Avant que M. Guillaume Garot ne s'exprime sur l'agroalimentaire, je rappellerai les principaux enjeux, qu'ils soient structurels ou d'actualité.
L'enjeu structurel majeur est celui de la réforme de la PAC. L'aspect budgétaire est à cet égard déterminant et je réaffirme que la France ne pourra pas promouvoir une diminution de la contribution de la France au budget européen et, dans le même temps, le maintien des moyens de la PAC. Mais l'autre aspect concerne le contenu de la réforme de la PAC. La discussion s'est engagée il y a près d'un an, sur la base des propositions de la Commission européenne, qui sont fondées sur deux principes :
D'une part, une convergence est engagée sur le niveau des aides directes versées aux agriculteurs dans les différents États membres de l'Union européenne. Nous allons vers une aide de base à l'hectare, complétée par le « verdissement ». La Commission confirme également le découplage de l'ensemble des aides, avec une petite marge laissée aux Etats membre pour quelques aides couplées. La France ne doit toutefois pas être le pays qui contribue le plus au financement de la convergence entre Etats membres sous prétexte qu'elle dispose de la plus grande surface agricole utile et donc des plus importants versements. Je défendrai l'idée selon laquelle cette convergence « externe » doit être financée en tenant compte du taux moyen de retour à l'hectare, car nous sommes loin d'être le pays bénéficiant du plus fort niveau d'aide à l'hectare.
D'autre part, il faut définir le modèle de convergence interne, c'est-à-dire le mode de sortie des références historiques au sein de notre pays. Or nous avons des contraintes différentes de nos voisins. La France comprend quatre grandes zones du point de vue des niveaux de droits à paiement unique (DPU) : une zone de polyculture-élevage dans le Grand Ouest, une zone céréalière, une zone de bassin allaitant et une zone de productions méditerranéenne et de montagne, alors que les autres pays européens ont souvent des systèmes agricoles beaucoup plus homogènes. La convergence interne ne doit pas remettre en cause certains modèles de production, notamment dans le Grand Ouest.
Notre diversité est une force sur les marchés, mais aussi une faiblesse dans les négociations européennes car nous sommes touchés de manière diversifiée par les choix actuellement en discussion. La position de la France consistera à faire valoir cette diversité.
L'autre grande orientation de cette réforme de la PAC est le verdissement, c'est-à-dire la prise en compte de la durabilité de l'agriculture. Une aide au titre du verdissement sera versée à condition que trois critères soient respectés : le maintien des prairies permanentes, la diversité des cultures sur chaque exploitation et la présence d'infrastructures d'intérêt écologique. Il n'y a pas de désaccord de fond de la France sur ces propositions, mais des adaptations seront nécessaires. Il faut négocier des souplesses nécessaires pour pouvoir appliquer le verdissement dans le cadre du premier pilier et prendre en compte, là encore, la diversité de l'agriculture française.
Il faut par ailleurs conserver un couplage des aides. Un découplage complet risque d'amener des agriculteurs à cesser l'élevage laitier ou allaitant et retourner les prairies pour se lancer dans la culture céréalière, beaucoup plus rentable.
Or la diversité de l'agriculture française doit être conservée car il existe de lourds enjeux pour l'avenir. Dès cet été, la sécheresse aux États-Unis et peut-être en Russie va créer une tension sur les marchés de céréales, augmentée par la spéculation, avec un risque sur les revenus des producteurs de viande qui seront amputés par l'augmentation du coût de l'alimentation du bétail. Mais la hausse des prix des céréales peut aussi faire peser des risques sur les pays en développement en provoquant une crise alimentaire et de nouvelles émeutes de la faim. Nous devons donc préserver l'élevage, en tenant compte du fait que la tendance mondiale favorise la demande de viande, et que nous détenons 45 % du potentiel de production en Europe. Si nous perdons nos forces sur le bassin allaitant, notre capacité d'exportation s'effondrera.
En termes de calendrier, il est envisagé d'aboutir à un accord sur la PAC au premier semestre 2013, durant la présidence Irlandaise, ce qui nous amènerait à examiner ensuite une loi-cadre sur l'agriculture, l'agroalimentaire et la forêt, qui prendrait en compte le nouveau cadre européen, au second semestre 2013.
J'aborde à présent le deuxième pilier. Il sera lié au cadre budgétaire global et national, car les aides du deuxième pilier relèvent du cofinancement. Notre stratégie comportera d'ailleurs certainement des transferts entre le premier et le deuxième pilier.
S'agissant du plan Écophyto 2018, on est un peu en échec après le Grenelle de l'environnement : les molécules actives les plus dangereuses ont disparu à 87 %, mais le volume global de pesticides consommés stagne alors que l'objectif était de réduire leur usage de 50 % en 2018. De même, les surfaces en agriculture bio devaient être à 20 % en 2020 : on n'en est qu'à 3,5 %. Les objectifs ne seront donc pas atteints. La Conférence environnementale se saisira de cette question. Une bonne stratégie consisterait, pour avancer sur ce sujet, de basculer d'un système de normes et de contraintes définies exploitation par exploitation à une dynamique plus collective et active des producteurs, tendant à modifier les modèles de production. Cela sera l'enjeu de la loi-cadre, pour laquelle on proposera la création de groupements d'intérêt économique et environnemental.
Je passe le relais à Guillaume Garot, chargé de l'agroalimentaire, car l'agroalimentaire est lié évidemment à notre agriculture.