L’article 3 revient sur une réforme récente, celle de l’ISF, qui était indispensable. Je ne reviendrai pas sur les différents effets néfastes de cet impôt, qui ont, depuis longtemps, été soulignés, j’évoquerai simplement deux raisons qui justifiaient cette réforme.
La première, c’est tout simplement la baisse des rendements des revenus du patrimoine. Je rappellerai simplement que, lorsque l’impôt sur les grandes fortunes a été instauré en 1982, son taux marginal supérieur était de 1, 6 %. À l’époque, le rendement moyen des placements était beaucoup plus élevé. En 1983, le taux de l’emprunt dit Mauroy était de 10 % au-dessus de l’inflation. Le taux de l’impôt était en corrélation avec les revenus que pouvaient procurer le patrimoine. On sait ce qu’il est advenu des revenus du patrimoine par la suite. Aujourd'hui, avec un taux marginal de 1, 8 %, le taux est bien évidemment confiscatoire.
La seconde raison, c’est l’augmentation du nombre de contribuables à l’ISF. En 1998, 192 000 personnes étaient éligibles à l’ISF ; ce nombre est passé à plus de 565 000 en 2008. En dix ans, leur nombre a bien plus que doublé, sans que cela soit le signe d’un doublement de la richesse française. Cet accroissement est simplement le résultat d’une forte augmentation du prix de l’immobilier, notamment pour les résidences principales, tout particulièrement en région parisienne. L’impôt était devenu impossible à supporter pour un certain nombre de contribuables, qui n’avaient pas des revenus en conséquence.
C'est la raison pour laquelle la réforme votée récemment a bien sûr abaissé le taux de l’ISF, mais également supprimé l’impôt pour les patrimoines de moins de 1, 3 million d’euros.
Aujourd'hui, avec l’article 3, on revient sur cette réforme récente, ce qui pose, à mon avis, trois difficultés d’ordre juridique.
Tout d’abord, les contribuables qui ont un patrimoine compris entre 800 000 euros et 1, 3 million d’euros – ils n’avaient donc pas à faire de déclaration d’ISF – vont se trouver brutalement soumis à l’impôt. Obligés finalement de faire une déclaration, ils vont être victimes du caractère rétroactif de cette disposition.
Ensuite, il y a la question du complément d’impôt. Le ministre a dit qu’il s’agit d’une contribution exceptionnelle, certainement pour éviter la critique de la rétroactivité. Mais, que l’on ne s’y trompe pas, on reprend purement et simplement l’ancien barème et on nous annonce qu’il y aura sans doute un impôt sur la fortune qui s’inspirera de l’ancien dispositif. Le caractère rétroactif de cet impôt est donc évident, un point que le Conseil constitutionnel devra examiner.
Enfin, comme il n’y a ni plafonnement ni bouclier fiscal, certains contribuables devront payer plus que leurs revenus. Je vous rappelle que l’impôt a longtemps été assorti d’un dispositif correctif appelé le plafonnement, qui a existé sous différentes formes. Puis il y a eu le bouclier fiscal, qui permettait d’éviter qu’un contribuable n’ait à payer plus que ses revenus. Avec la contribution exceptionnelle qui nous est aujourd'hui proposée à l’article 3, cette situation pourra se produire.
Prenons l’exemple d’une veuve ou d’une personne ayant de faibles revenus, propriétaire d’un appartement d’une certaine superficie à Paris. Au-delà de 1 million d’euros, elle devra payer l’ISF. Si elle touche une pension de réversion ou une retraite ou si elle n’a que de faibles revenus, elle pourra avoir à payer 120 %, 130 %, voire 140 % de ses revenus ! L’impôt deviendra alors confiscatoire ! Le Conseil constitutionnel devra se pencher sur ce point.
Pour ces trois raisons, et sans s’étendre sur l’ensemble de l’ISF, mais en évoquant simplement cette contribution exceptionnelle, le groupe UMP vous proposera un amendement visant à supprimer l’article 3.