Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 24 juillet 2012 à 9h30
Loi de finances rectificative pour 2012 — Demande de renvoi à la commission

Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget :

Je voudrais tout d'abord profiter de cette occasion pour répondre à M. Thierry Foucaud, car j'ai omis de le faire tout à l'heure.

Ce collectif budgétaire ne vise pas à procéder à une quelconque réforme de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés ou même de l'ISF. Telle n'est pas son ambition : comme je l'ai souligné lors de la discussion générale, il a pour finalité de restaurer les comptes publics.

En effet, le rapport de la Cour des comptes l'a montré, les études des services du ministère l'ont confirmé, les expertises réalisées dans les assemblées l'ont mis en évidence : toutes choses égales par ailleurs, il manquerait des ressources par rapport à celles qui avaient été prévues dans les différentes lois de finances initiales ou rectificatives votées sous la majorité précédente si ce collectif devait ne pas être adopté par le Parlement.

Une telle nouvelle est certes désagréable, décevante, mais il me semble que les parlementaires doivent être informés de la réalité de la situation. Le Gouvernement a estimé qu'il n'était pas possible de donner à nos partenaires de la zone euro l'impression que notre pays ne respectait pas la parole donnée. Cela étant, monsieur Foucaud, les sujets que vous avez évoqués seront bien entendu amplement abordés dans le cadre de l'élaboration de la prochaine loi de finances initiale.

J'en reviens à la motion tendant au renvoi du texte à la commission. Avec l'honnêteté intellectuelle qu'on lui connaît, M. Arthuis a fait part de sa perplexité à l'égard des motions de procédure. Ce sentiment est peut-être l'un des mieux partagés parmi les parlementaires de l'opposition – je l'ai été pendant quelques années – appelés à en défendre une. En effet, il s'agit alors de convaincre une assemblée, dont la majorité est a priori peu sensible à l'argumentation développée, que le texte soumis par le Gouvernement doit être soit rejeté, soit renvoyé à la commission.

En l'occurrence, le Gouvernement ne souhaite évidemment pas que ce projet de loi de finances rectificative soit renvoyé à la commission, monsieur Arthuis, car je ne vois pas en quoi cela permettrait de mieux répondre aux objections que vous avez soulevées et qui, d'ailleurs, n'ont que peu à voir avec le texte.

Cette motion – l'exercice est traditionnel pour un parlementaire de l'opposition – vise en réalité moins à critiquer le texte lui-même qu'à développer un sujet qui semble important à son auteur.

M. Arthuis a estimé que l'amélioration de la compétitivité de notre économie devait prévaloir sur toute autre considération. Je conçois l'importance de cette question et je partage son souci de voir notre pays restaurer une compétitivité qui s'est fortement dégradée ces dernières années.

Ce n'est pas mettre quiconque en accusation que de relever que notre balance commerciale a enregistré un déficit de 70 milliards d'euros l'an dernier, alors qu'elle était excédentaire en 2001 et équilibrée en 2003. Cela conduit simplement à constater que si l'ambition des gouvernements qui se sont succédé ces dix dernières années était de restaurer notre compétitivité et si celle-ci doit se juger à l'aune des comptes du commerce extérieur, alors l'objectif n'a pas été atteint, probablement parce que les mesures prises n'étaient pas les bonnes.

De ce point de vue, persister dans l'analyse selon laquelle notre défaut de compétitivité tiendrait seulement au facteur prix serait à mon sens une erreur. La situation est un peu plus complexe que cela, me semble-t-il. Notre compétitivité-prix est incontestablement déficiente dans certains secteurs ; je pense en particulier à l'industrie agroalimentaire. Elle est probablement en partie handicapante dans les services, mais ce n'est peut-être pas le cas dans l'industrie, le secteur qui, sans doute, a le plus souffert ces dix dernières années, la part de la valeur ajoutée industrielle dans la valeur ajoutée globale du pays étant aujourd'hui plus faible qu'elle ne l'est en Grande-Bretagne. Le précédent Président de la République, Nicolas Sarkozy, affirmait qu'il n'y avait plus d'industrie en Grande-Bretagne : que dire alors de la France, où des centaines de milliers d'emplois ont été détruits dans l'industrie ?

Les gouvernements de ces dix dernières années portent sans doute une part de responsabilité dans cette situation catastrophique, mais ceux qui les ont précédés sont-ils pour autant exempts de tout reproche ? Probablement pas. Je peux concevoir l'agacement des parlementaires de l'opposition quand la majorité rappelle le bilan des gouvernements qu'ils ont soutenus. Mais c'est là un exercice convenu, il ne faut y voir ni malice ni mauvaise manière.

Sur le fond, monsieur Arthuis, je vous en donne acte, nous avons incontestablement un problème de compétitivité, et pas seulement en termes de prix. En effet, on peut même penser qu'il n'existe pas de problème de compétitivité-coût dans l'industrie. Je vous renvoie sur ce point au rapport que l'INSEE a publié voilà quelques mois ; il a été cosigné par l'ancien directeur de cabinet du ministre du budget d'un précédent gouvernement, un homme peu suspect de partialité.

En revanche, dans le secteur automobile, si notre compétitivité-prix est comparable sinon identique à celle de l'Allemagne, nous proposons des produits d'une gamme et d'une qualité inférieures.

Nous avons également un problème d'organisation à l'export : alors que l'Allemagne ne compte qu'un seul organisme chargé d'aider ses entreprises à exporter, nous en avons plusieurs, dont le fonctionnement nous coûte d'ailleurs chaque année beaucoup d'argent.

Dans le même ordre d'idées, nos politiques de l'emploi n'ont pas contribué à améliorer la compétitivité industrielle. Tandis que les Allemands ont décidé de subventionner le travail partiel à hauteur de près de 5 milliards d'euros, notre pays a – puis-je le rappeler ? – financé pour le même montant le recours aux heures supplémentaires. Les Allemands ont incontestablement une industrie plus puissante que la nôtre, tant il est vrai que garder des salariés dans une entreprise, c'est conserver un savoir-faire, une expérience, une culture, ce qui permet, quand la croissance revient, de répondre d'emblée à la demande. En revanche, une entreprise dont les dirigeants avaient jugé préférable de licencier tout en recourant aux heures supplémentaires – car c'est bien cela qui s'est passé – doit d'abord réembaucher, former son personnel, recréer une capacité d'expertise et de fabrication. Tout cela prend du temps !

Ainsi, l'Allemagne a bénéficié à plein de la reprise en 2010. En effet, ses salariés étaient prêts à répondre tout de suite à la demande. En France, en revanche, il a fallu d'abord embaucher, former, ce qui a retardé l'entrée en compétition de nos entreprises.

La question de la compétitivité mérite un débat spécifique. Le Gouvernement et la majorité qui le soutient ne s'y refusent nullement : nous aurons ce débat.

Nous reprocher de ne pas faire en un ou deux mois, au cœur de l'été, ce que vous n'avez pas fait en dix ans est certainement de bonne méthode politique, mais convenez que c'est tout de même excessif. Nous devons tous savoir faire preuve de bonne foi !

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