De toutes les autres interventions, j'aurais aimé retenir celle de M. Fortassin, dont je le remercie tout particulièrement.
Si l'on peut bien entendu en débattre, le périmètre de mon ministère procède d'un choix du président de la République et du Premier ministre. Catherine Tasca l'a dit, il y a une cohérence à regrouper l'immigration, l'intégration et le droit d'asile. Le grand ministère de l'intérieur ne doit pas être uniquement le ministère de l'ordre public, même si sans ordre public, il n'y a pas de démocratie, mais aussi celui des libertés publiques. J'ai, sur l'OFPRA, une responsabilité administrative et financière ; je n'ai en aucun cas celui de mettre en cause l'indépendance de ses agents. Dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2013, j'obtiendrai les moyens permettant de réduire le délai à six mois comme le président de la République s'y était engagé pendant la campagne.
S'il est important de rappeler la distinction entre immigration et droit d'asile, lequel est régi par des conventions internationales, il va de soi que les personnes déboutées de ce droit peuvent ensuite relever de notre politique de l'immigration.
Le droit de vote des étrangers nécessite une réforme constitutionnelle qu'il revient au président de la République d'engager selon les formes qu'il choisira. A mes yeux, si ce droit peut être accordé à une personne qui n'est pas ressortissante d'un Etat de l'Union européenne, il ne constitue peut-être pas un élément d'intégration supplémentaire. Là où je suis, je veux insister sur la question essentielle de la naturalisation. Le droit de vote des résidents étrangers a été porté dans les années soixante-dix ; aujourd'hui le vrai sujet est celui de l'intégration des première, deuxième et troisième générations.
L'accès à la nationalité française s'apparente souvent à une course d'obstacles aléatoire et très discriminante. Aussi, la semaine prochaine, lorsque nous les rencontrerons avec le Premier ministre, je donnerai des directives aux préfets. Il faut changer la donne, mesurer l'impact de la déconcentration - pas uniquement dans le Nord -, et remettre à plat les critères d'accès à la nationalité comme l'insertion professionnelle, l'emploi, les conditions de ressources, la situation des jeunes ou des conjoints français. On doit encore encadrer l'entretien d'assimilation, car le questionnaire, auquel même un grand nombre d'entre-nous aurait du mal à répondre, s'apparente surtout à un jeu télévisé. En outre, les agents des préfectures, confrontés à ces situations, méritent de disposer d'outils performants. Je ne veux pas remettre en cause du jour au lendemain la déconcentration. Tout en évitant les va-et-vient, il convient de veiller à la cohérence et à l'égalité sur l'ensemble des territoires.
Le président de la République et le Premier ministre ont demandé aux membres du gouvernement de ne légiférer que lorsque cela était nécessaire, comme avec la décision de la cour de cassation. Ce sera le cas sur le titre de séjour. La loi doit conforter la hiérarchie des normes et assurer l'égalité. Lors du débat sur la carte de trois ans, je serai tout à fait disposé à rediscuter des critères mis en place ces dernières années, comme, pour le regroupement familial, des restrictions concernant le conjoint étranger. 73 % des signataires d'un contrat d'accueil et d'intégration sont arrivés en France dans le cadre du regroupement du fait d'un lien familial. Voilà un champ à explorer, tout en veillant à discerner d'éventuelles situations de fraudes.
A l'occasion des débats que nous aurons au Parlement tous les ans sur le lien entre économie et immigration, ou lors de la discussion des différents projets de loi, je souhaite que nos échanges soient sereins. L'accueil des étudiants étrangers renvoie à la place de la France dans le monde. Traitons de l'économie et parlons sans langue de bois de l'accueil de l'immigration. En effet, les conditions d'accueil ne sont pas bonnes parce qu'il se fait dans les mêmes quartiers de mêmes villes, ce qui rajoute aux difficultés de l'immigration régulière et de la population.
Le monde s'est ouvert et l'immigration, ce grand défi de la planète, change. Elle n'est plus la même qu'il y a quarante ans et concerne désormais tous les départements. Je ne suis ni naïf ni angélique, le débat sera difficile, raison de plus pour essayer de le maîtriser.
La rétention est une mesure coercitive ultime, lorsque l'éloignement ne peut être réalisé par un autre moyen. D'une durée moyenne en métropole d'environ dix jours, elle ne peut être portée à 45 jours au maximum que par une double décision du juge des libertés et de la détention. Sous l'influence de notre droit national et du droit européen, elle va connaître des profonds changements. Soyons, contrairement à ce qui s'est passé avec la dernière décision de la cour de cassation, capables de les anticiper.
Les zones d'attentes flottantes, prévues par le code, sont destinées à faire face à des situations exceptionnelles. Ce ne sont pas des lieux de non-droit, elles bénéficient d'un cadre spécifique sur lequel le défenseur des droits et le contrôleur général des lieux de privation sont très vigilants. Bien que les associations soient critiques, il faut les maintenir. Les préfets les plus concernés, notamment sur la façade méditerranéenne, ont reçu instruction de préparer des scénarios de crise pour anticiper les lieux de débarquement et en déduire les modalités d'hébergement les plus efficaces. J'accorde sur ce sujet la plus grande attention à la garantie des droits des étrangers et aux attentes du Parlement comme du contrôleur général.
Je suis très sensible à la qualité du rapport sur Mayotte. Il est impossible, comme vous l'avez reconnu, de considérer que la situation concernant la rétention des enfants est la même qu'en métropole. Il convient de prendre en compte nos relations avec les Comores. Je me tiens à la disposition des parlementaires de ce département.
Enfin, je veux vous dire mon inquiétude sur la problématique des Roms, qui ne se règlera pas par le seul accès au travail. Il s'agit d'un problème plus général de citoyens européens pourchassés dans leurs pays d'origine, que l'Union européenne devrait rappeler à leurs obligations.
Les expériences utiles menées en Ile-de-France ou à Tourcoing demeurent homéopathiques, tandis que la situation à Lyon, Aix-en-Provence, Lille et en Seine-Saint-Denis est très difficile. Devant les risques de confrontation entre les communautés constatés dans ce département, nous sommes contraints à procéder à des opérations de démantèlement. Il faut traiter le débat dans la sérénité car, si l'on procède comme il y a deux ans, on établira l'amalgame.
Je reviendrai rapidement devant vous poursuivre ces échanges.