La commission entend tout d'abord M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, à l'occasion de la publication du rapport de la Cour intitulé : « La politique de la ville : une décennie de réformes ».
Pour la première fois, nous accueillons le Premier président de la Cour des comptes, pour le rapport public thématique, qui vient de paraître, La politique de la ville, une décennie de réformes. Il dresse un constat plutôt négatif de ces réformes, en dépit de l'ampleur des crédits qui y ont été consacrés. Monsieur le Premier président, nous vous entendons sur ce constat, mais aussi sur les points positifs, en insistant sur vos recommandations, parmi lesquelles je retiens la redéfinition des zones prioritaires, qui a été renvoyée à 2014, ainsi que celle des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) et le lancement d'un nouveau plan national de rénovation urbaine, où il convient de mettre l'accent sur l'indispensable accompagnement humain du volet urbanistique et immobilier. Merci de votre présence ; j'espère que cette première ne sera pas la dernière !
Merci d'avoir organisé cette audition, qui témoigne de l'intérêt porté par la représentation nationale aux travaux de la Cour et rejoint notre préoccupation d'inscrire ceux-ci dans la réflexion des décideurs nationaux. Cette audition contribue à l'utilité de notre travail et de celui des chambres régionales des comptes. Elle manifeste l'étroitesse des liens qui nous unissent au Parlement. Nous sommes à votre disposition, pour l'ensemble des travaux que nous produisons, y compris ceux qui ne sont pas publiés mais portés à votre connaissance, pour présenter nos constats et nos recommandations, sachant que le dernier mot revient toujours aux représentants du suffrage universel.
La politique de la ville a trente ans. La loi du 1er août 2003 l'a refondue. Elle lui assignait comme objectif principal de restaurer une égalité de développement entre les territoires alors que subsistaient, voire s'aggravaient, de fortes inégalités dans des quartiers, aux portes mêmes des principales villes du pays. Cette loi a également lancé un ambitieux programme de rénovation urbaine, porté par un nouvel opérateur, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine(ANRU). De multiples initiatives ont eu lieu depuis lors. Un second opérateur a été mis en place en 2006, l'Agence de la cohésion sociale et de l'égalité des chances (ACSé). De nouveaux contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) ont été négociés en 2007, la dynamique « Espoir banlieues » engagée en 2008. La délégation interministérielle a été transformée en secrétariat général du comité interministériel de la ville en 2009.
Le champ des politiques publiques concernées est vaste : l'emploi, l'habitat, les transports, la santé, l'éducation, la formation professionnelle, la sécurité publique... Chacune doit être adaptée aux spécificités du territoire. La politique de la ville suppose une double coordination : entre les différents ministères et opérateurs de l'État d'une part, rendant nécessaire un travail interministériel, et d'autre part entre l'ensemble des acteurs, l'État et les différentes collectivités territoriales principalement. Elle doit dépasser le cloisonnement des ministères et l'insuffisante coordination des acteurs publics.
L'enquête menée par la Cour s'appuie sur des travaux de terrain, menés avec les chambres régionales des comptes dans neuf régions. Pas moins de 80 contrôles de collectivités territoriales, de services de l'État, d'opérateurs, d'associations et de groupements d'intérêt public ont été réalisés par les juridictions financières. Ils permettent d'apprécier les facteurs de réussite ou d'échec des politiques. L'analyse de la Cour permet de dégager des propositions pour rendre plus efficace la conduite de la politique de la ville.
Je suis accompagné d'Anne Froment-Meurice, présidente de la cinquième chambre et de la formation inter-juridictions qui a préparé ce rapport, Jean-Marie Bertrand, président de chambre et rapporteur général de la Cour, Sylvie Esparre, conseillère maître et rapporteure général du présent rapport, Gwénaëlle Suc, auditrice et Michel Davy de Virville, conseiller maître et contre-rapporteur.
La Cour part d'un constat décevant : en dépit des efforts réalisés par de nombreux acteurs et des premiers résultats obtenus par le programme national de rénovation urbaine (PNRU), les handicaps dont souffrent les quartiers ne se sont pas atténués.
L'Observatoire national des zones urbaines sensibles, créé en 2003, a évalué l'écart de développement qui sépare encore les quartiers du reste du territoire. Depuis dix années, il ne s'est pas réduit, quel que soit l'indicateur examiné. Le taux de chômage des 15-59 ans s'élève à 20,9 % dans les zones urbaines sensibles (ZUS) contre 10,3 % en dehors ; le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté (954 euros mensuels) est de 32,4 % dans les ZUS contre 12,2 % en dehors. En matière de réussite scolaire, les écarts à la moyenne tendent à augmenter dans les filières générales.
Ce constat pessimiste, en dépit des ambitions renouvelées et de la bonne volonté des acteurs, ne doit pas démobiliser mais au contraire inciter à une meilleure concentration et coordination des efforts.
La Cour identifie cinq facteurs d'explication sur lesquels elle fonde ses recommandations.
Le premier est la complexité et l'obsolescence de la définition des zones géographiques d'application de la politique de la ville, qu'on appelle la géographie prioritaire.
Le deuxième concerne la coordination des acteurs et le travail interministériel, qui souffrent de défauts persistants et n'ont pas joué dans le sens de l'efficacité et de la cohérence, au niveau national comme au niveau local.
Le troisième facteur est le retard pris par le programme national de rénovation, les incertitudes qui pèsent sur son financement futur, ainsi que l'insuffisante articulation entre les actions de rénovation urbaine et les autres menées dans le cadre de la politique de la ville.
Le quatrième facteur est l'insuffisante mobilisation des différentes politiques publiques de droit commun en faveur des quartiers prioritaires.
Le dernier facteur est l'insatisfaisante répartition des moyens spécifiques de la politique de la ville, qui ne sont pas mobilisés en priorité au profit des zones qui connaissent les difficultés les plus fortes.
La politique de la ville est aujourd'hui mise en oeuvre dans 751 ZUS, où vivent 4,4 millions de personnes, soit 7 % de la population nationale. Au sein de ces zones existent 416 zones de redynamisation urbaine (ZRU), comprenant elles-mêmes 100 zones franches urbaines (ZFU). Par ailleurs, 2 493 quartiers ont été retenus dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale signés avec les collectivités, dont 70 % ne sont pas classés en ZUS. Les zones prioritaires pour l'État ne se recoupent pas avec celles retenues par la politique partenariale avec les collectivités. Le zonage retenu pour la mise en oeuvre du programme national de rénovation urbaine ne coïncide pas totalement avec les ZUS.
La complexité manifestement excessive de ces différents zonages pose un problème de lisibilité, tant pour les habitants et le tissu associatif que pour les administrations publiques. L'ampleur des zones visées entraîne une dilution des interventions publiques : la plupart des autres pays européens ont choisi de cibler davantage leurs efforts. L'Allemagne n'inclut que 392 quartiers dans son programme « ville sociale ». Le Royaume-Uni ne retient que 39 quartiers.
Une refonte de la géographie prioritaire était prévue par la loi de finances pour 2008, mais ces dispositions n'ont pas été encore appliquées, ce qui a gelé l'ensemble des autres réformes qui en dépendaient, notamment la mise en place de nouveaux CUCS. La Cour recommande une refonte rapide de la géographie prioritaire. Elle serait l'occasion d'identifier un nombre bien plus limité de zones sur lesquelles l'effort doit être concentré, puis de simplifier et aligner sur ces zones les dispositifs légaux et conventionnels. Ce nouveau découpage devrait devenir le cadre de négociation de la prochaine génération de CUCS. Cette réforme faciliterait celle de la dotation de solidarité urbaine (DSU), qui pourrait être scindée en deux dotations, l'une de péréquation en faveur des communes en situation difficile, l'autre ciblée sur les communes qui relèvent de la politique de la ville.
J'en viens au deuxième constat sur la cohérence de l'action. La politique de la ville a manqué d'un pilotage interministériel fort pour assurer la coordination entre les différents ministères d'une part et d'autre part avec les actions menées par les deux agences, l'ANRU et l'ACSé. La rénovation urbaine n'a pas porté tous ses fruits en matière d'éducation et d'emploi. Le pilotage du secrétariat général du comité interministériel des villes s'est insuffisamment affirmé pour assurer une bonne coordination entre les interventions des acteurs nationaux. L'exercice de la tutelle sur les deux agences reste à renforcer et à clarifier, et le secrétariat intervient parfois en doublon de l'ACSé.
La Cour recommande de soutenir l'action interministérielle par des impulsions politiques régulières. Le comité interministériel des villes, qui n'a siégé que quatre fois depuis 2001, pourrait être réuni deux fois par an.
La nouvelle organisation déconcentrée issue de la réforme de l'administration territoriale de l'État doit encore faire ses preuves. La Cour recommande qu'un bilan en soit tiré. Les effectifs dédiés à la politique de la ville gagneraient, au moins dans les territoires prioritaires, à être regroupés et placés plus près des équipes préfectorales. Les préfets délégués à l'égalité des chances et les sous-préfets ville jouent un rôle essentiel pour assurer l'action interministérielle de l'État, mais devraient rester en poste plus longtemps et être mieux formés au moment de leur prise de fonction. Les délégués du préfet, mis en place dans 350 quartiers, apportent une réelle valeur ajoutée sur le terrain en y renforçant la présence de l'État et en permettant une meilleure circulation de l'information entre les acteurs locaux. Leur place dans les services déconcentrés de l'État pourrait être mieux formalisée.
La répartition des compétences entre les différentes collectivités territoriales est encore imprécise. Echelons pertinents de mise en oeuvre de la politique de la ville, les intercommunalités n'ont pas trouvé leur place, car les villes centres préfèrent garder leurs effectifs et gérer elles-mêmes les crédits. La Cour recommande qu'elles soient systématiquement associées à la contractualisation des prochains CUCS. Les départements et les régions sont inégalement et insuffisamment impliqués.
Le PNRU représente un effort sans précédent en faveur des quartiers en difficulté. Il fixe l'objectif de 250 000 démolitions-reconstructions et 400 000 réhabilitations de logements. Il vise à permettre une recomposition sociale et urbaine des quartiers. Ses résultats auprès des habitants relogés sont appréciés positivement. Mais trois ombres viennent obscurcir ce constat positif.
La première est que le programme a pris du retard : 53 % des démolitions prévues ont été réalisées, 30 % de l'offre de logement concernée a été reconstruite et 39 % des logements ont été réhabilités.
La deuxième est qu'en dépit de ce retard, le coût du programme s'est alourdi. Plus de 40 milliards d'euros ont été mobilisés par les administrations centrales, les collectivités territoriales, l'Union pour l'économie sociale et pour le logement (le « 1 % logement ») et les bailleurs sociaux. Alors que les objectifs sont encore loin d'être atteints et que la situation des finances publiques impose la recherche active d'économies, le financement complet du PNRU reste très incertain, et a fortiori la possibilité d'un deuxième programme. La Cour recommande un bilan précis des engagements pris au regard des financements disponibles, afin de sécuriser l'achèvement du programme actuel avant de définir de nouveaux objectifs.
L'articulation de la rénovation urbaine avec la dimension sociale de la politique de la ville reste limitée. La diversification de l'habitat est restée insuffisante et l'objectif de mixité sociale n'est pas atteint. Le PNRU comprend un volet social visant à accompagner le relogement et à fournir des services urbains de proximité. Ces actions sont très insuffisamment mises en oeuvre. On constate un manque d'articulation, voire un cloisonnement, entre le programme national et les CUCS conclus entre l'État et les collectivités territoriales. La Cour recommande que la prochaine génération de ces contrats assure l'articulation entre les interventions de rénovation urbaine et les programmes d'action sociale.
J'en viens au constat d'une insuffisante mobilisation des différentes administrations pour engager les politiques publiques de droit commun, par exemple l'emploi ou l'éducation nationale, au service des quartiers prioritaires. Cet objectif était constamment réaffirmé dans les plans gouvernementaux. Le rapport de la Cour et des chambres régionales des comptes montre qu'il est impossible de mesurer le niveau réel d'implication de chacune des administrations en l'absence d'un suivi territorial des crédits, reposant sur une méthode harmonisée et partagée entre les ministères. Cette carence met en évidence une insuffisante volonté de la part des administrations. Deux exemples témoignent de cette faible implication.
Le premier est l'évaluation par la Cour de la dynamique « Espoir banlieues », destinée à mobiliser les administrations de droit commun au service des quartiers prioritaires. Faute d'une organisation adaptée, d'une définition claire de son périmètre et de ses objectifs, elle a été progressivement abandonnée, sans qu'un bilan consolidé ait été réalisé.
Le second exemple est la politique de l'emploi. Les indicateurs sont particulièrement dégradés dans les ZUS : le taux de chômage des jeunes s'élève en 2009 à 30 % alors qu'il est de 17 % dans les agglomérations de référence. Les évolutions de la part des contrats aidés dont bénéficient les ZUS illustrent la moindre implication des politiques de l'emploi : cette proportion est passée, pour les contrats du secteur marchand, de 9,7 % en 2006 à 7,8 % en 2010. Pour les contrats du secteur non-marchand, cette proportion est passée de 18,4 % à 11,6 %. Les quartiers prioritaires de la politique de la ville ne sont pas systématiquement dotés d'une agence de Pôle emploi. Le nombre de demandeurs d'emploi suivi par conseiller est en moyenne plus élevé que dans le reste du territoire, dans des proportions pouvant aller du simple au double. Non seulement les ZUS n'ont souvent pas de moyens supplémentaires, mais elles apparaissent même défavorisées dans de nombreux cas.
Cette question a été placée au centre de l'expérimentation d'avenants aux CUCS, qui est en cours. Ses premiers résultats augurent mal de la capacité des mécanismes retenus à atteindre cet objectif. La Cour recommande que la prochaine génération de contrats puisse identifier de manière précise et chiffrée les moyens de droit commun engagés, en particulier en matière d'emploi et d'éducation, en obtenant un effort analogue de la part des collectivités territoriales. Au niveau national, des conventions entre les différents ministères et le ministère chargé de la ville pourraient identifier et mobiliser en amont ces moyens. Ce dispositif national pourrait être décliné dans les départements sous la conduite des préfets de région. Il conviendrait de s'assurer que les crédits de droit commun dédiés aux quartiers prioritaires soient supérieurs à ceux qui sont mobilisés, en moyenne, sur l'ensemble du territoire.
La Cour constate que les crédits spécifiques que l'État affecte à la politique de la ville, qui représentent 536 millions d'euros par an et sont censés renforcer les crédits de droit commun, ne sont pas mobilisés en priorité sur les zones qui connaissent le plus de difficultés.
Ainsi, les zones urbaines sensibles des départements dans les situations les plus difficiles, comme la Seine-Saint-Denis et les Bouches-du-Rhône, bénéficient de crédits par habitant moins importants que celles de départements ruraux ou semi-ruraux. En région Île-de-France, la Seine-Saint-Denis est, après Paris, le département dont l'enveloppe budgétaire, rapportée au nombre d'habitants, est la plus faible : 31 euros contre 41 euros pour la moyenne régionale et 71 euros pour les Yvelines. Or, ce département concentre les plus grandes difficultés sociales et économiques de la région. La Cour recommande de rééquilibrer ces crédits au profit des six départements qui rencontrent le plus de difficultés : Seine-Saint-Denis, Essonne, Rhône, Nord, Val-d'Oise, Bouches-du-Rhône. Elle ne propose pas de restreindre la politique de la ville à ces seuls départements, mais seulement de rééquilibrer la répartition actuelle des crédits en leur faveur.
Le Cour critique également le fait que ces crédits bénéficient à plus de 12 000 associations le plus souvent soumises à des objectifs peu contraignants et dont les résultats sont insuffisamment évalués par les services de l'État, l'ACSé et les collectivités territoriales. La gestion des crédits par l'ACSé a connu des progrès mais peut encore être améliorée. La Cour recommande de mieux évaluer les résultats obtenus par les associations et d'en tirer les conséquences le cas échéant en remettant en cause les conventions inefficaces.
Enfin, la Cour a observé que les crédits spécifiques de la politique de la ville se substituent parfois à l'insuffisance des crédits de droit commun, particulièrement pour l'emploi et l'éducation.
La politique de la ville doit évoluer pour être plus efficace. La Cour recommande en priorité de mettre en oeuvre la réforme de la géographie prioritaire, puis de définir de nouveaux contrats de politique de la ville prenant en compte ses recommandations. L'efficacité de la politique de la ville doit reposer sur une impulsion politique renforcée et une affirmation de la capacité d'animation interministérielle, nationale par le secrétariat général du comité interministériel des villes, et territoriale par les équipes préfectorales. L'action de l'État et celle des collectivités doit d'appuyer sur des objectifs précis et partagés, et sur une évaluation en continu. Ces évolutions, qui devraient être engagées avant 2014, donneraient à la politique de la ville plus d'efficacité et de lisibilité.
La parole est à notre rapporteur pour avis des crédits de la politique de la ville.
Je tiens à vous féliciter pour cet excellent rapport. Malheureusement, nous partageons votre vision critique et une grande partie de vos recommandations, avec de nombreux élus locaux, en particulier les membres de l'association des maires Ville et banlieue de France. Il ne s'agit pas d'enterrer la politique de la ville, n'en déplaise à ses ennemis, mais au contraire de lui donner un nouveau souffle.
Comme vous, nous déplorons la faible mobilisation des politiques publiques en direction des quartiers prioritaires et pensons qu'un redéploiement des moyens de droit commun est nécessaire. Nous ne savons pas où est dépensé l'argent public. Il est temps d'engager une politique de géolocalisation de l'action publique. Ainsi ai-je découvert qu'un élève de Paris intra muros coûte plus cher qu'un élève de banlieue. Il y aurait beaucoup à dire, comme le sait Marie-Noëlle Lienemann, sur les bailleurs sociaux.
Il faut en tirer les conséquences sur la gouvernance, puisque, comme vous le soulignez, « l'action est mal pilotée ». Vous regrettez à juste titre que la délégation interministérielle à la ville ait été transformée en simple secrétariat. Pour mener une action interministérielle, redonner une légitimité politique au redéploiement des moyens, nous recommandons de cesser de cantonner la ville à un secrétariat d'État ou un ministère délégué, mais d'en faire un ministère d'État, ou de revenir à une délégation interministérielle puissante, administrativement et politiquement, comme elle l'était au temps d'Yves Dauge.
Les délégués des préfets jouent un rôle très positif dans la plupart des départements, mais ils n'ont pas l'autorité nécessaire pour réparer ce que vous avez dénoncé, contrairement aux préfets à la cohésion.
Vous avez été très dur à l'encontre des opérations de renouvellement urbain. Vous pouvez l'être si vous vous référez à l'objet de la loi qui est de réduire les écarts. Mais si vous demandez aux bénéficiaires ou aux voisins ce qu'ils en pensent, ils feront état, à plus de 70 %, de leur satisfaction. Je vois se lever les ennemis de la rénovation urbaine, aussi faut-il sans doute modérer ces critiques.
Quant à ces départements qui ont fait couler beaucoup d'encre, ce que je regrette, les journalistes ayant mal lu votre rapport, je constate qu'ils sont visés « prioritairement » et non pas « exclusivement », ce qui me va très bien.
Votre rapport constate l'échec de la politique de la ville. Mais est-il possible que les inégalités entre les territoires se réduisent quand s'accroissent les inégalités entre les couches sociales, dans les domaines de la formation, du pouvoir d'achat, du patrimoine ? Dans une société comme la nôtre, non. Nous ne pouvons isoler la politique de la ville du reste.
Sur la gouvernance, il ne faudrait pas que le troisième acte de la décentralisation désengage, désarme trop un État qui doit jouer un rôle d'impulsion, de négociation, de mise en commun avec les partenaires que vous évoquez : intercommunalité, départements, régions. Ses représentants, préfets et sous-préfets, ont beaucoup moins à faire qu'hier. Ils pourraient être utilisés de manière beaucoup plus efficace, au service des projets des différentes structures intercommunales. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
J'en viens au problème du financement. Le Sénat a encouragé la péréquation verticale et horizontale. Nous savons combien cela est difficile à obtenir. Nous ne pouvons considérer que les communes les moins pauvres doivent donner aux communes les plus pauvres, alors que les communes les plus riches sont insuffisamment taxées au titre de l'effort solidaire. Il faudra procéder avec beaucoup d'intelligence et de volonté politique pour aboutir à une péréquation horizontale objective.
A propos des six départements mis en exergue, attention à ne pas oublier les départements traditionnellement industriels, qui n'en font pas partie, mais où le taux de chômage atteint des niveaux très élevés.
Dire qu'ils sont prioritaires ne signifie pas que les autres soient abandonnées.
Veillons à lever une ambiguïté, qui touche l'ensemble des rapports récents sur la politique de la ville, celui de l'agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU), celui du député-maire de Sarcelles, celui que j'ai fait adopter à l'unanimité par le Conseil économique social et environnemental sur les banlieues et faisons attention à la communication : leurs critiques visent la mise en oeuvre de la politique de la ville, mais n'estiment pas qu'elle est un échec en tant que telle. Peu de politiques publiques recueillent l'assentiment de 80 % des citoyens concernés, y compris dans son volet de réhabilitation urbaine. Bien sûr, l'écart est grand par rapport aux objectifs annoncés, l'essentiel a été dit là-dessus.
Je souligne que le taux de rotation des habitants est très élevé dans ces quartiers qui jouent le rôle de sas d'intégration républicaine, à la différence des ghettos anglo-saxons, dont personne ne part. Dans une société où les inégalités s'accroissent, il est important de ne pas démoraliser nos concitoyens sur les chances réelles de réussite de l'intégration républicaine. Pour autant, nous ne pouvons nous en satisfaire. Longtemps élue de l'Essonne, j'estime qu'un quartier d'Athis-Mons comme celui du Noyer Renard peut sortir du dispositif, alors que dans d'autres, l'essentiel reste à faire.
J'ai entendu votre appel à la prudence : oui, il faut d'abord réussir l'ANRU-1, mais je veux plaider également pour l'ANRU-2, car nous n'avons parcouru que la moitié du chemin. Si nous sommes au milieu du gué, c'est en raison de la lenteur de la mise en oeuvre des projets. Attention au stop and go, synonyme de gaspillage ! Sans continuité dans l'action, les détériorations, l'usure, les difficultés risquent d'enrayer la dynamique positive.
Sur les politiques de droit commun, je me méfie des comptes par quartiers. Il y a des conventions de l'ANRU. Les administrations devraient émettre des « porter à connaissance ». Par exemple, Pôle emploi présenterait son analyse de la situation à Clichy et des moyens qu'il entend mettre en oeuvre pour y répondre. Si les acteurs administratifs ne sont pas convaincus, à l'État de faire son travail. Pour le ministère de l'éducation nationale, le rectorat livrerait son analyse des difficultés des quartiers et présenterait sa stratégie de rattrapage. Ces « porter à connaissance » rendraient lisibles les analyses des administrations publiques et leurs engagements. Ils les obligeraient à les assumer. Les habitants des quartiers sauraient que l'État a pour objectif de permettre leur émancipation et l'égalité de traitement.
Il y a toujours eu, depuis 1991, des collectivités qui ont du mal à consommer les crédits, dans les Bouches-du-Rhône par exemple. Ce peut être en partie en raison de cafouillages politico-administratifs mais peut être aussi par manque d'argent. Il y a des communes pauvres qui ne peuvent pas trouver les 20 % ou 30 % qui leurs sont demandés en appui des projets d'équipement. Même la dotation de solidarité urbaine (DSU) n'est pas à la hauteur des besoins. Je m'interroge sur les taux de subventionnement et d'accompagnement par l'État de certaines opérations.
En définitive, votre rapport fait apparaître la réussite du renouvellement urbain. C'est l'articulation avec les autres volets de la politique de la ville qui souffre de carences. Certaines autres critiques sont rattrapables.
Je suis en plein accord sur le dernier point. J'insiste sur l'accompagnement. Nous ne pouvons nous contenter de l'immobilier.
Les politiques d'urbanisme et de reconstruction ont un intérêt majeur. Certains quartiers n'auraient pu en bénéficier si l'ANRU n'avait pas été créée et si 40 milliards d'euros n'avaient pas été engagés. Nous mesurons aujourd'hui les résultats d'une évolution, qui auraient pu être catastrophiques si cet engagement public n'avait pas eu lieu. Nous ne pouvons faire marche arrière. Les objectifs de reconstructions et de réhabilitations étaient ambitieux. Cette ambition était nécessaire. Qu'ils ne soient pas réalisés ne me choque pas, car ils étaient porteurs.
Le problème de la coordination reste posé. La durée est un élément déterminant, qui n'apparaît pas suffisamment dans les analyses. Une telle politique doit être mesurée à l'aune d'un quart de siècle dans les quartiers. La gouvernance est une question majeure. Comment trouve-t-on les indispensables moutons à cinq pattes, porteurs et animateurs de projets ? Comment les former, faire en sorte qu'ils disposent d'un minimum de subsidiarité, de pouvoir dans l'action ?
Enfin je ne peux passer sous silence la politique de peuplement. La plupart de ces quartiers sont des ghettos. Il faut bâtir la mixité par le haut pour améliorer les quartiers. Les politiques de peuplement sont très délicates. Il faut mettre les points sur les i. Certains opérateurs sont en limite du droit, pour obtenir des résultats.
Je suis entièrement d'accord avec vous. Il faudra que les quotas préfectoraux soient en cohérence avec les politiques déployées sur le terrain.
Je tiens à saluer ce rapport. Votre constat est sévère, étayé par des chiffres. Il permet de comprendre et d'analyser pourquoi la politique de la ville se traduit par de tels résultats. Le programme national de rénovation urbaine a porté ses fruits mais a souffert d'un déficit d'accompagnement et d'un volet politique de peuplement. Lorsqu'un quartier a connu démolitions, reconstructions, réhabilitations, ne faut-il pas commencer par en sortir les pauvres, afin de les tirer vers le haut, en les mêlant à la société de la ville ? Faut-il laisser faire sans faire évoluer le peuplement qui a toujours prévalu dans ces quartiers ? Nous représentons ici les élus locaux. Bien sûr, il faut respecter les prérogatives des maires, des bailleurs en matière d'attribution de logements mais pour réussir, la mixité est indispensable. Mettre le paquet sur l'urbanisme sans transformer socialement les quartiers ne nous fera pas progresser. Comment avancer vers la réussite scolaire si ceux-ci conservent les mêmes catégories socio-économiques ? Par l'accession à la propriété notamment, nous pouvons essayer d'apporter d'autres solutions.
Les CUCS ont mobilisé 500 millions d'euros pour 8 millions de personnes. Cette géographie prioritaire pêche peut-être par son importance. Faut-il réduire le périmètre ? Augmenter les moyens ? Des quartiers en grande détresse n'exigent pas nécessairement des investissements lourds, mais une meilleure coordination de l'accompagnement, un tour de table réunissant les collectivités, les organismes sociaux, les services de l'État, notamment Pôle emploi, l'éducation nationale et l'ensemble des acteurs afin d'apporter ensemble des crédits de droit commun. C'est possible, mais c'est encore compliqué. Il y a tant à faire en ce sens ! L'effort budgétaire des uns est parfois rendu inopérant par le désengagement des autres. Il s'agit de partager les priorités et de les financer ensemble.
Un PNRU-2 est indispensable, mais il faut bien en définir les cibles prioritaires et éviter une trop grande discontinuité avec le PNRU-1.L'ingénierie performante qui a fait ses preuves ne peut attendre deux ou trois ans, sinon elle risque de disparaître. Enfin, l'intercommunalité est un bon outil pour les territoires où les communes ne sont pas de grande taille. Ainsi, nous avons porté les projets « ville » de huit communes de taille intermédiaire.
Nous savons que des opérations très réussies ont été menées dans votre région.
L'exemple de Grenoble et de son agglomération m'a convaincu qu'il convient de travailler concomitamment sur les deux volets, urbain et social, de la politique de la ville. Dans le cadre du PNRU-1, on a créé d'un côté l'ANRU, de l'autre l'ACSé : une structure unique n'eût-elle pas été préférable ?
Intégrer la politique de la ville dans le droit commun, ainsi que l'on y tend désormais, suppose que tous les ministères partagent le même effort, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, et que soient maintenus dans les quartiers les services publics comme la poste ou la police de proximité, dont les antennes, quand elles existent, ne sont pas toujours ouvertes quand ce serait le plus utile. De même, la redéfinition du zonage ne doit pas faire oublier les programmes en cours.
Pourquoi ne pas permettre la vente en bloc de logements sociaux à des structures comme la Société nationale immobilière (SNI) pour assurer la mixité par le développement de l'habitat intermédiaire, souvent préférable à une reconstruction après démolition pour répartir différemment le peuplement ?
Un mot enfin sur les copropriétés qui, dans les quartiers, se dégradent souvent du fait de la main mise par des marchands de sommeil. L'Agence nationale d'amélioration de l'habitat devrait s'y intéresser.
Je relève que beaucoup de nos observations se recoupent. Il est vrai qu'en matière de politique de la ville, si les actions ont été nombreuses, les résultats restent contrastés. D'où nos recommandations, qui font suite à celles d'autres rapports passés. En tout état de cause, il faut replacer les choses dans le contexte global de lutte contre les inégalités.
Oui, Claude Dilain, l'usage des moyens de droit commun dans les quartiers se heurte à des difficultés. Difficulté à mesurer, d'abord, car l'on a du mal à identifier ces moyens dans les prévisions budgétaires ; difficulté à assurer le suivi, ensuite. Il est vrai que la géolocalisation, en cette dernière matière, présentée comme une solution, a donné lieu à des initiatives, mais elle requiert une forte coordination entre les administrations - secrétariat général du Comité interministériel des villes, INSEE, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) - et des moyens financiers et humains qui font souvent reculer. Nous préconisons, à défaut, que les préfets concernés établissent, sous la coordination du préfet de région, des tableaux de bord par site retraçant les crédits en personnel et en moyens d'intervention. Les expériences réalisées par certains préfets dans les départements ont plutôt bien fonctionné.
Dans les nouveaux contrats, il faudra identifier les moyens de droit commun engagés aux côtés de l'effort des collectivités. Nous recommandons également d'associer les intercommunalités et d'articuler dans un même contrat les interventions relevant du volet social et celles qui ont trait à l'accompagnement social.
La question de la gouvernance relève du politique : c'est à vous de trancher. La politique de la ville requiert une impulsion politique forte, que ne traduit pas la rareté des réunions du Comité interministériel des villes. Animer la politique de la ville, assurer une meilleure coordination entre les acteurs sont des impératifs que beaucoup d'entre vous ont rappelé. Nous ne préconisons pas pour autant la fusion entre l'ANRU et l'ACSé, mais une meilleure articulation, via le contrat unique, entre les acteurs, l'État devant dans le même temps jouer tout son rôle.
En ce qui concerne la géographie prioritaire, nous ne préconisons pas de limiter les actions de la politique de la ville à six départements, mais constatons un enchevêtrement des zonages législatif et contractuel. Sans aller jusqu'au système allemand ou anglais, qui concentrent énormément, nous avons des marges d'amélioration. Ce n'est qu'en concentrant l'effort sur certains quartiers que l'on assurera la péréquation. On sait bien que dans certaines villes, comme Paris, Puteaux ou Nice, l'effort de l'État n'a pas besoin d'être massif : la solidarité communale peut jouer. La péréquation horizontale reste un sujet difficile. Nous avons progressé, mais il reste de sérieux progrès à faire.
Ce que nous disons des effets de substitution témoigne de la nécessité de mieux cibler. Certaines mesures de la politique de la ville, comme les stages de mise à niveau, ne sont-elles pas redondantes avec ce qui existe déjà à l'Éducation nationale, avec l'école ouverte ? A chacun de faire son travail.
Pour la rénovation urbaine, on peut comprendre qu'il existe encore des besoins, mais il convient d'abord de faire le bilan du programme de l'ANRU, et, dans une situation budgétaire tendue, de le sécuriser, avant d'en lancer un nouveau.
Le mouvement est en cours sur la géographie prioritaire. Témoin les contrats d'objectifs et de moyens signés avec l'Acsé, qui imposent de réduire les écarts de secteur d'au moins 20 %, ce qui suppose une allocation des crédits différentes pour les départements où les difficultés sociales sont les plus fortes, tels que ceux où existe un préfet délégué à l'égalité des chances. De même, les crédits de droit commun doivent être affectés aux quartiers les plus en difficulté.
Une part de la difficulté est venue de l'articulation entre la loi relative au droit au logement opposable (DALO) qui s'applique partout, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), pas toujours respectée, et les périmètres de zone où s'applique le programme de rénovation urbaine.
L'ANRU a été créée deux ans avant l'ACSé, pour accompagner les programmes de reconstruction et de relogement, qui ont été mis en place tardivement. Lorsque l'Acsé a été ensuite créée, elle n'a pas réussi, du coup, à assurer une bonne coordination, et les CUCS, faits pour coordonner, n'ont pas joué leur rôle. Des progrès ont été accomplis ces dernières années avec les contrats d'objectifs et de moyens, et les nouveaux directeurs des deux agences se sont rapprochés. Il ne faut pas oublier cependant que lors de la mise en place du PNRU, il a fallu aller vite, si bien que l'on n'a pu donner sa vraie place au relai social de la politique de la ville. D'où, d'ailleurs, la création de l'Acsé.
Le problème de l'Acsé ne tient-il pas à la pluralité de ses missions ? Accompagnement de la politique de la ville mais aussi lutte contre les discriminations. Si bien que l'on se retrouve avec une technostructure lourde chargée de gérer des problèmes humains qui exigent au contraire une grande proximité.
Quant à la question de l'emploi, elle ne passe, dans les quartiers, que par le traitement social du chômage. On ne songe pas aux zones franches urbaines, aux dispositifs d'accompagnement du commerce et de l'artisanat. C'est regrettable.
Nous ne préconisons pas, encore une fois, de fusionner l'ANRU et l'ACSé. Il faut jouer la complémentarité et la cohérence. Mais il est vrai qu'il faut une présence physique. Il n'est pas normal que Pôle emploi ne soit pas implanté dans certains secteurs, nous le disons dans le rapport.
Nous sommes tous confrontés à ces problèmes dans nos collectivités, d'où notre intérêt. Lorsque Daniel Dubois estime que les quotas préfectoraux devraient être confiés à ceux qui sont les pilotes, je le suis.
La commission entend ensuite M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif.
Je me réjouis que cette réunion donne aux élus de terrain que nous sommes la possibilité de manifester leur capacité de mobilisation face à l'urgence sociale, économique et industrielle. Elle est d'actualité et la presse de ce matin en témoigne. Quand l'industrie française ne représente plus que 12 % du PIB, on peut sérieusement s'interroger : au-delà du débat statistique sur la prise en compte de l'externalisation, il reste qu'en deçà de 20 % du PIB, c'est la question de la survie industrielle qui se pose au pays, sauf à nous transformer massivement en gardiens de musée...
L'urgence se manifeste de façon plus visible dans certains secteurs. Comme vous l'avez indiqué le 13 juillet dernier au Sénat, monsieur le Ministre, la nation toute entière devra se rassembler derrière son industrie, particulièrement son industrie automobile. Il faudra également être attentif, ainsi qu'il ressort de l'audition du président de France Telecom Orange, à l'équilibre du secteur des télécommunications, porteurs de forts enjeux en termes de valeur ajoutée, d'innovation, d'emploi et d'aménagement numérique du territoire. On constate les perturbations suscitées par l'entrée d'un nouvel opérateur et toute la question est aujourd'hui de savoir où placer le curseur entre la défense du pouvoir d'achat du consommateur et les effets collatéraux sur l'emploi des baisses de tarifs ? Ces deux secteurs feront l'objet d'annonces officielles dès demain en conseil des ministres.
La réindustrialisation, chère à Martial Bourquin, aux côtés de qui j'ai travaillé tout au long de la mission d'information consacrée à cet enjeu, a un rôle central à jouer dans le redressement productif. Elle marque d'abord une rupture avec la priorité excessive accordée depuis vingt ans au secteur tertiaire et avec son corollaire : l'obsession de la baisse du coût du travail. Je précise à ce sujet que si l'on veut établir des comparaisons avec l'Allemagne, dont il ne faut pas oublier que c'est un Etat fédéral, qu'on le fasse honnêtement en prenant comme base de référence les coûts de production constatés dans les trois Länder du sud et de l'ouest.
On aurait alors bien des surprises, comme nous en avons eu, Martial Bourquin et moi-même, à Stuttgart.
La réindustrialisation c'est ensuite une stratégie territorialisée. Nous attendons beaucoup des vingt-deux commissaires au redressement productif placés auprès des préfets de région, dont vous allez pouvoir nous préciser quel rôle vous entendez leur donner. Il est tout aussi nécessaire d'associer les élus de terrain : c'est principalement entre la région et les intercommunalités que se joue le développement économique du territoire.
Je globalise mon propos pour les inclure... Le colbertisme participatif que vous entendez promouvoir témoigne d'un volontarisme que nous soutenons dans son principe. En même temps, comment ne pas rappeler, ici au Sénat, le caractère irremplaçable de la contribution des élus locaux dans leur ensemble ?
La réindustrialisation, enfin, a besoin d'outils efficaces. Sans négliger l'importance, sur le plan humain, de la sécurité sociale professionnelle, qui inclut la formation, j'insiste sur les soutiens financiers, sans lesquels rien n'est possible. Voyez combien les collectivités locales contribuent aux subventions d'investissement : peut-être pourriez-vous faire le point sur les nouvelles orientations données à la mécanique complexe gérée par le Commissariat général à l'investissement qui doit allouer les neuf milliards restants du grand emprunt. Comment la banque publique d'investissement pourra-t-elle déployer un réseau de distribution unique de l'ensemble des outils publics de financement - prêts garantis, fonds propres, subventions et projets à l'exportation ? Quelles conséquences ce schéma aura-t-il sur les activités et le statut de la Caisse des dépôts, de sa filiale CDC Entreprises - dont les 77 fonds régionaux gèrent plus de 12 milliards d'euros - d'Oseo et du Fonds stratégique d'investissement ?
Nous souhaitons également vous interroger, notre collègue Marc Daunis ne me contredira pas, sur le crédit impôt recherche (CIR). Je ne suis pas totalement en phase avec certaines propositions du tout récent rapport de notre collègue de la commission des finances Michel Berson : nous nous battons depuis plusieurs années ans pour un taux supérieur en faveur des PMI innovantes et pour un statut des jeunes entreprises industrielles. Si je peux suivre les conclusions du rapport sur la banque et les holdings financières, et considérer avec Michel Berson qu'il faut mieux utiliser le CIR pour favoriser l'innovation, je reste convaincu que la créativité est plus forte dans les PME et les JEI que dans les grands groupes.
Nous ne sommes pas en désaccord, comme en témoigne le contenu du rapport.
Quid, enfin du projet de loi qui visait à autoriser la reprise par les salariés des entreprises économiquement viables, et qui aurait pu concerner Petroplus, ArcelorMittal, le Thé Elephant et bien d'autres entreprises encore. Quand sera-t-il soumis à notre examen ?
Je vous remercie de votre invitation à débattre. Pour avoir été vingt ans député, je ne peux être que vivement attaché à l'échange avec les parlementaires, a fortiori avec vous, qui êtes les dépositaires de l'intérêt des collectivités locales, donc des territoires, qui sont appelés à jouer un rôle important dans notre mobilisation nationale en faveur du redressement productif. Il était donc nécessaire que cet échange ait lieu dès à présent. Le regard des élus sur l'entreprise est toujours très instructif. Le ministre que je suis a besoin de votre connaissance du terrain et les fonctionnaires, au premier rang desquels les préfets et les commissaires chargés de retisser les maillons de la chaîne économique dans toutes ses composantes, seront à la disposition des élus dans les opérations de sauvetage.
Le redressement productif tire son inspiration du « redressement industriel national » (New Deal) lancé aux Etats-Unis après la grande dépression de 1929 par le président Roosevelt. Lorsque le président de la République m'a proposé ce ministère, je l'ai interrogé sur son intitulé : pourquoi pas redressement industriel ? Parce que, m'a-t-il répondu, les services, l'agriculture, sont également menacés : c'est donc toute la chaîne économique est donc concernées. Indiscutablement, dix années de pertes de ressources productives, la disparition de 750 000 emplois industriels, une balance commerciale en déficit de plus de 70 milliards sont autant de symptômes d'une économie malade. Dans un monde ouvert à la compétition, la question de notre stratégie par rapport à la mondialisation doit se poser. Tel est l'esprit du redressement productif, qui demandera des efforts à chacun. Avec le Premier ministre, nous engagerons le dialogue, face à chaque sinistre économique, en veillant à l'équilibre des responsabilités. Nous en appelons tout d'abord à la responsabilité industrielle des actionnaires ou des financiers et ensuite à la responsabilité sociale des entreprises, car les salariés ne peuvent rester la permanente variable d'ajustement face aux difficultés, si ce n'est aux erreurs de gestions ou aux caprices de l'actionnariat ; nous en appelons enfin à la responsabilité économique des syndicats : on ne peut engager le rapport de force sans tenir compte de la réalité économique, au risque de perdre l'outil de production. Il nous faut donc travailler à rapprocher les points de vue, pour rassembler. J'aborde tous les dossiers dans cet esprit. Les salariés ne doivent pas être les seuls à faire des sacrifices, surtout en un temps où l'emploi est la priorité. Les actionnaires doivent recapitaliser, les banquiers reconnaître leurs erreurs éventuelles, les donneurs d'ordres et partenaires assurer l'indispensable solidarité. Tous les pays qui ont su s'engager dans cet esprit d'entraide ont surmonté la crise. Les pays aujourd'hui conquérants avaient su s'unir. N'oublions pas que la question du chômage est en jeu : il doit reculer.
Par ailleurs, tout plan de reconquête soulève la question de notre place dans la mondialisation. La question de la compétitivité-coût n'est pas pour nous un sujet tabou mais on ne saurait entrer dans ce débat avec des slogans choc sur le coût du travail. Je note que parmi les constructeurs automobiles, tous n'ont pas la même analyse : voyez Toyota, qui a relocalisé la construction de ses voitures à destination du marché américain du Nord. Didier Leroy, PDG de Toyota Europe reconnaît lui-même que la baisse du coût du travail, qui représente 8 à 15 % des coûts de construction, ne procure pas un avantage compétitif sérieux. S'agissant de la comparaison avec l'Allemagne, il est vrai qu'une politique de désinflation compétitive a permis, à notre voisin, de rattraper la France en dix ans, mais aujourd'hui, les syndicats allemands revendiquent et obtiennent des hausses de salaire IG-Metall vient de négocier les 32 heures dans la métallurgie : évitons donc le dogmatisme et les préjugés.
Si dans certains secteurs, les constructeurs demandent une baisse du coût du travail, ce n'est pas le cas dans d'autres filières.
Les coûts de production ont, je le rappelle, trois composantes et ne se limitent donc pas au coût du travail, et du financement de la protection sociale. Sur ce premier point, le Premier ministre a confié à Louis Gallois une mission d'enquête qui permettra de structurer le débat dès la rentrée. Car il n'y a pas de débat interdit et vous serez invités à participer pleinement à cette analyse afin que nous arrivions au point de vérité. La Nation ne doit ni esquiver ni escamoter le débat.
En second lieu, il faut aussi prendre en compte le coût du capital, et -disons-le- la « gourmandise » du système financier. L'anglo-saxonisation de notre économie pose un vrai problème, car elle ne correspond pas à l'ADN de notre modèle économique et social. L'utilisation de l'endettement comme moyen d'acquisition des entreprises, par le LBO (leveraged buy-out ou acquisition avec effet de levier), a provoqué de nombreux dégâts, et lorsque le ratio ROE (return on equity ou rendement des capitaux propres) sert de boussole à l'ensemble des investisseurs au point de fermer des entreprises pourtant profitables parce qu'elles n'ont pas une rentabilité à deux chiffres. Où est donc la nationalité et l'équité ? Quand les outils industriels rentables disparaissent ? Face à ce que le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz appelle la cupidité de la finance, il faut rechercher dans toutes les directions des outils de modération. La modération, voilà l'esprit du ministère du redressement productif.
Troisième facteur, l'énergie dont le prix est devenu un élément de la productivité de notre industrie. L'un des enjeux du débat sur l'énergie que Delphine Batho mènera sans aucun tabou, sera de préserver nos acquis tout en imaginant un avenir qui passe notamment par les filières des énergies renouvelables - nous espérons être leaders dans de nouvelles filières. Cet équilibre appartient à notre intelligence collective.
L'autre grand volet de notre plan de reconquête industrielle, est celui du financement. Pourquoi a-t-on imaginé la Banque publique d'investissement (BPI) ? Un tel outil serait superflu si le secteur bancaire privé faisait correctement son travail et finançait l'économie réelle sans se focaliser sur la rentabilité à court terme : la patience est l'arme des investisseurs, l'impatience, l'attribut du système financier. C'est cette contradiction que nous voulons résoudre en créant les conditions d'une mobilisation de notre épargne, véritable atout de la France dans la mondialisation, que nous utilisons peu. Au contraire, nous laissons se développer l'assurance-vie, c'est-à-dire une épargne défiscalisée dont l'encours s'élève entre 1.300 et 1.500 milliards d'euros sans contrôle suffisant sur les investissements qu'elle finance.
La BPI offrira aux entreprises un guichet unique pour l'accès à Oséo ou au Fonds Stratégique d'Investissement (FSI) et rapprochera du terrain les lieux de décision. Les élus locaux y joueront un rôle important en contribuant à la décision sur les engagements financiers. Dans notre esprit, la BPI s'apparente au modèle des banques mutualistes des Länder allemands, dans lesquelles la prise de décision est totalement décentralisée par l'entremise d'un système de drainage de l'épargne locale. Tout en conservant une cohérence nationale, il faut en effet augmenter les possibilités d'engagement sur les territoires. On n'ira plus à Paris plaider un dossier FSI à Paris quand on peut le faire plus efficacement sur le terrain, croyez-en un ancien président de conseil général et conseiller général d'un canton de 2 000 âmes !
En outre, nous ne souhaitons pas que la BPI se comporte comme une banque privée. Au contraire, elle sera une alternative, avec une autre vision de l'investissement, plus de patience et moins de « gourmandise ». Nous allons créer des circuits courts d'épargne, le livret d'épargne industrie servant à financer la PME locale, celle que l'on connaît, qui embauche vos enfants et dont vous appréciez et consommez les produits. Bref, nous voulons ainsi solidariser les territoires autour des entreprises.
En matière d'innovation, beaucoup de choses ont été faites grâce au grand emprunt, à telle enseigne que, député de l'opposition et représentant spécial du candidat François Hollande, je disais qu'il faudrait presque un grand emprunt par an. Nous n'avons certes pas besoin d'endettement public supplémentaire, mais de mobiliser l'investissement et d'attirer les financements privés, voire de les allier à l'investissement public. La France et l'Europe doivent inventer les produits de demain pour que, la production étant aussi un acte culturel, nous ne devenions pas dépendants d'autres cultures ou d'autres identités. Le financement de l'innovation technologique constitue bien un enjeu à la fois national et local, y compris dans des territoires où les PME sont actuellement livrées à elles-mêmes, sans grand groupe pour les aider. Nous investirons pour faciliter la rencontre entre l'innovation technologique, les laboratoires de recherche, et les écosystèmes économiques locaux.
Quel arbitrage dans nos préférences collectives entre producteurs et consommateurs ? En observant certaines évolutions, l'on pourrait imaginer que nous sommes avant tout une nation de consommateurs se ruant sans réflexion suffisante sur le low-cost. Toutefois, selon une étude du CREDOC, 60 à 65 % des Français accepteraient de payer plus cher un bien ou un service produit dans notre pays. Ce changement fondamental signifie que le consommateur est devenu acteur et citoyen : en poussant son caddy, il s'intéresse au circuit de fabrication de la marchandise qu'il acquiert. Objectif politique, le pouvoir d'achat devient suicidaire quand il passe par la destruction de nos entreprises, de nos emplois.
Nous devons réconcilier le consommateur et le producteur. C'est le sens du travail que nous menons avec Fleur Pellerin sur la téléphonie mobile. Nous ne souhaitons pas reprendre aux consommateurs les avantages qu'ils ont acquis mais nous regardons ce qui se passe dans le monde : il y a deux grands opérateurs et deux petits aux Etats-Unis, il y en a deux en Chine, et l'Europe en compte 140 pour 400 millions d'habitants. La balkanisation, la concurrence libre et non faussée, presque sauvage, aboutiront pour les Européens à la perte de souveraineté dans le numérique. Nous serons de simples consommateurs offrant leurs données personnelles comme des objets commerciaux à d'autres puissances, comme nous le faisons déjà avec Facebook ou Google. Nous ne pouvons plus nous contenter d'être des consommateurs amoureux du court terme, notre souveraineté numérique passe par la défense du producteur.
Il est nécessaire de dresser le bilan des années low-cost et de constater les délocalisations dans le secteur automobile, les difficultés d'Air France, ou les plans sociaux dans la téléphonie mobile, comme chez SFR et Bouygues qui affichaient pourtant des résultats et une rentabilité exceptionnels.
Dans le secteur des télécommunications, nous associerons le Parlement aux arbitrages politiques de réequilibrage. La discussion sera aussi multipartite puisqu'elle concerne les syndicats, qui défendent les victimes des plans sociaux, et aussi les salariés invisibles des sous-traitants ; elle concerne également les opérateurs qui cherchent à rétablir leurs marges et leurs dividendes et auxquels nous demanderons quelques efforts, notamment de recapitalisation. Nous discuterons avec les associations de consommateurs, qui nous interrogent légitimement sur les raisons de la remise en cause de certains acquis. Cet équilibre sera défini avec la nation tout entière.
Enfin, la nécessité de réorienter l'Europe vers la croissance fait, grâce à François Hollande, l'objet d'une prise de conscience de la part des dirigeants de l'Union. Le président a installé ce débat au coeur de l'agenda économique européen en pleine crise de la zone euro. Les décisions de remise en ordre des comptes publics doivent être compensées par une mobilisation des ressources européennes favorables à la croissance, car rien n'est pire que d'aggraver les difficultés en pensant les résoudre, comme le médecin de Molière tue le malade qu'il croit soigner par la saignée.
Cette réorientation vaut aussi en matière de politique de la concurrence et de politique commerciale extérieure. Le bloc juridico-politique qui organise la concurrence permanente entre les Européens interdit la naissance de champions européens ou nationaux et favorise toujours le consommateur au détriment du producteur, ce qui nous expose à voir d'autres puissances venir faire leur shopping en Europe, ramasser les brevets, les technologies ou les outils de travail, et faire disparaître les emplois de nos territoires.
Nous demandons la réciprocité en matière commerciale, c'est à dire que l'Europe se défende des divers comportements protectionnistes qu'elle subit des autres pays. La concurrence mondiale déloyale doit être combattue et j'ai déjà, avec l'aide d'un certain nombre de ministres de l'industrie de l'Union, pris des initiatives en ce sens dans le cadre du Conseil de compétitivité. Vis-à-vis de nos concurrents déloyaux, qui ne sont pas soumis aux règles de Bruxelles, nous revendiquons le droit de l'Europe à défendre les Européens plutôt que de les accabler.
Tel est l'esprit du ministère du redressement productif.
Notre modèle industriel classique est largement dépassé. Depuis la Libération, les gouvernements successifs ont aidé les grands groupes. Or, nous avons davantage besoin de politiques de filières et de PME que de soutien du CAC 40. Il faudrait aider nos petites entreprises à grandir alors que les liens entre les grands groupes et leurs sous-traitants constituent à l'inverse un important facteur de désindustrialisation.
Dans le cas d'aides publiques très importantes, comme les 10 ou 11 milliards accordés au secteur automobile, ne devrait-on pas exiger des garanties solides avec l'obligation de réindustrialiser le territoire ? Un Etat régulateur pourrait promouvoir des politiques concertées. Je signale au passage n'avoir toujours pas compris pourquoi il n'y avait pas davantage de coopération entre Peugeot et Renault.
Alors que l'on s'oriente vers une diminution de la part du nucléaire dans le mix énergétique, ce sont aujourd'hui la Chine, l'Allemagne et dans une moindre mesure la Japon qui dominent le marché des équipements en énergies alternatives. Si vous achetez une chaudière à condensation, elle vient d'Allemagne. Des panneaux photovoltaïques ? Ils seront chinois ou allemands. Ne faut-il pas plus de volontarisme pour que la France puisse créer des emplois dans ce domaine ? L'Allemagne a créé 360 000 emplois dans ce secteur tandis que notre filière photovoltaïque est à l'agonie.
Je salue votre dynamisme, car l'industrie ne peut plus être traitée comme elle l'a été. L'une des conclusions du rapport de notre mission d'information sur le sujet était qu'une nation qui n'a pas un socle industriel puissant n'a pas d'avenir.
Tout en affichant avec un certain cynisme des bénéfices importants, Sanofi évoque la suppression à terme de 640 postes de chercheurs à Toulouse et encore davantage à Montpellier. Le schéma est toujours le même : on commence par considérer qu'un écosystème de recherche n'est pas assez pertinent, alors même qu'il est à l'origine, entre autres molécules emblématiques, du Plavix, un anticoagulant reconnu, et on le fait sans prendre en compte l'expertise des représentants des salariés. La direction de Sanofi a, bien entendu, répondu à mes interrogations au conditionnel. On sent toutefois que leur volonté est de recourir à l'externalisation avec le risque de se contenter des molécules déjà rentables, mais soumises à la menace des génériques, sans développer de nouveaux produits.
Allez-vous intervenir, monsieur le Ministre, pour que le dialogue social reprenne non seulement en ce qui concerne la stratégie de ce groupe, mais aussi au sujet des éventuelles décisions à court et moyen terme. Sanofi prétend économiser 2 milliards d'euros d'ici 2015 comme si un laboratoire qui ne produit pas de recherche n'était pas hors-jeu par rapport au redressement productif ?
Si vous soulignez avec raison que l'énergie est un des piliers de notre redressement productif, la commission d'enquête sénatoriale sur a mis en lumière que le prix de l'électricité devrait fortement augmenter au cours des prochaines années, réduisant ainsi l'avantage compétitif que nous tirons du nucléaire. Partagez-vous cette analyse ? La baisse de la part de l'énergie nucléaire ne risque-t-elle pas de nous gêner dans la conservation, voire la conquête de parts de marchés alors que de plusieurs pays, comme la Chine, le Brésil et l'Indonésie la développent ? Comment voyez-vous la place de notre industrie dans ce secteur ?
Qu'en est-il enfin des mesures en faveur de l'innovation et de la recherche, secteurs où nous souffrons pour le moins d'un décalage avec l'Allemagne ?
Je souhaitais évoquer le renouvelable, Martial Bourquin en a parlé ; je voulais vous interroger sur le coût de l'énergie, Jean-Claude Lenoir l'a fait. Il y a des vérités qui devaient être dites et j'ai apprécié vs prises de position dans le dossier Peugeot ! Cette affaire avait bien été mise « sous le tapis » à l'approche de l'élection présidentielle, tout comme pour Air France, Sanofi, Doux ou Pilpa à Carcassonne. Le sort de cette dernière entreprise illustre les excès de gourmandise du capital qui détruisent notre industrie. La filiale américaine du groupe R&R Ice Cream qui l'a rachetée récemment, s'est emparée de ses brevets et licences ainsi que du portefeuille client avant de fermer le laboratoire, puis d'annoncer la fermeture du site au profit d'une usine située...en Pologne ! Voilà comment on sacrifie sur l'autel du profit financier une entreprise dont la marge brute est de 27 %. Tant pis pour les salariés qui resteront sur le carreau... Je dénonce ce comportement inacceptable et vous remercie par avance de votre soutien.
Je suis prêt à souscrire à l'essentiel des propos que vous venez de tenir tant ils reposent sur des vérités frappées au coin du bon sens. En revanche, vos appréciations sur PSA Peugeot m'apparaissent choquantes. Le ministre du redressement productif, en livrant à la vindicte telle ou telle entreprise, ne prend-t-il pas en effet le risque de jeter l'opprobre sur toutes les autres ? Il y a des patrons voyous et il faut les condamner !
On peut le faire devant le tribunal médiatique mais il est préférable de se donner les moyens de mobiliser des arguments recevables en justice ! Or ce que vous dites sur Peugeot est en décalage avec le reste de vos propos.
Les nouvelles règles prudentielles de Bâle 3 et, pour les assurances, de Solvency 2 semblent avoir été mal négociées et sont appliquées avec plus de rigueur en Europe qu'ailleurs, alors même que les comptes des entreprises poussent ces dernières à s'endetter. Dans ce contexte, quel sera le niveau des engagements de la BPI ?
Par ailleurs, je nuancerai vos propos sur le numérique : le triple-play est deux fois plus cher aux États-Unis, pays où 350 000 emplois ont disparu pendant la période de concentration qui a aboutit à un marché bipolaire. Même si les différentes lois consuméristes qui se sont succédé n'ont jamais eu mes faveurs, j'aimerais savoir si vous souhaitez augmenter le prix des abonnements ou remettre en cause les abonnements conclus pour 24 mois ?
Je fais partie de ceux qui ne peuvent que soutenir vos propos qui s'inscrivent dans la continuité de la campagne présidentielle.
Je m'étais opposé au gouvernement précédent au sujet de la SNPE (Société nationale des poudres et explosifs), dont le site de Bergerac a été vendu « à la découpe ». L'activité de production de poudre à usage essentiellement militaire occupe environ 200 personnes : l'Etat reste l'actionnaire principal et le groupe Eurenco dépend des commandes militaires. Il y aurait une possibilité de diversifier l'activité et de maintenir l'emploi en produisant du NEH, un additif au gazole qui atténue son effet sur l'environnement. Quelle est votre vision de ce dossier sur lequel le maire de Bergerac, Dominique Rousseau, vous a interpelé ?
En matière de sous-traitance, nous ne partons pas de rien. Je tiens à remercier M. Jean-Claude Volot, médiateur en charge de ce sujet qui a créé à lui seul une sorte d'agence de notation des donneurs d'ordres dont les avis son repris à la une du magazine Challenges. Cette sorte de « guide Michelin » a mis en jeu leur responsabilité : faut-il aller plus loin ? Nous sommes preneurs des résultats de vos investigations dans ce domaine, l'objectif étant d'éviter la multiplication des lois déstabilisantes, comme nous en avons connu au cours des périodes précédentes. Il faut plutôt unir les entreprises car à l'exportation, nous devons travailler en équipe et, dans un esprit de patriotisme économique, les grandes entreprises doivent donner davantage la main aux petites.
Nous demanderons des contreparties aux aides publiques et en vérifierons l'existence. Ce sera par exemple le cas dans le plan pour la filière automobile que je présenterai demain.
S'agissant de la coopération Renault-PSA, elle existe, vis-à-vis de la sous-traitance, mais il s'agit d'une forme de partage des commandes à la fois implicite et insuffisamment ordonné. Concrètement, pour sauver un sous-traitant en difficulté, Renault dit « si Peugeot y va, j'y vais » et vice-versa : dans ce domaine, tout reste donc à imaginer.
L'industrie photovoltaïque a, en France comme en Allemagne ou en Espagne été détruite par l'offensive asiatique et particulièrement chinoise à laquelle l'Europe n'a opposé aucune mesure de protection. Dans notre pays, l'un des facteurs de déstabilisation a été les allers-retours du précédent Gouvernement. Nous avons, avec Delphine Batho, confié une mission au Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies sur les mesures à prendre pour reconstruire la politique industrielle du pays ? Nous pourrions d'ailleurs conduire cet exercice pour tous les secteurs pour définir, filière par filière, les chemins de la reconquête en nous appuyant sur l'extraordinaire créativité française.
Le cas de Sanofi évoqué par Jean-Jacques Mirassou est significatif : lorsqu'on réalise 5 milliards de bénéfices, il est préférable d'éviter les projets de destruction d'emplois, en particulier dans la recherche et le développement de nouvelles molécules. J'ai rappelé à son Président Directeur Général la nécessité de tenir compte du facteur humain et de dialoguer avec les organisations syndicales pour parvenir à des accords négociés. J'ai aussi invité à la CGT à être constructive car une entreprise peut avoir besoin de se réorganiser. Il s'agit de trouver des compromis acceptables pour tout le monde.
Monsieur Jean-Claude Lenoir, le Premier ministre et moi-même avons exprimé devant la conférence nationale de l'industrie notre confiance dans le secteur nucléaire. L'évolution de notre mix énergétique ne signifie en rien une déprise de cette filière, et surtout pas avec l'augmentation importante de la consommation dans les vingt ans à venir. Bien au contraire, nous travaillons à en améliorer en permanence la sureté : nous rejetons l'esprit low cost et croyons à la vocation exportatrice de cette industrie.
Fleur Pellerin qui suit très attentivement les questions d'exportation et d'innovation veille particulièrement à améliorer la diffusion de cette dernière à la production industrielle. En nous inspirant des Fraunhofer allemands et dans le prolongement du travail des instituts Carnot financés par le grand emprunt, nous allons stimuler la diffusion technologique, notamment par l'organisation de rencontres sur les territoires, car pour nous c'est l'avenir de la France qui est en jeu. Leur dynamisme est un atout qu'il faut savoir utiliser à travers la politique des pôles de compétitivité.
A côté de son intervention en matière de fonds propres (FSI), d'innovation (lex-Anvar) et de fonds de roulement (Oséo), la BPI doit aussi favoriser l'exportation, d'où la question d'une intégration de la Coface dans son périmètre. Cette nouvelle banque devrait disposer d'un budget de 250 millions d'euros consacré à l'innovation, ce qui correspond à peu près au budget d'Oséo, ses interventions en fonds propres étant reprises du FSI qui dispose de 500 millions. Quant à l'encours des prêts, il s'établit à environ 10 milliards, plus une dizaine de milliards au titre des garanties bancaires. Rien n'est encore tranché sur l'affectation des ressources du livret d'épargne industrie : les sénateurs pourront se saisir de ce sujet et faire des propositions.
Bruno Retailleau me reproche mes déclarations sur Peugeot, pourtant modérées et parfaitement équilibrées. Le fait qu'il y ait eu dissimulation n'est nié par personne et reconnu par Philippe Varin lui-même. Cette dissimulation a été crédibilisée par le gouvernement précédent. En effet, alors que les syndicats avaient mis à jour un document de travail daté d'août 2010 annonçant que la meilleure fenêtre pour fermer Aulnay serait après les élections 2012, le président de la République déclarait en novembre 2011, après avoir reçu Philippe Varin, qu'il n'y aurait pas de plan social chez PSA en France. Nous sommes en droit de dire qu'il y a eu une forme d'irresponsabilité du pouvoir de l'époque : ou bien il y avait nécessité de mettre les difficultés sur la table et de ne pas les laisser s'aggraver, ou bien ce n'était pas le cas, et dans ce cas, pourquoi un plan social ? L'actionnaire n'est pas sans responsabilité dans une telle situation. Il est difficile d'expliquer aux salariés pourquoi l'on distribuant des dividendes aux actionnaires au moment où l'on brûlait du cash.
Lorsqu'en tant que ministre je soulève des interrogations, c'est avant tout pour éviter que ces erreurs se reproduisent. Qu'ai-je dit sur France Inter qui ait pu choquer ? Je cite : « Il y a des plans sociaux dans lesquels il est inévitable qu'il y ait des pertes d'emplois pour sauver l'entreprise. Pourquoi ? Parce que chez Peugeot, si le malade n'est pas imaginaire mais bien réel, il y a quand même 80 000 personnes qui travaillent, qui restent chez Peugeot. Nous avons charge de les aider à garder leur emploi. Nous voulons que Peugeot retrouve la bonne santé financière ». J'en appelle à la responsabilité industrielle de l'actionnaire, à la responsabilité sociale de l'entreprise pour que les salariés, vis-à-vis de qui toute entreprise a un devoir, ne payent pas seuls le prix du sacrifice. Les syndicats ont également la responsabilité de tenir compte de la réalité économique. Si Peugeot a des difficultés, nous les constaterons, nous les évaluerons et nous ferons en sorte que les mesures curatives soient proportionnées.
Vous avez convenu que notre politique était frappée au coin du bon sens et je vous en remercie. Notre projet n'est pas de dissimuler les problèmes mais de les affronter ensemble. Si vous voulez mobiliser la nation dans toutes ses composantes, il faut identifier les difficultés, les mesurer, et ensuite, trouver ensemble les solutions pour les surmonter. C'est une méthode d'inspiration mendésiste car c'est en disant la vérité que Pierre Mendes-France a permis à la France de surmonter les crises. C'est ce que nous voulons faire dans cette période très critique sur le plan économique et social.
Vous m'avez interrogé sur le projet de loi sur l'encouragement à la reprise de sites dont la viabilité est avérée.
Nous n'acceptons pas que des groupes nous disent, alors même qu'il y a un repreneur pour leur activité sur notre territoire, qu'ils s'en vont fabriquer ailleurs. C'est inacceptable pour les Français et pour n'importe quel gouvernement ! Nous souhaitons organiser et encourager les reprises : quand un repreneur se présente, on peut logiquement supposer qu'il s'est assuré que l'affaire est rentable. Face au tout libéral, voilà comment la République va se réarmer ! Dans l'affaire Pilpa, nous allons imaginer des solutions pour éviter que le site disparaisse.
Ma question portait surtout sur les délais d'adoption de ces mesures car il semble qu'il y ait urgence.
Je me félicite de ce discours de reconquête industrielle en rupture avec la période précédente. La suppression de 8 000 postes annoncée par PSA est une catastrophe, en particulier pour le territoire de la Seine-Saint-Denis. Le président du directoire de l'entreprise ayant annoncé qu'il n'y aurait aucun licenciement sec, en sait-on plus sur les solutions qui seront proposées aux salariés ? Si l'on parle souvent des CDI, n'oublions pas les très nombreux intérimaires, ces jeunes gens dont on dit parfois bien du mal, mais qui ont en réalité soif d'apprendre et de travailler.
Au vu des informations données par les syndicats et des éléments qui ressortaient des discussions sur le site d'Aulnay que nous avions eu lors du débat du 23 février sur la filière demandé par notre groupe, j'estime que PSA a délibérément menti sur la situation. Hervé Pichon, chargé des relations de l'entreprise avec le Parlement, nous rappelait ce matin que parmi les scénarios envisagés pour le site d'Aulnay figurait la construction d'un nouveau véhicule. Pouvez-vous nous en dire plus sur l'abandon de ce projet ?
Comme mon collègue Bruno Retailleau, je ne puis que m'associer au sens général de la démarche que vous nous présentez. Elle exigera notamment la conduite d'une concertation avec tous les acteurs qui auront à jouer un rôle déterminant et complémentaire.
Je rappelle que le site de PSA Sevelnord était source d'inquiétude depuis la fin du partenariat avec Fiat. Plusieurs conditions avaient été posées à l'attribution d'un nouveau véhicule à produire, après, à titre transitoire, un véhicule utilitaire. Après la rupture avec Fiat, un nouveau partenariat a été trouvé avec Toyota ; il reste à faire en sorte que cet utilitaire hybride soit fabriqué à Sevelnord plutôt qu'en Espagne : en clair, comment réduit-on l'écart de compétitivité. Cela exige une concertation entre PSA et les organisations professionnelles sur l'emploi, et aussi que l'Etat et les élus se mettent autour de la table dans le cadre du comité de suivi régional, pour dire concrètement comment chacun pourrait accompagner ce projet.
Enfin, quid du crédit impôt recherche ?
Votre volontarisme nous réjouit, monsieur le Ministre. L'Allier compte cent sous-traitants de l'industrie automobile employant 4 500 personnes. Dès le 23 février, j'avais posé la question de la sous-traitance. Ces entreprises sont souvent malmenées par les donneurs d'ordres alors qu'elles sont un facteur essentiel de réussite de la filière. Ne pourrait-on pas, au- delà des bonnes pratiques, créer un véritable statut du sous-traitant de façon à rééquilibrer les choses, voire soumettre les contrats au contrôle de légalité ? Au nom de la sécurité, ne devrait-on pas limiter plus drastiquement la sous-traitance dans l'industrie nucléaire ?
Pour finir, je mentionnerai un cas particulier : JPM, une entreprise de serrurerie à Avermes, qui employait 461 personnes en 2009, a investi en Chine, ce qui signifie que demain, il n'y aura plus personne à Avermes. Le président du conseil général vous a demandé un rendez-vous sur ce dossier. Pourrez-vous nous répondre ? Comment le commissaire au redressement productif peut-il intervenir dans un tel cas ?
L'industrie de la pêche peut elle aussi contribuer au redressement productif. Ne l'oublions pas, avec 11 millions de kilomètres carrés, la France dispose du deuxième domaine maritime mondial. Allez-vous vous engager dans cette bataille de l'industrialisation au coeur de l'Europe ? A mon sens, la France joue « petit bras », sans occuper la juste place que lui confèrent ses territoires ultramarins.
Par ailleurs, vous avez annoncé la création de 22 commissaires au redressement productif. La France compte pourtant 26 régions. Le manque sera-t-il comblé ?
La stratégie de reconquête industrielle prendra du temps. Aussi, au-delà des mesures d'urgence, j'invite à organiser un Grenelle de la réindustrialisation afin de définir les actions à mettre en place dans la longue durée. Encore faut-il toutefois que les entrepreneurs soient compris et respectés, ce qui n'est pas certain lorsqu'un sondage révèle que 57 % des Français ne veulent surtout pas prendre de risque.
En second lieu, quelle est votre position sur les gaz de schiste ? Faut-il tirer un trait sur cette énergie peut-être utile pour l'avenir ?
Enfin, puisque vous estimez que le débat sur le coût du travail et de la protection sociale doit être ouvert, pourquoi avoir supprimé la TVA sociale avant d'avoir pu l'évaluer ?
Les Vosges sont un département sinistré sur le plan industriel où le textile a été remplacé par les sous-traitants automobiles qui connaissent aujourd'hui des difficultés, comme c'est le cas de l'entreprise TRW. En outre, à Uriménil, Bihr, qui est le leader européen de la ficelle agricole, est aujourd'hui confronté à une sévère concurrence portugaise, tandis que Lactalis, qui avait racheté il y a dix ans une laiterie employant 300 personnes, va transférer sa production de fromage en Italie. La transformation quitte nos villages et toute la vallée se désindustrialise. Monsieur le ministre, qu'allez-vous faire ?
Je tiens à souligner que le consensus autour de votre démarche est un élément très important. Par ailleurs, dans mon département, la SNCM doit acheter huit navires dont quatre à très court terme. Trois chantiers navals sont en compétition : STX à Saint-Nazaire, un sud-coréen et un japonais. J'espère que le Gouvernement saura influencer la décision pour aller dans le bon sens. Enfin, la BPI sera-elle déconcentrée pour être plus proche des entreprises, en particulier des PME ?
Il y a, à côté d'Aulnay, une ville qui s'appelle Sevran et que l'on cite plus souvent dans la rubrique faits divers que dans les pages économiques : elle est devenue un symbole de pauvreté après le départ de Kodak et de Westinghouse. Si le site d'Aulnay fermait ses portes sans accueillir de nouvelles activités, cette ville pourrait devenir un autre Sevran, ce qui serait dramatique.
Pour PSA Peugeot, nous en sommes à la phase d'analyse de la situation et je rappelle que M. Emmanuel Sartorius nous remettra son rapport le 31 juillet. Au-delà de l'analyse des comptes nous souhaitons une étude de la situation économique de l'entreprise, afin de dégager un diagnostic partagé par tous, notamment la direction et les syndicats, ce qui nous rendra plus forts. Le 15 septembre, M. Sartorius remettra le second volet de son étude, qui portera sur l'ensemble des aspects de la stratégie de développement de Peugeot, de ses alliances, de sa gamme et de ses implantations. L'objectif est de pouvoir accompagner au mieux le redémarrage de l'entreprise. Toute l'histoire de l'industrie automobile est faite de cycles de destructions d'emplois suivies de réembauche et il n'y a pas de fatalité. Je sais que les élus souhaitent pouvoir rassurer les populations, mais je ne puis rien vous dire des mesures qui seront prises car nous en sommes à la phase de diagnostic. Chaque chose en son temps, et le débat sur les différentes options aura lieu en septembre.
A Sevelnord, lorsque l'accord entre PSA et Toyota sera finalisé, il reviendra à l'ensemble des acteurs, y compris les syndicats et les collectivités territoriales, de se mettre autour de la table afin de définir des modalités d'accompagnement les mieux adaptées.
Le dossier évoqué par Mme Mireille Schurch est suivi par le commissaire au redressement productif d'Auvergne. Pour sa part, le ministère se consacre aux entreprises de plus de 400 salariés. Tout comme le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) au niveau national, les commissaires interviennent à différents stades de la vie de l'entreprise. Lorsque les difficultés d'une entreprise ne sont pas publiques, ils travaillent en respectant la confidentialité et donc sans les élus. En revanche, lorsque les choses sont connues ou font l'objet de rumeurs, ils réunissent l'ensemble des parties prenantes en invitant les élus et les syndicats. Dans tous les cas, nous évitons d'attendre que l'entreprise fasse l'objet d'une procédure devant le tribunal de commerce, car celui-ci prononce une liquidation dans 75% des cas. Les commissaires au redressement productif ont beaucoup de travail, car ils sont en charge de 3,5 millions d'entreprises, contre 3 500 entreprises pour le CIRI. Nous engageons donc une déconcentration de l'action de soutien et je vous incite à participer à cette mobilisation de l'ensemble de la société.
A Michel Vergoz, j'indique que le ministre des Outre-Mer, M. Victorin Lurel, va me proposer, pour les territoires ultra marins, la création des équivalents des commissaires au redressement productif en métropole. L'industrie maritime constitue, comme vous le soulignez, un enjeu fondamental. Aux Antilles comme dans l'Océan indien, nous sommes attachés à développer toutes les potentialités utiles à nos compatriotes.
A Daniel Dubois, je fais observer que l e Grenelle de l'industrie existe déja: c'est la conférence nationale de l'industrie, que le Premier ministre vient de fortifier sous la forme du Conseil national de l'industrie. Nous y associons les régions et les partenaires sociaux et il est structuré selon les filières. De nouvelles filières seront invitées à se créer et à participer au débat public.
La TVA sociale a fait l'objet d'une décision politique. Ici encore, nous n'en sommes pas encore aux solutions, mais au diagnostic. Il faudra mener des discussions équilibrées, où chacun apportera sa pierre, pour bâtir les solutions. Quant au gaz de schiste, un grand débat sur l'énergie impliquera la nation tout entière à la rentrée. Les parlementaires des deux chambres y seront associés.
Monsieur Jackie Pierre, j'ai répondu tout à l'heure à l'Assemblée nationale à François Vannson que nous souhaitions entrer en contact avec les propriétaires américains du groupe TRW pour trouver les conditions du maintien de l'industrialisation du site avec ou sans eux.
Monsieur Yannick Vaugrenard, nous sommes particulièrement attentifs à la situation de la construction navale et aux projets de la SNCM. Ce dossier suit son cours. Pour la BPI, nous souhaitons un haut niveau de déconcentration associé à des institutions décentralisées.
Claude Dilain m'a interrogé sur Aulnay et son avenir. Je souhaite, quoi qu'il arrive, maintenir le caractère et l'activité industriels du site. Tout reste à imaginer. Pour l'instant, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous n'en sommes pas là.
Monsieur Bruno Retailleau, aucune décision n'est encore prise sur la question des prix des forfaits dans le secteur des télécommunications. Nous consultons les organisations de consommateurs et les opérateurs. Nous sommes néanmoins dans l'urgence et nous avons demandé à SFR et à Bouygues de retirer leurs plans sociaux. Nous chercherons à faire évoluer le modèle économique des opérateurs dont l'irruption de Free a modifié l'équilibre. Il est inacceptable de voir surgir des plans sociaux dans un secteur à l'abri de la concurrence mondiale, qui utilise le domaine public hertzien, et qui dépend essentiellement des règles fixées par l'Etat et l'ARCEP, et accessoirement de l'Union européenne. A nous de trouver un équilibre, dans l'intérêt national et celui de l'emploi. Nous y reviendrons car j'ai l'intuition que nous allons nous revoir.
C'est une certitude ! Nous attendons une date pour le projet sur les reprises...
La commission a procédé à l'audition de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, accompagné de M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire.
Après le Premier président de la Cour des comptes et le ministre du Redressement productif, nous recevons à présent M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, accompagné de M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire. Messieurs les ministres, vous serez interrogés, sans nul doute, sur de nombreux sujets dont notamment les évolutions possibles de la politique agricole commune (PAC) et l'avenir de la viticulture. Je rappelle que chaque question doit être limitée à deux minutes afin de permettre l'expression du plus grand nombre de sénateurs.
Avant que M. Guillaume Garot ne s'exprime sur l'agroalimentaire, je rappellerai les principaux enjeux, qu'ils soient structurels ou d'actualité.
L'enjeu structurel majeur est celui de la réforme de la PAC. L'aspect budgétaire est à cet égard déterminant et je réaffirme que la France ne pourra pas promouvoir une diminution de la contribution de la France au budget européen et, dans le même temps, le maintien des moyens de la PAC. Mais l'autre aspect concerne le contenu de la réforme de la PAC. La discussion s'est engagée il y a près d'un an, sur la base des propositions de la Commission européenne, qui sont fondées sur deux principes :
D'une part, une convergence est engagée sur le niveau des aides directes versées aux agriculteurs dans les différents États membres de l'Union européenne. Nous allons vers une aide de base à l'hectare, complétée par le « verdissement ». La Commission confirme également le découplage de l'ensemble des aides, avec une petite marge laissée aux Etats membre pour quelques aides couplées. La France ne doit toutefois pas être le pays qui contribue le plus au financement de la convergence entre Etats membres sous prétexte qu'elle dispose de la plus grande surface agricole utile et donc des plus importants versements. Je défendrai l'idée selon laquelle cette convergence « externe » doit être financée en tenant compte du taux moyen de retour à l'hectare, car nous sommes loin d'être le pays bénéficiant du plus fort niveau d'aide à l'hectare.
D'autre part, il faut définir le modèle de convergence interne, c'est-à-dire le mode de sortie des références historiques au sein de notre pays. Or nous avons des contraintes différentes de nos voisins. La France comprend quatre grandes zones du point de vue des niveaux de droits à paiement unique (DPU) : une zone de polyculture-élevage dans le Grand Ouest, une zone céréalière, une zone de bassin allaitant et une zone de productions méditerranéenne et de montagne, alors que les autres pays européens ont souvent des systèmes agricoles beaucoup plus homogènes. La convergence interne ne doit pas remettre en cause certains modèles de production, notamment dans le Grand Ouest.
Notre diversité est une force sur les marchés, mais aussi une faiblesse dans les négociations européennes car nous sommes touchés de manière diversifiée par les choix actuellement en discussion. La position de la France consistera à faire valoir cette diversité.
L'autre grande orientation de cette réforme de la PAC est le verdissement, c'est-à-dire la prise en compte de la durabilité de l'agriculture. Une aide au titre du verdissement sera versée à condition que trois critères soient respectés : le maintien des prairies permanentes, la diversité des cultures sur chaque exploitation et la présence d'infrastructures d'intérêt écologique. Il n'y a pas de désaccord de fond de la France sur ces propositions, mais des adaptations seront nécessaires. Il faut négocier des souplesses nécessaires pour pouvoir appliquer le verdissement dans le cadre du premier pilier et prendre en compte, là encore, la diversité de l'agriculture française.
Il faut par ailleurs conserver un couplage des aides. Un découplage complet risque d'amener des agriculteurs à cesser l'élevage laitier ou allaitant et retourner les prairies pour se lancer dans la culture céréalière, beaucoup plus rentable.
Or la diversité de l'agriculture française doit être conservée car il existe de lourds enjeux pour l'avenir. Dès cet été, la sécheresse aux États-Unis et peut-être en Russie va créer une tension sur les marchés de céréales, augmentée par la spéculation, avec un risque sur les revenus des producteurs de viande qui seront amputés par l'augmentation du coût de l'alimentation du bétail. Mais la hausse des prix des céréales peut aussi faire peser des risques sur les pays en développement en provoquant une crise alimentaire et de nouvelles émeutes de la faim. Nous devons donc préserver l'élevage, en tenant compte du fait que la tendance mondiale favorise la demande de viande, et que nous détenons 45 % du potentiel de production en Europe. Si nous perdons nos forces sur le bassin allaitant, notre capacité d'exportation s'effondrera.
En termes de calendrier, il est envisagé d'aboutir à un accord sur la PAC au premier semestre 2013, durant la présidence Irlandaise, ce qui nous amènerait à examiner ensuite une loi-cadre sur l'agriculture, l'agroalimentaire et la forêt, qui prendrait en compte le nouveau cadre européen, au second semestre 2013.
J'aborde à présent le deuxième pilier. Il sera lié au cadre budgétaire global et national, car les aides du deuxième pilier relèvent du cofinancement. Notre stratégie comportera d'ailleurs certainement des transferts entre le premier et le deuxième pilier.
S'agissant du plan Écophyto 2018, on est un peu en échec après le Grenelle de l'environnement : les molécules actives les plus dangereuses ont disparu à 87 %, mais le volume global de pesticides consommés stagne alors que l'objectif était de réduire leur usage de 50 % en 2018. De même, les surfaces en agriculture bio devaient être à 20 % en 2020 : on n'en est qu'à 3,5 %. Les objectifs ne seront donc pas atteints. La Conférence environnementale se saisira de cette question. Une bonne stratégie consisterait, pour avancer sur ce sujet, de basculer d'un système de normes et de contraintes définies exploitation par exploitation à une dynamique plus collective et active des producteurs, tendant à modifier les modèles de production. Cela sera l'enjeu de la loi-cadre, pour laquelle on proposera la création de groupements d'intérêt économique et environnemental.
Je passe le relais à Guillaume Garot, chargé de l'agroalimentaire, car l'agroalimentaire est lié évidemment à notre agriculture.
L'enjeu du secteur agroalimentaire est de contribuer au redressement économique national.
Les chiffres paraissent certes flatteurs : 500 000 emplois, plus de 8 milliards d'euros d'excédent commercial. Pourtant, je note certaines fragilités qui sont autant de signaux d'alerte : depuis cinq ans, nous avons perdu des places à l'exportation. Les excédents proviennent essentiellement du vin, des spiritueux, de certains produits laitiers, mais nous avons reculé sur de nombreuses autres filières.
Le premier défi à relever consistera à améliorer la performance de nos entreprises afin de gagner des parts de marché à l'export mais aussi sur le marché intérieur. À titre d'exemple, 40 % des poulets que nous consommons sont importés : nous sommes concurrencés par les pays émergents comme le Brésil, mais aussi par nos partenaires européens.
La compétitivité est également affectée par la petite taille des entreprises : les PME ne sont pas toujours bien armées pour être efficaces à l'export. La recherche et l'innovation seront la clé de la création de valeur ajoutée, car ce n'est pas sur le coût du travail que l'on pourra être compétitif face au Brésil ou à la Thaïlande. Or les dépenses de recherche et développement représentent seulement 0,7 % du chiffre d'affaires de l'industrie agroalimentaire, contre 2,3 % pour l'ensemble de l'industrie manufacturière. Je crois aussi au rôle que peut jouer la future Banque publique d'investissement, qui va aider à créer de la valeur ajoutée dans la filière, en plus des autres outils classiques que l'État a à sa disposition.
Le deuxième défi pour l'agroalimentaire est social : il s'agit de l'emploi. Il faut déjà pourvoir les 10 000 emplois non pourvus actuellement, en raison de l'image dégradée de ces métiers, mais aussi parce que les relations sociales ne sont pas satisfaisantes et que la formation et la qualification sont insuffisantes. Il faudra moderniser le modèle social de l'agroalimentaire pour améliorer l'attractivité des métiers.
Le troisième défi, culturel, est celui de l'alimentation. Si on se fixe comme objectif de produire, de transformer et de manger mieux, on réussira aussi à vendre mieux. Il s'agit d'atteindre la qualité des produits pour tous, notamment dans le domaine de la restauration collective. Il faut tendre vers une qualité toujours plus grande.
Nous engagerons à l'automne 2012 un travail avec l'ensemble de la filière agroalimentaire pour trouver des réponses durables et opérationnelles à ces trois défis. Des tables rondes réuniront en région les acteurs économiques, sociaux et les pouvoirs publics afin de trouver des solutions rapides, même s'il faudra des années pour transformer et moderniser le secteur agroalimentaire français.
Les agriculteurs sont déjà soumis à un grand nombre de clauses de conditionnalité environnementale. Le verdissement ne risque-t-il pas de constituer une contrainte plus forte en France que dans les autres pays ? Comment peut-on compenser les baisses de revenus qu'entraîne pour les éleveurs bovins la hausse du prix des céréales, qu'ils ne peuvent pas répercuter sur les prix de vente ? La contractualisation a été mise en place par vos prédécesseurs, mais d'autres solutions ne sont-elles pas possibles ? La loi-cadre devrait à mon sens permettre de s'attaquer à la question du coût du foncier, qui pose de graves problèmes pour la transmission des exploitations. Enfin, il faudrait, comme les Allemands dans l'industrie, mettre l'accent sur la qualité, pour laquelle les consommateurs sont prêts à payer un peu plus.
Il faut maintenir le budget de la PAC mais aussi celui des fonds structurels, en prenant en compte les spécificités régionales dans les futurs droits à paiement de base. Je suis inquiète pour l'avenir du Massif central et du bassin allaitant : en Limousin, le revenu moyen des éleveurs a baissé de 8,9 % cette année encore. Les outils de régulation sont insuffisants dans la proposition de la Commission européenne. Enfin, la forêt et le bois sont un enjeu important en termes de production, mais aussi de balance commerciale. Quelles solutions peuvent être envisagées ?
Que pensez-vous des apports du Parlement européen sur les questions relatives à la PAC et en particulier à la viticulture ? Compte tenu de la forte mobilisation relative aux droits de plantation, quelle est la position d'une part du ministre de l'agriculture français, d'autre part du négoce au niveau européen ?
Après avoir modifié par décret les règles relatives aux élections aux chambres d'agriculture au niveau régional, irez-vous plus loin au niveau départemental ainsi que dans le cadre des interprofessions ? Comptez-vous proposer des dispositions pour la défense des semences fermières et l'encadrement des obtentions végétales ? Par ailleurs, les nouvelles normes du comité d'orientation pour des pratiques agricoles respectueuses de l'environnement (CORPEN) peuvent-elles encore être modifiées compte tenu de leurs effets désastreux sur l'économie et l'environnement ? Concernant la cartographie des zones humides, personne ne peut nous dire quelles seront les limitations pour l'élevage. Enfin, pourriez-vous faire le point sur le groupe Doux ?
Les références historiques sont basées sur des rendements, avec des droits à paiement très différents d'une région à l'autre : comment vous y prendrez-vous vis-à-vis des organisations agricoles pour promouvoir la convergence ? S'agissant du verdissement, ne faut-il pas laisser aux agriculteurs la possibilité de choisir eux-mêmes leurs nouvelles orientations ? On ne nourrira en effet pas une population mondiale en croissance avec de la viande, mais plutôt avec des céréales. Quelle est votre position sur une éventuelle régionalisation des aides européennes ? Je rappelle enfin qu'il faut associer la recherche publique, avec l'INRA, et la recherche privée, pour que l'agriculture progresse.
La production de la « ferme France » pourra-t-elle se maintenir à l'horizon d'une décennie ? Les aides européennes ne pourraient-elles tenir compte de la fluctuation des prix européens des matières premières agricoles d'une année sur l'autre ? Projetez-vous de renforcer la politique de soutien aux zones de montagne, et plus particulièrement à celles d'élevage, qui rencontrent des difficultés particulières ?
Je souhaiterais apporter les éléments de précision suivants :
- s'agissant du « verdissement » de la PAC et de la conditionnalité, l'axe général de la proposition de la Commission européenne sera respecté, mais adapté. Nous tacherons ainsi de connecter ces problématiques avec les bonnes conditions agro-environnementales, et de prendre en considération dans le verdissement ce qui se fait déjà en la matière ;
- la mise en place d'un système de deficiency payments, où les aides aux différents secteurs varieraient selon leur conjoncture, serait idéale. Elle se heurte cependant à l'absence de budget fédéral au niveau européen, faisant que les décisions d'allocation de crédits sont prises pour sept ans. Un objectif de flexibilité budgétaire est aujourd'hui poursuivi. Sur la convergence par exemple, un rééquilibrage des aides est recherché ; il aboutirait cependant à figer à nouveau les situations. Je compte sur votre soutien pour faire avancer ces dossiers dans l'intérêt général, notamment dans les discussions avec les organisations professionnelles agricoles (OPA) ; ce sera délicat, car équilibrer les aides impliquera de prendre à certains pour redonner à d'autres ;
- concernant la volatilité des prix, la Commission européenne propose de mettre en place un fonds de crise, mais a posteriori. Les « filets de sécurité » des systèmes d'intervention sont trop bas ; nous cherchons à les remonter. Nous avons par ailleurs fait évaluer les mécanismes de contractualisation, négociés dans le cadre du « paquet lait » ; je vous en ferai parvenir la teneur. Il faut faire progresser ces contrats, qui ont été réalisés avant la mise en place des organisations de producteurs, d'où la nécessité de renforcer ces dernières. Il faut améliorer la prise en compte des indices dans les contrats, ce qui impliquera une discussion avec les transformateurs et une modification du droit de la concurrence. Le Parlement européen a un rôle de co-décision à jouer sur ce dernier point ; l'eurodéputé Michel Dantin a d'ailleurs proposé une réforme intéressante, que nous sommes en train d'étudier ;
- je suis très clairement favorable à ce que l'on revienne sur la suppression des droits à plantation, en accord avec les ministres d'autres pays, mais aussi sur la segmentation en appellations d'origine contrôlée (AOC), indications géographiques protégées (IGP) et appellation « vins de table » ;
- pour ce qui est des modes de scrutin aux élections et de la représentation des agriculteurs au sein des interprofessions, j'avais dit aux OPA que je changerais les règles aussi vite que possible. Six mois à peine avant les élections, cela posait cependant des difficultés juridiques. Au niveau départemental, nous sommes passés du système du plus fort reste à celui de la plus forte moyenne afin d'améliorer la représentativité, et avons réduit de 15 à 10 % le seuil de représentativité, ce qui revient à s'aligner sur les règles générales de la démocratie sociale. Au niveau régional, nous avons ouvert une représentativité pour l'ensemble des OPA, en prévision d'une régionalisation du deuxième pilier et d'une montée en puissance des chambres régionales. Cette réforme est applicable dès maintenant, soit six mois avant les élections ;
- sur les semences fermières, dont la réglementation se fait à l'échelle mondiale et européenne, il faudra trouver des éléments de dérogation pour autoriser le triage à façon, tout en permettant le financement de la recherche sur les obtentions. Il faudra trouver le juste équilibre. Votre proposition sera examinée attentivement dans ce cadre.
Je suis en accord avec vous sur le parti-pris de la qualité et l'importance d'un volontarisme pour assurer la transition sur le bio. Le rapport de l'inspection général des finances (IGF) de l'année dernière sur les niches fiscales considérait favorablement le crédit d'impôt biologique, créateur d'emploi et bénéfique pour l'environnement, contrairement aux mesures de soutien aux agro-carburants, très demandeurs en intrants ; je compte d'ailleurs défendre un amendement de suppression de cette niche fiscale dans le cadre de la loi de finances rectificatives.
La gestion de la tuberculeuse bovine dans notre département a été exemplaire, avec la mise en place d'un mode de dépistage n'impliquant pas nécessairement l'abattage. Or, il a été remis en cause par une directive européenne, ce qui inquiète nos éleveurs ...
Quelle est, Monsieur le Ministre, votre politique vis-à-vis des Haras nationaux ? Je vous ai adressé un courrier relatif à la contrefaçon de Calvados ; pourrez-vous s'il vous plaît y répondre ? Enfin, sur quels points vous différenciez-vous de votre prédécesseur ?
Je veux vous apporter les éléments de précision suivants :
- Sur les objectifs de développement de la bio, l'orientation serait peut être plutôt de doubler les surfaces en bio d'ici cinq ans, soit que nous passions de 3,5 à 7 % de la surface agricole utile (SAU). Un plan bio, en cours de négociation, sera proposé en ce sens rapidement ;
- nous sommes contraints au respect des règles européennes sur la tuberculose bovine, sous peine de perdre le label, non seulement en Côte-d'Or et en Dordogne, mais au-delà, dans toute la France. Je suis obligé de faire preuve d'une grande fermeté sur ce point, même si cela entraîne des gaspillages. Nous négocions toutefois pour tenter de revenir sur certains tests, à condition d'avoir l'accord de l'Union européenne ;
- l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE) connaît des changements profonds, sources de traumatisme. En septembre aura lieu une table-ronde sur son avenir pour décliner, haras par haras, les objectifs qui seront fixés. Les sénateurs intéressés seront conviés ;
- la loi-cadre contiendra une partie consacrée à la forêt. Elle abordera les problématiques de sa replantation-adaptation, de son modèle de développement et du rôle des collectivités territoriales, ainsi que des liens avec les quotas carbone, que la forêt permet naturellement de stocker. Nous exportons du bois brut et importons des meubles aujourd'hui, alors que nous avons la première forêt d'Europe ; elle doit nous permettre de réaliser de la valeur-ajoutée et de contribuer au redressement productif de l'économie.
La réponse du ministre sur les droits de plantation me semble claire. Qu'attendons-nous de plus ? Peut-être davantage de communication du Gouvernement sur cette prise de position. Peut-être aussi que l'on tente de convaincre certains pays comme la Pologne, la Belgique et la Finlande afin d'atteindre cette majorité qualifiée qui contraindra la Commission européenne à présenter rapidement une proposition de rétablissement de cet outil de régulation.
L'aide à l'enrichissement par moût concentré rectifié va être supprimée au 31 juillet en application du règlement européen du 29 avril 2008, ce qui rompt l'équité dans le secteur. Il s'agit en effet d'une mesure de compensation profitant aux viticulteurs des régions ne chaptalisant pas. Elle s'élève à 15 millions d'euros pour la France. Nous attendons des solutions.
Je n'ai pas entendu parler du déficit de protéines végétales dans notre pays, supérieur au million de tonnes, que nous importons, avec ou sans OGM ... Vous avez évoqué le problème des PME agroalimentaires, un sujet que je connais bien pour avoir été président d'un pôle de compétitivité et industriel dans le secteur. Je veux être rassurant sur le dialogue social ; pour autant, comment passer de cycles de travail de trois fois huit heures sept jours sur sept à trois fois sept heures, et comment obtenir des employés qu'ils travaillent le week-end ? Les pôles de compétitivité ont un rôle majeur au niveau régional en matière de recherche ; le problème est aujourd'hui de rassembler les PME. Vous parlez d'exportation ; c'est d'internationalisation des activités qu'il s'agit désormais : il faut implanter des jeunes dans les pays-cibles pour infiltrer les marchés locaux.
On discuterait, m'a-t-on dit, sur la réduction ou la suppression du fonds unique interministériel (FUI). Or, il s'agit d'un outil déterminant pour l'accompagnement des entreprises en fort développement, au même titre, au niveau des groupes financiers régionaux, que Siparex, l'Institut régional de développement industriel de Midi-Pyrénées (Irdi) - que j'ai créé en 1980 avec Alain Savary, et qui se porte très bien - ou Nord Entreprendre, qui accompagnent les PME depuis des années. Conservons la banque d'investissement pour les grandes sociétés, et laissons faire les sociétés régionales pour le reste.
Le système « Roquefort », confédération des industriels et producteurs, gère depuis 80 ans la filière de façon exemplaire et constitue un modèle de contractualisation. En raison du « paquet lait », cette structure se trouve remise en question, mettant en péril 10 000 emplois. Il serait catastrophique pour le département de l'Aveyron de la supprimer.
L'Allier accueille la plus grande chênaie d'Europe ; où en est-on avec l'Office national des forêts (ONF), qui a été très affecté par la révision générale des politiques publiques (RGPP) ? Un nouveau contrat 2012-2016, actant la suppression de 700 emplois, a été signé en 2011 ; allez-vous revenir dessus ?
Le droit de préférence pour les parcelles de moins de 4 hectares tend à limiter le morcellement de la forêt. Ne serait-il pas judicieux de revenir sur ce seuil ? En effet, dans mon département, un investisseur a acheté quatre parcelles d'un hectare chacune, contournant ainsi ce droit et l'obligation d'information qui y liée.
Enfin, l'exigence d'une alimentation de qualité dans les cantines scolaires a-t-elle fait l'objet d'une évaluation ?
Il sera essentiel de soutenir les jeunes agriculteurs dans leur installation. L'irrigation devra également être évoquée, dans le Grand Ouest, mais aussi dans des territoires plus méditerranéens. Le problème des loups devra être traité : leur présence est incompatible avec le maintien d'une activité pastorale dans les zones d'élevage. Nous ne souhaitons pas revenir sur la biodiversité, ni sur la convention de Berne. Lors de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP), un amendement a été adopté à l'unanimité par le Sénat pour prendre en compte cette dimension dans le code rural. Ce sujet devra continuer d'être traité ; il en va de la survie de nos territoires ruraux.
Dans les territoires d'élevage et d'agriculture extensive, il faudra remplacer la prime herbagère agro-environnementale (PHAE) et les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), et trouver des mesures agro-environnementales nouvelles, en vue de conforter le revenu de nos éleveurs. Il y aura une convergence à établir sur les aides au bénéfice des plus faibles. Certains départements peuvent peut-être accueillir des loups, mais c'est impossible dans ceux pratiquant l'agro-pastoralisme avec de nombreux troupeaux sans bergers ; il faut sortir de ces notions de « zones de colonisation » ou de « présence permanente ».
On entend beaucoup parler d'obstacles à la compétitivité, mais la crise ne frappe pas de la même manière tous les opérateurs économiques. Le journal « Les Échos » constate par exemple aujourd'hui que malgré la crise, l'immobilier d'entreprise se porte bien ! Je voudrais aborder la question des rapports complètement déséquilibrées entre la grande distribution et les entreprises agroalimentaires. J'ai reçu leurs représentants. Des plus petites aux plus grandes, ces entreprises connaissent une situation intolérable : malgré l'augmentation des prix des matières premières, il leur est impossible de renégocier les contrats avec les grands groupes de distribution qui disposent de centrales d'achat qui pressurent les agriculteurs et l'ensemble de la chaîne agroalimentaire. Il faut s'attaquer à ce problème majeur. L'argent qui est perdu par les entreprises n'est pas réinjecté dans l'innovation.
Concernant la filière bois, j'ai eu l'occasion de me rendre au Québec pour constater que les Québecois ont réussi à développer leur filière par une mesure simple : interdire la sortie du territoire de bois non transformé. Pourquoi ne pas les imiter ?
Les industries agroalimentaires apportent une contribution positive à la balance commerciale française, ce qui est une bonne chose. Mais il faut aussi évoquer la production agricole à des fins non alimentaires et notamment à des fins énergétiques. Sur cette question, quelle est l'approche du Gouvernement ?
La sécheresse de 2011 a traumatisé le monde agricole. Une solidarité entre éleveurs et cultivateurs s'est mise en place, mais il faut désormais s'attaquer à la question de l'eau. Deux décrets sur l'eau, facilitant notamment la création de retenues collinaires, avaient été préparés par le précédent Gouvernement. La nouvelle ministre chargée de l'environnement, Delphine Batho, nous a annoncé qu'ils seraient abandonnés. Que compte faire le Gouvernement pour faciliter le stockage de l'eau pour l'agriculture ?
Le groupe volailler Doux est en redressement judiciaire depuis le 1er juin. Des propositions de reprise ont été déposées. Pouvez-vous nous informer sur l'action du Gouvernement pour aider au sauvetage de l'activité du groupe Doux ?
Dans la loi sur la chasse du 7 mars 2012, a été mis en place un dispositif plus juste et plus opérationnel d'indemnisation des agriculteurs victimes des dégâts causés par le gibier. Où en est la mise en oeuvre de cette loi ?
Il est plus respectueux pour moi de ne vous apporter de réponses précises que sur les questions qui relèvent strictement de mon portefeuille. Pour les autres questions, des réponses seront apportées soit par écrit, soit en organisant des rendez-vous avec les membres du cabinet de M. Stéphane Le Foll.
M. Chatillon a évoqué les questions de recherche et développement. Le Premier ministre a rappelé l'importance des pôles de compétitivité. Le Gouvernement n'a pas l'intention de baisser son niveau de soutien car il s'agit là d'une priorité.
M. Bourquin a mis en cause le comportement de la grande distribution. Le Gouvernement examine la situation de près. L'accord du 3 mai 2011 de modération des marges devra être mis en oeuvre, et d'autres mécanismes d'atténuation de la volatilité des prix sont à l'étude. En tout état de cause, la répartition actuelle de la valeur ajoutée n'est pas équilibrée et ne peut demeurer en l'état.
M. Détraigne a évoqué les agro-industries, sur lesquelles des progrès restent à faire. Cette question fera l'objet de tables rondes et ateliers décentralisés que j'ai annoncé précédemment. Mais nous avons le souci que l'agriculture garde sa vocation première, qui est alimentaire.
M. Pointereau a évoqué la situation du groupe Doux, qui connaît des évolutions en ce moment même. Placé en redressement judiciaire, le groupe Doux a fait l'objet d'offres de reprises partielles, dont l'une est coordonnée par le groupe Sofiprotéol. Un plan de continuation de l'entreprise a également été annoncé par Charles Doux. Il n'appartient pas à l'État de choisir le repreneur. Cette prérogative relève du tribunal de commerce de Quimper. Mais l'État a la responsabilité de fixer les conditions de son soutien. Le projet retenu devra être viable et durable, avec un objectif majeur : la sauvegarde d'un maximum d'emplois, le groupe représentant aujourd'hui plus de 4 000 emplois directs et 10 000 emplois indirects. Dans cet esprit, le Gouvernement a entrepris un dialogue respectueux avec l'ensemble des candidats à la reprise et avec Charles Doux, mais ne pourra accompagner ces initiatives que s'il y a un effort supplémentaire de maintien de l'emploi et de modernisation de l'outil de production.
Le modèle sur lequel reposait le groupe Doux s'est en effet effrité et doit être revu. Si la France importe 40 % du poulet qu'elle consomme, c'est qu'il y a un problème. Il existe un front commun entre État et collectivités territoriales concernées, notamment les Régions, pour encourager ce changement de modèle, qui devra également être respectueux de l'environnement.