Intervention de Christian Bourquin

Réunion du 24 juillet 2012 à 9h30
Loi de finances rectificative pour 2012 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Christian BourquinChristian Bourquin :

En effet, les dettes accumulées par l'État, qui représentent 86 % de notre PIB, se rapprochent de la barre fatidique des 90 %, taux au-delà duquel les économistes sérieux s'accordent pour dire que le potentiel de croissance économique est fortement émoussé.

Monsieur le ministre, le Gouvernement hérite de surcroît d'une situation plus dégradée que celle qui avait été annoncée. Pour l'année 2012, il doit combler un manque à gagner en recettes et honorer les dépenses non financées inscrites dans le budget initial. Dans le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques qu'elle a rendu au début du mois, la Cour des comptes – elle a beaucoup été évoquée – évalue le manque à gagner entre 6 milliards et 10 milliards d'euros et les dépenses non financées entre 1 milliard et 2 milliards d'euros.

C'est pourtant à partir de cette situation existante que le Gouvernement doit agir. Le recours à une simple intervention esthétique sur les comptes publics – M. le ministre chargé du budget le sait bien – ne suffira pas. L'état du malade requiert une opération lourde, suivie d'une période de rééducation que nous souhaitons tous, évidemment, la plus brève possible.

D'ores et déjà, je constate un changement de méthode dans la construction du collectif budgétaire qui nous est soumis aujourd'hui. Il témoigne de la volonté de prudence du Gouvernement et marque une nouvelle appréhension de ce que doit être le dialogue social.

Tout d'abord, il fait œuvre de sagesse en supprimant une disposition qui avait été créée par le gouvernement précédent alors même – ce point n'a pas été évoqué ici tout à l'heure – que ses propres experts l'avaient jugée aléatoire. Je veux parler de la « TVA sociale », qui aurait dû rester dans les cartons de la Fondation pour l'innovation politique après la publication d'un rapport dit « Besson » en 2007 et des analyses de la Direction générale du trésor et de la politique économique réalisées à la demande de la ministre de l'époque, Mme Lagarde. Le rapport soulignait le risque de voir les entreprises profiter de la mesure pour augmenter leurs marges et donc leurs prix ; les analyses alertaient les décideurs publics sur son effet inflationniste et le faible nombre de créations d'emplois que l'on pouvait en attendre.

Il est regrettable que le gouvernement Fillon ait inscrit envers et contre tous, des années après, cette mesure dans le projet de collectif budgétaire présenté à la mi-février 2012. Il le faisait au nom du courage, prétendiez-vous à l'époque, chers collègues de l'opposition. En réalité, il ne s'agissait là que d'un activisme électoral, d'un affichage déboussolé !

Ensuite, le gouvernement Ayrault rompt avec la frénésie de réformes en matière fiscale qui a marqué le précédent quinquennat. Je ne prendrai ici qu'un exemple, celui de la politique fiscale à destination des plus fortunés, lesquels ont alors fait l'objet d'un traitement de faveur ; vous le niez, à la droite de cet hémicycle, mais telle est bien la réalité, en raison du bouclier fiscal. En 2007, alors que ce dispositif était renforcé, des niches fiscales étaient également consolidées. Aussi, le Conseil des prélèvements obligatoires a relevé que le produit de l'impôt sur la fortune baissait régulièrement depuis 2007 tandis que le patrimoine de ceux qui y étaient assujettis augmentait !

On aurait pu penser que la décision brutale du précédent gouvernement de renoncer au bouclier fiscal procédait d'une prise de conscience, certes tardive, mais non moins salutaire. Il n'en a rien été, puisque cette suppression devait prendre effet non pas en 2012, mais l'année suivante.

En outre, cette décision était assortie d'une contrepartie : un allégement de l'impôt sur la fortune. Ce dernier est devenu particulièrement avantageux pour les patrimoines les plus importants. La simulation présentée dans le rapport du 26 octobre 2011 de la commission des finances du Sénat en atteste : toutes ces réformes et contre-réformes ont abouti au final à rendre l'impôt sur la fortune plus dégressif que jamais.

Mes chers collègues, vous comprendrez que, de même que beaucoup d'autres, j'ai accueilli avec le plus grand soulagement l'engagement du Président de la République de stabiliser les règles budgétaires. C'est là un gage de lisibilité, donc d'honnêteté élémentaire de la part de l'État. Je m'en félicite d'autant plus que je sais votre volonté, monsieur le ministre, de faire tendre vos réformes vers plus de justice fiscale. Nous savons les Français très attachés à cette valeur de justice, comme ils l'ont manifesté lors des deux derniers scrutins nationaux. Nous devons être justes, pour eux !

Je tiens aussi à saluer le choix du Gouvernement de supprimer, dès le premier collectif budgétaire qu'il a proposé, le ticket d'accès aux soins dont s'acquittent les bénéficiaires de l'aide médicale d'État depuis l'année dernière. Ces derniers sont des patients dépourvus de titres de séjour. Or, nous le savons, – les avertissements des personnels hospitaliers tout comme ceux des auteurs du rapport commun à l'IGAS et à l'IGF rendu public en novembre 2011 ont été très clairs à cet égard – l'existence d'une somme à verser pour l'ouverture du droit à la gratuité de la prise en charge médicale conduit à des renoncements aux soins. Ces pratiques sont non seulement porteuses de risques en matière de santé publique, mais aussi plus coûteuses au final pour la sécurité sociale.

Je me réjouis également de voir notre dispositif d'aide médicale d'État revenir à l'esprit de la loi éclairée du 24 vendémiaire an II.

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