Intervention de Yves Rome

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 25 juillet 2012 : 1ère réunion
Communication sur l'aménagement numérique des territoires de yves rome président de l'association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel avicca

Photo de Yves RomeYves Rome :

Je vais répondre de façon assez générale à l'ensemble des questions posées.

Je ne peux pas accepter que la situation dans laquelle nous nous trouvons soit qualifiée de « dictature de la fibre ». Mais vous avez raison de dire que la fibre n'est pas universelle et que le bon sens doit l'emporter pour trouver des solutions alternatives. N'entrons pas dans le débat opposant la fibre à autre chose. Sinon nous nous exposons à une opération de retardement du déploiement de la fibre. Le principal ennemi de la fibre, c'est le fil de cuivre, car France Télécom en tire encore des bénéfices considérables. Je ne souhaite pas accabler France Télécom qui est enfermé dans une logique qui doit être dépassée. L'erreur commise fut de donner trop de poids aux opérateurs. Je suis d'accord avec Hervé Maurey qui estime que l'État doit retrouver sa vocation d'aménageur et de décideur pour constituer un cadre global à l'intérieur duquel pourra se développer l'objectif. On ne mesure pas l'importance que la fibre peut avoir en termes de compétitivité et d'organisation de la vie sur nos territoires. On peut ainsi aller plus vite dans le fibrage, pour amener par exemple la télémédecine dans certains de nos territoires, que dans la formation d'un médecin, qui nécessite dix ans !

Avant de s'installer sur un territoire, les citoyens et les entreprises vérifient la présence de structures de scolarisation et de péri-scolarisation, d'infrastructures sportives et culturelles, d'établissements de soins mais aussi le niveau d'éligibilité de ce territoire au haut et au très haut débit, car ceci est désormais devenu un élément incontournable de notre vie. On comprend bien la colère qui monte de certains territoires et qui s'exprime parfois lors de scrutins. Ce sont les marqueurs d'un sentiment d'abandon, d'enfermement et de mise à l'écart des progrès généraux que connaît notre société.

Plus globalement, il faut changer de paradigme. Cela n'a pas fonctionné et je rends hommage à Hervé Maurey d'avoir dénoncé cet enfumage en prenant des positions difficiles allant à l'encontre de celles communément admises par son propre camp. La mise à haut débit du territoire national fut une belle réussite. En revanche, nous sommes en train de prendre un retard considérable en ce qui concerne le très haut débit, comparativement à des nations d'Europe du Nord, à l'Europe de l'Est, qui n'est pas embarrassée par le système de fils de cuivre de France Télécom, ou à certains pays émergents comme la Chine. Il faut que l'État, la puissance publique et au premier chef le Parlement s'emparent du sujet, assurent l'état des lieux et le suivi, vérifient la réalité des engagements des opérateurs, car l'aménagement du territoire et la préparation de l'avenir ne peuvent faire les frais d'un jeu entre France Télécom, Free et SFR.

Nous arriverons à résoudre les problèmes de financement. Certains fonds de pension, qui ont besoin de trouver des investissements de longue durée, sont prêts à se mobiliser, mais seulement si on leur garantit un cadre organisé, pérenne et sécurisé dans ce jeu d'acteurs que nous dénonçons. De plus, les financements sont souvent votés à l'unanimité, car cette question dépasse les clivages traditionnels.

On hérite d'un système absurde, on l'a vu avec l'intervention de Free et l'itinérance sur France Télécom, qui a mis le consommateur en son centre. Or, le consommateur ne peut pas s'ériger en défenseur de l'intérêt général ! Il faudra donc bien qu'un pilotage national du sujet soit organisé par la puissance publique ! Serait-on aujourd'hui dans l'incapacité de déployer une toile d'araignée pour alimenter les villages les plus reculés, semblable à celles des réseaux ferré et électrique ou de la desserte en eau réalisées au XIXe siècle ? Sans aller jusqu'aux extrêmes bien sûr, car la procédure satellitaire peut très bien être utilisée dans nos collectivités les plus reculées. La qualité des débits montants et descendants n'est certes pas la même, il s'agit simplement d'une solution palliative, mais le bon sens nous empêche aussi de payer 20 000 euros la prise pour desservir un seul foyer !

L'objectif n'est pas impossible à tenir à la condition, comme je l'ai dit, que tous les jeux d'acteurs soient sécurisés. Il faut refonder le système pour trouver des modalités différentes de financement, car France Télécom, qui doit verser des dividendes à ses actionnaires, ne peut pas s'engager dans un programme à long terme.

Au-delà des questions techniques, il s'agit, comme cela a été dit, d'un problème d'aménagement du territoire et de savoir le type de société dont nous voulons nous doter, en termes de déplacements, de modes de travail, de santé, d'éducation, à l'égard de la dépendance, de la domotique... La qualité de vie de nos concitoyens sera, à l'avenir, durablement impactée par le déploiement ou le non-déploiement du numérique. Mobilisons-nous sur cet objectif !

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