le cadre de leurs travaux sur les niches sociales, ont abouti à des conclusions très réservées.
Ces instances ont relevé les deux principales limites du dispositif : son effet « ambigu » sur l'emploi, puisqu'il décourage certaines embauches ; un effet d'aubaine, également, dans la mesure où les avantages fiscaux et sociaux auraient incité les entreprises à officialiser des heures supplémentaires jusqu'alors sous-déclarées, voire à déclarer comme rétribuant des heures supplémentaires des rémunérations jusque-là attribuées sous d'autres formes. Un rapport bipartisan de l'Assemblée nationale, adopté en juin 2011, établissait le même constat.
Certes, le recours aux heures supplémentaires peut répondre à une nécessité pour les entreprises, mais leur subventionnement à une telle hauteur est-il réellement justifié ?
Le Gouvernement ne le pense pas, sauf pour les très petites entreprises, celles de moins de vingt salariés, qui continueront de bénéficier de l'exonération de cotisations patronales de 1, 5 euro par heure.
Je relève que la compensation par l'État de ces exonérations sociales sera supprimée. L'opération sera donc neutre pour la sécurité sociale, le surcroît de recettes revenant à l'État. Il faudra néanmoins maintenir une compensation pour les exonérations subsistant au profit des très petites entreprises. Nous avons bien noté l'engagement du Gouvernement de proposer un nouveau mécanisme de compensation dans les textes financiers pour 2013.
La commission des affaires sociales se félicite également de ce que l'article 2 prévoie l'apurement de la dette contractée par l'État à l'égard de la sécurité sociale au titre de la compensation des années 2010 et 2011. Elle vous proposera, par amendement, une rédaction plus explicite sur ce point.
Le projet de loi prévoit également la réduction de plusieurs niches sociales, notamment sur les stock-options et attributions gratuites d'actions, ainsi que sur les avantages accessoires aux salaires entrant dans le champ du forfait social.
Depuis plusieurs années, l'assiette dudit forfait évolue de manière particulièrement dynamique, beaucoup plus rapidement que la masse salariale. L'écart de prélèvement entre les différentes formes de rémunérations favorise très certainement un effet de substitution au détriment des salaires, soumis aux cotisations patronales de sécurité sociale.
Ici encore, la Cour des comptes, comme l'Inspection des finances, a proposé de réduire ces niches sociales.
S'agissant du forfait social, la Cour des comptes suggérait de porter son taux à 19 %, soit à peu près l'équivalent des cotisations patronales d'assurance maladie et d'allocations familiales, qui, à la différence des cotisations d'assurance vieillesse ou d'assurance chômage, n'entraînent pas de contrepartie individuelle en termes de droits à revenus supplémentaires.
Suivant un raisonnement du même type, l'article 27 du projet de loi prévoit de retenir un taux de 20 %. Celui-ci permettrait une plus juste participation au financement de la sécurité sociale des éléments de rémunération soumis au forfait social, sans menacer l'attractivité de ces dispositifs, qui continueront de bénéficier d'un taux global de prélèvement très inférieur à celui qui est opéré sur les salaires.
Je souligne que ces mesures reprennent pour partie celles votées par le Sénat dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. Dans la même logique, la commission des affaires sociales vous proposera un amendement portant sur l'assujettissement des indemnités de rupture les plus élevées, parfois qualifiées de « parachutes dorés », que le Sénat avait également adopté en novembre dernier.
Les dispositions du projet de loi auront un impact financier très sensible, y compris dès l'année 2012. Au total, elles représentent, pour la sécurité sociale, environ 1, 5 milliard d'euros de recettes supplémentaires pour 2012, et 5, 5 milliards d'euros par an à compter de 2013.
L'essentiel des ressources ira à la branche vieillesse, pour un montant d'environ 4, 5 milliards d'euros par an, soit une contribution significative à la réduction de son déficit.
La branche famille bénéficiera d'un surcroît de recettes de 400 millions d'euros par an, qui couvrira la majoration de 25 % de l'allocation de rentrée scolaire.
Comme je l'ai indiqué lors du débat d'orientation sur les finances publiques, ces mesures permettront, si elles sont adoptées, d'amorcer un redressement des finances sociales, en faisant porter l'effort sur des revenus trop peu sollicités jusqu'ici, qu'il s'agisse des revenus du capital ou de ceux qui bénéficient de niches de plus en plus difficiles à justifier dans le contexte financier actuel.