Intervention de Frédéric Cuvillier

Réunion du 24 juillet 2012 à 9h30
Questions orales — Modalités d'élaboration des zones de développement de l'éolien

Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche :

Monsieur Lenoir, je vous prie à nouveau de bien vouloir excuser l’absence de Mme Delphine Batho pour les raisons que je viens d’indiquer à votre collègue François Patriat.

Je reconnais bien dans votre question l’expertise qui est la vôtre en matière d’énergie, ainsi que votre engagement dans la vie de votre département. Je saisis cette occasion pour saluer celles et ceux qui s’impliquent dans la vie quotidienne des territoires en assumant des responsabilités et en exerçant des mandats locaux, tâche dont la difficulté est grande, particulièrement dans les petites communes rurales. Vous m’interrogez sur la spécificité de la réglementation entourant l’implantation d’éoliennes sur nos territoires, dans votre département comme ailleurs en France.

Comme vous le mentionnez très justement, l’article 10-1 de la loi du 10 février 2000 prévoit que la création des zones de développement de l’éolien, ou ZDE, est proposée par la ou les communes dont le territoire est compris dans le périmètre déterminé. La délibération des conseils municipaux concernés doit notamment être fournie dans le dossier de demande de création.

L’implantation en ZDE constitue aujourd’hui une condition nécessaire pour pouvoir bénéficier de l’obligation d’achat. La création préalable d’une ZDE est donc un élément clé pour la viabilité d’un projet éolien terrestre, bien que cette création ne préjuge en rien – vous l’avez souligné dans votre question, monsieur le sénateur – de l’implantation effective future d’éoliennes.

Vous avez également raison en affirmant que des membres de conseils municipaux, notamment en zone rurale, peuvent être propriétaires de terrains potentiellement inclus dans le périmètre de la ZDE demandée. La question de la légalité des délibérations auxquelles aurait pris part un élu local intéressé est alors légitime.

Cela étant, les règles relatives à la participation d’un élu intéressé à l’une des délibérations concourant à la création de la ZDE ne présentent pas de spécificité au regard du droit commun, même si de nombreux recours que l’on peut parfois qualifier d’abusifs – M. Patriat l’a souligné – sont intentés contre ces décisions de création. Il faut donc recourir aux deux conditions traditionnellement retenues par la jurisprudence et par les textes pour déterminer dans quelle mesure la participation d’un élu à une séance du conseil municipal est susceptible d’entacher d’illégalité la délibération : ces conditions sont l’intérêt personnel de l’élu, d’une part, et son influence sur le sens de la délibération, d’autre part.

Je ne vois pas de raison de ne pas appliquer ces règles générales aux délibérations préliminaires à la création d’un parc éolien. Pour répondre à votre question, il convient dès lors de procéder à une analyse au cas par cas.

Concernant la première condition, à savoir l’intérêt personnel de l’élu, la seule circonstance que des conseillers municipaux soient propriétaires de parcelles situées à l’intérieur d’une ZDE ne suffit pas a priori à les considérer comme personnellement intéressés. En effet, au stade de la création de la ZDE, leur intérêt particulier n’est, en général, pas distinct de l’intérêt général des autres habitants de la commune susceptible d’accueillir un parc éolien.

Pour autant, il arrive souvent que, derrière un projet de ZDE, se cache en fait un projet unique de parc éolien avec un opérateur déjà identifié. Dans un tel cas, si les conseillers propriétaires des terrains sont les seuls intéressés, l’analyse peut être différente. Mais telle n’est pas la situation que vous avez évoquée dans votre question, monsieur le sénateur.

Dans l’hypothèse où la condition d’intérêt serait remplie, la participation du conseiller municipal intéressé entacherait d’illégalité la délibération uniquement si sa présence lors de la séance ou des travaux préparatoires a pu avoir une influence sur le vote. La présidence d’un maire intéressé peut, à ce titre, être considérée comme entraînant une présomption d’influence. Mais la seule présence au cours du vote d’un conseiller municipal intéressé ne peut suffire à établir l’illégalité de la délibération se prononçant sur la création de la ZDE. Là encore, chaque cas d’espèce doit être apprécié sereinement et souverainement par la justice : les comptes rendus des débats peuvent notamment éclairer d’un jour particulier tel ou tel dossier.

Plus généralement, la question que vous soulevez est révélatrice de la complexité du cadre législatif et réglementaire qui entoure le développement de l’éolien en France.

En tant qu’énergie renouvelable parmi les moins coûteuses, la filière éolienne doit constituer le socle qui nous permettra d’atteindre les objectifs ambitieux de développement des énergies renouvelables et de réussir la transition énergétique.

Compte tenu du retard pris par rapport aux objectifs fixés par le « paquet énergie-climat » et le Grenelle de l’environnement – je vous rappelle que nous n’avons pour l’instant accompli que le tiers de l’effort à consentir d’ici à 2020 –, il est urgent de réexaminer la réglementation et les problèmes d’acceptabilité locale liés au développement de l’éolien, en étudiant notamment les pistes suggérées par François Patriat. Nous le ferons lors du débat sur la transition énergétique qui sera lancé à l’automne prochain, au terme de la conférence environnementale. Nous vous remercions par avance de bien vouloir vous associer à ce débat sur la nécessaire simplification qui nous permettra d’atteindre nos objectifs.

L’éolien doit se développer dans les meilleures conditions de sécurité juridique, qu’il s’agisse du développement des projets ou de la situation des élus qui, dans ce domaine comme dans tous les autres, prennent leurs responsabilités et répondent aux attentes de nos concitoyens ainsi qu’aux orientations politiques fixées par le Gouvernement : il est donc important que nous puissions sécuriser leur intervention dans la vie publique.

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