Intervention de Michèle André

Réunion du 24 juillet 2012 à 9h30
Loi de finances rectificative pour 2012 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Michèle AndréMichèle André :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'heure où nous entamons l'examen de ce projet de loi de finances rectificative, nous ne pouvons pas ne pas avoir présente à l'esprit la situation économique de l'Espagne, qui emprunte à des taux importants, ainsi que l'annonce de la dégradation des notes allemande et néerlandaise. Ces faits, qui dépassent nos frontières, doivent apporter une profondeur supplémentaire à notre débat. J'entends par là que nous devons cesser de raisonner « hors-sol », car le désendettement est une problématique non pas franco-française, mais internationale et plus spécifiquement européenne.

Il serait illusoire de croire que nous sommes en mesure d'enrayer seuls la crise de la dette. Au niveau européen, la France a pris des engagements. Ils exercent certes une contrainte sur le pouvoir décisionnel national, mais ils confèrent aussi un rôle particulier à la France, qui se doit de respecter de façon exemplaire ses engagements. Comment oublier que le précédent président de la République, M. Cahuzac y a fait allusion, était allé annoncer lui-même qu'il ne respecterait pas les critères de Maastricht, considérant qu'il pouvait excéder les 3 % de déficit pourtant admis par tous, ouvrant ainsi la porte à toutes les dérives.

Plus que jamais, l'objectif de désendettement se conjugue avec les impératifs de discipline, de coopération et de solidarité avec nos partenaires, car la France ne peut pas se permettre d'agir seule. Elle est un pays de l'Union européenne, fière de l'être et responsable avec les autres pays, et peut-être même plus que ses partenaires, du bien-être des peuples de cet espace privilégié, car en paix depuis des décennies.

Dans ce contexte international et européen, malgré tous les sujets qui nous occupent, à juste titre d'ailleurs, reconnaissez, mes chers collègues, qu'il est un sujet qui tient une position centrale, en tout cas à nos yeux : celui de l'emploi. Je n'évoquerai que ce point, faisant miennes les positions du président de notre groupe, François Rebsamen, après les interventions du ministre chargé du budget et de notre rapporteur général, François Marc.

Un chiffre récent a pu nous surprendre : malgré la stagnation de l'activité, 18 300 postes, selon l'INSEE, ont été créés dans le secteur marchand au premier trimestre de 2012. Pourtant, nous savons tous que cette bonne nouvelle en cache de bien moins bonnes. Les marges des entreprises se sont réduites et elles risquent de chercher à les rétablir dans les mois qui viennent en ajustant leurs effectifs à la baisse, et ce d'autant que ce que l'on appelle des « plans sociaux », que l'on devrait peut-être qualifier de « plans de réduction d'effectifs », ont manifestement été retardés du fait des dernières élections. L'affaire PSA n'est-elle pas emblématique de cette situation ?

Avec plus de 4, 9 millions d'inscrits à Pôle emploi, soit un actif sur six, et après un an de montée ininterrompue du chômage, c'est pourtant d'abord sur l'emploi que le nouveau gouvernement, celui que nous soutenons, sera jugé.

Le Président de la République s'est engagé à renforcer les moyens du service public de l'emploi, à hauteur de 1 500 à 2 000 postes en contrat à durée indéterminée – chiffres que vous nous préciserez, monsieur le ministre – : c'est indispensable pour désengorger une machine aujourd'hui asphyxiée, mais cela n'aura guère d'impact sur le niveau du chômage. En revanche, la suppression des exonérations sociales et fiscales sur les heures supplémentaires dans les entreprises de plus de vingt salariés, mises en place par la loi TEPA, n'est pas du tout anecdotique.

Durant les Trente Glorieuses, on n'avait pas besoin de subventionner les heures supplémentaires : les entreprises accordaient des heures lorsqu'elles en avaient besoin, parce que cela correspondait à la situation de l'époque, et qu'il fallait rapidement ajuster la qualité et la quantité de travail à la demande de production.

Mais dans la situation présente, alors que le chômage est massif, que les suppressions de postes se multiplient et que les capacités de production sont excédentaires au regard de la demande, la France était sans doute le seul pays au monde à avoir institué un système de destruction d'emplois financé par des fonds publics.

Les socialistes n'ont cessé de le dénoncer depuis 2007 : le dispositif sur les heures supplémentaires, instauré par la loi TEPA, conduisait, pour les entreprises, à rendre les embauches plus chères que le recours aux heures supplémentaires. Nous l'avons déjà dit, et cela sera sans doute répété, ce dispositif freinait l'embauche en période de faible activité. En période de récession, il était une véritable machine à créer des chômeurs.

Pensons à ce qu'ont fait les entreprises allemandes dans le même temps : elles ont réduit le temps de travail pendant que passait l'orage, pour l'allonger une fois l'éclaircie venue.

Certains pays ont supprimé les cotisations appliquées au supplément de salaire offert par l'heure supplémentaire, au motif de l'égalité entre les droits sociaux représentés par une heure normale de travail et une heure supplémentaire. Le précédent gouvernement, au contraire, avait créé une profonde inégalité entre ces deux types d'heure. Les rares pays qui avaient fait de même pour la toute petite fraction de la rémunération procurée par les heures supplémentaires – je pense notamment à l'Italie – ont supprimé ce dispositif, du fait de la période de chômage qu'ils rencontrent actuellement.

De plus, ce mécanisme a démontré son inefficacité totale non seulement en matière d'emplois – il freinait l'embauche et favorisait le chômage – mais aussi en matière d'augmentation du pouvoir d'achat.

Dans la période de crise que nous traversons, ce sont d'abord les Français les plus modestes et, parmi eux, les intérimaires et les travailleurs employés en CDD, qui ont été les premiers à faire les frais de ce dispositif. Le gain de pouvoir d'achat représenté par cette mesure était très inégalement réparti : moins de 40 % de l'ensemble des salariés en ont bénéficié. De plus, les salariés n'avaient aucune prise sur le recours à cet outil : ils faisaient des heures supplémentaires au gré de l'employeur. Au total, le pouvoir d'achat par unité de consommation n'a augmenté que de 0, 1 % par an en moyenne entre 2007 et 2010. Il a même reculé en 2011 et au premier trimestre 2012.

Au regard du coût considérable qu'il représentait – 4 milliards d'euros, je le rappelle –, ce système était intenable. Ce sont autant de moyens qui auraient pu être utilisés pour soutenir vraiment l'emploi et le pouvoir d'achat de l'ensemble des Français modestes, qui en sont privés, le gain de pouvoir d'achat obtenu par ceux qui ont un emploi étant compensé par la perte de pouvoir d'achat subie par ceux qui se retrouvent au chômage.

Il était donc juste, monsieur le ministre, que le nouveau gouvernement supprime ce dispositif.

Pour ce qui me concerne, je suis persuadée qu'il sera compris de tous les Français.

Je voudrais, à ce point de mon intervention, m'écarter quelque peu de mon propos. Mesdames, messieurs les sénateurs, qui a dit que les heures supplémentaires seraient supprimées ?

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