Sur le SNIT, d'abord, je peux d'ores et déjà vous préciser quelle sera notre méthode. Tout en tenant compte de la mission Gallois sur les investissements d'avenir, nous installerons une commission, formée d'experts, de personnalités qualifiées et de parlementaires, pour examiner les projets inscrits au SNIT. Le schéma n'est bien sûr pas programmatique, mais inscrire les projets sur une liste, c'est, en quelque sorte, s'engager sur une réalisation, même si l'on n'en dit pas le terme. Et c'est bien comme ça que les élus le comprennent, chacun tient bien sûr à ce que le projet qui le concerne soit réalisé à court terme. Or, nous en convenons tous, l'ensemble des projets n'est pas réalisable à court terme : il nous faut donc remettre de l'ordre, c'est l'expression que j'ai employée, tout simplement prioriser les projets, en esquisser le terme, en tenant compte bien entendu des travaux engagés et de nos engagements internationaux - cela vaut pour le Lyon-Turin même si, comme par hasard, le traité franco-italien reste muet sur le financement. Nous n'abandonnons donc pas de projets, nous allons seulement les mettre en perspective dans le temps, avec des critères que la commission prévue définira - par exemple la balance des coûts et avantages, la complémentarité avec les infrastructures existantes - en recherchant, c'est une nécessité, à optimiser l'investissement public. J'ajoute que, en plus de la régénération à laquelle nous sommes tous attachés, il faut prévoir le renouvellement des matériels roulants : c'est une priorité, qui est même nécessaire à la filière ferroviaire.
L'outre-mer est un enjeu majeur, sur lequel j'ai commencé à travailler avec mon collègue Victorin Lurel. Nous esquissons un programme « mer » pour les territoires ultramarins, qui comportera des mesures pour la compétitivité des ports. J'ajoute que chaque cabinet ministériel comprend désormais un conseiller « outre mer » : nos compatriotes ultramarins en sont mieux pris en compte.
La pêche en eau profonde est un sujet d'actualité et, Madame Herviaux, je comprends parfaitement votre crainte devant les propositions de Mme Damanaki, commissaire européenne à la pêche. Je constate, d'abord, une méconnaissance des questions propres au littoral et à la mer au sein de notre représentation permanente à Bruxelles, quelle que soit la qualité des membres qui la composent. Nous avons trop longtemps pratiqué la politique de la chaise vide et je m'engage à nouer un contact étroit avec mes collègues européens, pour faire valoir ces questions littorales et maritimes. De fait, si la préservation des espèces s'opposait à la pêche en eau profonde, nous aurions à suivre l'avis des scientifiques, qui nous alerteraient sur l'insuffisant renouvellement des espèces marines ; or c'est l'inverse qui se produit : les scientifiques nous disent que les stocks au-dessus du seuil de durabilité progressent - nous sommes passés de 27% à 53% de stocks au renouvellement assuré -, tout nous indique que la pêche en eau profonde ne dégrade pas les habitats vulnérables, mais la commissaire européenne propose de l'interdire. La moindre des choses serait de cartographier les habitats et les espèces concernés, d'écouter les scientifiques, mais aussi les pêcheurs, qui sont d'autant plus disposés à débattre, qu'ils ont été parmi les tout premiers à s'inquiéter du renouvellement des espèces, qu'ils font beaucoup pour que leur pêche respecte l'environnement. Qui plus est, comme vous le dites, Madame Herviaux, cette interdiction serait catastrophique pour au moins quatre de nos ports : Lorient, Concarneau, Boulogne-sur-Mer et Le Guilvinec.
Nous devons nous interroger également sur le financement des projets d'infrastructures. Les grands projets qui engagent sur des décennies ne sont évidemment pas financés au premier jour, là n'est pas mon propos. Mais, dans le contexte budgétaire actuel, nous devons rechercher les meilleures solutions, qui ne sont pas toujours celles qu'on croit : voyez les partenariats public-privé, que certains tenaient pour la panacée, et qui apparaissent défaillants sur certaines opérations - par exemple pour le contournement routier de Strasbourg.
Sur le canal Seine-Nord-Europe, nous devons examiner les choses dans leur détail, sans se laisser prendre à telle ou telle annonce. Ce projet est très important, tout le monde en convient. Mais ses financements sont incomplets, le loyer que l'Etat devrait payer est considérable, pour cinquante ans au moins, des ouvrages nécessaires au réseau ne tolèrent pas le grand gabarit et, dans un autre ordre d'idées, on est en droit de s'interroger devant tous ces projets locaux de plateformes logistiques en attente du grand canal : sont-ils au moins complémentaires ? Nos prédécesseurs sont bien rapides à nous faire la leçon : lorsque nous aurons examiné ce dossier du canal Seine-Nord-Europe dans son détail, nous saurons et nos concitoyens sauront ce qu'il en est vraiment. Dès lors, s'il faut repenser le projet, nous le ferons : il pourra en être décalé dans le temps, mais nous aurons respecté la réalité, plutôt que de s'attacher à des annonces !
Je rassure Louis Nègre : je suis favorable au maintien, et même au renforcement de l'AFITF. L'Agence donne de la visibilité aux financements pour les infrastructures de transport, c'est particulièrement utile quand les moyens publics se font plus rares, quoiqu'en dise la Cour des comptes.
Si la concurrence sur le fret ferroviaire était un gage de croissance, nous le saurions : l'inverse s'est produit puisque le fret a diminué dans son ensemble, pas seulement pour la SNCF ! La dégradation du fret ferroviaire tient d'abord au manque d'anticipation. L'ouverture à la concurrence n'est pas l'alpha et l'oméga de la réforme : nous avons plutôt besoin de réformer la gouvernance du ferroviaire en premier, non par la fusion de RFF et de la SNCF, incompatible avec le droit européen, mais par la coordination entre le gestionnaire et les opérateurs, ce qui requiert de donner plus de visibilité à leurs relations.
La réforme de la gouvernance elle-même, - cette page que nous écrirons en connaissant ce que font nos voisins allemands -, est une condition nécessaire mais pas suffisante à la crise du ferroviaire. Nous devons, avant toute chose, dialoguer avec les cheminots, qui sont sensibles à notre ambition pour le ferroviaire, à notre souci de prendre en compte les spécificités historiques de ce secteur, parce que, comme nous, ils sont des passionnés du ferroviaire !
Sur le troisième appel d'offres de TCSP, je peux encore rassurer M. Nègre : cet appel d'offres est lancé.
Sur le fret routier, je ne dirai jamais assez que les transporteurs routiers doivent être pleinement acteurs des réformes visant le report modal, qu'il doit y avoir des incitations, un accompagnement : les transporteurs routiers sont prêts à prendre toute leur place dans la réforme, nous les y encourageons.
Je ne crois pas loisible de revenir sur le décret relatif à la circulation des 44 tonnes : il est en vis-à-vis de l'écotaxe poids lourds. Celle-ci est complexe à mettre en oeuvre, j'entends les critiques et les inquiétudes, en particulier celles des petites entreprises de transport, surtout lorsqu'on annonce un coût de 200 millions, pour une taxe censée rapporter un milliard d'euros.
Le groupe CRC a déposé des textes qui concernent directement mes compétences, en particulier sur les ports et les services portuaires : soyez assurée, Madame Didier, que nous examinerons attentivement les pistes que vous nous suggérez.
S'agissant du renouvellement à la présidence d'Aéroports de Paris, je peux dire simplement que les procédures prévues seront appliquées : votre commission y interviendra, comme c'est d'usage désormais pour bien des postes à responsabilité publique.
Les cinq recommandations du BEA seront d'application obligatoire. J'ai reçu les familles de victimes du vol Rio-Paris, ce drame humain oblige à nous poser bien des questions sur les procédures suivies, sur les relations à entretenir avec les familles en pareil cas. Est-il nécessaire, par exemple, d'envoyer les photographies des cadavres à toutes les familles, même lorsqu'elles ne l'ont pas demandé ? Comment prévenir une mère qui attend le corps de son enfant, alors qu'elle n'en recevra qu'un membre - je cite ce cas, parce qu'une mère m'a dit sa douleur devant ce qu'il restait de son fils, dont elle attendait la dépouille entière. Ces questions dépassent très largement mes compétences ministérielles, elles touchent à la communication des informations, au secret, et elles concernent la Justice au premier chef - mais cela n'empêche pas chacun de nous, devant un tel drame, de ressentir combien il faut adapter nos procédures aux réalités humaines.
Je veux encore rassurer Ronan Dantec : nous ne cèderons rien sur les échanges de quotas d'émission de CO2 aérien. Mon propos consistait seulement à dire que le système européen, l'ETS, serait conforté si l'OACI s'engageait sur la même voie : au lieu d'un cavalier seul européen, les transports aériens devraient partout respecter des quotas d'émission, ce qui serait bien plus favorable pour l'environnement et moins inconfortable pour Airbus.
M. Bizet pourra présenter, autant qu'il le souhaite, ses arguments pour le 2x25 tonnes, mais je le préviens qu'il lui faudra beaucoup de persuasion pour l'emporter ! Cependant, il est vrai que si les transporteurs jouent pleinement l'intermodalité, il n'est pas exclu de faire des efforts dans leur sens pour les derniers kilomètres.
Je vous invite à consulter l'avis que le Conseil économique, social et environnemental vient de consacrer à l'ouverture à la concurrence des services ferroviaires de voyageurs : cet avis est des plus prudent, voire défiant envers toute précipitation, il précise que l'ouverture ne peut se faire que sur la base du volontariat régional, pour quelques lignes seulement et avec un contrôle étroit des conditions de la concurrence. On comprend pourquoi l'ouverture à la concurrence ne saurait nous dicter notre calendrier de réforme !
Je crois, comme Roland Ries, que nous avons besoin d'une coordination régionale des transports, assortie d'un pouvoir de coercition. Cependant, prenons garde à ne pas substituer au centralisme national, un centralisme régional ! Les métropoles régionales sont certes des locomotives du développement, mais leur influence territoriale, par rapport à l'ensemble régional, n'est pas partout la même, nous devons nous adapter aux réalités. Les syndicats mixtes, de leur côté, ne faciliteraient pas la lisibilité du système, alors que c'est bien de clarté que nous avons besoin. Il nous faut donc trouver une organisation nouvelle, qui relie des compétences thématiques à leur territoire de pertinence - et nous y parviendrons par le débat, sans en décider préalablement au débat.
L'annonce aujourd'hui de la fermeture par Air France de sa ligne Strasbourg-Roissy, je l'espère, n'avait pas pour objectif de rendre ma tâche plus difficile devant vous ! (Sourires) Cependant, quand le TGV rejoindra Paris et Strasbourg en 1h50, la question du mode de transport prioritaire se posera effectivement.